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Maçons et Tailleurs de pierre de la cathédrale de Quimper

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Pierre LE GOARAGUER.

Ce maître tailleur de pierres et maçon, dont le nom signifie l’archer, en français, fut le maître de l’oeuvre du croisillon nord du transept, auquel il commença à travailler avec Guillaume Le Goaraguer qui probablement était son fils, depuis le lundi 2 mars 1477, jusqu’à la fin d’octobre 1479. Les titres manquent pour établir par qui et à quelle époque précise la construction de ce croisillon fut terminée, mais tout porte à penser que Pierre Le Goaraguer continua jusqu’à son achèvement, le travail qu’il avait commencé.

Le nombre d’ouvriers tailleurs de pierres ou maçons qui travaillaient avec lui, et dont les noms sont tous bretons, était de douze en moyenne. Comme maître de l’oeuvre il recevait 4 sous par jour, tandis que Guillaume Le Goaraguer n’était payé que 2 sous 11 deniers, et les autres ouvriers 2 sous 6 deniers.

En 1485, Pierre Le Goaraguer était à Locronan où il dirigeait, sans doute, les travaux de la belle église de cette localité, que l’on construisait alors au moyen des libéralités des seigneurs de Nevet et d’une concession de l’impôt du « billot », faite par les ducs de Bretagne, aux habitants et au prieur de Saint-Ronan. Les détails d’architecture de cette église, ne sont pas sans analogie avec ceux de la nef de la cathédrale.

C’est de cette ville que Pierre Le Goaraguer fut mandé à Quimper, en 1486, par l’évêque Alain le Maout, afin de conférer avec lui au sujet des voûtes que ce prélat voulait faire élever au-dessus du transept de sa cathédrale. Le maître tailleur de pierres ne pouvait probablement pas abandonner « l’oeuvre » de l’église de Locronan, et il dut se borner à donner son avis à l’évêque, sur ce qu’il y avait à faire, car il n’entreprit pas la construction de ces voûtes, qui fut exécutée par Guillaume Le Goaraguer.

Si, comme je le pense, Pierre Le Goaraguer, dont on ne retrouve plus le nom après 1486, était le père de Guillaume, il devait être déjà âgé à cette époque. Mais bien qu’on ne puisse guère supposer qu’il ait pris part aux travaux des tours de la façade de la cathédrale, on est en droit d’admettre qu’il n’a pas été étranger à la construction de la nef et du transept, travaux dont il laissa la continuation et l’achèvement à Guillaume [Note : Le nom de ce tailleur de pierres, comme celui de presque tous les ouvriers de Quimper, au XVème siècle, est toujours précédé de l’article breton An (Le), ce qui prouve qu’ils parlaient plutôt breton que français. La famille Le Goaraguer, était fort ancienne dans cette ville, car j’y trouve Guillaume an Goaraguer, en 1339, et Alain Goaraguer en 1348. — Cartulaire du chapitre, n° 51].

Guillaume LE GOARAGUER.

Très-probablement fils de Pierre, Guillaume Le Goaraguer travailla pendant plus de quarante ans à la cathédrale. Son nom apparaît pour la première fois, dans un compte de la fabrique pour l’année 1474, qui mentionne quelques travaux de peu d’importance, faits par lui dans cette église.

Il figure en 1475, comme témoin, dans un marché pour la fourniture des pierres destinées au croisillon nord du transept.

Du 2 mars 1477 à la fin de novembre 1479, il travailla à la construction de ce croisillon, sous les ordres de Pierre Le Goaraguer, et au prix de 2 sous 11 deniers par jour. Outre ses journées de travail, il fit chez lui en 1477, pour le même croisillon, cinq niches (tabernacula), avec dais et culs-de-lampe, destinées à recevoir des statues, et qui lui furent payées 15 livres en tout, à raison de 3 livres l’une. Il convient de faire observer que les pierres lui étaient fournies par la fabrique, pour ce travail.

De 1486 à 1487, il construisit les trois voûtes du transept, pour lesquelles il reçut 320 livres, à savoir, 120 livres pour la voûte du croisillon nord, et 100 livres pour chacune des deux autres, c’est-à-dire celles de la croisée et du croisillon sud. Il est fort probable que les voûtes de la nef sont aussi l’oeuvre de Guillaume Le Goaraguer, mais les titres manquent pour le constater.

