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Quelques droits seigneuriaux exercés à Quimper.

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Hévin, dans son mémoire pour l'Evêque de Quimper, s'indigne contre Bougis, qui ose opposer à l'Universalité du fief de l'Evêque les droits qu'exerçaient en ville les seigneurs de Bienassis et de Cludon (HEVIN, p. 97). — J'en demande pardon à l'illustre feudiste ordinairement si exact : les expressions qu'il emploie ici sont bien impropres. Ce n'est pas comme seigneur de Bienassis (évêché de Saint-Brieuc), mais comme seigneur de Coatfao (paroisse de Pluguffan) que M. de Visdelou réclame le droit en question. Ce n'est pas comme seigneur de Cludon (évêché de Tréguier), mais comme seigneur de Guengat, que M. de Kergorlay exerce le singulier droit que nous allons faire connaître [Note : De même Hévin commet une erreur en disant que ces seigneurs étaient sergents féodés de l'Evêque ; et que les droits prétendus sont une « rénovation de rapines des sergents ». Voir sur ces points : Bull. X. Coatfao et Pratanras, p. 83].

Vue générale de Quimper (Bretagne).

Le seigneur de Coatfao avait maison en ville, pour laquelle il devait à l'Evêque une rente de 4 deniers (Aveux et Evêque, f° 10, v°). — Il réclamait « le droit de sonner de la corne en la ville et église cathédrale de Quimper, les jeudis, vendredis et samedis saints », le droit « de lever, le mardi de Pâques, par les hommes qui avaient corné la semaine précédente, deux oeufs de chaque maison où il y a gens mariés, et un oeuf de chaque maison où il y a veuf ou veuve », — et, comme sanction « le droit d'enlever, faute de paiement, les serrures avec tenailles et marteaux » (Aveux de Coatfao). Il paraît, bien que les aveux ne fassent pas d'exception, qu'en fait les maisons prébendales n'étaient pas soumises au droit (Sénéchal, f° 11, r°).

Hévin a beau dire, ce droit extrêmement ancien, était admis par les sentences de réformation et par des arrêts du Parlement. Au dernier siècle, le titre en vertu duquel ce droit existait au moins depuis le XVème siècle, ne se retrouvait plus. Le seigneur de Coatfao réclame la sonnerye comme un droit ; et c'est à tort, je crois, que l'Evêque et le Sénéchal la considèrent comme un devoir et soutiennent que le droit de cueillette des oeufs « s'il existe » n'est que le prix de ce service [Note : Une tradition ancienne rapporte l'origine de la sonnerye à la cause que voici : Lors de la construction de la nef de la cathédrale, Bertrand de Rosmadec eut besoin d'une énorme quantité de hêtres. Le seigneur de Coatfao (le bois du hêtre) les fournit gratuitement ; et, pour perpétuer le souvenir de cette libéralité, l'Evêque lui concéda le droit de sonner. — Quoiqu'il en soit, ce n'est pas (comme on l'a dit) pour appeler les fidèles aux offices, que l'on sonnait dans l'église et après l'office commencé. Voir Pratanras et Coatfao. Bull. X, p. 76 et suiv. Le seigneur de Coatfao avait aussi droit de bouteillage. — Voir les débats élevés sur ces divers droits. Promenade à Pratanras et Coatfao. Bull. X, p. 19 et suiv.].

Le sieur Amette, procureur fiscal de l'Evêque, nous a révélé comment se faisaient, au milieu du dernier siècle, la sonnerye et la cueillette des oeufs.

Les jours saints, à l'office de Ténèbres, quatre vassaux de Coatfao « munis de cors ou cornes en terre » entraient au choeur de la cathédrale ; à un moment donné, ils se levaient brusquement « faisaient le tour de l'église en cornaillant comme des fous », puis parcouraient les rues de la Ville-Close et des faubourgs, sauf la Terre au Duc, fief du Roi. Tous les « polissons » de la ville leur faisaient cortège.

Le mardi de Pâques, les quatre vassaux revenaient ; deux portaient des paniers, deux étaient armés de marteaux, de pinces et de tenailles ; ils allaient ainsi « de porte en porte » réclamant partout deux oeufs, mais se contentant de l'offre de deux liards. Personne ne s'inquiétait de savoir si le droit était régulièrement perçu : la redevance était si minime ; et puis, les collecteurs avaient tant amusé les enfants. On riait et on payait, trop heureux de racheter sa serrure à si bon compte.

Amette voulut faire autrement : le 4 avril 1741, il refusa le droit et malmena un des collecteurs...

