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Le culte de la Sainte Vierge dans le diocèse de Quimper.

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L'histoire du culte de la sainte Vierge au diocèse de Quimper est écrite dans les monuments mêmes que ce diocèse a élevés à sa gloire. Ici les pierres parlent et racontent, de génération en génération, le dévouement des pieux chrétiens qui, au prix de tous les sacrifices, ont dressé tant de beaux monuments à la Mère de Dieu. Si l'on suivait l'ordre de dignité, il faudrait citer en premier lieu la cathédrale, dédiée à la sainte Vierge et à saint Corentin ; mais si on suit l'ordre d'ancienneté, nous devons placer en première ligne Notre-Dame du Guéodet en breton, et de la Cité en français, Beata Maria de Civitate, disent les vieux titres : car elle est incontestablement la plus ancienne des églises chrétiennes élevées au vrai Dieu dans la ville épiscopale. Ceci toutefois ne doit s'entendre que de la première partie de l'édifice ; car la seconde, qui est séparée de l'autre par quatre piliers, ne remonte guère au delà du quinzième siècle ; et l'histoire en raconte ainsi la fondation : « En 1209, Guy de Thouars, duc de Bretagne, voulut s'élever un château adossé aux murs de la ville, au détriment des propriétés voisines. L'évêque de Quimper, fidèle à sa mission de défenseur du faible contre le fort, protesta avec toute la puissance de son autorité. Le duc, après quelque temps de résistance, reconnut son tort, fit cesser les travaux, et abandonna les matériaux, destinés à son château, pour reconstruire la chapelle de Notre-Dame du Guéodet, qui tombait en ruine. Cette disposition fut accueillie avec une joie indicible par les habitants, qui avaient pour ce sanctuaire une vénération profonde, et surtout par les bourgeois, qui le regardaient comme leur oratoire particulier. Aussi tous s'empressèrent non-seulement d'élever avec les matériaux du château une chapelle solide et durable, mais encore de lui donner toute la grâce et toute la perfection dont ils étaient capables. Des voûtes surbaissées, des fleurons, des volutes et des aiguilles, des vases égaux aux plus beaux vases d'Etrurie, de riches décorations augmentées par la noble simplicité des couleurs, de magnifiques boiseries dans le style de la renaissance, formant un amas de colonnes et d'ornements légers, un escalier de pierre conduisant à la grande salle de la maison de ville, qui était au-dessus ; des fenêtres du style flamboyant, partagées par deux créneaux en trois verrières composant de vrais tableaux d'une couleur qu'aucun artiste de l'époque n'eût pu surpasser ; telles sont en résumé les magnificences rassemblées dans Notre-Dame du Guéodet  ».

C'était dans ce sanctuaire vénéré que les habitants de Quimper, et des environs, venaient dire leurs douleurs à la Consolatrice des affligés. Quand le vent soufflait fort, et que la tempête menaçait, les femmes des marins accouraient se prosterner aux pieds de la Vierge ; et, par une dévotion peut-être un peu superstitieuse, elles balayaient la chapelle, puis en jetaient la poussière en l'air, persuadées que cela procurerait à leurs maris un vent favorable pour les ramener au port. En 1452, Quimper, ravagé par une affreuse épidémie, se voua à Notre-Dame du Guéodet, en lui faisant hommage d'une bougie dont la longueur égalait la circonférence de la ville, et qu'on devait dérouler à mesure qu'elle se consumait. Ce vœu la sauva, l'épidémie disparut. Le 2 février 1740, dans un moment de calamité, on renouvela ce vœu ; et l'on promit qu'à l'avenir, chaque année à pareil jour, quatre hommes porteraient processionnellement à la cathédrale la bougie vouée, enroulée sur un cylindre. Depuis cette époque, le vœu ne fut plus interrompu : chaque année, on présentait la bougie à la cathédrale ; l'évêque la bénissait, puis on la portait à la chapelle du Guéodet, où une congrégation de dames était chargée de veiller à ce qu'elle demeurât toujours allumée jusqu'au 2 février de l'année suivante. En 1792, la bougie brûlait encore ; mais la Révolution, qui ne savait respecter ni la maison de Dieu, ni la foi des peuples, détruisit le sanctuaire vénéré ; la statue de la Vierge fut profanée, et il ne resta que quelques ruines pour rappeler aux habitants qu'ils foulaient une terre sanctifiée par la prière des siècles. Cependant les ruines étaient encore un souvenir ; et le mauvais génie de la destruction décida l'anéantissement complet de ces vieux murs, tellement qu'on chercherait en vain aujourd'hui à sa place une des pierres du sanctuaire de Marie. Il n'en demeure d'autre souvenir que le mur d'une maison particulière, portant cette inscription : Notre-Dame du Guéodet, priez pour nous, avec une statue de la Vierge-mère, qui, tenant son Enfant dans ses bras, semble réclamer une prière de foi et d'amour, comme celles que lui adressaient nos pères.

Dans l'arrondissement de Quimper, se trouve encore, à Pontcroix, l'église de Notre-Dame de Roscendon (aujourd'hui Roscudon), mot breton qui signifie la montagne du Ramier. Après Notre-Dame du Guéodet, c'est un des sanctuaires de la Vierge les plus anciens ; à ce point qu'on n'en peut préciser l'origine. Elevé par les seigneurs de Pontcroix, sous le vocable de Marie, et érigé en collégiale, il a été, dès le principe, remarquable, entre toutes les églises des environs, par le culte de la Mère de Dieu. Elle y est représentée, au-dessus du maître-autel, montant aux cieux sur les ailes des anges, avec un visage rayonnant de gloire, et empreint d'une expression de douce bonté qui semble dire à ceux qu'elle laisse sur la terre, qu'elle ne les oubliera pas devant Dieu. A un autel collatéral, est sculptée une cène, dont les personnages ont un naturel de pose admirable ; et, près de la porte d'entrée, est une grande cuve de pierre, qui probablement servait aux baptêmes par immersion ; mais en somme l'intérieur de l'église n'a guère d'autre ornementation que les chapiteaux des colonnes, et quelques belles verrières. L'extérieur est mieux orné : cinq frontons disposés en triangle couronnent la façade ; et le portail est décoré d'un cintre à jour des plus hardis, avec cinq roses qui s'épanouissent en arceau ; le centre de l'église est dominé par une magnifique tour, qui soutint un siège au temps de nos guerres de religion, et où l'on ne pouvait pénétrer que par une porte fort étroite. Longtemps cette tour résista aux assauts. Lassé de la durée du siége, l'ennemi proposa une capitulation ; elle fut acceptée, et la Vierge de Roscendon eut la gloire de cet heureux événement. Toute la ville le lui attribua d'une voix unanime, et lui en adressa les actions de grâces les plus ferventes.

