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Pèlerinages, Troménies, Processions votives au diocèse de Quimper

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I. — Pèlerinages.

La visite d'un lieu saint a été de tout temps une dévotion chère aux Bretons de l'extrême Armorique. Les distances à parcourir, le plus souvent à pied, ne semblent pas les arrêter. C'est ainsi que le Cartulaire nous montre « Renaud Le Gall », évêque de Quimper, fondant en 1228 son anniversaire avant d'entreprendre le pèlerinage de Bari, en Apulie, en l'honneur de saint Nicolas ; quelques années plus tard vers 1236 le même évêque se préparait à accomplir le vœu qu'il avait fait d'aller en terre sainte, lorsqu'il en fut dispensé par cette lettre de Grégoire IX, datée du 24 octobre 1237 (Archives vaticanes).

« Notre très cher fils le comte de Bretagne, par zèle pour la foi, s'étant enrôlé sous les étendards de la croix pour voler au secours de Constantinople et désirant vous confier la garde de sa terre, nous a prié de vous autoriser à demeurer en Bretagne, quoique vous ayez vous-même pris la croix pour venir au secours de la terre sainte ; nous vous accordons en conséquence cette autorisation, tout en vous concédant la même indulgence que vous auriez gagnée en vous y rendant effectivement ».

L'année du Jubilé de 1600, le concours des bretons bretonnants fut si nombreux à Rome, que le pape nomma pour la circonstance grand pénitencier des bretons, François Larchiver, originaire de Plouvorn, qui, après avoir fait ses études à Rome, y desservait l'église de Saint-Yves-des-Bretons — il mourut évêque de Rennes.

A peine la découverte de la statue miraculeuse de sainte Anne, près d'Auray, fut-elle connue, que ce lieu devint le centre d'une dévotion ardente pour la Grand'mère de l'Homme-Dieu, dévotion qui se manifesta surtout sous la forme de pèlerinage. « En 1633, la peste affligeant extrêmement la ville de Pont-l'Abbé et le voisiné il y avait près de six mois ; à la suasion du Père Huger de saint François prieur des Carmes de cette ville, les habitants firent un vœu à sainte Anne près Auray et à certain jour partirent du dit lieu du Pont, tous les religieux du dit couvent processionnellement devant eux, suivis de deux ou trois cents personnes hommes et femmes de la dite ville et vinrent trois jours de chemin, toujours en procession avec prières et chants, en la dite chapelle de sainte Anne, rendre leur vœu et s'en étant retournés, la peste cessa en telle sorte que aucun depuis n'en fut frappé. En mémoire de quoi ils mirent un tableau de sainte Anne en une chapelle de leur église qu'ils appelaient autrefois sainte Barbe. » (Archives départementales).

Il n'est pas inutile de remarquer que Pont-l'abbé est distant de sainte Anne d'Auray d'environ 26 lieues, ce qui fait une moyenne de près de neuf lieues par jour, sans qu'un tel nombre de pèlerins ait pu espérer trouver un gîte convenable pendant la nuit.

Mais la forme la plus spéciale de pèlerinage en Bretagne a été ce qu'on appelle le pèlerinage des Sept Saints, pèlerinage accompli isolément ou par groupe jusqu'à la fin du XVème siècle. Ces sept saints étaient les fondateurs des sept églises de Bretagne : Léon, saint Paul ; Quimper, saint Corentin ; Vannes, saint Paterne Tréguier, saint Tugdual ; Dol, saint Samson ; saint Brieuc et saint Malo. Or les pieux pèlerins n'hésitaient pas à entreprendre, même à pied, la visite des églises cathédrales dédiées à ces saints fondateurs, et ce pèlerinage qui durait environ deux mois s'appelait le tour de Bretagne, tro Breiz. Ils se renouvelaient, à la fin du XIVème siècle, quatre fois par an : à Pâques, à la Pentecôte, à la Saint-Michel de septembre et à Noël ; c'est-à-dire qu'ils commençaient quinze jours avant, et finissaient quinze jours après chacune des fêtes dont ils empruntaient les noms, du moins dans le diocèse de Vannes, car à Quimper au commencement du XVème siècle ces pèlerinages n'avaient lieu que deux fois l'an.

On a pu calculer à Vannes, pour une année, un passage de trente à trente-cinq mille pèlerins, à raison des offrandes déposées à cette occasion dans la Cathédrale.

L'église de Quimper avait un autel dédié aux Sept Saints de Bretagne, placé à l'entrée du chœur près de la grille, et un tronc appelé cista perigrinorum, tronc des pèlerins, qui constituait un des revenus du chapitre. Ce pèlerinage qui était fort fréquenté au XIIIème siècle, au temps de saint Yves, tomba en désuétude au commencement du XVIème siècle, mais laissa au fond de l'âme bretonne le goût prononcé pour cette forme de dévotion. (Voir MM. le Men, Trévédy, dom Plaine).

