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LES ORIGINES ET LE PAGUS TRANS SYLVAM. — LE POUTROCOËT (IXème et Xème SIÈCLES). — PORHOËT, JUVEIGNERIE DE BRETAGNE. — FONDATION DE JOSSELIN. — LES PREMIERS SEIGNEURS. DE GUÉTHENOC A EUDON II (1008-1142).

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Aux premiers siècles de notre ère, le centre de la péninsule Armoricaine était occupé par de vastes forêts, coupées de terrains stériles, où l'homme avait peine à trouver la substance nécessaire à sa misérable existence.

Cette grande région centrale prit corps, sous le nom de Poutrécoët, et forma une division provinciale, ou Comté, qui s'étendait de l'Est à l’Ouest sur une longueur de 25 à 30 lieues, depuis Guichen et Montfort jusqu'aux environs de Rostrenen, et du Nord au Sud sur une largeur d’une douzaine de lieues (vers l’Ouest) entre Corlai et Camors, et même d’une quinzaine (vers l’Est) de Miniac-sous-Bécherel à Saint-Ganton. Cet ensemble offrait diffiérents aspects. La partie orientale, plus peuplée, avait dès le VIème siècle des monastères, entre autres Saint-Méen et Penpont ; au IXème siècle, le Cartulaire de Redon nous y montre un certain nombre de plous [Note : Plou en breton et plebs en latin, est à la fois la paroisse ecclésiastique et la tribu] ; les rois le Bretagne, Judicaël, Erispoë, Salomon, y ont des résidences à Gaël, à Talensac, à Plélan, à Campel, etc. Mais passé Ploërmel, dans toute la partie occidentale, le désert dominait.

Compris dans les limites que nous venons d'indiquer, le Poutrécoët faisait partie du domaine des anciens rois de Bretagne et fut possédé par leurs descendants jusqu'au IXème siècle. Roiandrech, fille de Louvenan, issue de saint Judicaël, transporta en l'an 809 au roi Salomon tout ce qu'elle avait dans les paroisses de Miniac, Moréac et Maëlcat. Cette princesse avait épousé Combrit, dont elle avait eu un fils et deux filles. Ayant perdu son mari et son fils, elle se mit sous la protection du roi Salomon, lui légua tous les biens qu'elle avait dans le pays de Porhoët, avec les successions qui devaient lui échoir, et le pria de regarder à l'avenir ses deux filles comme ses propres sœurs. En vertu de cette substitution, tous les biens de Roiandrech, situés en Porhoët et ailleurs, furent réunis au domaine de Salomon. Après sa mort, en 874, les comtes Gurwan et Pasqwiten partagèrent entre eux le royaume de Bretagne ; la partie septentrionale, dont Rennes était la capitale, échut à Gurvvan et la partie méridionale, avec Vannes, tomba dans le partage de Pasqwiten.

A qui allait passer le Poutrécoët ? Les opinions, sur cette question, ne s'accordent pas. D'Argentré nous indique Alain le Grand, successeur de son frère Pasqwiten, comme le premier seigneur attitré du Porhoët et le présente à l'histoire comme comte de Broërech (Vannes) et de Porhoët ; tandis que Dom Morice, avec Du Paz, Laboureur, Gallet, fait remonter la lignée des Porhoët à Juthaël, fils présumé de Conan le Tors, comte de Rennes. Cette contradiction s'explique par ce fait seul que l'un rattache le Poutrécoët au comté de Broërech ou de Vannes, l'autre au comté de Rennes. L'auteur de la Géographie féodale de la Bretagne fixe la vérité sur ce point obscur, en se ralliant à l'opinion de Dom Morice. Tout le Poutrécoët, après la mort de Salomon, demeura dans la maison de Rennes.