Au sortir de l'arrondissement de Quimper s'offre a nous, dans l'arrondissement de Brest, le célèbre sanctuaire de Notre-Dame du Folgoët (mot breton qui signifie le fou du bois (Voyez la Notice sur Notre-Dame du Folgoët, par M. Miorcec de Kerdanet. — Brest, 1853) ; et voici l'origine de cette dénomination. Il y avait alors en ce lieu un pauvre villageois, nommé Salaün, qui épris de l'amour de la sainte Vierge, n'avait voulu, dès son jeune âge, rien apprendre que l'Ave Maria. Il le redisait presque sans cesse ; et après la mort de ses parents, il ne voulut avoir d'autre domicile qu'un vieux chêne de la forêt de Lesneven. Il passait là le jour et la nuit à redire Ave Maria ; tous les matins il en descendait pour aller entendre la messe, mendier un peu de pain qui était toute sa nourriture, et revenait promptement à son vieux chêne pour redire avec un bonheur toujours nouveau : Ave Maria. Il vécut ainsi quarante ans ; et le peuple, qui ne comprenait rien a son genre de vie, l'appela le fou du bois ou Folgoët. Mort en 1350, il fut inhumé au lieu même où il avait vécu ; et sur sa tombe, dit la légende, poussa, malgré la saison contraire, voisine de l'hiver, un beau lis chargé de fleurs, sur lesquelles étaient inscrits ces deux mots : Ave Maria. On ouvre la tombe pour se rendre compte d'où vient le miracle, et que trouvet-on ? ô prodige nouveau ! le lis sortait de la bouche même de Salaün, qui ainsi, après la mort comme pendant la vie, redisait encore ses mots chéris : Ave Maria.

En mémoire de ce miracle et pour en transmettre le souvenir à la postérité, on arrêta d'ériger une chapelle, en cet endroit-là même, sous le vocable de Notre-Dame du Folgoët ou du fou du bois. L'exécution de ce projet traîna quelque temps en longueur, à raison des guerres qui agitaient le pays : enfin Jean IV, de 1386 a 1399, et Jean V, de 1400 à 1418, élevèrent l'édifice, qui fut béni en 1419. Dire la grâce et les richesses architecturales de ce saint lieu serait chose impossible : qui pourrait décrire ces pierres mortes devenues pierres vivantes sous le ciseau de l'ouvrier, tantôt converties en fleurs, en fruits, en vignes, en insectes, en animaux de diverses espèces, tantôt changées en anges, en chérubins, en saints ou saintes, en figurines délicates et gracieuses ? qui pourrait raconter toutes ces nuances, ces variétés, ces contrastes, ces perfections, ces négligences de l'art qui s'assoupit sur une partie et se réveille sur l'autre, qui se représente sous toutes formes, se joue, se modifie dans tous les sens, et semble dans ses colonnes, ses flèches, ses lancettes si minces et si légères, s'envoler vers le ciel comme la prière de l'âme fidèle ou comme l'encens qui brûle à l'autel ?

Folgotina domus, duce Virgine, surgit ad astra.

Au côté du couchant, se présentent deux tours jumelles. La première supporte un grand clocher, orné de galeries et de clochetons, et surmonté d'une flèche élancée ; la seconde supporte un dôme qui rappelle, quoique assez grossièrement, l'époque de la renaissance. Le portique de la principale tour, brillant de mille petites œuvres fraîches et délicates, a perdu, en 1816, son dôme à jour et à dentelles, qui avait la forme d'un dais à deux branches ; mais il conserve encore gravées sur une belle pierre de Kersanton, la Nativité de Notre-Seigneur, et l'Adoration des mages, avec l'inscription : Joannes illustriss. dux Bretonum et la devise : A ma vie.

Le portique du midi, un des plus beaux et des plus brillants, s'appelle le portique des apôtres ; et là sont réunis tous les genres de beautés, tous les prodiges de l'art. Les statues des apôtres sont placées dans des niches entourées de guirlandes à larges feuilles de vigne.

Le côté du levant est orné d'une belle rosace : celui du nord est resté inachevé et sans transept.

A l'intérieur de l'église, on remarque d'abord un jubé qui repose sur quatre colonnes légères, dont les fûts soutiennent trois arcades surmontées d'ogives, ornées de mille bouquets d'un travail exquis, puis les grandes voûtes du chœur s'appuyant sur leurs parois avec tant de légèreté qu'on dirait qu'elles ne tiennent à rien ; l'autel du Rosaire, l'autel des Anges et le maître-autel surtout où chaque coup de ciseau a été une expression, une pensée, un sentiment ; enfin les statues de l'Annonciation, de Notre-Dame de Pitié, de Notre-Dame de la Fontaine, de Notre-Dame de Kersanton et de Notre-Dame du maître-autel, la patronne du Folgoët, sculptée sur la Santa Maria novella, qui faisait l'admiration de Michel-Ange ; et c'est là la statue vénérée de tout le pays.

Les pierres, les murs et les vitraux portaient les armoiries des nobles familles bienfaitrices de l'église ; et grand nombre de statues redisaient ou la vertu des saints, ou la générosité des donateurs du saint édifice.

Telle est la merveille de l'art, que de pauvres moines mirent quarante ans à élever. Un si beau sanctuaire excita vivement l'intérêt universel, et donna son nom au Folgoët, qu'on appela désormais la ville de Marie, Urbs Mariana, urbs beatœ Mariœ Folgotinæ, disent plusieurs titres de l'époque. Depuis 1410, les dons y affluèrent presque sans interruption, comme le prouve la nomenclature qu'en a faite M. de Kerdanet dans sa nouvelle notice sur ce sanctuaire, où l'on voit figurer toute la noblesse de Bretagne. Le peuple, non moins zélé que la noblesse, accourait en foule aux fêtes du Folgoët, à ce point qu'on ne trouvait plus de place dans les hôtelleries, et que, comme à Bethléhem, une noble dame fut réduite à y faire ses couches dans une étable. On y venait en procession des paroisses voisines ; les Jésuites de Quimper y amenaient leurs élèves. Anne d'Autriche, épouse de Louis XIII, s'y recommanda pour obtenir la naissance d'un fils ; et Louis XIV lui fut donné.

En 1708, le feu fut mis par l'imprudence d'un ouvrier à l'auguste basilique ; les orgues, les boiseries, les charpentes devinrent la proie des flammes, les voûtes s'écroulèrent ; et d'un si bel édifice il ne resta que les quatre murs. En 1716, on voulut en refaire la toiture ; et ce soin fut confié à un architecte inintelligent, qui remplaça les trois couvertures anciennes par un seul et même toit, tel qu'on le voit aujourd'hui, renversant sans pitié le magnifique cordon de galeries extérieures, que la flamme n'avait pas détruit, sous prétexte qu'il gênait le placement de la nouvelle couverture.