J'ai conté ailleurs — et trop longuement — les mésaventures de ce pauvre Amette, qui espère engager l'Evêque dans sa querelle ; mais qui, par la maladresse de son procureur au Parlement, se trouve être seul adversaire de haut et puissant seigneur Louis Engilbert, comte de la Marck et de Schleiden, lieutenant général des armées du roi, chevalier de ses Ordres, Grand d'Espagne, etc., exerçant les droits de Coatfao et Pratanras au nom de sa fille, future duchesse d'Arenberg... (Voir Bull. X, p. 66 et suiv. Pratanras et Coatfao).

Le seigneur de Guengat était, comme nous l'avons vu, un des quatre seigneurs qui devaient porter l'Evêque à sa première entrée en ville. Pour prix de cet office, il réclamait le droit de « percevoir un os moellier, de chaque boucher de la ville » et le droit « de faire courre une poule blanche aux bouchers, la veille de saint Pierre » [Note : Sénéchal, 31 r°. — Au temps d'Hévin et au dernier siècle, la seigneurie de Guengat était à la maison de Kergorlay ; mais, aux siècles précédents, les seigneurs du nom de Guengat avaient eu une haute illustration. L'un d'eux, Alain de Guengat, avait été vice-amiral de France, capitaine de Brest et maître d'hôtel du roi François Ier. Il mourut le 10 des Calendes de juillet 1531 ; et le Nécrologe des Cordeliers lui consacre cette mention prétentieuse qui sort des habitudes de simplicité des humbles Frères : 10 Kal. Julii, 1531. — Hâc luce concessit in fato vir tum bellicâ gloriâ, tum sapientissimis — in administrandâ Gallorum regis Francisci ejus nominis primi familiâ, et in navihus et castris et oppidis Britannicis regendis — consiliis, nulli suâ tempestate secundus, Alanus de Guengat. 10 des Calendes de juillet 1531 (22 juin). — Ce jour succomba au destin un homme qui par sa gloire guerrière et par sa haute sagesse dans l'administration de la maison du Roi de France François premier du nom, et dans le commandement des flottes, des armées et des villes de Bretagne, ne fut inférieur à personne de son temps, Allain de Guengat]. L'Evêque contesta formellement ce droit dont nous ne trouvons la preuve nulle part ; nous ne savons si la perception de l'os moëllier se faisait ; mais il est certain que le seigneur donnait la poule à courre et voici comment. Le sénéchal en est mieux informé que personne, puisque lui-même intervenait en cette affaire. Or, c'est lui qui nous apprend que « le matin de la veille de saint Pierre (28 juin), un gentilhomme présentait une poule au logis du sénéchal, et demandait acte de ce que la poule était toute blanche. Le sénéchal donnait l'acte et la poule était jetée et courue par les bouchers ».

La poule devait être présentée au sénéchal en son logis, par conséquent avant l'audience, ouvrant à cette époque de l'année à huit heures du matin [Note : Titres des Cordeliers. Archiv. dép. Délibération du Présidial (14 mai 1660), en vertu de laquelle une messe est fondée pour être dite, à la sortie de l'audience, au grand autel de l'Eglise, « afin que les officiers occupés toute la matinée à la distribution de la justice... ne se trouvent pas privés de si sainte et si pieuse action »]. Quel joyeux tumulte à cette heure matinale sur la place Saint-Corentin ! Tous les écoliers de la ville éveillés dès l'aurore sont à leur poste ; que la poule prenant un haut vol aille se réfugier sur une des pierres en saillie de la façade de la cathédrale, qu'elle prolonge la course, l'horloge sonnera en vain l'heure de la classe, et les écoliers se donneront congé...

Ces redevances et ces droits nous semblent bizarres : peut-être nous étonneraient-ils moins, si nous n'en avions pas perdu le sens originaire ?

Des mendiants devant la cathédrale de Quimper (Bretagne).

Une chose qui, à mes yeux, ne doit pas moins surprendre, c'est la lutte entreprise contre l'Evêque par la communauté de la ville.

Jamais administration ne coûta moins cher que celle de l'Evêque, et c'est quelque chose !... L'Evêque perçoit sa taille de mai, 24 livres en 1594, 20 livres en 1682, qui représente la rente féodale due par toutes les maisons de la ville ; en outre, cent-vingt maisons doivent des rentes qui varient de quelques livres à un denier ; en sorte que tout compte fait, la moyenne de la rente payée est pour chaque maison de un peu moins de quarante-sept centimes ! [Note : Voici en résumé les rentes énoncées à l'aveu de 1682 : - 27 livres payées par 6 maisons, soit pour chacune 4 fr. 50 c. - 553 sous par 53 maisons, pour chacune 10 s. (50 c.). - 409 deniers par 61 maisons, pour chacune 6 d. (2 c. 1/2). - 27 l. 553 s. 409 d. (à 12 pour 1 sou) donnent en réduisant 56 l. 7 s. 1 d. ou 56, 35 c. (1 denier) pour 120 maisons. Chacune payait donc en moyenne 46 c. et une fraction 46 c. 95 — soit 47 centimes. 7 maisons payaient des gélines ou poulets : en tout 77 poulets].