 

II. — Troménies.

1° Locmaria-Quimper.
Troménie est une corruption du mot breton tro minihy tour de l'asile. Ce mot asile dans son sens le plus large signifie en Bretagne une franchise, ou un territoire exempt, par sa qualité de bien ecclésiastique ; aussi croyons-nous que c'est pour fixer à jamais, mieux que sur parchemin authentique, les limites des terres franches appartenant au saint ou à l'église que furent instituées ces processions périodiques dans lesquelles on parcourait le plus scrupuleusement possible les limites exactes de l'asile ou du Minihy. Nous en avons un exemple dans une procession de ce genre qui se faisait à Locmaria-Quimper au XVIIème siècle, en portant le saint Sacrement, Dieu sait par quels chemins ; on en jugera par l'extrait suivant du procès-verbal rédigé le deux juillet 1652 par trois notaires à la requête du sieur de Kerangoff chanoine (G.-316).

« Lequel nous a requis de suivre la procession du saint Sacrement et appurer le chemin et le tour qu'elle prendra pour faire sa tournée ordinaire que l'on appelle tro an minihy ; et y inclinans, l'aurions suivie en compagnie de nombre d'autres personnes, laquelle, sortie de l'église de Locmaria, aurait pris sa route, tout au long de la rue et chemin qui conduit du dit Locmaria à la chapelle de Notre Dame du Peniti [Note : Chapelle située au milieu environ des allées de Locmaria, vis-à-vis la cale Saint-Jean de la rue vis. (détruite vers 1810)], aux rabines de cette ville, ou estans, un peu avant d'entrer sous les rabines, elle aurait monté en la montagne Fruguy et continué son chemin au long d'icelle jusques au bout du nord du parc nommé parc menez, dépendant du lieu de Crec'hmaria Uhellaf ; ce parc est celui du Minihy en Locmaria, et puis entrée en un petit chemin au long et au côté du levant du même parc et le parc an justiçou [Note : Lieu des justices patibulaires en Ergué-Armel], et prins son détour au bout d'iceluy et continué le mesme chemin tout le long du mesme parc an justiçou et les parcs an lan et du parc an tirien bras, dépendant du dit Crec'hmaria, et puis entre les terres et lieux de Penarstang et Kerdrézec, jusques au parc ar goarenou dépendant du dit Kerdresec ; et suivi le chemin le long du fossé du costé de l'occident jusques au grand chemin conduisant du bourg de Locmaria à la chapelle de saint Laurent ; et de là estans rendus en la croix nommée croas minihy, la procession aurait pris le chemin au gauche de la dite croix pour se rendre à Crec’hburtull et puis continuer la route ordinaire par Poulguinan pour se retourner au dit Locmaria.

Comme aussy nous, sus dits notaires, appurons que depuis le dit chemin entre les deux parcs an menez et parc ar justiçou, et au long du chemin, il y a doubles fossés jusqu'au dit grand chemin, entre lesquels, en apparence, étoit auparavant le chemin ordinaire de la dite procession, et à raison que à présent le dit chemin est encombré et rempli de landes et d'attraits, on a fait et pris le chemin aux terres y adjacentes ce qui nous a esté dit et affirmé par quantité de personnes assistans à la dite procession ».

Le changement d'itinéraire dans le parcours est exactement noté, parce que les seigneurs voisins ne pouvaient dîmer dans l'enclos du minihy, c'est ce que précise le témoignage des vicaire et chapelain de Locmaria, donné le 18 juillet suivant :

« Soubsignants Jan Derrien prestre vicaire perpétuel de la cure prieurale de Locmaria et Jan Quéré aussy prestre et chapelain de la dite église, certifions avoir bonne et certaine cognoissance du chemin et tour de la procession vulgairement appelée de trovinie ou tro menec'hy, c'est-à-dire tour et circuit de la juridiction des moines du dit Locmaria [Note : « Explication du tout impertinente (lit-on en marge) et fausse, car ce mot minihy ne signifie que franchise seulement »] et limites du fieff du prieuré, laquelle cognoissance nous avons acquise pour avoir assisté à la dite procession au dimanche prochain après le Sacre, depuis trente ans en ça, tant, es temps de nos estudes, qu'es dites qualités de vicaire et chapelain, comme aussy par le rapport des anciens de la paroisse, lesquels terminaient les différens des dimeurs d'Ergué, de Lanniron et tous autres, par le chemin de la procession, en l'enclos duquel on ne dîme pas ; lequel tour de trovinie, les mêmes anciens affirment, avec bonnes marques qui sont encore évidentes, estre diminué en la Montée de la montaigne, pour icelle montée ancienne estre trop ardue et à pic au-dessus de la chapelle du Peniti, et au-dessous de la métairie de Pratmaria, pour cause de l'eau, au reste le tour n'entre nullement altéré, si ce n'est qu'au-dessus de Crec'hmaria uhellaff, le chemin qui ne sert que pour la dite procession, et marque les limites du fieff du dit prieuré, se ferme incontinent après la procession passée, et étant trop étroit l'on permet de passer par les garennes du dit lieu de Crec'hmaria, mais toujours dans l'enclos du chemin ancien et nullement au dehors et pour ce avons signé la présente déclaration. A Locmaria, ce jour, 18ème juillet 1652 ». (Archives départementales, série D).

Ces pièges, extraites des archives départementales, montrent bien que le but de ces troménies était, comme nous le disions, de délimiter les terres franches de la communauté ecclésiastique. Cette procession de Locmaria semble être tombée en désuétude dès le commencement du XVIIIème siècle.