En 1790, le gouvernement s'empara des ornements et vases sacrés de l'auguste basilique ; on saisit pour trente mille francs d'or ou d'argent, on vendit les meubles, les archives, les livres, les manuscrits, le tout à vil prix.

En 1791, on vendit l'église même et son enceinte, l'hôtel des pèlerins, la maison des aumôniers et les fermes de la collégiale ; en 1792, on brisa et on fondit les cloches pour en faire des canons ; en 1793, on abattit les croix, on foula aux pieds les reliques, on mutila les statues, sauf celle de Notre-Dame de Pitié, qu'un soldat renonça à briser, désarmé par une plaisanterie ; sauf encore l'image miraculeuse du maître-autel qu'un paysan avait recueillie dans sa demeure. L'église vénérée devint tour à tour crèche, écurie, magasin, caserne, et même temple de la raison. Mais quand les temps furent devenus meilleurs, on obtint à loyer l'église de Notre-Dame du Folgoët, les fidèles revinrent y prier, et, le 8 septembre 1808, on y rapporta la statue miraculeuse au milieu d'un grand concours de peuples de la paroisse et des pays circonvoisins. Quelque temps après, le propriétaire de l'église ayant voulu la vendre, douze laboureurs l'achetèrent, et en firent abandon à la commune de Guicquelleau, qui en fit, en 1827, son église paroissiale. Aujourd'hui elle est classée parmi les monuments historiques ; et l'on espère que grâce aux soins du gouvernement, ce monument vénérable continuera de traverser majestueusement les âges, rappelant à tous l'amour de Dieu et le culte de sa divine Mère.

Après Notre-Dame du Folgoët, Notre-Dame de Rumengol ou de Tout-Remède, selon l'étymologie que quelques-uns tirent de deux mots celtiques, Remed oll, Remedium omne, est, depuis quinze cents ans, un des sanctuaires de Marie les plus fréquentés. Dans l'origine, ce n'était qu'une chapelle en bois, bâtie par Grallon le Grand, premier roi chrétien de la Bretagne, pour opposer un sanctuaire de la Mère de Dieu au monument druidique qu'on appelait en breton Ru men goulou, mots qui signifient pierre rouge de la lumière, et que quelques-uns donnent comme l'étymologie de Rumengol. En 1536, comme le porte l'inscription gravée sur une pierre de la façade, on éleva l'église actuelle, qu'on orna d'une masse de sculptures dorées d'un goût assez bizarre, et qu'on perça de longues fenêtres ogivales, aux vitraux coloriés, sur un desquels on voit le roi Grallon, revêtu de son armure de chevalier, recevant la bénédiction d'un des premiers apôtres du pays. Cette église est très-fréquentée, surtout aux quatre pardons qui ont lieu chaque année, et plus encore le dimanche de la Trinité, qui est le jour du grand pardon. En Bretagne, on appelle pardon la fête patronale d'une église ou d'une chapelle, parce que les pécheurs qui s'y disposent pieusement y obtiennent non-seulement le pardon de leurs fautes, mais encore souvent une indulgence plénière qui est la remise ou le pardon des peines temporelles dues aux péchés mêmes dont on a été absous. Ces grandes cérémonies du pardon se reproduisant souvent dans l'histoire de la Bretagne, nous croyons devoir les décrire ici.

Les grands pardons durent au moins trois jours, et les paroisses voisines s'y rassemblent avec un empressement où la religion et l'amour du plaisir ont peut-être une part égale. La veille, on surcharge d'ornements les autels ; on revêt les saints du costume du pays, on dépose à leurs pieds les offrandes qu'on veut leur faire et qu'on apporte sur un brancard entouré de rubans et de fleurs, précédé du tambourin du village, au bruit des cloches sonnées à haute volée, et des chants de joie de la multitude. Toutes les têtes se découvrent au passage de ces offrandes, qui sont, tantôt du beurre ou des œufs, tantôt des oiseaux, surtout des poules blanches. A l'issue des vêpres, la procession sort de l'église avec ses bannières, ses croix et ses reliques que portent sur des brancards, après en avoir acheté le droit, des hommes en bonnet blanc, en chemise de même couleur, ceints d'un ruban de couleur vive, et escortés de gardes costumés. Après les reliques, viennent les porteurs de bâtons coloriés, surmontés de divers saints sculptés plus ou moins artistement, puis une multitude d'enfants avec des clochettes qu'ils agitent de toute leur force. Quand la procession est arrivée à la croix du cimetière, le vieillard le plus vénérable du canton prononce, au pied de la croix, la prière pour les morts et la rénovation des promesses du baptême. Après cette procession, des pauvres accourus à la fête font, moyennant un prix débattu, le tour de l'église à pied ou à genoux, en récitant le chapelet, et l'on termine la journée par des danses au son du hautbois ou de la musette ; après quoi l'on regagne gaiement son foyer (Voir Voyage dans le Finistère, par Emile Souvestre). Telles sont les cérémonies du grand pardon de Rumengol. Les pèlerins s'y pressent en foule le matin, dès avant l’Angélus, déposant aux pieds de l'autel de Marie les produits de leur ferme, qu'on vend ensuite au profit de l'église. Parmi eux, se trouvent beaucoup de femmes pieuses, apportant quelquefois de très loin leurs petits enfants pour les faire bénir par la Mère de Dieu, de jeunes conscrits venant, avant le départ pour le régiment, faire brûler un cierge et recevoir le scapulaire ; des soldats, au retour du champ de bataille offrant à celle qui les a protégés des décorations, des médailles, des étendards avec des inscriptions comme celle-ci : A Sébastopol, Notre-Dame de Rumengol nous a sauvés ; enfin des personnes de toute condition couvrant d'ex-voto les murs de la chapelle.

Entre ces offrandes, se distingue un reliquaire de bois, d'un travail exquis et d'une élégance remarquable, dû au talent de M. de Pontaven et exécuté par lui en témoignage de reconnaissance pour la santé qu'il a miraculeusement obtenue dans ce béni sanctuaire. Cette guérison n'est qu'un prodige entre mille : les murs de l'église nous représentent Notre-Dame de Rumengol, tantôt au chevet du mourant, tantôt dans la prison du captif ; d'autres fois, auprès de l'orphelin, qu'elle protège, partout faisant du bien aux hommes. Aussi, en 1856, Pie IX lui accorda les mêmes privilèges dont jouit Notre-Dame de Lorette ; et, en 1858, il ordonna de la couronner solennellement en son nom ; cérémonie qui s'accomplit avec toute la pompe possible, au milieu de l'enthousiasme et des chants de joie de tous les peuples voisins accourus à la solennité.