Les ravages des Normands, au Xème siècle, avaient nivelé la société comme le sol. L'occupation prolongée du pays par ces pirates amena la ruine et le bouleversement de toutes les institutions anciennes. Avec Alain Barbe-Torte, la Bretagne se ressaisit et retrouva l'ancienne division de ses Comtés. On revit, non seulement ceux de Rennes, Nantes, mais encore le Broërech, la Cornouaille et le Poher, l'antique Domnonée représentée par les comtés de Treguer et de Penthièvre, le Léon et le Poutrécoët, qui bientôt sera appelé Porhoët. Cet immense territoire dut, à cette époque, subir une transformation ; l'étendue en rendait l'administration trop difficile. Dans la partie orientale, moins vaste, le comte de Rennes tailla trois seigneuries : Gaël, au Nord ; Lohéac, au Sud-Est ; Malestroit, au Sud-Ouest [Note : Gaël paraît vers le milieu du XIème siècle ; Lohéac avant 1008 ; Malestroit seulement en 1119, mais doit néanmoins remonter au siècle précédent. — D. M., Preuves. La baronnie de Lohéac embrassait dans l'origine, très probablement deux châtellenies qui plus tard s'en séparèrent, Bréal et Maure. La baronnie de Gaël, très certainement, dans sa constitution primitive, englobait d'un seul tenant tout le territoire partagé plus tard entre les seigneuries distinctes de Gaël, de Montauban, de Montfort et de Brécilien : le château de Montfort, fondé en l'an 1091, devint depuis lors le chef-lieu de ce vaste fief], et, entre les trois, il se réserva un beau domaine dont le chef-lieu était Ploërmel. Quant à la partie occidentale, où il n'y avait point à ménager le terrain, on était trop heureux de trouver quelqu'un pour prendre charge de gouverner, de défendre, de défricher, de repeupler cette solitude. Aussi n'en fit-on qu'un fief décoré exclusivement du titre de Comté ou Vicomté de Porhoët (on trouve l'un et l’autre), fief important [Note : N'a-t-il pas été qualifié même de royaume (!). Dans la charte de fondation de Sainte-Croix de Josselin il est dit que les bienfaits de Josselin et de son père envers le monastère de Redon sont les causes de la prospérité de leur « royaume » : Regnum ejus (Guetenoci)... et regnum suum (Gosselini)... fuisse multiplicatum... amplificatum, etc.] où s'épanouirent plus tard cent quarante paroisses et, dès avant 1008, concédé à un certain Guéthenoc, vicomte de Chateau-Thro, le premier dont les titres nous sont fournis par des actes authentiques, considéré par certains comme fils de Juthaël.

Bien qu'il y ait contestation à ce sujet, nous n'hésiterons pas à affirmer que le fief de Porhoët fut un apanage du Comté de Rennes. Du Paz n'a point écrit les raisons qui lui faisaient regarder Juthaël comme premier Comte de Porhoët, mais ce pays ayant fait partie du comté de Rennes depuis l'an 874 jusqu'à la fin du Xème siècle, il ne peut en avoir été démembré que pour une inféodation ou par un partage. L'attention que Conan le Tors mit dès le commencement de son règne à recueillir toutes les portions du domaine, qui avaient été usurpées par les seigneurs particuliers et même par les enfants naturels d'Alain Barbe-Torte, ne permet pas de croire qu'il ait inféodé à un simple chevalier de sa cour une terre aussi considérable que l’était alors le comté de Porhoët, tandis qu'il avait des frères et des enfants [Note : Conan le Tors, lorsqu'il mourut en 992, laissa plusieurs enfants, entre autres : Geoffroi, qui lui succéda ; Juthaël, comte du Porhoët, d'après du Paz ; Judicaël, évêque de Vannes, et Catuallon, abbé de Redon] à doter. Il est encore moins croyable qu'il ait permis à ce chevalier de prendre le titre de comte qui n'appartenait qu'aux souverains du pays et à leurs puînés. Le Poutrécoët n'a donc été démembré du comté de Rennes qu'en faveur d'un cadet de cette maison.

Le raisonnement précédent se trouve confirmé d'une façon absolue par les titres de vicomte de Rennes et de comte de Bretagne que les seigneurs de Porhoët ont constamment portés.

