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Les Murs et Fortifications de la ville de Quimper.

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I.

Les murs de la ville ont été construits ou par l'Evêque, ou par les habitants avec le concours ou l'aveu de l'Evêque, seigneur de la ville. C'est ce que, en 1781, l'Evêque induisait de l'usage constant de la communauté de ne point innover sans sa permission. C'est ainsi que, par exemple, en 1748 et 1753, quand il fut question d'aplanir les douves et de supprimer l'arche en pont-levis du pont de Sainte-Catherine, la communauté demanda l'autorisation de l'Evêque (Subdélégué. 2 et suiv.).

Les fortifications et murs de Quimper (Bretagne).

En 1209, Guy de Thouars, époux de la duchesse Constance, tenta d'élever une forteresse « une maison , disent les titres, à l'angle formé par les deux rivières au-dessus de leur confluent ». Cette maison et ses dépendances auraient, paraît-il, occupé tout l'espace qu'occupa, depuis, l'enclos de Saint-François (Evêque. 1745).

L'Evêque s'opposa à cette construction sur son fief, et en appela à l'Archevêque de Tours, alors en tournée pastorale en Bretagne. Le différend fut réglé dans un synode tenu à Rennes (LOBINEAU, p. 195). Il fut convenu que « la maison » serait couverte, mais resterait en l'état où elle était. Plus tard, Guy de Thouars ayant, malgré ses promesses, repris le travail interrompu, l'Archevêque mit l'interdit sur ses terres ; le Comte se soumit et laissa démolir la forteresse, dont les matériaux abandonnés à l'Evêque servirent à bâtir la chapelle du Guéodet.

Deux siècles après (1399), Jeanne de Navarre, veuve de Jean IV, tutrice de Jean V, reprit l'oeuvre tentée par Guy de Thouars. Mais l'Evêque Thibault de Malestroit excommunia les officiers de la Duchesse, et mit l'interdit sur le diocèse. Pendant que la Duchesse en appelait à l'Archevêque de Tours, l'Evêque réclamait d'elle la démolition de la forteresse commencée. N'en obtenant rien, il maintint son interdit ; mais, grâce à l'intervention du Pape et de l'Archevêque, l'interdit fut suspendu de sept ans en sept ans, à la condition que les travaux ne fussent pas repris. Enfin, en 1435, pendant l'épiscopat de Bertrand de Rosmadec, le pape Eugène IV fit cesser l'effet de l'interdit ; mais il réserva à l'Evêque l'usage des armes spirituelles, si de nouvelles entreprises étaient faites sur le fief de Saint-Corentin.

Les choses en étaient là, lorsque Pierre II (1452) entreprit de finir la forteresse de Jean V. L'Evêque Jean de Lespervez recourut à Rome et le Pape, sur le rapport de trois Evêques commis par lui, négocia un accord entre le Duc et l'Evêque. Le Duc fut autorisé à achever sa forteresse ; mais il s'engagea en même temps à reconstruire ou à réparer l'enceinte murale qui menaçait ruine [Note : J'emprunte ce qui précède à M. LE MEN, p. 177-179. L'auteur, plus complet que Dom Lobineau, cite notamment le Cartulaire du Chapitre de Quimper, n° 56. - Voir aussi Hévin, p. 61 et suiv.].

Telle est l'histoire de la construction du château. Elle nous montre les Evêques, véritables défenseurs de la cité, luttant pendant près de deux siècles et demi pour les droits du fief de Saint-Corentin, et terminant cette longue querelle par une transaction avantageuse à la cité. Mais longtemps avant cet accord du Duc et de l'Evêque, la ville était close de Murs.

L'enceinte murale existait-elle en 1209 ? — Il serait téméraire de l'affirmer : du moins est-il certain qu'elle était complète avant que fussent élevés les remparts de Dinan, qui allait devenir une place autrement forte que Quimper.

En effet, en 1345, quand Dinan, au rapport de Froissard (liv. I c. 107), « n'était fermé que de palis », notre ville était enclose de murs, puisque Charles de Blois « fit brèche en six endroits de la muraille » et donna l'assaut au mur qui longeait la rivière, vers le Parc actuel. Il semble même qu'à cette époque il y avait quelques défenses dans la Terre au Duc. Ceci résulte de ce fait emprunté par Dom Lobineau à l'enquête de canonisation de Charles de Blois : — « Charles ayant jugé à propos de ruiner une partie des fortifications qui (à cause de leur étendue), étaient de trop grande garde..., aima mieux démanteler ce qui était à lui (au Duc), que de toucher à ce qui était à l'Evêque » [Note : Sur les six brèches. ALBERT LE GRAND. Vie du B. Jean Discalcéat, § VIII. - Sur le reste LOBINEAU, p. 336 et Preuves, col. 560. - Lobineau met le premier siège en 1344, le second en 1345. Il ne semble pas douteux que Charles de Blois a pris Quimper au printemps de 1345 (nouveau style)]. Ce qui était au Duc ne pouvait être que dans la Terre au Duc.

Les murs menaçaient ruine en 1452, quand ils furent ou reconstruits ou réparés par le duc Pierre II, en vertu des conventions passées avec l'Evêque Jean de Lespervez. — Ces murs reconstruits sont ceux dont nous voyons aujourd'hui les restes.

Le produit d'un impôt particulier, dit en Bretagne droit de billot, était consacré à l'entretien des places, rues et murs des villes. Cet impôt levé sur les boissons était général et la noblesse et le clergé y étaient soumis. Ce droit était, selon le système financier du temps, donné à ferme. Mais la Cornouaille avait deux villes closes : Quimper et Concq (Concarneau). Le billot de Cornouaille était une ressource insuffisante aux dépenses de ces deux places [Note : Encore arrivait-il quelquefois que le Roi détournât le billot de sa destination naturelle, comme il fut fait à Quimper en 1494. Cette année, le roi Charles VIII fit don du billot à l'Evêque, pendant six ans, pour la réparation de la cathédrale ; voir dans M. LE MEN, p. 244 et 245, le débat qui s'en suivit. Sur le billot, Voir DENISART. V° Impôt et billot. « Au dernier siècle, le droit était de 42 s. 10 d. par barrique contenant 120 ports d'eau-de-vie ou de vin crû hors de Bretagne, et de 11 s. 5 d. par barrique de vin breton, bière, cidre et poiré ». La plupart des détails qui suivent sont extraits du Fonds du Chapitre Série G. 92. Je trouve cependant le procès-verbal du capitaine Henri DU JUCH, Série E. Carton 461 ; et les lettres patentes de la reine Anne se trouvent Série E. Titres de la ville de Quimper. Hervé du Juch, sr. de Pratanroux, capitaine de Quimper, mourut le 4 des ides de septembre 1501 et fut inhumé aux Cordeliers (Nécrologe des Cordeliers). Il a été omis à la liste des capitaines dressée par M. de Blois (I, p. 415)]. A cette époque, les villes vivaient, comme elles pouvaient, de leurs revenus annuels : les emprunts à outrance qui engagent un long avenir sont une invention moderne.