2° Saint Ronan.
Parmi les troménies encore en usage dans le diocèse de Quimper, la plus célèbre est celle de saint Ronan, patron de la petite ville de Locronan, située à mi-côte de la colline dite Plaç à c'horn, qui domine la baie de Douarnenez. Ce lieu fut la retraite de Ronan ; ce saint évêque venu d'Irlande avait coutume, dit-on, de faire tous les jours à pied le tour du terrain occupé aujourd'hui par la paroisse de Locronan, et une fois par semaine il parcourait un circuit plus considérable passant actuellement sur le territoire de quatre paroisses voisines. Il est à présumer que ces deux parcours avaient pour but de délimiter : le premier, l'étendue de la paroisse et de la juridiction spirituelle du prieuré ; le second, l'étendue du territoire sur lequel le prieuré avait des droits temporels ; ce qui est certain, c'est que, de temps immémorial, le second dimanche de juillet, se fait ce qu'on appelle la petite troménie, dont le parcours ne dépasse pas sensiblement les limites de la paroisse, et tous les six ans a lieu la grande troménie dont la procession s'avance sur le territoire de Locronan, Kerlaz, Plonévez-Porzay, Quéménéven et Plogonnec, parcourant environ trois lieues.

Ce qui caractérise cette procession, c'est d'abord que l'on tient absolument à suivre aussi exactement que possible le chemin parcouru par le saint, sans se préoccuper de prendre celui qui serait le plus court, ou le plus facile. Depuis le temps où vivait saint Rouan le pays n'est plus inhabité, la montagne a été défrichée, la propriété a été morcelée et les champs se trouvent entourés de talus assez élevés ; mais au jour de la grande troménie, ni le talus qui barre la route traditionnelle, ni le champ ensemencé, et le blé presque mur, ne peuvent être un obstacle à la dévotion des pèlerins qui tiennent à mettre le pied là où le saint a passé, et les propriétaires sont obligés de laisser faire une brèche au talus, combler les fossés, et couper le blé des champs pour laisser un passage suffisant à la foule des quinze à vingt mille pèlerins qui va parcourir ce chemin, jours et nuits, du deuxième au troisième dimanche de juillet.

A l'occasion de la grande troménie, il n'y a cependant que deux processions solennelles qui ont lieu le second dimanche de juillet et le dimanche qui suit ; ces processions suivies par plusieurs milliers de personnes sont faites d'après un rite spécial dont le cérémonial est conservé de toute antiquité aux archives paroissiales ; il comporte douze stations, où l'on chante un évangile ayant quelque analogie avec le saint qui est honoré dans le voisinage ; à un moment donné, la procession arrive devant une colline qu'il faut escalader directement, sans aucun sentier tracé, le plus souvent sous un soleil brûlant, c'est un des pas les plus difficiles de ce pèlerinage ; aussi, avant d'entreprendre l'ascension, la foule des pèlerins tombe à genoux et l'on chante le Miserere, après quoi la côte est escaladée ; les chutes et faux pas ne se comptent pas, mais soutenu par le tambour qui bat la charge, on se sent animé encore par l'espoir bien mérité que l'on trouvera au sommet, à Plaç a c'horn, un peu de repos, en respirant plus librement et en contemplant le panorama merveilleux qui se déroule de Douarnenez jusqu'aux extrémités de la presqu'île de Crozon. Sur le haut de la montagne la foule écoute un sermon breton en plein air, puis retourne processionnellement à Locronan par l'autre versant de la montagne, après une cérémonie qui a duré près de cinq heures.

Ces deux processions solennelles qui ont lieu à huit jours d'intervalle, quoique suivies par un grand nombre de fidèles, ne sauraient suffire à satisfaire la dévotion des nombreux pèlerins qui n'ont pu s'y rendre, aussi pendant toute la semaine, jours et nuits, une foule de personnes font individuellement ou par petit groupe cette même troménie, dans le plus profond recueillement ; plusieurs mêmes tiennent à parcourir ce long chemin sans prononcer une parole, et sans tourner même la tête, l'on n'ouvre les lèvres que pour réciter son chapelet et l'on ne se détourne un peu de sa route que pour faire une offrande aux saints dont on rencontre les statues sur le passage. Car, et ceci est le cachet le plus saillant de cette procession, les statues des saints des églises de Locronan et des paroisses sur le territoire desquelles on passe, sont transportées pendant ces huit jours sur le bord du parcours, on les place dans des niches faites de toile ou de branchages qui sont destinées à abriter et les saints et les marguilliers qui, jour et nuit, se relaieront pour les garder et recevoir les offrandes ; chaque gardien est muni à cet effet d'une petite clochette qu'il agite lors du passage des pèlerins pour attirer leur attention et provoquer leurs largesses, c'est une traduction discrète du proverbe : chacun prêche pour son saint. On raconte même à ce propos, sans que la chose paraisse bien authentique, qu'autrefois les gardiens, au lieu de se contenter d'agiter la sonnette, prêchaient littéralement pour leurs saints, chacun prônant les faveurs dont ils avaient coutume de combler leurs clients : « Faites, disaient-ils, votre offrande à saint Herbot et vos vaches vous donneront beaucoup de lait, ou à saint Fiacre, il protégera vos légumes, à saint Isidore pour vos moissons, à saint Corneli pour vos bœufs, à saint Alor pour vos chevaux, etc ... ». Or il arriva, dit-on, qu'un jour de grande troménie, tous les saints de l'église avaient été pris par l'un ou l'autre des marguilliers, si bien qu'un de ceux-ci arrivé trop tard, avisant le diable qui était resté au socle de la statue de saint Michel, s'en empara et, se mettant sur le passage de la procession, il disait aux pèlerins : « Mal avisés que vous êtes, n'êtes-vous pas imbéciles d'aller porter votre argent aux saints pour qu'aucun mal ne tombe sur vous ni sur vos biens, ne savez-vous pas que les saints sont bons, incapables de faire du mal, mais celui-ci Paolic, celui-ci est méchant, c'est lui qui vous fera du mal avec plaisir, fera tomber la grêle sur vos champs, la maladie sur vos bêtes, si vous ne lui donnez quelque chose ». Et de fait, ce fut le marguillier qui fit la meilleure recette. Ce fait semble bien inventé à plaisir, mais ce qui n'est que trop réel, c'est la tendance du paysan breton, lorsque dans une élection se présentent deux candidats, l'un chrétien, l'autre mécréant, de voter peur ce dernier précisément parce qu'il est mauvais et qu'il n'hésitera pas à se venger si l'on est contre lui, tandis que l'on escompte l'indulgence et le pardon du bon candidat qu'on a combattu.