La paroisse de Plabennec n'a pas seulement un sanctuaire de Marie, comme Rumengol ; elle en a deux : Notre-Dame de Locmaria et Notre-Dame de Lesquellen. Locmaria remonte jusque vers le commencement du quinzième siècle, à en juger par ses arcades gothiques, par le style de deux de ses fenêtres conservées en partie, par son joli clocher dont la flèche s'élève avec tant de grâce dans les airs ; mais surtout par l'importance de l'édifice, qu'on n'a pu songer à bâtir à côté de Notre-Dame du Folgoët qu'après la première moitié du quatorzième siècle, parce que pendant cette première moitié, Notre-Dame du Folgoët absorbait si fort toutes les sympathies, qu'on était loin de rêver un autre sanctuaire. Toujours est-il certain que la chapelle de Locmaria existait dans toute sa splendeur avant la fin du quinzième siècle ; car on voit encore à l'entrée du cimetière une magnifique croix de pierre de Kersanton, qui porte l'inscription suivante en caractères taillés en bosse : Cette croix faiste l'an MVCXXVII. Or cette croix, n'étant qu'un accessoire, n'a pu être érigée que bien postérieurement à la chapelle. Le maître-autel de ce sanctuaire, de pierre de Kersanton comme la croix, est d'un travail exquis. Long de neuf pieds six pouces, il a une garniture à jour admirable, et huit niches dont les deux du centre sont occupées par de petits anges : cette chapelle attirait tellement la dévotion des fidèles qu'il fallut y établir un prêtre pour la desservir et pour dire les messes qu'on ne cessait d'y demander. Plusieurs même sollicitaient la faveur d'être enterrés à l'ombre de son clocher et comme sous la garde de Marie. La révolution de 1793 bouleversa toutes ces tombes, vendit le cimetière et la chapelle : tout s'en alla en ruines, et les femmes chrétiennes furent réduites à venir, en se cachant, réciter leur chapelet le long des murs, le plus près possible de la statue vénérée. Cet état de désolation dura cinquante ans, après lesquels on répara bien imparfaitement ces ruines, et il fut donné aux fidèles serviteurs de Marie de venir l'y prier encore.

Près de Locmaria, est Notre-Dame de Lesquellen, œuvre de saint Ténénan, qui, venu de la Grande-Bretagne dans l'Armorique pour l'évangéliser, ne crut pouvoir mieux commencer son ministère, qu'en élevant une chapelle à la Vierge sur la hauteur, à côté du château de Lesquellen, en même temps qu'il construisait, à l'extrémité de la forêt, l'église de Plabennec. Informé, par inspiration divine, de l'approche des barbares qui venaient piller cette dernière église, il en emporta tout ce qu'elle contenait de précieux à Notre-Dame de Lesquellen ; et là il se mit en prière, demandant à Marie qu'elle préservât de la profanation la maison de son divin fils. Il fut exaucé ; les portes et les fenêtres de l'église résistèrent à la rage des barbares. Furieux de voir leurs efforts impuissants, ceux-ci montèrent à Lesquellen pour s'en venger sur saint Ténénan : mais au moment où ils se précipitaient sur l'homme de Dieu, la plaine leur apparut couverte d'une armée nombreuse, commandée du sommet de la colline, où, depuis lors, on vient souvent invoquer Marie, par un cavalier monté sur un cheval d'une blancheur éblouissante, habillé de blanc lui-même, et, l'épée à la main, encourageant ses soldats d'une voix terrible. Effrayés, ils s'enfuirent et quittèrent le pays pour n'y plus revenir. Devenu plus tard évêque de Léon, saint Ténénan reçut la visite d'un de ses prêtres, qui ne pouvait se consoler d'avoir laissé tomber la sainte hostie en la portant aux malades, sans qu'il pût savoir où ce malheur était arrivé. Le saint évêque recourt à Marie, son refuge habituel, et la conjure de lui indiquer où était le corps de son Fils, pour le soustraire à la profanation. Peu d'heures après, pendant qu'il assistait à l'office, une colombe vient déposer sur son prie-Dieu un rameau de chêne verdoyant, portant dans ses branches un petit tabernacle eu cire, fabriqué par un essaim d'abeilles qui l'entouraient encore : il ouvre ce tabernacle, trouve dedans l'hostie, et va la déposer avec joie dans le ciboire en rendant grâces à Dieu.

Le canton de Guipavas n'a pas seulement deux sanctuaires de Marie comme celui de Plabennec ; il en compte jusqu'à trois, dont le premier est Notre-Dame de la Fontaine-Blanche. C'était autrefois une pieuse chapelle située dans un bocage délicieux. Aujourd'hui il n'en reste plus que des ruines sur lesquelles on va prier encore. En se rendant au second sanctuaire, qui est Notre-Dame de Rehe, on rencontre une petite fontaine dédiée à Notre-Dame de la Clarté, et à laquelle la tradition populaire attribue la vertu de guérir les maux d'yeux. Rehe était jadis l'église d'une abbaye de Cisterciens, élevée par Guillaume, comte de Cornouaille, à son retour de la croisade en 1096. Vendue par la révolution, restituée au culte à la suite du concordat, elle est devenue maintenant église paroissiale. Si on excepte le portail, qui est de construction moderne, elle est toute du style ogival primitif. Les colonnes de la nef et des bas-côtés ont des chapiteaux remarquables par le style de leurs ornements d'ailleurs assez bizarres et fort grossièrement travaillés. Les ruines qui nous restent du cloître, bâti plus tard en 1131, nous montrent des arcades de voûtes en ogive avec les racompagnements particuliers au style arabe ou oriental. C'est du resté, par excellence, un lieu de calme et de recueillement ; et le visiteur a peine à contenir son émotion, quand il vient s'agenouiller et prier dans ce sanctuaire, non moins vénérable par la religion des siècles qu'il a traversés, que par la sainteté des cénobites qui y ont offert à Dieu des prières si ferventes. On voit suspendus à la voûte plusieurs petits navires avec le sifflet d'un maître d'équipage, qui rappellent que Marie étend sa protection aussi bien sur les mers que sur le continent.

Enfin la troisième église de Marie dans Guipavas est Notre-Dame du Rûn en breton, ou de la Colline en français, ainsi appelée de sa position à quatre-vingt-treize mètres au-dessus du niveau de la mer. On la dit fondée au septième siècle, par saint Tugdon, pour remplacer par le culte de Marie le culte idolâtrique qu'on rendait en ce lieu à une fontaine. L'édifice de saint Tugdon dura mille ans ; et au dix-septième siècle ; on en éleva un autre qui est l'édifice actuel. L'architecture en est assez remarquable ; la fenêtre de l'abside et les deux plus petites qui l'accompagnent sont d'un goût parfait ; et l'intérieur se compose d'une nef et de deux bas-côtés, qui en sont séparés par deux rangs de colonnes. Plusieurs faits nous révèlent la puissante protection de Notre-Dame du Rûn : en 1741, une épidémie qui avait déjà fait dans le bourg de Guipavas trois cent vingt-deux victimes, cessa dès qu'on eut fait à Marie des prières publiques. Des fers qui furent longtemps exposés dans l'église, rappellent la délivrance de plusieurs personnes captives en Algérie. La fête patronale s'appelait autrefois le pardon de la délivrance des eaux, en souvenir de naufragés sauvés par la Vierge du Rûn ; aujourd'hui on ne l'appelle plus que le grand pardon. Un beau tableau que l'incurie a laissé périr, représentait dans l'église deux personnages en costume de cour, priant à genoux la sainte Vierge rayonnante de gloire. Plusieurs croient que c'était un ex-voto de Louis XII et de la duchesse Anne, en mémoire de quelque grâce obtenue. Enfin au-dessous du maître autel, est une fontaine à laquelle la multitude attribuait une vertu miraculeuse ; mais les abus qu'on a cru remarquer dans les ablutions auxquelles s'y livraient les peuples, a engagé l'autorité à fermer l'entrée de cette fontaine.