Toutefois, vers l'époque à laquelle nous nous reportons, à la fin du XVème siècle, d'importants travaux furent exécutés pour la fortification de Quimper et de Concarneau. La Bretagne était déchirée par ses discordes intestines, elle voyait la France envahir ses frontières ; et le Duc essayait de mettre ses villes en état de défense.

En 1468, Concarneau avait pour capitaine Jehan de Rohan, seigneur du Gué de l'Ile. Il obtint des constructions importantes à Concarneau. Le 8 janvier 1470, Jehan du Dresnay, bailli (sénéchal) de Cornouaille, « à ce commis par le Duc » certifie « la solidité de ces travaux ». Mais il restait encore quelque chose à faire : ce fut l'oeuvre de l'année 1475 : et, le 28 mai de l'année suivante, Henri du Juch, seigneur de Pratanroux, capitaine de Quimper, Jehan Aillet, bailli de Cornouaille, et autres notables, reconnurent que le « tiers du devoir de billot avait été employé au parachèvement de la fortification de Concarneau ».

Par le même acte, le capitaine et le sénéchal reconnaissent que les deux autres tiers du billot ont été employés « à la fortification et à l'emparement de Quimper ».

Nous avons déjà dit qu'en 1490, Quimper avait essayé d'assurer la défense du faubourg de la rue Neuve, en coupant la prairie de la Madeleine par un boulevard et un fossé. — En 1494, Quimper bâtissait une tour... Laquelle ? C'est ce que nous ne pouvons savoir aujourd'hui. La tour n'avait pas encore reçu de nom, quand Jehan Le Baud, miseur, la porta à son compte ; il l'appelle la tour neuve et n'en donne pas la situation.

Pardonnons au miseur de n'avoir pas songé à éclairer nos recherches... Il avait, à ce moment, une bien autre préoccupation : il s'agissait pour lui d'obtenir l'acceptation en compte de la dépense faite. Le miseur avait été imprudent : un devis lui était imposé, et il devait notamment faire une charpente et une couverture semblables à celles des tours de Concarneau et du château de Kaynmerc'h (Kimerc'h) [Note : Le château de Kimerc'h était en Bannalec. FRÉMINVILLE. Finistère. T. II., p. 157 et suiv. - L'auteur donne le dessin et la description de ce château fort et apprend qu'il a été entièrement rasé en 1828, par son possesseur !!! - Le seigneur de Kaynmerc'h était, en 1494, gouverneur de Quimper ; mais le miseur a voulu mieux faire et a mieux fait. La ville ne refuse pas son trop bel ouvrage ; mais elle ne veut admettre en compte que la somme portée au devis ; et le miseur demande « qu'il lui soit fait raison de la somptuosité de la tour neuve ». Trois experts sont « choisis parmi des ouvriers savans et congnoissans en la matière » ; et, après serment prêté, ils établissent leur renable : il en résulte que le malheureux miseur « eu esgard au devis, perdrait au moins trois cents livres monnaie ». A-t-il été fait droit à la demande de Jehan Le Baud ? C'est ce que nous ne savons pas.

Malgré tous ces travaux accomplis, la reine Anne jugea les fortifications de Quimper et de Concarneau encore insuffisantes ; et, par lettres patentes du 23 juin 1498, elle ordonna de les compléter.

L'Evêque seigneur de la ville s'inféodait au Duc d'abord, au Roi ensuite, de la prochaine mouvance des murs et fortifications. Originairement ce droit n'était pas contesté ; mais les murs donnèrent cependant lieu à plus d'une discussion entre l'Evêque et les officiers du Duc. C'est ainsi que, en 1386, les Etats réunis à Rennes eurent à statuer sur le « débat élevé par l'Evêque et le chapitre contre Jehan de Nevet, capitaine de Monsieur (le Duc) de non faire portes fermantes à ladite ville de Kimpercorentin, si l'Evêque et le Chapitre n'en avaient doubles et pareilles clés ». Les Etats jugèrent contre l'Evêque ; et c'était justice : il est clair que les clefs doivent être seulement aux mains de celui qui a la garde des portes (Lobineau. Preuves, col. 658).

A la fin des deux derniers siècles, de plus graves débats s'élevèrent. C'est à l'occasion du dernier, en 1781, que fut dressé le procès-verbal des fortifications qui nous reste ; le plan qui le complétait a disparu.

Les fortifications et murs de Quimper (Bretagne).

II.

Nous nous retrouvons au pont Sainte-Catherine, dit aujourd'hui de l'Evêché. — Je l'ai décrit par ailleurs. La porte est accostée d'une poterne. Le plan la nomme porte de la rue Neuve ; elle se nommait aussi porte Sainte-Catherine (du voisinage du pont et de l'hôpital de ce nom) et porte de l'Evêque.

Selon le cérémonial observé anciennement pour l'entrée solennelle des Evêques de Quimper, c'est devant cette porte, sur le milieu du pont, que s'arrêtait le nouveau prélat porté sur les épaules du vicomte du Faou et des seigneurs de Nevet, de Plœuc et de Guengat. Là, il recevait les compliments de bienvenue du corps de ville ; après quoi « le procureur des bourgeois lui demandait de jurer, selon la coutume, de défendre les droits et les libertés des bourgeois et habitants de Quimper ». C'est seulement après ce serment prêté que l'Evêque entrait en ville (M. LE MEN, p. 151 et 167).

Le plan ne figure pas le mur de ville le long de l'évêché parce que ce mur sert d'appui au palais épiscopal et se confond avec cet édifice. — Nous y reviendrons plus tard.

En 1594, les murailles formaient une ligne interrompue en un point seulement, apparemment au-dessus d'une des portes ; en cet endroit la communication se faisait au moyen d'un pont de bois. Le haut du mur était sablé et formait comme un chemin autour de la ville. Auprès de chaque porte et sur quelques autres points étaient des degrés pour monter sur les murs [Note : Miseur et MOREAU. Le procès-verbal indique quatre degrés ailleurs qu'aux portes]. Il y en avait un de chaque côté de la porte de l'Evêque. C'est par ce degré qu'en 1594, le duc de Mercœur, logé à l'évêché, monta pour faire le tour des murs, avec le chanoine Moreau pour cicerone (MOREAU, p. 202).

Ce degré n'existe plus ; mais, sans monter sur les murs comme le Duc, prenons comme lui le chanoine Moreau pour guide. Les Miseurs de 1594-1596-1597, le rédacteur du procès-verbal des fortifications, et le Subdélégué à l'Intendance de 1791 compléteront les informations du chanoine.