Mais revenons à saint Ronan ; ce saint est spécialement invoqué pour obtenir postérité, ou lignée, comme disaient les anciens ducs dans les chartes par lesquelles ils ont richement doté l'église de saint Ronan. C'est par reconnaissance pour ce saint évêque que la duchesse Anne donna le nom de Renée à la fille qu'elle eut de Louis XII, et maintenant encore le saint est invoqué pour cet objet ; malheureusement il se mêle à cette dévotion fort légitime des superstitions ridicules, reste des anciennes coutumes druidiques : sur le parcours de la procession se trouvent trois pierres qui sont particulièrement l'occasion de ces pratiques ; les deux premières sont deux petits menhirs ou Lec’h d'un mètre de hauteur, ayant l'extrémité légèrement recourbée en forme de corne. L'une est située au bas de la montagne, l'autre au sommet de Plaç a c'horn, et plusieurs sont persuadés que pour obtenir la grâce demandée au saint, il faut se frotter en passant contre ces pierres ; et qu'il convient, pour obtenir toujours le même effet, de s'asseoir sur un rocher situé sur l'autre versant de la montagne et qu'on appelle la chaire ou chaise de saint Ronan ; heureusement que le nombre de pareils dévots diminue d'année en année, mais ce qui ne diminue pas, c'est le nombre des pèlerins, augmenté de celui des curieux qui, aux grandes troménies, viennent souvent de fort loin pour prendre part à ce grand acte de foi.

Les archives de l'église conservent quelques actes constatant des prodiges survenus à l'occasion de la troménie. En 1667, deux notaires recueillent le témoignage de plusieurs personnes, tant de Locronan que de Plounévez-Porzay, qui attestent sous la foi du serment avoir vu cette année « qui était l'année du grand troveny, les reliques et leurs ornements rendues toutes seches en l'église et sans être aucunement mouillées après avoir estées, à la coustume, portées à la procession, au dit tour, non obstant le gros temps et pluyes qui ne cessa depuis la sortie de la dite procession. ». Dans le même procès-verbal, les mêmes témoins déclarent « avoir ouy dire par leurs prédécesseurs que l'on avait veu sortir les dites relicques avec croix et bannières, les cloches sonnantes d'elles-mêmes, et aller faire la dicte procession, à pareil jour du dit tour, sans pouvoir dire, ny nommer l'année, fors Anne le Faou de Plonévez qui a dit avoir entendu de sa mère qui avait apprins de son ayeul maternel, nommé Nicolas, que c'estait l'année qu’il avoit esté fabrique à la paroisse de Plonevez et qu'il estoit venu avec les armes (an armon, c'est-à-dire les bannières et croix) de la dite paroisse, au dit Locronan pour assister à la dicte procession, et qu'à cause du mauvais temps, il s'estoit retiré en la maison qui est à l'opposite du grand portail de l'église, pour estre à couvert du mauvais temps lorsqu'ils virent les dictes relicques sortir processionnellement d'elles-mêmes, croix et bannières et cloches sonnantes, ce qui fit que messieurs les prêtres et quantité d'autres les suivirent ».

Nous mentionnons simplement, pour mémoire, la troménie de Landeleau.