Josselin Ier en effet, est qualifié de vicomte de Rennes dans la confirmation d'une donation à l'abbaye de Redon, en 1048, et plus tard dans une donation faite à l'abbaye de Marmoutiers, le jour que Conan II fut proclamé comte de Bretagne [Note : Facta sunt hæc in Rhedonensi civitate coram Conano Comite, in die quâ Comes factus est faventibus Goscelino Vicecomite Rhedoniæ et Roberto Vitriensium custode. Ces deux seigneurs étaient venus à Rennes pour le couronnement du jeune Conan qui était le chef de leur maison. Le consentement de Josselin n'était pas nécessaire pour valider cette donation ; mais il l'était pour celle qu'Hervé de Martigné fit quelque temps après à la même abbaye, c'est pourquoi le notaire qui en a passé l'acte ajoute : Hæc concessit Herveus assentientibus filiis et filiabus suis... nec non et Goscelino Rhedonensium Vicecomite, ex cujus beneficio hæc tenebat. Ces paroles sont remarquables et prouvent deux choses : la première, que le vassal ne pouvait disposer de ses fonds en faveur des Eglises sans le consentement de son seigneur ; la seconde, que Josselin n'était pas qu'un simple officier des comtes de Rennes, tels que sont les vicomtes en Normandie, mais un seigneur propriétaire de la vicomté de Rennes et un apanager de cette maison. — (D. MORICE, Histoire de Bretagne, t. I)].

Ses successeurs portent également ce titre, comme l'attestent différentes pièces, en particulier le sceau d'Eudon III, de 1231, sur lequel on lit : Eudo filius Comitis Vicomes Rhedonennis. Ce sceau, qu'on retrouve aussi sur un autre acte de 1227, d'après M. Piéderrière, est très caractéristique. Sa reproduction figure dans le premier tome des Preuves de Dom Morice ; au dessous du sceau personnel du comte, se trouve le contre-scel de Porhoët chargé des plumes de paon traditionnelles de la maison de Rennes (au nombre de trois, superposées deux et une).

Mais encore étaient-ils Comtes de Bretagne, c'est-à-dire puînés de cette maison. Sans tenir compte des titres d'Eudon II qui pourraient paraître suspects par le fait des prétentions qu'il eut à la succession de Conan III, avant lui, Josselin est appelé Vicomte de Bretagne dans une charte de Geoffroy Martel, comte d'Anjou, en faveur de saint Nicolas d'Angers (C. DESBOIS). Le frère de ce même Eudon, Alain de Porhoët, est dit Comte de Bretague dans une charte du prieuré de Suaweffey, en Angleterre, de même qu'Eudon III dans une lettre écrite par Charles de Valois, comte d'Alençon (DOM MORICE, H. B., t. I).

Il serait superflu d'ajouter ici d'autres preuves ; celles-ci nous paraissent suffisantes pour montrer que les comtes de Porhoët étaient issus des comtes de Rennes qui régnèrent sur la Bretagne pendant la durée d'un siècle. Avec juste raison, ils s'enorgueillirent de cette illustre origine et, comme nous le verrons, la qualité de premier prince du sang de Bretagne, reconnue aux Rohan, leur valut la préséance parmi les autres Barons du Duché et la présidence dès les premiers temps des Etats.

Le Porhoët n'est donc point un nom de château [Note : D'après Cayot Delandre, l'étymologie la plus sérieuse décompose le nom de Porhoët en deux mots celtiques, Porth (cour, château) et coët (bois, forêt), et le traduit par : Château au milieu des bois. Ce château fort, qu'il présume s'être élevé dans la paroisse de la Trinité-Porhoët et qui aurait été le berceau de la famille de ce nom, est malheureusement absolument imaginaire. Aucun texte n'en fait mention ni même permet cette supposition. On trouve : (villa de) Trinitate, en 1251, ce qui prouve que le nom de Porhoët n'est qu'un déterminatif de la Trinité] ni de terre particulière ; mais celui d'un pays considérable, situé principalement au diocèse de Saint-Malo, couvert de forêts et de bois qui s'éclaircirent peu à peu sous la hache des premières peuplades bretonnes venues occuper le centre armoricain.