Au delà du palais épiscopal, le mur de ville est encore intact sur une longueur de 140 mètres. Jusqu'à ce point, il se dirige vers l'est ; là il prend sa direction vers le nord. A l'angle se voyait, un peu avant la construction du quai, une tour dont il est facile de reconnaître l'emplacement, à l'intersection des deux courtines. Je l'ai déjà nommée : c'est la tour Pennallenn. Le procès-verbal et le rapport du subdélégué nous apprennent que cette tour s'était nommée autrefois Furic, qu'elle était intacte en 1781, et avait encore ses machicoulis [Note : Procès-verbal. I. V°. - Subdélégué, p. 20. Moreau, qui la visita avec Mercœur, ne lui donne pas son nom, mais indique seulement sa situation, quand il l'appelle la tour du coin. M. de Blois réserve le nom de Furic à la tour dont je vais parler. I, p. 414]. Depuis, elle menaçait ruine ; au lieu de la soutenir, on l'a abattue : c'est plus simple !... et on a gagné un espace de quelques mètres : excellente opération !...

Le ruisseau de Penruic ou de Questel, nommé aussi Frout, se déchargeait dans l'Odet, au pied de cette tour.

A 50 mètres de la tour Pennallenn, le plan figure une autre tour accostant au sud la porte des Regaires. C'est à celle-ci que M. de Blois donne le nom de Tour Furic. Elle subsiste encore ; mais elle a été rescindée par le milieu, vers 1769, lorsque, en exécution du plan de l'Ingénieur André, la porte des Regaires fut démolie pour élargir le passage (Procès-verbal, 2 r°).

Cette porte des Regaires était la seule s'ouvrant vers l'est. En avant de la porte était, sur le ruisseau de Penruic, un pont en bois dit Pont des Regaires (Miseur. 1594).

La courtine longe le ruisseau de Penruic ; et au-delà, sur la contrescarpe, se voit l'enclos des Soeurs Blanches, établies en ce lieu depuis 1749, et qui, de nos jours, occupent encore le même emplacement (Donation du 27 mars 1749 par la Dame Gardé aux Dames de charité).

A 50 mètres environ de la porte des Regaires, s'élevait une troisième tour, un peu au-dessous (à droite) du chemin des séminaires ou de Crec'heusen (rue de l'Hospice actuelle). Cette tour n'existe plus ; mais le mur qu'elle défendait se voit encore rue des Douves, entre les dépendances de la maison Govin et celles de l'hôtel de Provence. Le mur garde ses machicoulis. M. de Blois appelle cette tour du nom de tour Nevet ; Moreau semble aussi lui donner ce nom (M. DE BLOIS, I, 414. MOREAU, p. 221 « la tour Nevet, au-dessus de Toul-al-Laër, quartier des Anglais... » c'est-à-dire aux Regaires, p. 213) ; mais le procès-verbal réserve cette appellation à une autre tour que nous trouverons plus loin. C'est en avant de cette tour, et comme il descendait par le chemin de Crec'heuzen, que Lezonnet reçu une arquebusade qui détermina sa retraite précipitée, et causa sa mort, quelques mois après (MOREAU, p. 178. P.-V. 39 v°.).

A 130 mètres de cette tour, le plan en figure une autre qui existe encore, ainsi que le mur de ville, dans le jardin des Ursulines. Elle est couverte et habitée. C'est à cette tour que le Procès-verbal donne le nom de Tour Nevet [Note : Ce nom est apparemment celui du seigneur de Nevet, gouverneur de Quimper en 1386].

Un peu plus haut, à l'endroit même où le plan figure une petite tour carrée, était une issue dite parc, place ou château aux canons. Cet espace, en forme de triangle irrégulier, contenait environ douze ares on y avait accès par deux ruelles l'une venant de la rue Verdelet et de la ville, l'autre établissant la communication avec la tour dont nous allons parler [Note : P.-V. 40 v°. La première ruelle longeait le jardin d'une maison prébendale dont nous parlerons plus tard]. En 1791, on y retrouva trois canons [Note : Ils furent essayés le 16 janvier de cette année. Ce détail est fourni par délibération du Conseil municipal de ce jour].

Plus loin et à 130 mètres de la tour dite Nevet au procès-verbal, s'élevait la grosse tour, nommée en breton Tour-Bihan, dont on a fait Tourby et la Tourbie. La tour fut-elle ainsi appelée du nom de son constructeur ? L'appela-t-on par antiphrase la petite Tour (en breton tour Bihan ?). Question... Elle se dressait à l'angle du mur, au point où il tourne au sud-ouest, au sommet de la ville, au-dessous de la jonction de la rue dite de Tourby et de la rue des Douves actuelle. L'auberge portant l'enseigne « A la Tourbie » marque exactement la place de la vieille tour.

La tour Bihan était la citadelle de Quimper, et Moreau dit assez clairement que qui avait la Tourby avait la ville (MOREAU, p. 169). On lit au procès-verbal de 1781, que la Tourby avait été bâtie « aux temps malheureux pour ce pays, connus sous le nom de temps de la Ligue, et pour tenir la ville en respect » (Procès-verbal, 44, r°.). Erreur manifeste ! En 1594, la Tourby fut simplement réparée (donc elle était déjà ancienne) et percée de canonnières, c'est-à-dire d'embrasures à mettre des canons, en même temps qu'on dégageait ses abords en abattant quelques murs de jardins (Miseur. 1594).

Jusqu'au XVIème siècle, la tour Bihan servait de logement au capitaine ou gouverneur de Quimper. Mais, plus tard, et dès le temps de la Ligue, la ville fournissait au gouverneur une maison dont elle payait le loyer [Note : Id. Le Capitaine Jean du Quellenec, sr. de Saint-Quérec, demeurait place Maubert, vis à vis de la Croix. MOREAU, p. 212. - En 1781, l'indemnité de logement du gouverneur était de 600 livres. Subdélégué, p. 22].

« La Tourby comprenait deux étages avec des caves au rez-de-chaussée ; elle avait 45 pieds (15 m.) de diamètre extérieur, du couchant au levant, sur 54 pieds (18 m.) du midi au nord ; l'entrée était vers le midi, une petite porte d'un mètre d'ouverture. La plateforme était élevée de 25 pieds (8 m. 30) au-dessus du pavé ; au-dessus de la plateforme s'élevait un donjon de 5 mètres de haut. Le mur était épais de 11 à 12 pieds ». L'escalier et l'intérieur de la tour étaient ruinés en 1781 (Procès-verbal, 39, v°, 40 r°.). Les murs étaient cimentés et les pierres adhérentes les unes aux autres (Subdélégué, p. 22).

Auprès de la tour, dans l'axe de la rue de Tourby, vers la route de Châteaulin, s'ouvrait une porte, dite le plus souvent porte Bihan, sans doute du nom de la tour voisine, et quelquefois porte Bizien ou Bizian (Miseur (1487-1494) cité par LE MEN, p. 290).

