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L'ÉCOLE CENTRALE DU FINISTÈRE DE QUIMPER.

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I. — L'installation de l'Ecole Centrale.

La Révolution Française trouva le Collège de Quimper florissant et son corps enseignant favorable aux idées nouvelles. Lorsque le principal Le Coz fut élu évêque constitutionnel de Rennes, il fut remplacé par l'abbé Jean Guillaume, aussi libéral que lui. Quand la loi du 5 Février 1793 établit « le certificat de civisme », tous les professeurs l'obtinrent sans peine. Et pourtant le Collège se vida brusquement : en 1795, il n'était plus fréquenté que par un petit nombre d'élèves ; il était inutile de nommer des professeurs aux chaires vacantes, car beaucoup de classes étaient désertes : les gouvernements successifs n'avaient pas eu le temps de mettre sur pied un programme d'enseignement, et les « instituteurs » étaient les plus déshérités de tous les fonctionnaires : payés en assignats dévalués, ils n'avaient pas droit aux secours en nature et se trouvaient dans un état voisin de la misère.

Le 1er Brumaire an V (22 Octobre 1796), s'ouvrait l'Ecole Centrale du Finistère. Cette Ecole était créée en vertu d'une loi de la Convention Nationale du 3 Brumaire an IV (25 Octobre 1795). Une Ecole Centrale sera établie dans chaque département de la République ; l'enseignement y sera divisé en trois sections : Enseigneront dans la première section : un professeur de dessin, un professeur d'histoire naturelle, un professeur de langues anciennes et, le cas échéant, un professeur de langues vivantes. La seconde section comprendra un cours élémentaire de mathématiques, un cours de physique et chimie expérimentales. Dans la troisième section seront donnés les enseignements de la grammaire générale, des belles-lettres, de l'histoire et de la législation.

Les élèves auront toute liberté de suivre les cours qui leur plaisent, de combiner eux-mêmes leur programme d'instruction.

Seront constitués auprès de chaque Ecole Centrale : une bibliothèque publique, un jardin botanique, un cabinet d'histoire naturelle, un cabinet de physique et chimie. Les professeurs de l'Ecole Centrale seront choisis par un « jury d'instruction » ; leur traitement sera le même que celui d'un administrateur de département et de plus il sera réparti entre ces professeurs le produit d'une rétribution annuelle payée par les élèves.

L'Ecole Centrale du Finistère s'organisa lentement ; le jury d'instruction ne manquant pourtant pas d'hommes de valeur : nous y relevons les noms de Cambry, de Roujoux, de Le Bastard, de Rochon. Jacques Cambry, de Lorient, avait longtemps voyagé en Allemagne, en Suisse, en Italie où « l'amour des arts lui inspira la passion de l'Antiquité » ; d'une imagination vive, il sut rapporter de ses voyages d'abondants matériaux intellectuels ; son Voyage dans le Finistère constitue un document précieux sur l'état du département pendant la Révolution. Rochon était un explorateur, un astronome et un physicien ; après avoir reconnu les écueils de l'Océan Indien et déterminé la route la plus sûre vers les Iles de France et de Bourbon, il était devenu directeur de l'observatoire de Brest, et se trouvait qualifié pour organiser à l'Ecole Centrale l'enseignement scientifique. Roujoux, ancien député à la Législative et à la. Convention, Le Bastard, ancien lieutenant général de l'Amirauté de Quimper, n'étaient pas non plus sans mérites et feront sous le Consulat et l'Empire de très belles carrières.

Le Jury d'instruction, non sans peine, put recruter quelques professeurs, qui se heurtèrent aussitôt à de graves difficultés : les écoles primaires faisant défaut dans le département, il en résultait que très peu d'élèves étaient préparés à l'enseignement de l'Ecole Centrale. De plus, les bâtiments du Collège étaient dans un état de délabrement extrême : les réparations urgentes n'avaient pu être faites, faute d'argent, les pluies pénétraient jusqu'aux fondements de l'édifice ; les professeurs doivent pour faire leurs cours réunir leurs élèves dans leurs chambres, faute de classes propres à les recevoir ; le professeur de dessin, dont les disciples sont particulièrement nombreux, occupe quatre chambres séparées qu'il lui est impossible de surveiller à la fois ; les objets indispensables manquent pour l'étude de la physique, de la chimie et de l'histoire naturelle ; la bibliothèque, non seulement est ravagée par les inondations périodiques, mais encore ne renferme guère que des ouvrages de droit civil et de droit canon et des livres de dévotion, elle ne contient aucun des livres élémentaires et modernes dont professeurs et élèves ne sauraient se passer. Que de fois le corps enseignant de l'Ecole Centrale se plaindra des conditions lamentables dans lesquelles il est obligé de travailler ! L'Etat, faute d'argent, ne peut « étendre sa sollicitude sur les moyens de dissiper l'ignorance ».

II. — L'enseignement de L'Ecole Centrale.

A ces conditions matérielles pitoyables, correspond un enseignement d'une haute originalité.