Cette région centrale fut appelée par les Venètes : Pagus trans sylvam, qu'on traduisit communément en breton, Pou tre coet [Note : Pagus trans sylvam vel Poutrecoët. — (Cart. Red. 833). — Très exactement, pagus se traduisait en breton par Prou, par altération, l'r disparut]. « Peut-être, tout d'abord, avant de porter ce nom que les Bretons lui donnèrent, en avait-il eu déjà un autre, car, dans un récit relatif à des faits du VIème siècle, il est ainsi désigné : In pago Placato, qui Transilva dicebatur [Note : Vita S. Mevenni, document très sérieux dont la rédaction est du XIème s. B. N.], le pagus Tranquille (tranquille par excellence, à cause de sa profonde solitude), qu'on appelait aussi Tro-coët (à travers bois). Peut-être Pagus Placatus était-il son premier nom avant les Bretons ; simple conjecture » (LA BORDERIE, Hist. Bret., L. I).

Mais cherchons la signification exacte de Pagus trans sylvam. Certains auteurs traduisent cette expression par « Pays d'au-delà des bois », ce qu'ils expliquent par la situation même de ce pays par rapport à Vannes, dont il était séparé par une longue chaîne de bois (D. M.). Cependant ici le sens précis de trans ne paraît pas être « au-delà », mais « à travers » [Note : Trans est souvent employé dans ce dernier sens en latin et en français]. L’appellation L'appellation signifierait donc : le Pays à travers bois, Pays sous bois, et justifierait ainsi l'existence ancienne de l'immense forêt centrale, la Brecilien primitive, dont les restes subsistent encore dans les forêts de Paimpont, Lanouée, Lorges, Loudéac, Quenécan, Camors, Tredion... etc. [Note : L'énorme forêt centrale se serait appelée toute entière Brecelien ou Brecilien. Ce nom, encore maintenant, a été relevé par la Borderie dans différents points extrêmes où s'étendait cette forêt. Les poètes du moyen âge en firent Brocéliente ou Broceliande], qui s'étendait, non pas seulement sur la limite sud, mais sur toute l’étendue du territoire central. M. de la Borderie se prononce catégoriquement pour cette dernière interprétation : « Au XIème siècle, nous dit-il, la grande forêt avait été défrichée en partie, surtout vers l'Est, et de ce côté se trouvent les plous (paroisses bretonnes) mentionnés dans le Cartulaire de Redon comme sis dans le " Pou tro coët " ».

Que cette traduction bretonne, qui pourrait au premier abord être considérée comme simple variante ne passe pas inaperçue ! On la retrouve dans les plus anciens textes, et dans la partie du Cartulaire de Redon relative au IXème siècle le même historien a relevé lui-même huit ou dix fois Poutrocoët contre une fois Poutrecoet. Elle est intentionnelle et à n'en pas douter l'expression exacte de Pagus trans sylvam. En effet, dans une démonstration philologique, M. Loth, le savant doyen de la Faculté des Lettres de Rennes, prouve de façon certaine que la forme ancienne du mot Porhoët a été Poutroscoët, la préposition trawo, tros, en gallois, répondant au breton actuel treus à travers (Revue Celtique, t. XVII, 1896).

Poutrocoët devrait donc être, dans l'usage, substitué à Poutrecoët.

La signification de Pagus prête moins ici à la discussion [Note : Bien qu'en général le sens en soit très variable]. Le Pagus, primitivement division de la Civitas, ne fut guère appliqué en Bretagne, à partir du Vème siècle, qu'à une portion du pays souvent indéterminée et d'étendue variable. Si l'on trouve cette expression prise pour désigner la souveraineté d'un seigneur, comme dans pagus Gueroci, pays de Guerech (chef du Vannetais occidental au VIème siècle), plus ordinairement, pagus est une dénomination topographique qui n'a qu'un sens vrai, celui de pays : Pagus Reuvisii, pays de Rhuis ; pagus Ratensis, pays de Retz.

Plus tard, Trans-Sylvam devient nom propre [Note : Factum est hoc in pago Trans-sylvam in aula quæ vocatur campe — D. M., Preuves, t. I, 304] (La Transylvanie) ; ce n'est déjà plus alors une région quelconque, c'est la division provinciale qui deviendra Comté. Poutrocoët ou Poutrecoët, ordinairement adopté au Xème siècle, a été adouci peu à peu, comme beaucoup d'autres noms bretons, et a dégénéré successivement dans ceux de Potrocoët, Porcoët, Porhoët [Note : Si l'on veut suivre l’altération complète, l'on remarquera encore Porrehoït, Podrohoït, Porehet, Poreeth, Porrehodium, Porzenquoët, Pourhouet, Porhoit, qui du reste sont employés souvent de pair avec Porhoët], qui subsiste définitivement seul au XIIIème siècle. Nous nous en tiendrons à cette orthographe consacrée par l’histoire.