Cette porte fut démolie en 1769 pour élargir le passage, en exécution du plan de l'ingénieur André (Subdélégué, 29, v°.). Mais soyons justes ! Ne rendons pas cet ingénieur responsable de la démolition de la tour Bihan. Son plan la laissait subsister ; elle ne gênait pas le passage, et il serait difficile de donner une bonne raison de sa démolition.

Au-dessus de la porte était une statue de Notre-Dame. C'était l'usage, en franchissant le seuil, de saluer la statue d'un Ave Maria, comme en entrant dans une maison on commence par en saluer la maîtresse. Nous verrons plus tard que Notre-Dame était, avec Saint-Corentin, la patronne de la vieille cité. Cet usage est attesté par le P. Maunoir au milieu du XVIIème siècle [Note : Le P. MAUNOIR. Rapport sur les dix premières années de ses missions adressé au Père général en 1655. Manuscrit].

En 1781, il ne restait plus de fossés qu'entre la porte des Regaires et la porte Bihan.

Le fossé était large de 40 à 50 pieds (13 à 17 mètres). Dans sa partie inférieure, il servait, comme nous l'avons vu, de lit au ruisseau de Penruic, qui fournissait d'eau un abreuvoir, un lavoir, des tanneries au voisinage de la place Toul-al-ler (Trou du cuir), enfin une auberge dite la Bonne Rencontre, située au lieu même où est aujourd'hui l'Hôtel de Provence.

Dans la partie supérieure du fossé, entre la Tourby et la place aux canons « coulait une fontaine d'eaux minérales, nécessaire à la santé des citoyens », dit le subdélégué. Une place venait d'être plantée au voisinage de la source. Le public avait réédifié cette fontaine en 1772, et le léger produit en était affecté à l'hôpital général (Sur tous ces points, voir P.-V. 41 v° et 3 r° et Subdélégué, p. 16). Elle existait encore en 1793 (Comité de surv. de Quimper).

Sur la contrescarpe était un chemin de communication entre la route de Brest et celle de Lorient. Ce chemin, non achevé en 1781, devait être élargi et « établi avec le plus de directité (sic) possible » (P.-V. 41 r° Subdélégué, 16). C'est par là que même avant l'achèvement de la voie, passaient les rouliers qui redoutaient alors les rues étroites de Quimper, comme les marins redoutent aujourd'hui le raz de Sein. — Ce chemin est notre rue des Douves.

Au haut de ce chemin et au-delà, se voyait un amoncellement de terre, que le procès-verbal nomme une montagne. C'était le reste d'un ouvrage avancé, sans doute un des ouvrages commencés, comme nous le verrons plus loin, par le duc d'Aumont (MOREAU, p. 259. Subdélégué, 17).

Dans le voisinage, on avait, dès le commencement du dernier siècle, cherché du charbon (Subdélégué, 17). En 1768, un puits au moins était encore ouvert « au terroir de Crech'heuzen » puisque, en août de cette année, deux ouvriers y périrent (Sépult. de la Chandeleur). En 1778, un puits mal comblé s'ouvrit en abîme dans les jardins qui bordent la rue actuelle des Douves (Subdélégué, 17). Cette mine qui ne donnait « que peu de succès, mais quelques espérances » (CAMBRY, II, 242), était encore exploitée en 1793 et même en 1797. — En 1793, le Comité de surveillance invita la « municipalité à publier que les citoyens n'eussent pas à s'effrayer du bruit des explosions qui se produisaient de nuit comme de jour » [Note : Com. de surv. - Quelle sollicitude maternelle ! Heureuse la ville de Quimper si son Comité ne s'était occupé que de ces vétilles !... ].

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III.

A partir de la porte Bihan, le mur suit une ligne droite vers l'ouest, jusqu'à une autre porte nommée porte de Mezgloaguen, du nom du quartier auquel elle donnait accès, ou porte Saint-Antoine, du nom de l'hôpital voisin.

En avant de cette partie des murs, était un vaste espace aplani, qui, dès le commencement du dernier siècle servait de champ de foire. Pour agrandir cette place, les douves de cette partie furent à demi-comblées en 1748.

Cette partie de la colline se nommait aux derniers siècles Rosengroc'h ; au-delà du champ de foire existait, dès 1748, le cimetière Saint-Louis avec sa chapelle (P.-V. 4, r°.), et, auprès, le village nommé la Santé. M. le major Faty suppose avec raison que ce village est bâti sur l'emplacement des maisons du Lazaron ou léproserie, que le capitaine de Quimper fit brûler, le 5 septembre 1594, « pour empêcher le logement de l'ennemi ». En effet, le titre cité par M. Faty dit que le Lazaron était près des fossés de la ville (Miseur, 1594. Les hôpitaux de Quimper. Bull. T. X, p. 308). Or, la Santé est sur la contrescarpe et à cent mètres environ du mur. Au contraire, la Madeleine, autre léproserie dont nous avons déjà parlé était à 250 mètres au moins de la tour Penalen, et était séparée du rempart par l'Odet et par la rue Neuve. Il est clair qu'un édifice à cette distance du rempart ne pouvait inspirer aucune inquiétude aux assiégés. Il faut, d'ailleurs, se rappeler que le maréchal d'Aumont arrivait de Morlaix par Kerfeunteun, que les Quimpérois s'attendaient à être attaqués par la muraille entre Saint-Antoine et la tour Bihan, et que c'est de ce côté qu'ils prenaient leurs précautions (Chanoine MOREAU, p. 211).

Les bâtiments du Lazaron brûlés en pure perte furent rétablis plus tard et redevinrent une Maison de santé. Le P. Maunoir atteste que lors de la peste de 1640, qui enleva le tiers des habitants de Quimper, le P. Bernard, prêtre du Collège, voyait de la fenêtre de sa chambre la grande quantité de malades « qu'on apportait de la ville au lieu destiné à recevoir les pestifiés » [Note : Rapp. cité plus haut, à propos de la Tourby. - Au dernier siècle, nous retrouvons le nom de Lazaron dans un acte du 7 août 1743. Décès de Dlle. de la Bouexière du Lazaron. Saint-Sauveur]. Aucun doute qu'il ne désigne la Santé.

Cette partie des murs était la moins forte, puisque le fossé, quelque profondément creusé qu'on le suppose, ne pouvait être rempli d'une grande profondeur d'eau. Aussi est-ce par là que les paysans des montagnes assaillirent la ville avec succès en 1490 (MOREAU, p. 14 et 15) ; c'est par là aussi que La Fontenelle arrivant par Stang-Bihan, se promettait de faire escalade, en avril 1597 [Note : MOREAU, p. 306. - Cependant Charles de Blois et Jean de Montfort (en 1345), attaquèrent du côté de la rivière, vers le Parc].