Le désir d'honorer Marie dans ses mystères douloureux a inspiré aux habitants de Guipavas la pratique du chemin de la croix, qui plaît spécialement à leur piété. Par le même motif, l'Invention de la cioix, qui se célèbre le 3 mai, est pour eux une fête solennelle. Dès l'aurore, ils se rendent à l'église paroissiale ; ils en font neuf fois le tour en récitant le chapelet qu'ils tiennent tous à la main ; chaque fois qu'ils passent devant la porte occidentale, ils s'y arrêtent pour prier un moment ; et les neuf tours finis, ils rentrent à l'église. A une heure indiquée, on se rend processionnellement à Notre-Dame du Rûn ; on en fait trois fois le tour ; puis les portes s'ouvrent, le saint sacrifice commence ; après quoi, on fait encore trois fois le tour de la chapelle, et l'on revient dans le même ordre à l'église paroissiale recevoir la bénédiction de la vraie croix. Autrefois on faisait ces tours de la chapelle pieds nus ; prêtres et fidèles observaient ce cérémonial ; mais, depuis de nombreuses années, on s'est écarté de cette rubrique.

Si maintenant nous nous rapprochons de la mer, nous trouvons, à la pointe la plus occidentale du continent européen, Notre-Dame du Bout du monde, oratoire que l'on croit fondé dès le sixième siècle par saint Tanguy, anachorète breton, et où viennent prier les marins avant de quitter le port. Ils partent ensuite avec confiance ; mais, en passant, ils ne manquent pas de saluer Notre-Dame de Bon-Secours, dont la chapelle, bâtie presque dans la mer, protége la petite ville du Conquet. Cette chapelle était autrefois la maison de l'homme de Dieu qui évangélisa la Bretagne au siècle dernier, M. Le Nobletz, si connu par son amour ardent pour la sainte Vierge. A la mort du saint apôtre, on convertit le lieu où il avait vécu en oratoire de la Mère de Dieu ; et cet oratoire eut le privilège de demeurer toujours ouvert pendant la révolution de 1793 ; de sorte que chacun put y venir librement prier Notre-Dame de Bon-Secours.

A une petite distance de là, dans l'île dOuessant, la sainte Vierge est également honorée sous un autre titre, celui de Notre-Dame de Bonne-Espérance, comme la patronne spéciale des marins, qui lui consacrent leurs petits enfants dès l'entrée dans la vie. Les jeunes filles de l'île se chargent de tenir l'autel toujours parfaitement propre ; et, chaque soir, au son de l'Angélus, les familles s'y rassemblent pour réciter en commun des prières à celle qu'ils aiment comme leur mère. Des cierges brûlent sans cesse dans ce sanctuaire, et les ex-voto qui en tapissent les murs redisent à tous les visiteurs les miracles que la sainte Vierge y opère. Naguère encore une jeune personne réduite par la maladie à un état désespéré, se fait porter presque mourante devant l'autel de Notre-Dame de Bonne-Espérance ; elle y entend la messe, elle y communie et prie avec confiance. Sa prière terminée, elle se relève complètement guérie et regagne gaiement à pied son village [Note : Le curé de l'île, témoin du fait, l'a raconté lui-même].

Quelques années auparavant, en 1842, trois enfants dont le plus âgé avait seize ans et le plus jeune en avait six, s'étant aventurés sur une barque pour aller dénicher des oiseaux dans le trou d'un rocher avancé en mer, une tempête affreuse les saisit, les emporta au large, les jeta de là à travers mille écueils, jusqu'à la pointe de Pern, le plus dangereux passage de ces côtes. Cependant une nuit sombre les enveloppe de ses ténèbres ; l'enfant de seize ans rame de toutes ses forces, l'autre avec une écuelle d'abord, puis quand il l'a perdue, avec son chapeau, vide la barque qui se remplit d'eau ; l'enfant de six ans récite de tout son cœur le chapelet, suivi des litanies de la sainte Vierge ; et, chose qu'ils ne savaient pas, leur mère désolée, incertaine de ce qu'ils sont devenus, prie à terre, devant l'autel de Notre-Dame de Bonne-Espérance. Le matin arrivé, ils aperçoivent et reconnaissent le clocher de Notre-Dame. Ils tombent tous trois à genoux au fond du canot, et prient avec une ferveur nouvelle ; puis ils essayent d'approcher de la côte, en jetant l'ancre avec une pierre attachée au bout d'une corde : vains efforts, tout le jour se passe ; ils n'y peuvent réussir. Epuisés de lassitude et d'inanition, ils tombent n'en pouvant plus, et s'endorment sous le regard maternel de Marie. Leur sommeil se prolonge toute la nuit, le lendemain ils se réveillent, leur barque touchait presque à la terre ferme. Un bâtiment s'approche, les recueille et les dépose à terre ; toute la population, émerveillée du prodige, fait une procession d'actions de grâces à Notre-Dame de Bonne-Espérance ; et depuis ce temps-là on ne les appela plus que les enfants du miracle et les protégés de la sainte Vierge.

Autant l'île d'Ouessant est dévouée à Marie, autant l'île de Batz l'honore comme sa reine et sa mère. Tous les soirs après le coucher du soleil, on entend retentir sur la grève l'Ave Maris stella, que l'écho reporte à tous les coins de l'île. Dans les moments de tempête, les femmes désolées se réunissent aux pieds de la statue de Marie, la prient pour un père ou un époux, un frère ou un fils en péril ; au retour de ces personnes si chères, elles se réunissent de nouveau pour dire leurs communes actions de grâces, tantôt à Notre-Dame du Penity, tantôt à Notre-Dame de Bon-Secours, deux chapelles que possède l'île ; et le marin qui l'avait priée à son départ, vient la remercier avec toute sa famille heureuse de le revoir. La plupart des habitants ne savent pas lire, mais tous connaissent des cantiques et des hymnes à la Vierge ; tous savent dire le chapelet qui est leur prière de prédilection, et ils le récitent pendant les offices à l'église, comme partout ailleurs. Le premier dimanche de chaque mois, ils font la procession autour de leur église en chantant les litanies de la Vierge ; et le 15 août, fête patronale de l'île, les jeunes gens portent à la procession d'après vêpres une bannière où est représentée Marie écrasant la tête du serpent, avec cette inscription : Reine du ciel, priez pour nous. Les jeunes filles, de leur côté, portent la statue de la Mère de Dieu, et sur son passage chacun se prosterne. Enfin la Vierge-mère est la consolation et l'espoir de tous les religieux habitants de l'île de Batz, la plupart marins ; et ils racontent mille traits de sa protection sur eux au milieu des tempêtes.