Le nom de Porhoët se conserva pendant tout le moyen âge, appliqué à trois circonscriptions importantes formées sur le territoire même que la forêt avait couverte. L'une de ces circonscriptions était féodale, les deux autres ecclésiastiques.

Nous avons déjà vu le comte de Rennes constituer la vicomte de Porhoët et tailler dans la partie orientale de l'ancien Poutrocoët divers fiefs. Ceux-ci : Gaël, Montfort, Lohéac, Maure, Malestroit, Ploërmel, et tout le nord de la vicomte formèrent la partie méridionale de révêché d'Aleth qui fut l'archidiaconé de Porhoët, composé lui-même de quatre doyennés ecclésiastiques : Lanouée, Montfort, Beignon, Lohéac (le premier seul faisait partie de la vicomte de Porhoët). La troisième circonscription était le doyenné de Porhoët du diocèse de Vannes, borné au nord par l’Out (Oust), à l'ouest par le Blavet, au sud par la Claie et le Loch. A part cinq petites trêves ou paroisses, ce doyenné était entièrement compris dans le territoire de la vicomté de Rohan ou dans celui de la vicomté de Porhoët.

Guéthenoc apparaît à l'histoire vers 1008 comme vicomte de Porhoët. Le prince voulant édifier un château digne du nom qu'il portait et sans doute aussi attiré par les vertus d'une statue de la Vierge, qui provoquait déjà la vénération des populations environnantes, résolut d'abandonner la paroisse de Guilliers, où il habitait la modeste demeure de Château-Thro [Note : M. de la Borderie qualifie un peu irrévérencieusement Château-Thro de « Méchante bicoque ». M. Piéderrière écrit en 1872 que les ruines de Château-Thro subsistent encore, aujourd'hui on ne voit que les traces des douves. Le château s'élevait sur un promontoire qui s'avançait dans un étang. Assis sur un roc de 10 mètres de hauteur qui le rendait à peu près inabordable, il était défendu du côté de la terre par des fossés profonds. Naturellement depuis Guéthenoc le château fut reconstruit plusieurs fois, il avait donné son nom à une famille qui se retrouve jusqu'à la fin du moyen âge], pour descendre un peu au sud, sur les bords de l'Oust. Près de la chapelle même, où était vénérée cette Vierge, découverte dans un buisson de ronces, la nature avait dressé, à pic sur la rivière, un rocher inaccessible. C'est sur ce rocher que Guéthenoc jeta les bases de son nouveau château.

Rien ne révèle, avant cette époque, l'existence d'une ville en cet endroit.

Une tradition, qui n'est soutenue d'aucun titre, porte qu'avant l'invention de l'effigie miraculeuse, cette paroisse qu'on baptisa plus tard, comme le château, du nom d'un de ses seigneurs, était dédiée à saint Léger. « Quoi qu'il en soit, nous dit Levot à propos de cette tradition, elle paraît aussi ancienne que la ville même, dont l'origine se perd dans l'obscurité du Xème siècle ».

Nous n'avons aucune affirmation précise sur l'époque de la découverte de la Vierge, que, dit-on, un pauvre laboureur défrichant une terre inculte avait trouvée au milieu des ronces, pieux débris sans doute d'un sanctuaire depuis longtemps ruiné. L'auteur que nous citions tout à l'heure la fait remonter au Xème ou au XIème siècle. Un carme du XVIIème siècle, le Père I. de I. M. [Note : Irénée de Joseph Marie, croit-on, qui vivait en 1660] qui a laissé un opuscule intitulé : Le lis fleurissant parmi les épines, est moins vague et précise même l'année, 808, « longtemps, dit-il, avant la fondation de Josselin ».

Il doit être sérieusement tenu compte de cette donnée. Le Père I. de I. est le plus ancien auteur qui se soit attaché à l'étude de cette dévotion, ses paroles nous paraissent dignes de foi, émanant d'un religieux et du reste aucun texte ne vient à l'encontre de ses dires.