C'est pourquoi le Maréchal d'Aumont, une fois maître de Quimper, s'empressa d'augmenter les défenses de la partie haute de la ville. Il avait commencé une citadelle autour de la Tour-Bihan, « qui devait rester au milieu en forme de donjon », et trois éperons formés de terre et de pieds d'arbres, l'un devant la porte de Mez-Gloaguen, l'autre devant le mur Saint-Nicolas [Note : « Appelé l'éperon des Chambrières » parce qu'elles y portèrent toujours la hotte. MOREAU, p. 259. Le Miseur (1597) le nomme ainsi. Il y avait un 4ème éperon vis-à-vis du Château], le troisième entre ce point et la porte Médard ; mais le départ du Maréchal mit fin à ces travaux.

La porte Saint-Antoine existait encore en 1781. Elle avait seulement 8 pieds d'ouverture ; « sa voûte était de 21 pieds de long avec feuillures pour trois différentes fermetures, dont la première servait à un pont-levis à bascule » (Procès-verbal, 23 v°.). Il est probable, comme nous le verrons, que la porte Saint-Antoine n'a jamais été garnie de ses trois portes. — En avant de la porte, se voyaient encore, en 1781, les traces de l'éperon du Maréchal d'Aumont. La porte Saint-Antoine a dû être démolie vers 1781, par suite des travaux dont nous allons parler.

A partir de cette porte, le mur nommé en cette partie rempart de Saint-Nicolas, du nom de la chapelle voisine, tourne vers le sud-ouest. Il est dressé sur l'escarpement du Pichery ou Pichiry. — En 1764, il n'y avait pas là, comme aujourd'hui, une chemin carrossable ; mais un simple sentier pour les gens de pied, allait de la porte Saint-Antoine à une poterne ouverte vers le bas de la colline, et à laquelle on descendait par un escalier. Cette poterne donnait accès à la rue Bily, aujourd'hui rue Saint-Nicolas, et se nommait porte ou poterne Bily [Note : Miseur. La poterne n'est pas nommée dans le procès-verbal des fortifications ; mais il est fait mention de l'escalier supprimé]. Cet escalier et la porte furent détruits, en 1780, quand la communauté de ville abattant au pied de la colline 40 mètres de murailles, et rétrécissant très malheureusement le lit du Stéir aux abords du pont Médard, fit pratiquer un chemin « commode » pour établir la communication de la route de Brest à celles de Lanvéoc, Pont-l'Abbé et Pont-Croix qui toutes entraient en ville par la Terre au Duc (Subdélégué, 18) [Note : J'ai indiqué la date de 1780 d'après le rapport du subdélégué, de 1781. Il se peut qu'il y ait là une inexactitude. J'ai sous les yeux le procès-verbal d'adjudication des travaux à faire. Il est des 29 août et 4 septembre 1772 ; et la première condition est que l'ouvrage « commencera quinze jours après l'adjudication et devra se continuer sans interruption, sous la direction de l'ingénieur David ». L'entreprise offerte à 4.500 livres a été adjugée à 2.740 livres, le paiement devant avoir lieu pour un tiers quand le tiers de l'ouvrage sera fait (Archives départementales, E. 7)].

Les fortifications et murs de Quimper (Bretagne).

IV.

La porte Médard paraît avoir été une des mieux fortifiées ; elle avait un pont-levis sous lequel passait le Stéïr, deux herses qui furent rétablies en 1594, une plate-forme mantelée ; elle était accostée de deux tours. Les défenses de la porte Médard n'existaient plus en 1764 ; et elle-même fut démolie vers 1771 [Note : Il y avait auprès de cette porte une maison dite corps-de-garde qui, au milieu du dernier siècle, servait au logement des héraults de ville. (Réparations faites en vertu de délibération du 17 octobre 1748. Archives départementales, E. 1].

C'est par cette porte que, au mois de mai 1597, Jean de Jégado, sr. de Kerollain, capitaine de Concarneau, exécuta la sortie très imprudente et non moins heureuse, qui mit La Fontenelle en fuite. Jean de Jégado venait « de descendre lui septième, compris son trompette, à son auberge du Lion d'or, près la porte Médard, quand on cria alarme ». C'est La Fontenelle qui arrive ! « Ses argoulets et carabiniers » ont emporté la barrière du faubourg et « donnent à corps perdu à travers la place Saint-Mathieu ». Jean de Jégado remonte à cheval et sort avec ses cinq hommes et son trompette, suivi de quarante ou cinquante bourgeois. Les assaillants sont 1.000 ou 1.200 ; mais le trompette vaut une armée ! « Il sonne la charge... » et si bien « qu'il étonne » les ennemis, c'est-à-dire qu'il leur fait perdre la tête. Ils s'imaginent que les sept cavaliers sont « les avant-coureurs d'un gros de cavalerie » tant le trompette fait de tapage ! et ils battent sottement en retraite.

Ceux qui admettent ce récit du chanoine (auquel je ne puis croire depuis que le miseur l'a démenti, sans y penser), auront quelque peine à s'en tenir à l'appréciation de Moreau : « L'honneur de cette journée... est dû au Sr. de Kerollain ». Soit ! mais pour être tout à fait juste, ne fallait-il pas ajouter : « et à son trompette ? ». Comment croire en effet que la vue de sept cavaliers ait pu produire cette ridicule panique ? C'est donc le coup de trompette de ce brave homme, dont l'historien ne nous dit même pas le nom, qui a déterminé la folle retraite, et sauvé Quimper du pillage [Note : MOREAU, p. 312 et suiv. Nous avons déjà remarqué que le chanoine a poétisé l'intervention, fort heureuse cependant pour Quimper, de Jean de Jégado. - Procès-verbal, 21 v°, 22 v°.].

A partir de la porte Médard, le mur de ville suivait presque jusqu'à son confluent avec l'Odet. En cette partie, le mur n'est pas figuré sur le plan original ; c'est une omission : le mur existait en 1764 ; il est décrit au procès-verbal de 1781, il est tracé, mais inexactement, sur un plan de 1817 : il a été en partie abattu en 1862 ; et aujourd'hui encore il en reste quelques parties debout avec une tour. La reproduction du plan de 1764 a rétabli le tracé du mur ; mais d'après le plan de 1817, et d'une manière peu exacte : le mur est figuré longeant la rivière et sans tours ; au contraire, d'après le procès-verbal des fortifications, le mur s'écartait un peu du bord de l'eau et portait deux tours. Laissons au procès-verbal le soin de corriger le plan.

Le procès-verbal décrit la guérite en encorbellement que nous voyons encore et que le dessin a tant de fois reproduite, et plus loin la poterne ouverte dans le mur et dont nous voyons encore l'arcade ogivale. Cette poterne donnait accès à une ruelle, fermée en 1781 ; mais qui, autrefois, conduisait à une autre ruelle allant, d'un côté à la rue Kéréon, de l'autre aux Cordeliers. Cette ruelle existe encore en partie : elle s'ouvre rue Kéréon, entre les numéros 49 et 53. Elle se nommait ruelle Saint-Michel [Note : Procès-verbal, 19 v°. La cour de la maison n° 57 de la rue Kéréon est très curieuse à visiter : on y voit dans l'épaisseur du mur une fort belle casemate avec trois rangs de meurtrières. - La ruelle Saint-Michel débouche aujourd'hui rue Astor dans l'allée de la maison n° 20].