Revenons maintenant sur le continent. Là nous trouvons à Morlaix, qui dès sa première origine, a toujours honoré Marie comme sa patronne, la basilique de Notre-Dame du Mur, dont Jean II, duc de Bretagne, posa la première pierre, le 15 août 1295. Cette église était ainsi appelée de sa situation sur le mur qui défendait la ville au pied de la citadelle ; situation qu'on avait choisie pour réunir en un même lieu les forces du ciel et celles de la terre contre les agresseurs de la cité. C'était là l'église principale de Morlaix, sans toutefois en être l'église paroissiale ; c'était en particulier le rendez-vous des habitants pour les grandes cérémonies publiques. Le duc Jean y établit huit chanoines pour la desservir et y transféra la confrérie de la Trinité, qui s'était tenue jusqu'alors dans l'église paroissiale. Quand il mourut, les habitants de Morlaix concoururent de leurs propres deniers à l'achèvement et à la décoration du saint édifice ; et le 15 août 1365, le duc Jean IV posa la première pierre du clocher. L'église était sur une plate-forme élevée, où conduisait un escalier de trente-deux marches sur vingt pieds d'ouverture. Les fenêtres étaient ornées de superbes vitraux ; le chœur, de sculptures représentant divers sujets de l'Ancien Testament ; et quatre tours moyennes d'un magnifique travail s'élevaient aux quatre angles de la tour principale, que surmontait une belle flèche octogone. Dans cette flèche étaient huit cloches, qui aux heures, aux demies et aux quarts, sonnaient le chant de l'Ave Maris stella ; et au-dessous était la grosse cloche donnée par la confrérie de la Vierge, conjointement avec trois autres associations.

C'était en cette chapelle que le commandant du château de Morlaix prêtait serment avant d'entrer en charge. Ce fut là qu'en 1514 la reine Anne vint offrir ses prières à la Mère de Dieu, en les accompagnant de magnifiques présents, et ratifiant la fondation de huit chapelains faite par Jean II. Ce fut là qu'en 1548 Marie Stuart vint également prier en se rendant à Paris pour épouser le dauphin de France, depuis François II. C'était aussi dans cette église qu'on chantait un Te Deum pour celui qui obtenait le prix dans l'exercice du tir. Enfin c'était là qu'on venait implorer par Marie le secours du ciel dans les épidémies. les famines, les guerres interminables du moyen âge, dans tous les périls enfin. Les murs de l'église étaient couverts de tableaux représentant les miracles obtenus par Notre-Dame du Mur ; et entre autres, on y voyait un homme tombé de la tour dans la rivière sans en éprouver aucun mal ; un navire jeté par la tempête sur les rochers, sans que l'équipage pérît ; enfin une mère obtenant la guérison de son fils près d'expirer.

Cependant cette église, si chère à la foi bretonne, vit, en 1618, dix pieds de son beau clocher renversés par un orage effroyable. En 1793, l'église tout entière dévastée par la tempête révolutionnaire, pire que tous les orages, la déesse de la Raison mise à la place de la Mère de Dieu, dont la statue fut heureusement soustraite à la profanation ; plus tard elle vit ses murs démolis et son clocher privé de sa base s'affaissant sur lui-même. Enfin, en 1806, les derniers restes de l'édifice furent dispersés, jusque-là qu'il n'en resta pas pierre sur pierre.

0n pleura longtemps sur de si grandes ruines. Ce ne fut qu'en 1832 qu'on put les relever. On rebâtit la chapelle avec une élégance et un goût exquis, en laissant cependant bien des choses à désirer, faute de ressources suffisantes. Les traits principaux de la vie de la sainte Vierge furent représentés sur les vitraux, sur les fresques et peintures diverses ; et la statue antique, qu'on croit être du sixième ou du septième siècle, reparut sur son trône à la grande satisfaction des fidèles, qui n'avaient rien perdu de la dévotion de leurs ancêtres pour la Mère de Dieu. En 1857, grâce aux pieuses offrandes des habitants, on mit la dernière main à la restauration de Notre-Dame du Mur ; et quand tous les travaux furent terminés, le 24 mai de cette même année, on replaça dans son sanctuaire embelli la patronne de Morlaix avec une grande solennité, au milieu d'une foule immense et recueillie.

Outre Notre-Dame du Mur, la ville de Morlaix avait, près de l'église paroissiale, la dévote chapelle de Notre-Dame des Vertus, fondée en 1445, au-dessous de laquelle était une crypte du saint sèppulcre, objet de la vénération populaire. Elle-avait encore, dans le faubourg, Notre-Dame de la Fontaine, fondée en 1624, occupée, pendant plusieurs années, par les Carmélites, et, sauf le pignon qui est resté debout, détruite par 1793. C'était une construction élégante du quinzième siècle, portant une statue de la Vierge, aux pieds de laquelle coulait une fontaine abondante.

Une ville aussi dévouée à Marie eut, en 1233, la gloire bien méritée d'entendre la chaleureuse parole de saint Dominique, prêchant la croisade contre les Albigeois, et plus tard, celle d'être la patrie du pieux biographe Albert, auteur de la vie des saints de la Bretagne armorique, lequel recommande si fortement dans son ouvrage d'avoir toujours devant les yeux la vie de Marie, « semblable, dit-il, à un beau miroir tout éclatant de grâces et de vertus. C'est là, ajoute-t-il, qu'il est bon de se former une haute idée de la perfection ; un grand modèle tient lieu de directeur pour enseigner comme il faut vivre. Il n'est rien qui donne autant de cœur d'apprendre, comme quand on a un habile maître qui est en réputation ; et où s'en pourrait-il trouver de plus illustre que la glorieuse Mère de Dieu ? ».

Saint-Pol-de-Léon ne le cède point à Morlaix en zèle pour Marie. Ancien évêché, il plaça dès le principe sa cathédrale sous le vocable de la Mère de Dieu ; et ce ne fut que plus tard que cette église prit le nom de l'apôtre qui l'avait fondée, saint Pol Aurélien. Lorsqu'au quinzième siècle on bâtit la cathédrale actuelle, on éleva sur un des bas-côtés une chapelle de la Vierge, dont la statue, estimée autrefois miraculeuse, est entourée de la vénération et du respect de la ville entière.