3° Troménie de saint Sané.
Saint Sané, venu d'Hibernie en Armorique, débarqua, nous dit Albert le Grand, sur la côte de Plougonvelen et fonda l'église de Plouzané dans un temple dédié jusque-là aux idoles : « on trouve encore, ajoute-t-il, par commune tradition, que la tour de l'église tréviale de Notre-Dame de Laumaria, distant de Guicsané d'un quart de lieus, était jadis un oratoire dédié à leurs fausses et prophases deitez, situé lors, au milieu d'une épaisse forest qu'ils nommaient Lucus ; et voit-on devant l'église, de part et d'autre du grand chemin, deux grandes croix de pierre lesquelles on tient que saint Sané y avoit fait planter, dès qu'il eut converti ce peuple à la foy ; en reconnaissance de quoy, ces croix ont esté depuis tenues en grande révérence et servoient d'azile et franchise pour les malfaicteurs ; que s'ils pouvoient se rendre au grand chemin entre ces deus croix, ils n’estoient pas appréhendés de la justice, et l'appeloient Menehy sant Sané ».

Ces deux croix, dont il est ici parlé, sont deux petits menhirs surmontés d'une croix, actuellement placés à dix mètres l'un de l'autre à l'entrée du bourg de Locmaria-Plouzané ; autrefois, ils se trouvaient, mais alors séparés l'un de l'autre de trois mètres seulement, dans un petit bois voisin, dit Coat-ar chras, bois de la grâce ou bois de l'asile.

A un petit kilomètre du bourg se trouve également le lieu appelé ar cloastr, le cloître, ou saint Sané avait construit quelques cellules en forme de monastère près d'une fontaine dite fontaine du cloître. Le jour de la Pentecôte, la procession de Locmaria se joint à celle de Plouzané pour faire ensemble, avant la grand'messe, la troménie du cloître que l'on appelle tro sant Sané le tour de saint Sané. De nombreux fidèles font la même troménie, individuellement, le chapelet à la main, soit ce jour, soit un des jours de l'octave.

4° Saint Gouesnou.
Saint Gouesnou, arrivant de Grande-Bretagne, s'était retiré dans un ermitage non loin de Brest ; c'est là que Comore, seigneur du pays, le rencontrant pendant qu'il chassait, « lui offrit pour bâtir un monastère autant de terre qu'il en pourrait clore de fossez en un jour ; le saint accepta le don et ayant mandé à son frère Majan qu'il vînt à son aide, il prit une fourche et la traînant par terre, il marcha environ deux lieues de Bretagne en quarré et à mesure qu'il traînait ce bâton fourché, la terre, chose étrange, se levait de part et d'autre et formait un gros fossé [Note : En Bretagne, on nomme fossé ce qu'ailleurs on appelle un talus] qui servait pour séparer les terres qui luy avoient esté données de celles du seigneur fondateur, lequel enclos est toujours tenu en telle révérence qu'autrefois il servait d'azile et de lieu de refuge aux malfaiteurs, et n'y eust-on osé rien semer ni labourer les terres comprises dans ce pourpris, pour les punitions arrivées à plusieurs qui ayant attenté de prophaner ce lieu, avaient esté chastiez de mort subite » (Albert le Grand).

La terre de Land Gouesnou était donc un ménéhy, et c'est sans doute en souvenir de cette délimitation merveilleuse du territoire de cette paroisse que s'accomplit tous les ans la procession solennelle du jour de l'Ascension. Le cortège se rend jusque sur le territoire de Guipavas, comme pour rendre hommage au père de saint Gouesnou, saint Tugdon, fondateur de cette dernière paroisse.

Jusqu'à ces dernières années, les statues des saints de l'église étaient portées à cette procession, fichées sur des bâtons, on se contente actuellement d'y porter simplement les reliques de saint Gouesnou. L'honneur de porter ces reliques était autrefois recherché par les plus hauts personnages ; les ducs et princes de Bretagne ont rempli cet acte de dévotion.

Voici comment se faisait cette procession, d'après les notes manuscrites de M. J. Gariou :

« La paroisse de Guipavas se rendait processionnellement au lieu de Saint-Thudon pour se réunir à celle de Saint Gouesnou ; on ne pénétrait dans l'enceinte réservée que les pieds nus. Là, les reliques des deux paroisses étaient placées sur les pierres, vieux débris de l'ermitage de saint Thudon ; un prêtre prononçait un discours de circonstance, puis le Recteur de Guipavas faisait baiser les reliques.

Cette cérémonte terminée, les deux processions se remettaient en marche jusqu'à la limite des deux paroisses, indiquée par une croix en pierre qui existe encore à l'extrémité Ouest du village de Kermao ; on y faisait une station où, après une prière récitée devant les reliques posées sur le pied de la Croix, on donnait les reliques à baiser, et les processions se séparaient pour retourner dans leurs paroisses respectives.

Cette cérémonie ne se fait plus avec la même solennité ; la paroisse de Gouesnou est encore fidèle au rendez-vous, mais les reliques sont suivies d'une foule moins considérable. Guipavas ne s'y rend plus et ne participe à cet acte de dévotion que par l'envoi des reliques de saint Pierre et saint Paul, confiées à un marguillier qui les place sur les marches de la Croix de pierre sur le passage de la procession, non loin de l'enclos de Saint-Thudon » (Extrait des notes manuscrites de M. J. Cariou, 1860).

Au XVIIème siècle, les reliques de saint Conogan étaient exposées sur le parcours de la procession de saint Gouesnou par les paroissiens de Beuzit-Saint-Conogan.