La tradition de saint Léger ; la croyance à la Vierge du Roncier, remontant à la plus haute antiquité et j'ajouterai, le terme même de « Vetus suburbium » employé par le comte Josselin dans la charte de Sainte-Croix nous font donc considérer comme certaine, l'existence, en ce lieu choisi par Guéthenoc pour devenir la résidence seigneuriale de Porhoët, sinon d'une ville, du moins d'un groupement plus ou moins considérable, peut-être même d'un plou. L'emplacement, pour ainsi dire à l'intersection des deux grandes voies romaines : Sipia-Castelnoec et Vannes-Merdrignac et près de cette route naturelle, l'Oust, en était du reste tout indiqué.

Nos ancêtres, imbus d'une foi vive et saine, considéraient que la Providence devait présider à tout acte important et que la protection d'En-Haut, était une sauvegarde pour le présent et l'avenir. C'est pourquoi, l'an 1008, le vicomte de Porhoët en demandant aux religieux de Saint-Sauveur de Redon leur consentement pour fonder son château, parce que, dit-il : « il n'y a que les plantations faites par Dieu qui soient d'une attache solide au sol, » fit présent au monastère d'une table d'argent doré [Note : Autrement dit, d'un retable ou devant d'autel en vermeil, comme le fameux autel d'or, donné par l'empereur Henri II à la cathédrale de Bâle, aujourd'hui au musée de Cluny], se recommanda aux prières des moines, et choisit leur église comme lieu de sépulture ; il décida que le château qu'il allait construire serait soumis à l'autorité spirituelle de l'église de Saint-Sauveur de Redon, et qu'il paierait à cette dernière un cens annuel de cinq sous ; déclara enfin que si le nouveau château était dans l'avenir suffisamment agrandi pour recevoir un prieuré, ce prieuré ne pourrait dépendre que de l'abbaye de Saint -Sauveur [Note : Extrait du Cartulaire de Redon. DOM MORICE, Preuves, I, col. 361]. Toutes ces dispositions furent prises dans l'église de Saint-Sauveur et plus tard confirmées en présence du peuple. Le dimanche suivant l'on planta le premier pieu pour la construction, et l'emplacement même de la chapelle dont la fondation était promise à Saint-Sauveur fut désigné.

Appuyée sur de telles garanties, la destinée de Josselin était assurée. Des fortifications inébranlables comme le roc qui leur servait d'assises, ne tardèrent pas à jeter leur ombre menaçante sur le pays ; l'Oust, sous le calme apparent de son cours paisible, qui en baignait les pieds, constituait un nouveau défi à l'envahisseur et rendait ce côté inexpugnable ; et là, serfs et manants, chevaliers et soldats, prêtres et moines, vinrent chaque jour plus nombreux chercher aide et protection autour de la bannière de la Vierge et de l'étendard des Porhoët.

Le seing de Guéthenoc se trouve sur plusieurs actes que nous a transmis Dom Morice. On le voit assister le duc Geoffroy lors d'une cérémonie, à la cathédrale de Rennes, pour la ratification du droit de bouteillage accordé au chapitre de Saint-Pierre. La piété du prince s'affirme encore par la donation, aux moines du Mont-Saint-Michel, de plusieurs villas (fermes) situées dans les vigueries de Miniac et de Mohon.

Vers 1040, il meurt, laissant de son mariage avec Alarum de Cornouailles, sœur d'Alain Cagnard, trois fils : Josselin [Note : Guethenocus et Gozolinus ejus filius (D. M., Preuves, t. I, col. 362)], Maingui et Tutgual. Suivant son désir, son corps fut inhumé dans l'église de Redon.

C'est ce Josselin, l'aîné des fils de Guéthenoc, qui fît passer son nom à la postérité on le donnant au château dont il termina la construction : aux XIème et XIIème siècles, on l'énonce effectivement, Castellum ou Castrun Goscelini et, en 1283, l’on voit pour la première fois dans les archives de l'abbaye de la Joie : Chastel Josselin. Il ne se contenta pas d'achever seulement la forteresse de son père. En témoignage des bienfaits de Dieu et pour la gloire de sa nouvelle ville, il fonda le prieuré de Sainte-Croix.