A peu de distance de Saint-Pol, s'élève un monument plus remarquable encore que la cathédrale ; c'est Notre-Dame du Creisker [Note : Creisker est un composé de deux mots celtiques, qui signifient le milieu de la ville, et c'était là en effet qu'était la chapelle], dont la tour, haute de soixante-dix sept mètres, portée sur quatre piliers liés ensemble par quatre arcades, obtint du maréchal de Vauban ce bel éloge, que c'était là l'ouvrage le plus hardi qu'il eût jamais vu. Cette église, d'un excellent gothique, avait une maîtresse-vitre à cinq meneaux verticaux coupés par un meneau horizontal, qui allaient s'épanouir au sommet en trilobes, en trèfles, quintefeuilles et roses, encadrant d'admirables vitraux que remplacent aujourd'hui des verres blancs. Elle avait de plus dans son porche-nord, quoique mutilé, un des plus beaux spécimens de l'art au moyen âge. La fondation de ce sanctuaire est un acte de reconnaissance d'une jeune fille, qui s'étant permis de travailler un jour de fête d'obligation consacré à la sainte Vierge, en fut punie par une paralysie de tous ses membres. Repentante de sa faute, elle se présente à saint Guéoroch ; celui-ci fait un signe de croix sur elle ; elle est aussitôt guérie ; et, en reconnaissance, elle cède sa maison pour y élever un sanctuaire à la Mère de Dieu. Cette chapelle primitive, détruite par les Normands en 875, fut rebâtie en 1365 par le duc Jean IV, sauf quelques parties qui semblent appartenir les unes au treizième, les autres au quinzième siècle. C'est tout ce que la Bretagne a de plus gracieux en genre de chapelle. Les habitants de Saint-Pol y viennent en procession trois fois l'an ; ils y viennent souvent en particulier épancher leur cœur devant Notre-Dame du Creisker, et le soldat breton se la rappelle encore aux terres lointaines par cette touchante romance :

Je suis natif du Finistère,
A Saint-Pol je reçus le jour ;
Mon pays est le plus beau de la terre,
Mon clocher le plus beau d'alentour.
Aussi je l'aimais et l'admirais,
Et chaque jour que Dieu faisait
Je disais :
Que j'aime ma bruyère
Et mon clocher à jour.

Dans les environs du Creisker, la sainte Vierge avait encore trois autres chapelles : la première était l'ancienne église des Carmes, dont les fidèles aujourd'hui ne saluent plus que les ruines ; la deuxième était au village de Kersaliou, et la troisième au village de Kernec. Ces divers autels de la Mère de Dieu voient souvent les fidèles prosternés à leurs pieds, priant ensemble avec confiance et ferveur, tantôt pour le mois de Marie, tantôt pour le rosaire ou pour les exercices de l'archiconfrérie, ou pour la congrégation des jeunes filles, qui est affiliée à celle de Rome.

En face de Saint-Pol, dans la paroisse de Taulé, est Notre-Dame de Pensez, due à la piété des anciens seigneurs de Léon, et reconstruite en 1789. De là, apparaît au milieu de la mer, Notre-Dame de Callot, fondée par le roi Haël le Grand, au sixième siècle, en action de grâces de la défaite des Danois qui avaient fait invasion, tant sur le continent que sur cette petite langue de terre, et y avaient tout pillé. Réédifiée dans ces derniers temps sur les ruines de la première qui tombait de vétusté, elle est maintenant parfaitement ornée ; et on y va en pèlerinage de Saint-Pol, de Morlaix, de Tréguier et autres contrées de la Bretagne.

A peu de distance de l'île de Callot, dans la paroisse de Plouénan, s'élève la dévote chapelle de Notre-Dame de Kerellon, ainsi appelée de deux mots bretons qui signifient : Lieu des eaux, parce qu'autrefois elle était entourée d'un marécage, et qu'aujourd'hui coule près de ses murs une fontaine, dont les eaux bénies, dit-on, par la sainte Vierge sont estimées salutaires aux malades. Les trois fenêtres de cette chapelle, avec leurs trèfles, leurs quatrefeuilles et la rosace aux formes circulaires, en révèlent la haute antiquité. Tous les habitants du pays voient dans Marie une mère, et si on est malade ou en péril quelconque, ils recourent à elle avec confiance. Si on meurt, ils veulent la faire héritière en qualité de mère, et lui donnent ou une offrande en argent ou un vêtement, une chemise, une coiffe même, qu'on vend ensuite au profit de la chapelle. S'ils vont à la guerre, ils se recommandent à elle sur les champs de bataille ; et on a vu un brave, au retour de la guerre de Crimée, venir se prosterner à ses pieds, même avant d'aller embrasser ses parents, et se rendre de là au presbytère, pour remettre aux mains du prêtre la somme de dix francs, qu'il avait promise à la sainte Vierge dans le plus fort de la mêlée. On suit avec recueillement la procession solennelle du 15 août ; et on estime tant l'honneur de porter la bannière dans cette procession, qu'on achète cette gloire à l'enchère : on en a vu l'acheter jusqu'à cent cinquante francs. Notre-Dame de Kerellon est, dans l'opinion populaire, le premier sanctuaire du monde, et on y obtient plus de miracles que partout ailleurs. C'est ce qui se lit dans un cantique curieux que les Bretons chantent en son honneur.

La paroisse de Plougoulm a aussi deux sanctuaires de Marie, Notre-Dame de l'Archantel, sur laquelle les renseignements nous font défaut, et Notre-Dame de Prat-Coulm. Notre-Dame de Prat-Coulm était ainsi appelée de deux mots bretons qui signifient : Chant de la colombe, parce que, dit-on, une colombe blanche plane toujours au-dessus de son clocher. Ces peuples simples s'imaginent que les chants plaintifs de cette colombe sont les cris de quelque âme en peine, probablement, disent-ils, « l'âme du duc Arthur, qui réclame des prières » ; et ils ne manquent jamais de prier à cette intention en passant à Prat-Coulm. La foule se presse avec foi et recueillement dans ce béni sanctuaire, dont les murs sont tapissés d'ex-voto, souvenirs précieux du passé et espérances de l'avenir. Naguère une pauvre mère désespérée des hommes de l'art demanda qu'on l'y portât et qu'on lui mît sur les épaules la sainte image : on accéda à son désir, et aussitôt elle fut guérie. Un jeune marin pris sur la terre étrangère par les sauvages allait être mis à mort ; il invoque Notre-Dame de Prat-Coulm, les bras des sauvages levés. Pour le frapper se paralysent ; il s'échappe de leurs mains par la fuite ; et revenu en France, il va à Prat-Coulm remercier sa libératrice. Un enfant de trois ans, réfugié avec sa mère dans une grange, entend un grand bruit ; ce sont les murs qui s'écroulent : la mère invoque Notre-Dame de Prat-Coulm, et on la retrouve sous les décombres avec son enfant, sans que ni l'un ni l'autre ait éprouvé aucun mal.