Aujourd'hui, bon nombre de ces usages sont tombés en désuétude, comme on pourra en juger par la relation suivante du cérémonial actuellement observé, que nous , devons à l'obligeance de M. Duval, recteur de Gouesnou.

Le matin de l'Ascension, après la messe des pèlerins, dite à cinq heures, la procession part de l'église paroissiale vers six heures ; on y porte la croix processionnelle, les reliques de saint Gouesnou dans un reliquaire spécial, puis dans un autre reliquaire les reliques de plusieurs saints martyrs ; elles sont portées par des jeunes gens pris en général parmi ceux qui ont été tirés au sort dans l'année ; pour remplir cet office, ils se débarrassent de leur habit et prennent un surplis sans manches ; chaque reliquaire est précédé d'une lanterne.

La procession, qui doit parcourir le territoire dit le Pénity, sort du cimetière par la grille la plus rapprochée du presbytère, au chant de l’Isle confessor, puis des litanies des Saints.

La première station a lieu à la croix de Penhoat ; la croix et les reliques font, trois fois, le tour du calvaire, pendant que l'on chante 0 crux ave. Puis l'on s'engage dans un sentier couvert, au sortir duquel on s'arrête au haut d'un champ pour réciter Pater, Ave, Gloria patri ; c'est la seconde station.

A travers champs, on vient rejoindre la grande route de Guipavas, que l'on suit pendant quelque temps ; à deux ou trois cents mètres de là, on arrive au lieu appelé Kador sant Gouesnou, la chaire de saint Gouesnou ; on se tourne vers le Sud, et l'on chante l'antienne Sacerdos et pontifex ; c'est la troisième station.

On continue vers Saint-Thudon, où l'on s'arrête pour la quatrième station, à une croix qui se trouve dans un champ. On y récite Pater, Ave, Gloria.

La cinquième station est en face du village de Cosribin, sans que rien marque l'endroit précis ; on y récite encore Pater, Ave, Gloria. De là, on continue à se rapprocher de la grande route de Brest, pour arriver à la sixième station, devant la croix de Kergaradec. Chant de 0 crux ave. Puis on traverse la route de Brest pour prendre celle de Lambézellec, et depuis une dizaine d'années seulement, on s'arrête dans une chapelle particulière pour chanter l'Ave maris stella.

En revenant vers Gouesnou, on quitte la route pour entrer dans une prairie dite Goarem-ar-Sant, la prairie du Saint ; on y prie près d'une fontaine, dont on boit de l'eau avec des bols placés à cet effet pour l'usage des pèlerins ; c'est la septième station traditionnelle.

Puis, huitième station à la chapelle de Keryvoas, qui n'est ouverte qu'à cette occasion ; on y chante le Magnificat et, se rendant au bourg, on descend à la fontaine monumentale de saint Gouesnou pour y réciter Pater, Ave, Gloria ; de là, la procession passe par le bourg, chante O crux ave devant la croix de Saint-Mémor, pour rentrer à l'église au chant de l'Isle confessor. Il est environ neuf heures et demie, et l'on a parcouru environ quatre lieues depuis six heures du matin ; c'est dire à quelle allure on a marché, si l'on tient compte des temps d'arrêt aux stations et dans les villages traversés, car on s'y arrête aussi un instant ponr permettre aux habitants de passer sous les reliques ; et comme cette procession accélérée a lieu à une époque de l'année où les chaleurs sont souvent accablantes, sur divers points du parcours, on a la charité de déposer une baratte d'eau et quelques bols pour le soulagement des pèlerins ».

Telle est cette troménie de Saint-Gouesnou, qui maintenant encore, malgré les accrocs faits à quelques anciens usages, porte toujours les traits caractéristiques de la foi bretonne, et sans s'attacher à suivre les chemins battus, tient à parcourir scrupuleusement les sentiers suivis par le saint Patron.

5° Procession de saint Conogan.
Cette procession n'a cessé qu'avec l'existence de la paroisse de Beuzit-Saint-Conogan qui au Concordat a été rattachée à Landerneau ; elle était autrefois célèbre et avait lieu le troisième dimanche de mai, et les reliques du saint étaient portées par des laïcs revêtus de surplis. Les comptes de 1681 nous apprennent que cette année Guillaume Jollec et Louis Labat payèrent 39 # entre eux deux pour avoir l'honneur de les porter ; on y portait aussi les autres saints en honneur dans la paroisse, parmi lesquel sont spécialement mentionnés, la Sainte Vierge, saint Corentin, saint Jean et saint Yves. La procession passant devant le village de Gorré beuzit s'arrêtait et le célébrant y récitait un De profundis par suite de la fondation faite par le propriétaire de ce village ; une portion des reliques de saint Conogan était plongée dans l'eau dont se servaient les pèlerins pour l'appliquer à un membre malade. Le compte de 1683 porte en effet cette mention : « reçu d'un particulier pour avoir eu de l'eau de dessus de la relique, 6 sols ». Lors du pardon du Folgoët, un prêtre accompagné d'un fabrique portait les reliques de saint Conogan sur le chemin pour les faire baiser parles pèlerins et recevoir les offrandes.