A 26 toises (52 mètres) de l'épaulement de la porte Médard s'élevait une tour. Elle se voit encore un peu au-dessus du pont Astor, mais couverte d'un épais crépissage, et elle fait partie d'une maison. — 40 mètres plus loin, il y en avait une autre contre l'enclos des Cordeliers : elle a complètement disparu. Elle était saillante de 10 pieds sur la courtine au nord et de 20 pieds sur la courtine au sud. 50 mètres plus loin, le plan figure une troisième tour, à l'angle formé par le mur « en retour d'équerre ». Le mur avait en cet endroit 24 pieds (8 mètres d'épaisseur). « Cette partie forme, dit le procès-verbal, une espèce de citadelle ou ancien château » [Note : Procès verbal,18 v°. Dans la première tour il y a aujourd'hui l'atelier d'un photographe].

Cette partie des murs est nommée le petit château dans le procès-verbal de la Réformation de 1539 ; le château de Saint-François dans le compte du miseur de 1594. Moreau la nomme le château (MOREAU, p. 259).

C'est en effet à cet endroit, un peu au-dessus du confluent des deux rivières, que Guy de Thouars avait tenté, en 1209, d'élever le château dont l'Evêque obtint la démolition. C'est au même lieu que plus tard s'éleva la principale défense de la ville, le château commencé par Jean V, et qui ne fut terminé que sous Pierre II, en vertu des conventions passées avec l'Evêque Jean de Lespervez (Procès-verbal, 18 R°). Le dernier reste de cette forteresse était la tour d'angle, de 36 pieds de diamètre, saillante de 24 pieds sur le Stéïr, dont nous avons déploré la démolition en 1862. Il n'est pas douteux qu'en s'ingéniant un peu on aurait pu la conserver. L'ingénieur André avait bien trouvé le moyen d'élargir la rivière sans abattre la tour : il enlevait seulement l'angle du mur un peu plus haut que la tour, et faisait une emprise de l'autre bord de l'eau.

Plus tard, entrés dans la Ville-Close, nous verrons l'espace qu'occupaient la forteresse et ses dépendances.

V.

Enfin, la courtine remontait vers l'est entre le Parc Costy et l'enclos du couvent de Saint-François. En cette partie, la courtine était flanquée de tours carrées et rondes ; le mur était large de quinze pieds et les Cordeliers y avaient établi un jardinet (Procès-verbal, 18 R°).

C'est par ce point que Charles de Blois et Jean de Montfort avaient assailli Quimper. C'est là aussi que le Maréchal d'Aumont dirigea l'attaque. On ne connaissait pas encore le tir à ricochet ; le Maréchal « avait fait monter quelques petites pièces de canon et de longues arquebuses » sur le mont Frugy ; et de là il tirait à feux plongeants sur ceux qui travaillaient aux retranchements derrière le mur des Cordeliers. Le gardien du couvent nommé La Villeneuve, gentilhomme du Léon, encourageait la résistance de ses conseils et de son exemple : il fut blessé et mourut deux mois après (MOREAU, p. 180).

Le long de l'enclos du couvent, sur le Stéïr et du côté du Parc, le mur de ville était l'unique clôture des Cordeliers ; il était même, dès le XVème siècle, affecté à ces religieux comme une sorte de propriété (Ord. du duc François II du 8 mars 1473. Archives départementales, Fonds des Cordeliers).

Cet état se maintint en droit jusqu'en 1790, comme nous le voyons par le procès-verbal et par le rapport du subdélégué de 1781, et comme il résulte du fait suivant : En 1766, la communauté de ville entreprend de démolir le mur, du côté du parc Costy : Les Cordeliers, par acte notarié du 25 septembre, font sommation au Maire Demizit de cesser ces travaux, parce que ce mur est leur unique clôture. Le Maire répond qu'il a agi sur l'ordre de la communauté de ville, mais ne conteste pas le droit des Cordeliers. — En fait, la démolition cessa.

En face du pont Saint-François s'ouvrait la porte de même nom, que Moreau nomme la porte du Parc-ar-Cos-Ty. Le plan figure une de ses tours ; elle subsistait encore en 1781, et même en 1811 (Procès-verbal 17 v°. — Plan du Parc. Arch. dép.). De ce point, le mur se prolongeait en ligne droite jusqu'à la porte de l'Evêque ou de Sainte-Catherine, un peu en avant de l'alignement des maisons actuelles.

Le plan de 1764 nous représente le mur de ville intact du pont Saint-François au pont Sainte-Catherine. L'état était le même en 1781 ; à ce moment on songeait à le démolir (Subdélégué, 26) ; mais il ne fut pas donné suite à ce projet ; le mur subsistait tout entier lorsque Cambry visita Quimper, en 1796 ; et chose assez curieuse Cambry ne semble pas supposer que ce mur élevé au midi de la ville, et qui fait obstacle à l'air et à la lumière, devra tomber un jour : loin de là, il conjecture que les « augmentations de la ville se feront au voisinage des quais sur la Terre au Duc » (CAMBRY, II, p. 331). C'est justement le contraire qui devait se produire et s'est produit ; et la partie de la ville voisine du Parc s'est seule complètement modifiée depuis le commencement du siècle.

Au dernier siècle, le mur ne pouvait être abattu de la rue Saint-François au Stéïr, puisqu'il formait la clôture du couvent ; mais dès 1766, l'ingénieur André avait songé à l'abattre entre le pont Saint-François et le pont Sainte-Catherine. Son plan n'existe plus ; mais il est référé dans un plan de 1811, conservé aux Archives du Finistère. Toutefois, une raison sérieuse s'opposait à l'accomplissement de ce projet : la ville avait tout intérêt à garder son mur, sauf à faire semblant de l'entretenir, pour se sauver de l'imposition des fouages (Subdélégué, 26).

En 1811, lorsque cette raison n'existait plus, le mur subsistait encore tout entier en cette partie ; il était en la possession de trois ou quatre propriétaires. L'un d'eux, le sieur Rouilly, bâtit une maison vers le milieu (aujourd'hui maison Guibourg), un peu en retrait du mur de la ville ; et cette construction détermina une heureuse modification du plan de 1766 : d'après ce plan, en effet, les maisons suivant la ligne des vieilles murailles, le Parc fort étroit auprès du pont Sainte-Catherine allait s'élargissant demesurément vers le Stéïr. L'alignement de 1811 l'a rendu plus régulier.

VI.