Vers 1059, il écrivit à Perennesius, abbé de Redon et successeur de Catuallon, le priant de se rendre auprès de lui. Quand l'abbé fut arrivé, on parla d'abord du monastère que Guéthenoc avait fait vœu de bâtir dans son château. L'emplacement qu'ils choisirent ne fut pas le château même, mais le lieu où quelques années auparavant Guéthenoc avait fait construire une chapelle en l'honneur du Sauveur du Monde.

Le monastère ayant été dédié à la Sainte Croix, sous l'invocation de sainte Corneille et de saint Cyprien, martyrs, Josselin y fit don de tout « le vieux faubourg jusqu'au milieu de l'Ont » et de tous les droits qu'il avait sur les habitants du lieu ; ajoutant encore à cette libéralité plusieurs terres situées dans les diocèses de Saint-Malo et de Saint-Brieuc (en Lanouée, Guillac, Loyat, Guilliers, Mohon, Ménéac, Plumieux, Loudéac, Noyal, Neuillac et Ploerdut). En retour, les religieux s'obligèrent à reconnaître les comtes de Porhoët pour leurs fondateurs et à leur rendre hommage, tant pour les terres qu'ils venaient de recevoir, que pour celles qu'ils pourraient acquérir dans la suite. Un privilège spécial fut accordé par Perennesius, celui d'inhumer dans la chapelle du prieuré. L'acte de fondation fut dressé sous le règne de Conan II, en présence de Josselin, qualifié de Proconsul de Porhoët, et de ses enfants (Cartulaire de Redon, Bibl. Nat. M. fr. 22 330).

Certains auteurs prétendent que le jeune Conan, lors de son couronnement à Rennes, prêta serment entre les mains du comte de Porhoët, lequel, aidé des seigneurs de Vitré, de la Rouraie, de Taslé, l'avait arraché aux griffes de son oncle, le comte de Penthièvre, frère d'Alain III, et c'est en cette circonstance que le prince aurait accordé aux descendants de Josselin le droit de recevoir le serment des ducs au jour de leur couronnement. Quoi qu'il en soit de ce point historique dont les mémoires du temps ne fournissent aucune preuve, c'est un fait constant que les Rohan, puînés des Porhoët, étaient en possession de cette prérogative dans le XVème siècle, et cela depuis un temps immémorial.

Aussi ardent batailleur que tous les seigneurs de son époque, Josselin ne devait pas laisser échapper l'occasion d'aller guerroyer à la suite de Guillaume le Conquérant. Avec les comtes de Penthièvre et de Léon et une phalange d'autres braves, il prit part à cette brillante conquête de l'Angleterre par les Normands. L'on sait que les Bretons secondèrent activement les troupes normandes et qu'ils se distinguèrent notamment à la fameuse bataille d'Hastings, l'an 1066. Comme part de conquête, le comte de Porhoët recueillit de vastes domaines au pays d'Outre-mer.

Il eut pour enfants : Main ou Méen, évêque de Vannes, Roger, Eudon et une fille consacrée au service de Dieu par son père en 1032 lors de la fondation de l'Abbaye de Saint-Georges de Rennes. Son corps fut transporté à Redon.

Eudon succéda à Josselin comme vicomte de Porhoët en 1074. Il hérita aussi de son humeur belliqueuse. Ayant eu des démêlés avec Hoël de Cornouaille, duc de Bretagne, il lui déclara la guerre en 1076 et se ligua contre lui avec les comtes de Penthièvre et de Rennes et Raoul de Montfort. Ceux-ci avaient engagé Philippe, roi de France, dans leur parti et s'étaient cantonnés à Dol. Hoël, soutenu par le roi d'Angleterre, les assiégea dans leur forteresse pendant quarante jours. Le roi de France le força à lever le siège, mais le duc en se retirant fit des ravages sur les terres du comte de Porhoët, pour l'attirer au combat. Il l'entraîna dans un pays escarpé et aride où ses troupes souffrirent beaucoup de la disette de vivres. Enfin Eudon, obligé de vaincre, ou de tomber entre les mains de son ennemi, anima ses troupes de la parole et attaqua Hoël avec tant de vigueur qu'il le défît et le fit prisonnier. Alain Fergent dut revenir à la charge pour délivrer son père.