6° Plouguerneau.
Des processions analogues ont lieu encore à Plouguerneau ; à deux ou trois jours déterminés, la paroisse est aussi parcourue par le clergé et les pieux fidèles accompagnés de tous les saints protecteurs de la paroisse. Car si à Landeleau tous les saints de la Bretagne accompagnent invisiblement la procession, si à Locronan les saints assistent à la troménie dans les oratoires dressés sur le parcours, à Plouguerneau les saints eux-mêmes suivent les processions ; ils ne sont pas simplement portés sur des brancards, car d'abord ils sont trop nombreux, et cela alourdirait considérablement la marche, et serait même souvent, impraticable, car l'on chemine le plus ordinairement par des sentiers. Les saints au nombre d'environ 24 sont de jolies petites statuettes en bois d'un pied de haut, supportées par un piédestal emmanché dans une hampe de bois, ce qui permet à une seule personne de porter le saint. Le dimanche qui précède la procession, au prône de la grand'messe, l'honneur de porter les saints est mis aux enchères ; quand la récolte est menacée, saint Fiacre et saint Isidore sont les plus demandés, en temps d'épidémie c'est saint Sébastien ou saint Roch, le plus souvent c'est son patron que l'on veut honorer, et cette sorte d'adjudication n'est en somme qu'une offrande faite à l'église sous cette forme originale.

 

III. — Processions votives.

1° Guipavas.
A Guipavas, le jour de l'Ascension, se fait une procession de l'église paroissiale à la chapelle de Notre-Dame du Run où l'on entre pour chanter la messe ; mais après en avoir fait trois fois le tour, on revient ensuite à l'église paroissiale dont on fait également trois fois le tour avant que d'y rentrer. Cette procession se faisait autrefois, et jusques en 1830, pieds nus, même par les prêtres qui ont été les premiers à se dispenser de cette gêne et ils ont été promptement imités par le plus grand nombre, quelques vieillards seuls ont tenu pendant longtemps à l'ancien usage. Cette procession était alors désignée sous le nom de Pardon de la Délivrance des Eaux, et voici à quelle occasion elle avait été établie d'après la tradition.

« Il existait dans le pays une fontaine dont la célébrité attirait un grand nombre de dévots qui y faisaient de peu décentes ablutions, plutôt payennes que chrétiennes ; Saint Thudon, pour combattre cette superstition, y construisit un oratoire à la Sainte Vierge qui devint la chapelle de Notre-Dame du Run, les pèlerins y accoururent, mais nonobstant le culte pour la fontaine continua au détriment de la chapelle qui abandonnée tomba bientôt en ruine. Un châtiment terrible s'en suivit, la fontaine jaillit avec une telle abondance qu'elle produisit un torrent dévastateur qui submergea tout le vallon. On n'obtint la cessation du fléau qu'en faisant le vœu de reconstruire la chapelle ; on suivit alors processionnellement le retrait des eaux jusqu'à l'endroit où est aujourd'hui l'église de Saint-Pierre au bourg, dont l'espace fut bientôt découvert ; on en fit trois fois le tour et on retourna dans le même ordre à Notre-Dame du Run la remercier de cette délivrance des eaux.

Lorsqu'on reconstruisit la chapelle à la fin du XVème siècle, probablement pour couper court à toute pratique superstitieuse, la construction se fit au-dessus de la fontaine que l'on dit se trouver sous le maître autel » (J. Cariou).

2° Quimperlé.
Les registres de la municipalité de Quimperlé font mention de deux processions instituées par voeu de la ville pour faire cesser la peste.

En 1684 en effet, une délibération de la Communauté de ville du 16 mai renouvelle un vœu fait de tradition immémoriale pour faire tous les ans, le 12 août, une procession qui se rendra de l'église des Bénédictins (Sainte-Croix) à l'église des Jacobins ou Dominicains (aujourd'hui la Retraite). Cette procession est dite de Saint-Grégoire, car la délivrance du fléau fut attribuée à saint Grégoire, un des patrons du couvent des Dominicains, auquel on s'était voué. Cette procession n'est plus en usage et il est à présumer qu'elle fut établie avant le XVIème siècle, puisqu'à la fin du siècle suivant personne n'a plus souvenir à Quimperlé de l'époque de sa fondation.

Tout porte à croire que cette procession ne doit pas se confondre avec une autre établie à Quimperlé, pour le même objet, il est vrai, mais ayant pour but un lieu de pèlerinage distinct, dans le dessein d'honorer un autre saint protecteur ; c'est la procession votive de saint Roch en Moëlan, dont il est question dans la délibération suivante du conseil municipal de Quimperlé datée du 29 juillet 1807.

« Séance présidée par M. Mancel, maire, où étaient MM. Birquelle et Sauvée, adjoints.

S'est présenté à la mairie de Quimperlé M. Michel Henri, curé, lequel a exposé qu'à son arrivée en cette ville (1805) une maladie épidémique y exerça de cruels ravages et enleva 392 habitants dans l'espace d'une année ; qu'appelé dans presque toutes les maisons pour remplir les fonctions de son ministère, il n'entendait lors de ses fréquentes visites qu'un cri unanime et un désir bien prononcé de renouveler le vœu formé depuis plusieurs siècles, d'aller une fois l'an processionnellement à saint Roch, pour la cessation de la peste qui ravageait cette ville et ces contrées, que désirant le constater d'une manière non équivoque, après des recherches lui commandées par la religion, il a convoqué à cette séance les plus anciens habitants de cette ville pour corroborer le contenu de son exposé qu'il a signé : Henry Curé.