La configuration des lieux avait contraint d'enclore dans les murs un trop vaste espace et même des champs et des vergers, vers la partie haute de la ville. Le nom de Mezgloaguen donné au quartier haut rappelle cet ancien état des lieux : « Mes-Gloaguen veut dire en breton le champ, la culture de Gloaguen » (M. DE BLOIS, V. p. 4). Le chanoine Moreau mentionne un vaste espace en culture s'étendant de la rue Obscure à la porte Saint-Antoine, et qu'il nomme le Jardin du Chapitre (MOREAU, p. 258). Nous avons nommé six portes plus la poterne Bily. Sans parler des poternes accostant au moins deux portes, les portes de la rue Neuve et Médard (Miseur), il y en avait plusieurs autres.

Nous en avons signalé une dans la vieille muraille, le long du Stéïr. Est-ce celle-là que le compte du miseur nomme porte Saint-Marc ? C'est ce que je ne puis dire. Anciennement il y en avait une autre dans la courtine ouest du Château. C'est devant cette porterne que « s'ouvrait le pont-levis qui servait à franchir la rivière de Stéïr pour aller à la Terre au Duc » (M. De Courcy. — Itinéraire de Nantes à Brest. Quimper, p. 258).

Le compte du miseur nous révèle l'existence d'une poterne donnant « de la cuisine du logement de l'évêque sur les moulins ». Elle fut maçonnée quand le maréchal d'Aumont menaça Quimper (Miseur, 1594).

Enfin, en avant des fortifications, il y avait des barrières au bout des faubourgs. Nous en avons signalé une, celle de la rue Neuve ; nous allons en trouver une autre vers la rue Vis. Le compte du miseur en compte quatre : il en indique l'emplacement en nommant les maisons des particuliers près desquelles elles sont placées. Cette indication, très claire pour les contemporains, ne nous dit rien. Toutefois je serais porté à mettre au nombre de ces quatre barrières, la clôture que le compte du miseur nomme porte Saint-Marc, et à entendre par ces mots une barrière posée à Saint-Marc, à l'entrée de la route de Locronan. Il y aurait eu ainsi une barrière à l'entrée de chacune des routes ayant accès à Quimper.

Il y avait ainsi quinze cents mètres de murailles et six portes principales à défendre. C'était beaucoup pour une ville qui, en 1495, n'avait en fait d'artillerie qu'un « gros faulcon de fonte et une petite coulleuvrine, et n'avait pas de pouldre » [Note : En 1495 Quimper avait, en fait d'artillerie, « un gros faulcon de fonte à teste de serpent sur le devant, du poix de VIIIe lib. (livre) et une petite coullevrine de fer de V piezs de vollée... Et quant est de pouldre et autres matières ne si en est aucune chose trouvé ». — (Inventoire au dernier jour de juing 1495). V. l'artillerie de Bretagne en 1495, au 1er vol. des Archives de Bretagne, publiée par la Société des Bibliophiles bretons, t. II, p. 123. En 1534, on était sans doute un peu mieux pourvu, et on acheta des canons et des arquebuses de rempart (Miseur)], dont le gouverneur sous la Ligue avait une garnison de quinze à vingt hommes, de cent hommes au plus [Note : MOREAU donne le premier chiffre (p. 60), et plus loin il dit que le duc de Mercœur envoya à Quimper un détachement de cent hommes], dont un canonnier et son coadjuteur (Miseur, 1594) et qui était réduite à ses milices bourgeoises. On s'était avisé de cet expédient singulier : quand l'ennemi menaçait, n'ayant pas assez de soldats à lui opposer, on faisait appel aux maçons ; quatre portes étaient murées et les portes Médard et Sainte-Catherine restaient seules ouvertes (MOREAU, p. 180).

Cette précaution avait des inconvénients : que l'on eut un messager à faire sortir par un autre point que les portes Saint-Médard et Sainte-Catherine, il fallait le descendre par la muraille (MOREAU, p. 173) ; d'ailleurs, les portes murées devant l'ennemi ne s'ouvraient pas devant les amis ; et c'est ainsi que le sieur de la Grandville de Quinipily arrivant en hâte au secours de Quimper, lors de l'attaque de Lezonnet, courut le risque de ne pouvoir entrer en ville, et dut attendre que l'on démaçonnat devant lui la porte Saint-Antoine (MOREAU, p. 179. — MISEUR, 1594).

En temps de paix, Quimper apportait peu de soin à ses défenses. C'est ainsi qu'en 1576, au moment où Lavigne et Kermassonnet « huguenots » s'emparèrent en pleine paix de Concarneau, les Quimpérois furent affolés de peur, « car pas une des portes n'était en état d'être fermée, ni pas un pont-levis en état d'être haussé » (MOREAU, p. 65).

Dix-huit ans après, en 1594, la guerre, civile dure depuis dix ans, et Quimper n'a pas songé à assurer ses défenses. En juillet, Lezonnet arrive à l'improviste : sans sa blessure, peut-être entrait-il à Quimper (MOREAU, p. 178). La ville se ravise enfin et s'aperçoit que tout est à faire. Les bourgeois se mettent en même temps à accoustrer tous leurs ponts, pont Firmin, des Regaires, de la rue Neuve et Médard ; ils réparent, dérouillent, ou changent les serrures de leurs portes ; ils réparent et mantèlent la tour du Moulin de l'Evêché et la plateforme de la porte Médard, dont ils rétablissent le pont levis et les herses ; ils percent d'embrasures la tour Bihan ; ils creusent les deux rivières près de leur confluent ; ils achètent de l'artillerie et des arquebuses ; ils se garnissent de fascines que fournit le bois de Pratanros ; ils brûlent le Lazaron ; ils abattent l'auditoire, les prisons, la cohue du Roi, au-delà du Stéïr. Enfin ils tendent sur leurs remparts dix-neuf pièces et demie de toile d'Olonne pour que l'assaillant ne sache où porter utilement ses coups (Miseur, Bull. XII, 2° p., 144). Vienne maintenant le Maréchal d'Aumont avec son armée victorieuse : il trouvera à qui parler !

Le Maréchal arrive le 9 octobre, à quatre heures du matin ; il s'établit dans la rue Neuve, et vient reconnaître la place. La garnison ne compte que cent hommes ; mais les bourgeois, au nombre de 1.300 environ, bordent les murs ; ils font bonne contenance ; ils tirent... et adroitement : un coup d'arquebuse effleure le Maréchal. Il s'irrite contre Lezonnet qui l'a amené à Quimper ; il le traite d'affronteur et le menace de lui faire un mauvais tour. Le Maréchal prend les bourgeois pour des gens de guerre, il va les traiter en gens de guerre : pour réduire la ville, il fait venir son canon de Crozon. — Soin inutile ! les Quimpérois lui donnent à peine le temps de déposer son artillerie place Saint-Mathieu, et de dresser une batterie sur le mont Frugy ; et, le 12 octobre, la ville capitule. Il est vrai que, parmi les défenseurs de Quimper, ceux qui semblaient les plus animés et le plus pressés de tirer eussent été fort embarrassés de jurer comme le Roi du Papegault, qu'ils avaient chargé leurs armes « loyalement et sans fraude ». Car « il n'y avait que la poudre dans leurs arquebuses, comme eux-mêmes s'en vantaient après ».