Tant par son effectif que par la place que lui assignait la loi du 3 Brumaire, « l’école de dessin » apparaît au premier plan ; le dessin « accoutume les yeux à saisir fortement les traits de la nature et est, pour ainsi dire, la géométrie des yeux comme la musique est celle de l'oreille ». Par le dessin, les enfants doivent prendre contact avec la nature, l'observer, la connaître, la reproduire ; plus tard, ils s'élèveront au stade des idées générales. Nous verrons que cet enseignement sera servi à Quimper par un maître remarquable.

L'histoire naturelle marque sur le dessin un progrès, car elle doit non seulement décrire les formes extérieures des objets, mais étudier leur structure interne et, pour les êtres vivants le mécanisme de leur vie. L'histoire naturelle a pour but, écrit Dubosq, professeur de l'Ecole Centrale, de décrire les substances de la nature par leurs caractères extérieurs, de déterminer leurs espèces et leurs variétés, d'observer leurs origines, leur accroissement, leur reproduction, leur mort. En zoologie, l'on étudie à Quimper le plus souvent l'homme : « son âme immortelle lui donne l'empire de la terre et la jouissance de toutes ses productions ». En botanique, « science d'agrément, mère de l'agriculture et mère du commerce », deux systèmes « ont... récréé la science dans les temps modernes » : celui de Tournefort, basé sur la forme de la corolle, et celui de Linné, basé sur le système sexuel des plantes. En minéralogie, un gros effort est à fournir pour ajouter aux richesses de la France et du Finistère en particulier « celles qu'un sol aride cache à nos yeux et que de légers efforts arracheront au sein de la terre ».

La chimie a été « éveillée par la voie de Bergmann, Gayton, Lavoisier, Berthollet, Chaptal, Fourcroy ; elle a franchi la nuit du chaos et terrassé l'ignorance et l'erreur qui entravait sa marche » ; à Quimper, l'on étudie le « calorique », la lumière, les « parties constituantes de l'air atmosphérique », la « décomposition » et la synthèse de l'eau, les sels, les métaux.

La physique générale considère les propriétés dont tous les corps jouissent de la même manière et sans exception : étendue, impénétrabilité, mobilité, inertie et gravité. La physique particulière s'occupe des propriétés dont les corps jouissent d'une manière variable : les élèves étudient la porosité et l'élasticité, les propriétés mécaniques de l'air (siphon, baromètre, pompes, vents, sons), puis les phénomènes caloriques et les théories des gaz.

Le cours de mathématiques prévoit l'étude de l'arithmétique (opérations décimales, proportions, progressions, logarithmes), de l'algèbre (opérations ordinaires, formule de Newton, résolution d'équations, méthode inverse des séries), de la géométrie (éléments, traité des courbes, principes des calculs différentiel et intégral, et application aux diverses questions de géométrie).

Le cours d'histoire énumère tous les peuples anciens dont les empires sont détruits, ceux qui leur ont succédé, les nations modernes ; il montre quels ont été, chez chaque peuple, les aptitudes, les bases de la moralité, les caractères distinctifs des religions.

Enfin, l'enseignement de la grammaire générale donne à la 3ème section de l'Ecole Centrale, une sorte de culture supérieure : il comporte tout d'abord des études de psychologie basées sur les théories sensualistes de Condillac ; puis la grammaire générale analyse les signes des idées et la logique recherche les causes d'erreurs et les degrés de certitude dont les objets sont susceptibles.

Toutes ces matières d'études nous semblent bien diverses et pourtant, il y a entre elles un lien commun : l'enseignement est devenu purement expérimental et scientifique et s'oppose aux études littéraires, désintéressées, un peu « mondaines » du Collège d'ancien régime ; il est étayé par une bibliothèque de plus de 18.000 volumes, constituée par des réquisitions dans tous les coins du département et qui forme aujourd'hui le noyau de l'excellente « Bibliothèque Municipale », par un jardin botanique qui, avec ses 1.600 espèces de plantes, ses serres permettant l'étude des plantes tropicales paraît avoir été un des plus beaux de France : en quelques années, les professeurs de l'Ecole Centrale avaient constitué un matériel d'enseignement de premier ordre.

Pas plus dans le Finistère que dans les autres départements, l'Ecole Centrale n'eut le temps de donner sa mesure : quelques-uns de ses cours furent très fréquentés, ceux de dessin et de mathématiques surtout ; mais elle présentait pour les parents des élèves des défauts assez graves : les études n'avaient pas de sanction (bien qu'une loi du 27 Brumaire an VI exigeât, pour tout candidat (jeune) à un emploi d'état, un certificat de fréquentation de l'Ecole Centrale) ; le programme des institutions nouvelles n'établissait pas un lien assez vigoureux entre les diverses années et laissait à l'élève trop de liberté ; il n'y avait pas à Quimper de pensionnat et les étudiants étaient « abandonnés à la dissipation naturelle à cet âge » (ce. n'est que plusieurs années après la fondation de l'Ecole Centrale que les professeurs organisèrent un internat) ; enfin, les programmes correspondaient à une certaine conception du gouvernement et de la société qui ne pouvait plaire à tous.