Ce fait, qui date de 1077, c'est-à-dire d'une époque où l'organisation féodale était complète, suffit à en montrer le vice fondamental : l'absence d'un pouvoir central vigoureux.

A la mort de son épouse, la vicomtesse Anne, dite de Léon, il abandonna tous les biens de celle-ci au prieuré de Sainte-Croix. De leur union issirent : Josselin, vicomte de Porhoët, deuxième du nom ; Geoffroi, qui lui succéda ; Alain, premier seigneur de Rohan, Guéthenoc et une fille qui épousa Simon, seigneur de la Rochebernard. Il eut deux autres fils, d'un second mariage : Bernard et Robert.

L'acte le plus notoire de Josselin II, ou, comme on disait plus souvent, Jostho, fut la fondation en 1105 du prieuré de Saint-Martin de Josselin en faveur des bénédictins de Marmoutiers (de Tours). Il poussa à l'extrême la libéralité, donna aux moines tout ce qu'il pouvait leur octroyer de plein droit : meubles, bijoux, trésors ; finit par se donner lui-même et mourut sous le froc, en 1116, laissant à la tête de la vicomte ses deux frères Geoffroi et Alain, souvent désignés ensemble sous le titre de « Proconsuls de Porhoët » [Note : Tous deux sous ce titre figurent en particulier à la nouvelle bénédiction de l'Eglise Saint-Sauveur de Redon le 23 (ou 25) octobre 1127, faite par Hildebert, archevêque de Tours (qui avait sous sa direction administrative et religieuse tous les diocèses de Bretagne) et à laquelle assistèrent Conan III et les évêques de Bretagne].

Geoffroi fut longtemps immobilisé par la maladie et, pour cette raison sans doute, semble être resté indifférent aux luttes de son temps, soit entre divers princes de la maison de Penthièvre, soit entre Conan III et plusieurs de ses barons. Comme nous le verrons, le seigneur de Porhoët abandonna à son frère puîné une partie considérable de ses domaines. Il mourut en 1142, ayant pour enfants de son mariage avec la comtesse Havoise : Eudon, qui sera le grand homme de cette race virile ; Josthon, Alain, Etienne, une fille, Amice, qui épousa Guillaume de Montfort. Alain de Porhoët s'établit en Angleterre et fut la tige des seigneurs de la Zouche, d'Haringworth, de Pitton et de Codnor [Note : Dont la généalogie est rapportée par Dom Morice. — Depuis la conquête de l'Angleterre, les seigneurs de Porhoët étaient restés en possession de grands domaines dans ce pays].

Voici une charte de 1118 qui nous édifiera sur les sentiments de Geoffroi : « Sachent tous, présents et à venir, que Geoffroy, fils d'Eudon, affligé depuis longtemps, par ordre de Dieu, d'une infirmité et couché sur son lit dans son palais, sous le coup de la maladie, cependant ayant conscience de lui-même, appela à lui Rivallon, évêque d'Aleth, et Alain, vicomte, son frère, avec une grande partie des barons et des bourgeois ; et d'abord, pour le salut de son âme, ayant pris conseil de l'évêque et de ses clercs, par qui il fut nourri du saint Viatique, il se donna lui-même, à Dieu, à saint Martin et à ses moines pour qu'ils le fissent moine lui-même, dans le prieuré de Josselin, si la maladie qui le tourmentait le conduisait au tombeau ; en outre, il donna aux mêmes moines, soit qu'il mourût, soit qu'il vécût, toute sa part de la dîme de Guillac, c'est-à-dire la dîme de la moitié de cette paroisse. Il fit ce don par les mains de Rivallon, évêque d'Aleth, dans celles du prieur Raoul, au moyen d'un certain bâton dont on se servait pour le défendre de l'mportunité des mouches » [Note : A cette époque, lors d'un abandon ou d'une concession quelconque, l'on prenait n'importe quel objet pour représenter la donation effective].

Ce pieux Geoffroi guérit de sa longue maladie en 1130. Probablement à titre de reconnaissance, quelque temps après (1132), il abandonnait aux mêmes moines de Saint-Martin diverses coutumes, telles que le droit d'Ost et le repas du Comte.

(Hervé DU HALGOUET).

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