Il faut lire dans le chanoine Moreau cette comédie... (Chap. XXX) et revenir à notre promenade.

VII.

Au XVIIème siècle, les murailles étaient possédées par des particuliers, comme nous allons le voir ; mais la ville avait conservé l'habitude de se clore la nuit. Quimper avait un portier qui, chaque soir, devait fermer toutes les portes. En 1676, le portier se nommait Pierre Le Cleiz : un soir il fut assailli dans son service, par des coureurs de nuit ; et c'est l'information faite à raison de ces violences qui nous révèle l'existence du portier [Note : Archives départementales, B. 6. Un de ces coureurs est appelé Me. (Matre) Salmon, sans que nous sachions sa qualité. — A la même époque (1681-1682) Quimper avait un réveilleur de nuit nommé François Varré. Il fut, un soir, battu par des ribleurs de pavé (coureurs de nuit), et, à ce propos, le siège donna ordre d'informer, et statuant réglementairement, fit défense aux habitants de recevoir chez eux des écoliers sans faire inscrire leurs noms au greffe, de permettre qu'ils portent des armes, et de les laisser sortir la nuit, après 9 heures en hiver et 10 heures en été, sous peine d'un écu d'amende. Archives départementales, B. 21].

Depuis longtemps, les deux tiers du mur d'enceinte étaient occupés par le couvent des Cordeliers, le Palais épiscopal, l'hôpital général de Saint-Antoine et le Collège ; le surplus des murs, sauf la Tourby et l'espace entre cette tour et le parc aux canons, était en la possession (le subdélégué dit la propriété) de nombreux habitants (Subdélégué, 10, 11, 14, 15). Beaucoup de maisons s'appuyaient sur le mur de ville ; quelques-unes seulement payaient une redevance pour cette espèce de servitude [Note : Cette situation était ancienne puisque la maison qui touchait la porte des Regaires (aujourd'hui maison Govin) était imposée avant 1530]. D'autres concessions n'étaient que de tolérance. Par exemple, les gouverneurs de Quimper avaient permis à des particuliers de construire des escaliers pour monter sur le mur transformés en jardinet ou promenoir, d'y percer des portes, d'y élever des clôtures au droit de leurs propriétés, ou même des kiosques sur les tours (Procès-verbal passim, notamment, 17 v°, 23 r°). En résumé, les murs étaient en 1781, à peu près dans l'état où nous voyons aujourd'hui ce qui en reste.

Les propriétés privées s'étendaient à l'intérieur jusqu'au pied des murs ; la communauté de ville rendant aveu collectif pour les habitants s'inféodait de ce terrain ; et ses aveux étaient reçus de temps immémorial (Subdélégué, p. 6. Aveux de la ville et de l'Evêque. Archives départementales).

La ville s'inféodait aussi à l'Evêque et le prélat au Roi des dépendances extérieures des murs, les douves et la contrescarpe : la ville y avait, comme nous l'avons vu, un champ de foire, une fontaine d'eaux minérales, une promenade, une route (devenue la rue des Douves), la promenade du Parc et le chemin commencé du Pichery. Cette situation était conforme à l'arrêt du 15 décembre 1693, qui, malgré le réformateur du domaine royal (Bougis) et sur la plaidoirie d'Hévin, avait reconnu l'universalité du fief de l'Evêque.

Un siècle après, le régisseur du Roi remet tout en question. Il renouvelle et exagère les demandes de Bougis : il imagine de réclamer pour le Roi non-seulement les murs et les fortifications ; mais une zône de neuf pieds à l'intérieur des murs, les douves (même comblées) et les glacis à l'extérieur. Un arrêt du Conseil du 12 octobre 1780 ordonne « le plan des murs, fossés, remparts et fortifications de la ville de Quimper et du château de la Tourby, ensemble des neuf pieds de l'intérieur des murs, etc. ».

On peut comprendre l'émotion que cet arrêté répandit dans la ville. Ce ne sont plus seulement, comme en 1683, les droits de l'Evêque et de la communauté qui sont en cause, mais chaque propriétaire le long des murailles se sent menacé de dépossession. — Le régisseur du Roi entend bien que les concessions gratuites et de tolérance cessent ; et, si le domaine du Roi est reconnu sur la zône intérieure de neuf pieds, cette zône va être afféagée ; et à quel prix chacun devra-t-il payer le maintien de sa propriété ?...

Le domaine du Roi à Quimper a été engagé au comte de Toulouse par acte du 4 juin 1716 (Subdélégué, 6). Le duc de Penthièvre, son fils, est aujourd'hui à ses droits, et son régisseur fait connaître que si la zône de neuf mètres est reconnue au Roi, il fera des afféagements. Bien plus ! L'ardent régisseur du Roi à Quimper propose déjà des afféagistes !

L'opération ordonnée se poursuit du 21 mai au 6 juillet 1781, sous la présidence de M. Le Goaezre, subdélégué de l'Intendance. Le plan et le rapport de l'Ingénieur se font par fractions. Les intéressés sont appelés et discutent contre le régisseur ; aucun ne manque à l'appel. Le duc de Penthièvre, engagiste du domaine, l'Evêque, la communauté de ville représentée par son Maire et sept commissaires, comparaissent tour à tour. La communauté, qui a tenté plus d'un empiètement sur le fief de l'Evêque, est heureuse cette fois d'abriter son droit derrière celui de l'Evêque ; — elle se plaint des régisseurs sulbaternes, « inquiets, trop souvent malintentionnés » ; elle réclame énergiquement pour ses promenades, son hôpital, son collège si florissant, et enfin pour les habitants ; après quoi ceux-ci comparaissent eux-mêmes et présentent leurs observations particulières. Le régisseur semble sentir que le terrain se dérobe sous ses pieds, car il discute sur des pointes d'aiguilles, et quelquefois aigrement. Un jour même « il manque au président avec la dernière indécence », et celui-ci renvoie l'audience au lendemain. Le subdélégué résume très clairement toutes ces plaidoiries.

Il ne paraît pas que la question posée si malheureusement ait reçu une solution judiciaire. Peut-être le rapport du subdélégué, oeuvre remarquable de discussion et d'indépendance, a-t-il mis fin au débat ? Peut-être la Révolution a-t-elle clos cette instance comme tant d'autres ?

Il y a cent ans, le nom de Bontant, ce préposé du régisseur, si fiscal, si « malintentionné » était maudit à Quimper. Pour nous, qui n'avons plus rien à craindre de sa fiscalité, pardonnons-lui les alarmes qu'il a causées à nos devanciers ; et remercions-le d'avoir provoqué l'information si instructive que nous venons de parcourir.

Nous avons fait le tour des murs et nous sommes revenus à notre point de départ auprès de la porte de la rue Neuve ou Sainte-Catherine : entrons dans la Ville close. (J. Trévédy).

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