Rien de plus édifiant que les pèlerinages à Notre-Dame de Prat-Coulm : on s'y rend en silence, en méditant dans son cœur les bontés de la Mère de Dieu, surtout le 2 juillet, jour de grande fête, où, à l'exemple de Marie traversant les montagnes pour visiter sainte Elisabeth, le vieillard soutenu par son fils, la mère portant son enfant, la jeune fille conduisant le reste de la petite famille, tous se rendent au pieux sanctuaire. On y prie avec ferveur et l'on s'en retourne en silence, comme on était venu, conservant dans son cœur les bons sentiments conçus aux pieds de Marie. Le reste du jour se passe en prières, en pieux cantiques et saintes lectures, accompagnés du chapelet.

Près du bourg de Lanmeur. s'élève encore un autre sanctuaire de Marie, Notre-Dame de Kernistroun (Kernistron), ainsi appelé de deux mots celtiques qui signifient : Lieu de Madame la sainte Vierge. Les grâces qu'on obtient dans ce sanctuaire y amènent une affluence prodigieuse, surtout à certains jours. On y prie particulièrement pour les âmes du purgatoire, que les paysans croient voir se promener le long des murs pour réclamer des prières. Le 15 août, jour de la fête patronale, on s'y rend de tous les points du département. On y apporte beaucoup d'offrandes, surtout des cordons de cire d'une longueur à faire trois fois le tour de la chapelle, et des ex-voto, parmi lesquels on remarque un tableau représentant la Vierge sur un nuage, s'inclinant vers la terre pour entendre la prière d'une jeune fille prosternée à ses pieds.

Enfin dans la paroisse de Plouvorn s'élève Notre-Dame de Lambader, autrefois propriété des Templiers. Elle est d'architecture arabe, avec huit arcades élégantes dans chacun de ses bas-côtés, une tour carrée, ornée d'une balustrade légère, surmontée d'une haute flèche de forme prismatique hexagonale de pierre de taille, travaillée à jour, ainsi que les quatre clochetons qui l'accompagnent. La porte d'entrée est couronnée d'une statue de la sainte Vierge en pierre, avec ces mots : Notre-Dame de Lambader, et six religieux à genoux d'un côté, six religieuses de l'autre ; elle porte le millésime de 1598 et la légende : Intercede pro devoto fœmineo sexu. A l'intérieur de l'église, se trouvent une statue de Notre-Dame de Pitié dans l'attitude la plus recueillie et la plus expressive ; un jubé de bois qui semble un réseau de sculpture, presque aussi remarquable dans son genre que celui du Folgoët dans le sien, un escalier tournant orné de petites statues d'anges, enfin un ensemble de beautés qui a inspiré à un observateur (M. Souvestre, Voyage dans le Finistère) ces remarquables paroles : « Ne vous semble-t-il pas respirer ici je ne. sais quel parfum du passé ? Ne vous sentez-vous pas transporté à cette époque de foi et de poésie, où les grandes croyances créaient de grandes choses ? Regardez ce jubé de bois sculpté, un des objets les plus précieux que nous ait laissés le moyen âge. Ne dirait-on pas un point de Malines brodé dans le chêne ? Et ces fers de captifs suspendus dans le chœur, qui vous rappellent les croisades ; ces vitraux coloriés dont les personnages portent le costume du seizième siècle, cet homme aux longs cheveux qui prie, un chapelet à la main, près de la porte avec son costume de serf ; tout cela ne vous saisit-il pas ? Tout cela ne vous cause t-il pas l'effet d'un rêve ? Ne vous croyez-vous pas devenu contemporain d'autres hommes et l'homme d'un autre siècle ? ».

Toutefois il est quelque chose de plus beau encore que toutes ces merveilles : c'est la piété des bons Bretons qui y viennent en pèlerinage, surtout le lundi de la Pentecôte et les jours de fête de la sainte Vierge. Ils invoquent Notre-Dame de Lambader pour toutes les misères de la vie ; mais les mères l'invoquent spécialement pour leurs enfants tardifs à parler : elles font offrir pour eux le saint sacrifice, y présentent à bénir du pain qu'elles leur font manger, promettent à la sainte Vierge que, si elle leur donne l'usage de la langue, le premier mot qu'elles leur apprendront à prononcer sera son nom béni, et se retirent ensuite pleines de confiance.

Indépendamment des églises ou chapelles que nous venons de décrire, le diocèse de Quimper a manifesté son amour envers la sainte Vierge en lui érigeant des sanctuaires sous différents noms. Ainsi il a élevé quatorze chapelles à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, neuf à Notre-Dame de Grâce, sept à Notre-Dame de Lorette, autant à Notre-Dame de Pitié, autant à Notre-Dame de Bon-Secours, autant à Notre-Dame de la Clarté. Dans ce religieux diocèse, on compte six chapelles de Notre-Dame de Locmaria, quatre de Notre-Dame du Mont-Carmel. trois de Notre-Dame de Joie, de Notre-Dame du Cœur, de la Vierge sans aucun titre, deux de Notre-Dame de la Salette, autant de Notre-Dame du Rosaire, de Notre-Dame de l'Espérance, de Notre-Dame du Paradis, une de la Mère de Dieu, de l'Immaculée-Conception, de Notre-Dame de Liesse, de Notre-Dame des Cieux, de Notre-Dame des Anges, de Notre-Dame de la Chandeleur, de Notre-Dame du Calvaire, de Notre-Dame de l'Assomption, de Notre-Dame de la Garde, de Notre-Dame de Bon-Voyage, de Notre-Dame des Neiges, de Notre-Dame des Bois, de la Forêt, de Notre-Dame des Trois-Fontaines, de Notre-Dame des Portes, de Notre-Dame de la Roche, de Notre-Dame du Vieux-Marché, de Notre-Dame de l'Hôpital, de Notre-Dame du Saint-Cœur de Jésus ; et à ces quatre-vingt-dix-sept chapelles, il faut en ajouter encore cent dix-huit autres qui portent soit les noms des lieux où elles sont situées, soit des noms bretons, comme Notre-Dame de Kerbader, Notre-Dame de Kerdevat, Notre-Dame de Bodilis, Notre-Dame de Benzit et autres semblables. Cette longue nomenclature, que nous nous abstenons de reproduire pour ne pas fatiguer le lecteur, démontre clairement les religieux sentiments d’un people qui semble épuiser tous les noms et toutes les formes de langage à la louange de la Reine qu'il vénère et de la Mère qu’il aime. (Hamon André Jean-Marie).

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