Les bourgeois doivent, il est vrai, suivre le moulin et le four de l'Evêque. Mais, puisqu'il faut faire moudre et cuire quelque part, qu'importe, au point de vue financier, que ce soit au moulin et au four de l'Evêque ou ailleurs ? Comme on le voit, ces redevances et ces obligations n'étaient pas lourdes ; et les Quimpérois d'aujourd'hui seraient trop heureux d'en être quittes à si bon compte.

Que le domaine royal se substitue au fief épiscopal, tout va changer ! La communauté de ville ne semble pas avoir prévu les effets de la révolutign qu'elle hâte, autant qu'il est en elle, en se faisant l'alliée du Présidial dans sa lutte contre l'Evêque.

Depuis la fin du XVIème siècle, les présidiaux poursuivent avec une ténacité que rien ne lasse ou ne déconcerte la ruine des justices seigneuriales et en particulier de la juridiction des Regaires. Non seulement ils se font les dociles instruments de la puissance royale ; mais ils tendent à augmenter leurs attributions et poursuivent une satisfaction d'amour propre. Le présidial de Quimper s'est fait naturellement l'allié de Bougis ; et il a trouvé une alliée dans la communauté de ville.

Comment s'est faite cette dernière alliance ? C'est que le sénéchal préside les délibérations de la communauté, et celle-ci est soumise à l'influence du premier magistrat de Cornouaille.

L'ingrate communauté fait semblant de mettre en oubli les services rendus à la ville par les Evêques, qui en maintenant pendant des siècles les franchises de Saint-Corentin ont sauvegardé les franchises municipales ; mais attendez ! Au dernier jour, en 1781, quand elle y aura intérêt, la communauté de ville va redevenir l'alliée de l'Evêque : elle sera trop heureuse d'abriter ses protestations derrière le droit du prélat, qui, en défendant sa mouvance des murailles, défend les intérêts du collège, de l'hôpital Saint-Antoine et de nombreux habitants.

La communauté est-elle désabusée ? A-t-elle enfin compris que ses adversaires sont ceux de l'Evêque, les régisseurs du domaine du roi ? Il y a longtemps que l'Evêque aurait pu adresser aux régisseurs le reproche que je trouve dans la bouche du Maire, en 1781 : inquiets et mal intentionnés, et pour être complet, il fallait ajouter : avides d'augmenter leurs recettes pour augmenter leurs émoluments.

Nous avons vu Bougis réclamer comme étant de fief royal trois maisons de la Ville-Close. Cette prétention, repoussée par le Parlement, ne fut qu'un premier essai d'envahissement sur le fief épiscopal ; et les tentatives se renouvelèrent. Les officiers royaux finirent par s'aviser d'un expédient aussi simple que déloyal : sous menace de confiscation, ils demandèrent aux couvents, monastères et titulaires de bénéfices des déclarations de posséder sous le domaine du roi. Les Jésuites, le Chapitre, les Cordeliers prirent peur et passèrent de ces déclarations frauduleuses attentatoires aux prérogatives de l'Evêque, mais qui en droit ne pouvaient lui nuire (Subdélégué, f° 21).

Il y a plus : les religieuses hospitalières passèrent une déclaration de ce genre pour l'hospice Sainte-Catherine (6 juillet 1682), qui ne leur appartenait pas, mais à la ville qui l'avait doté, et par acte de 1645, y avait rattaché l'hospice Saint-Julien. Cette déclaration, qui comble la mesure de la faiblesse des uns et de la fiscalité des autres, n'a cependant pas été produite au subdélégué en 1781. On a eu peur sans doute de la Cour des Comptes.

S'il nous fallait d'autres exemples de l'esprit envahisseur des régisseurs, le rapport du subdélégué nous les fournirait. Il nous apprend que le préposé du régisseur imagina de louer la pêche dans la rivière d'Odet, au-dessous de la ville. Le subdélégué prend en mains contre les officiers royaux, la défense des pêcheurs de Locmaria « qui sont embarqués pour le service du roi et dont les femmes n'ont d'autres ressources que la pêche ». Le régisseur prétend retirer de l'afréagement la somme de 500 livres. « Il faudra donc, dit le subdélégué, que sous peine de se ruiner, il rançonne les pêcheurs » (Aveu du 7 avril 1679). On peut être assuré, en effet, que le fermier ne se fût pas contenté du pot de vin unique auquel la prieure de Locmaria avait autrefois imposé chaque bateau. (J. Trévédy).

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