Pourtant, avec ses 80 ou 100 élèves, l'Ecole Centrale du Finistère ne passe pas inaperçue dans la cité : professeurs et élèves participent à toutes les fêtes civiques ; les premiers se rendent sur la place publique, pour l'anniversaire du 10 Août 1792, ils s'engagent à haute voix à n'inspirer à leurs élèves que des sentiments républicains, du respect pour les vertus, le talent, le courage et la reconnaissance pour les fondateurs de la République. En l'an VIII, voici comment se fait la rentrée des classes [Note : Archives du Finistère ; Waquet : Bulletin de lu Société d'Archéologie] : le 30 Vendémiaire, à sept heures du soir, les cloches des églises de Quimper sonnent à toute volée ; le lendemain, 1er Brumaire, à neuf heures, l'administration du département, la municipalité, les autorités civiles et militaires, les professeurs et les élèves, précédés de la musique, se rendent au « temple dit la cathédrale » ; ces membres des administrations départementale et municipale, tenant d'une main une branche de chêne et donnant l'autre à un professeur portant lui aussi une branche de chêne, défilent dans les rues ; à la cathédrale, temple décadaire, le secrétaire du département lit l'arrêté qui fixe la rentrée des cours au 1er Brumaire, les professeurs prêtent serment, l'un d'eux prononce un discours, et lecture est faite, après un intermède musical, des programmes des cours de l'année. Le cortège remonte vers l'Ecole Centrale, plante un arbre de la Liberté et pendant que les professeurs et élèves comblent la fosse, la musique fait entendre l'air bien connu de Jean-Jacques Rousseau : Je l'ai planté, je l'ai vu naître ; administrateurs, professeurs, élèves se donnent l'accolade : une nouvelle année scolaire est commencée.

III. — Quelques professeurs de l'Ecole Centrale.

A tout seigneur, tout honneur : le professeur de dessin eut à Quimper un très grand succès. Fils d'un maître d'école de Guingamp, apprenti verrier à Quimper, Valentin, traçant au charbon quelques gribouillages sur un mur de la ville, fut remarqué par un chanoine ; devenu pensionnaire du Roi à l'Ecole Française de peinture à Rome, Valentin acquit une rapide notoriété ; à Saint-Etienne du Mont, à Saint-Melaine de Morlaix, au musée de Quimper, l'on peut admirer ses œuvres ; spectateur et acteur de la prise de la Bastille, Valentin est un révolutionnaire qui n'a d'excessif que le langage ; il lutte, en artiste, contre un vandalisme regrettable ; professeur, il est admiré de ses concitoyens : « des enfants nés avec des dispositions heureuses, trouvaient [à Quimper] un des meilleurs maîtres de France » (Cambry).

Dubosq, le professeur d'histoire naturelle, joua dans l'Ecole Centrale un rôle de premier plan : d'origine normande, médecin de marine, il fut vraiment un des champions du nouvel enseignement scientifique ; il suffit de parcourir sa correspondance, fort volumineuse, pour avoir une idée de l'activité de cet homme dont la carrière ne se terminera pas avec l'Ecole Centrale.

Yves-Marie Ollitrault, de Mûr-de-Bretagne, professeur de grammaire générale, était ancien élève et ancien professeur du Collège de Quimper ; il prêta serment comme la plupart de ses collègues ; le 1er Septembre 1791, le Directoire du Département imprimait, aux frais du département, son ouvrage : « Réponse aux deux plus fortes objections des non-conformistes » ; il retrouvera une chaire de philosophie après la fermeture de l'Ecole Centrale.

Si les mathématiques sont convenablement enseignées par le curé de Langonnet, Le Monze, puis par le Quimpérois Le Déan, le professeur de belles-lettres Henriquez nous semble user d'un style un peu inquiétant : Audren, évêque constitutionnel de Quimper, est assassiné sur l'ancienne route de Châteaulin, le 28 Brumaire an IX ; Henriquez, défendant un des meurtriers du prélat, raconte en ces termes sa visite à la dépouille funéraire d'Audren : « Témoin oculaire, je concentre mes larmes ; je suis appelé..., j'entre..., je plonge la main dans le côté de mon vertueux ami ; je voulais prendre son cœur, l'emporter..., son cœur n'a plus de forme, il est tout déchiré, je renfonce ces lambeaux..., j'embrasse le vieux pasteur et je couvre d'un linceul ce qui restait de lui sur la terre... » (Prosper Hémon : Yves-Marie Audren).

Il est vrai que, dans le nouveau système d'études, les belles-lettres, école de finesse et de goût, tenaient bien peu de place !

il n'en reste pas moins que, hésitante dans son organisation, assez médiocre dans le recrutement de ses élèves, soutenue avec peine par le talent de quelques professeurs, l'Ecole Centrale du Finistère est fort intéressante par la nouveauté de l'enseignement qu'elle donne. Durant tout le XIXème siècle, le Collège et le Lycée essaieront, non sans mal, d'allier la culture littéraire des Collèges d'Ancien Régime, aux nécessités pratiques que leur imposera le développement de l'industrie et de l'esprit scientifique.

(Louis NICOLAS).

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