Ont aussi comparu : MM. Du Couédic, Billette, Le Couriault du Quilio, Bosc, André, Kermorial, Kerguern, Cloarec, Laurent, Bideau, Cupillard, Menaud, le Moign, Moricette, le Breton, Guillerme, Daubin, Rousseau, Page, Buguel, Pathier, Pressard et autres propriétaires, anciens habitants de Quimperlé, lesquels ont déclaré qu'il est de notoriété publique que le dimanche après l'Assomption, une messe se disait à quatre heures dans l'église de Notre-Dame d'où la procession partait à cinq heures pour se rendre à la chapelle de saint Roch sur la commune de Moëlan distante de cette ville d'environ deux lieues ; qu'une personne au moins de chaque ménage suivait cette procession établie de temps immémorial par un vœu solennel pour faire cesser la peste qui ravageait ce pays ; que cette cérémonie religieuse et obligatoire ayant été interrompue pendant la révolution, ils ont demandé d'une voix unanime le renouvellement de ce vœu ; que cette réclamation leur fait remplir un devoir sacré impérieusement prescrit par leurs auteurs qui, par tradition, avaient reçu la même recommandation de leurs ancêtres, et ont signé en priant les autorités locales d'aviser aux moyens d'accomplir les intentions si souvent et si formellement manifestées — suivent les signatures.

Considérant que la cessation du fléau de la peste par l'invocation de saint Roch a été pour Quimperlé un bienfait signalé de la providence, les autorités locales remplissent autant leurs vœux que ceux précédemment prononcés, en accueillant avec empressement une demande aussi légitime,

Considérant encore que la procession instituée pour ces motifs est un acte formel de la reconnaissance publique et un hommage éclatant rendu à la divine miséricorde d'une grâce aussi signalée ;

Considérant enfin que l'intention des habitants pour l'accomplissement de ce vœu était si fortement prononcée qu’ils ont continué à se transporter individuellement jusqu'à cette Chapelle, au jour indiqué et dans les temps les plus orageux de la Révolution.

Nous, maire et adjoints, prions instamment M. l'Evêque de Quimper d'autoriser le renouvellement de cette sainte solennité et d'ordonner que suivant l'usage ancien, cette procession soit chaque année, irrévocablement fixée au dimanche qui suivra le jour de l'Assomption.

Nous sommes assurés d'avance que M. le Préfet du Finistère s'empressera d'approuver une délibération tendant au rétablissement d'une cérémonie qui ne peut éprouver aucun obstacle depuis le retour de l'ordre.

Fait en mairie de Quimperlé sous nos seings les dits jours et an. Signé : Mancel, maire ; Briquelle et Sauvée, adjoints ».

Depuis, la procession de saint Roch n'a pas cessé d'être pieusement suivie par les habitants de Quimperlé.

La messe de 4 heures se dit encore pour permettre aux pèlerins de communier avant le départ ; dans le principe elle avait été instituée pour les pèlerins venant d'Hennebont et qui avaient voyagé toute la nuit, car cette ville voyant l'heureux résultat du vœu pour Quimperlé, avait obtenu en s'y associant la cessation du même fléau, mais par la suite des temps, les habitants d'Hennebont trouvant trop pénible ce long pèlerinage, avaient obtenu d'être relevés de leur vœu.

Il est à noter qu'au coup de cinq heures la procession ne sort pas solennellement de l'église Notre-Dame, mais se forme dans une rue voisine devant la maison où, suivant la tradition, fut guéri l'enfant d'une veuve après voeu d'aller à saint Roch, voeu qui fut ratifié par la ville en voyant ce prodige ; c'est devant cette maison que le prêtre conduisant la procession et toute la foule s'agenouillent pour réciter une courte prière qui est suivie du départ des pèlerins.

La procession s'arrête trois fois en route pour réciter quelques prières devant des croix, aux deux premières stations, et à la troisième devant un talus de la route après l'embranchement des routes de Moëlan et de Clohars ; il paraît évident qu'en ce lieu devait se trouver une troisième croix qui a disparu ; la procession ne s'arrête plus ensuite qu'à la vue du clocher de Moëlan, endroit où elle rencontre toutes les croix et bannières de la paroisse qui viennent tour à tour donner le baiser de paix à la croix des pèlerins ; en arrivant, vers sept heures, la messe est dite dans la Chapelle de saint Roch, après quoi le pèlerinage est terminé, car l'on ne s'en retourne pas en procession.

Nous aurions encore à parler des processions qui se sont faites et qui se font à l'occasion des missions, du transfert des ossements du reliquaire paroissial à la fosse commune, et de celles qui ont lieu à l'occasion des calamités ou réjouissances publiques, mais ce travail dépasserait les limites raisonnables d'une lecture en congrès ; ce que nous avons dit suffit assez pour démontrer que cette forme de dévotion, processions et pèlerinages, a été et demeure en faveur parmi les bretons de la vieille Armorique.

(Chanoine Peyron).

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