En 1490, les paysans des paroisses des Montagnes d'Aré et des Montagnes Noires, s’étant révoltés contre leurs seigneurs, vinrent, après avoir brûlé quelques châteaux, attaquer Quimper qu’ils prirent d’assaut le 31 juillet, en renversant les avant-murs, et en pratiquant une brèche dans le rempart situé au nord de la ville, le long de la place qui sert aujourd’hui de champ de foire, entre la porte Saint-Antoine et la porte Bizian. Après la destruction de cette « commune » révoltée, Jehan Le Baud, miseur de la ville de Quimper, fit réparer les dommages causés aux fortifications. Le Goaraguer fut chargé de mesurer et d’apprécier la valeur de ces réparations, avec d’autres experts, parmi lesquels se trouvait Guillaume Gueberan, maître de l’oeuvre des quais de la en présence de Jehan Calloet, docteur en droit et vicaire général de l’évêque, de Charles de Trezeguydy, lieutenant de noble et puissant le sire de Kaynmerc’h, capitaine de Quimper, d'Amaury de Qnec’hquivillic, docteur en droit et procureur de Cornouaille, commis à cette fin, et de plusieurs chanoines et bourgeois [Note : Compte de Jehan Le Baud, miseur de la ville de Quimper. de 1487 à 1494. — Voir aussi pour les détails de cette révolte des paysans, Moreau, Histoire de la Ligue en Bretagne, 1ère édit., p. 15, et Levot, Biographie bretonne, t. II, p. 624].

On construisait en 1507, le palais épiscopal de Claude de Rohan. Dans le seul compte qui nous soit parvenu de ce travail, Le Goaraguer ne figure pas parmi les ouvriers employés régulièrement à la construction de ce monument, dont le maître de l’oeuvre fut Daniel Gourcuff, mais il est assez souvent chargé de choisir et de mesurer de la pierre, dans différentes carrières, notamment des « pas de vis » pour le grand escalier, qui, en raison de leur dimension peu ordinaire, étaient difficiles à trouver. Comme Le Goaraguer était payé 5 sous par jour, tandis que Gourcuff, le maître de l’oeuvre, ne recevait que 3 sous 4 deniers, il est très-probable qu’il avait une bonne part dans la direction de ce remarquable édifice.

L’ossuaire de la cathédrale fut le dernier travail de G. Le Goaraguer. Ce monument dont la perte est si regrettable, fut commencé le samedi, 1er juillet 1514, et terminé le samedi, 17 mars suivant.

Pendant ces huit mois et demi, Le Goaraguer y travailla régulièrement avec son valet et un certain nombre de compagnons tailleurs de pierres, qu’il avait sous ses ordres. Il fut donc le véritable maître de l’oeuvre de cet ossuaire.

Outre la pierre, Le Goaraguer devait sculpter le bois, car on trouve, dans le compte de la fabrique pour l’année 1514, plusieurs articles relatifs à des pièces de bois de hêtre, qui lui furent fournies pour faire des modèles des pierres qu’il avait à sculpter (Item dicta die, solvit pro quatuor asseribus fagi ad couficiendum formulas construendi lapides, 2 s. 6 d. Die tercia februarii, solvit pro duodecim asseribus fagi ad conficiendum impressiones ad sculpandum lapides novo open, 6 s. 8 d. — Compte de la fabrique pour l’année 1514).

Au nombre des ouvriers qui travaillèrent avec lui, figure, une seule fois, Jean Le Goaraguer qui était probablement son fils.

G. Le Goaraguer mourut très-peu de temps après l’achèvement de l’ossuaire de la cathédrale, et son enterrement fut l’occasion d’une émeute qui n’est pas sans quelque rapport avec les révoltes des communes contre leurs seigneurs. Voici le récit détaillé de ce grave événement.

Depuis une époque ancienne, on desservait dans la cathédrale diverses confréries, entre autres celles de Saint-Crépin, ou des cordonniers, de Saint-Julien et de Saint-Ronan. Au commencement du XVIème siècle, et peut-être avant, des contestations s’étaient élevées entre le chapitre et les abbés ou gouverneurs de ces confréries, qui étaient élus pour deux ans, au sujet de la célébration des messes fondées en faveur de ces associations. Les abbés prétendaient avoir le droit de faire célébrer ces fondations hors de la cathédrale, et notamment dans l’église de Saint-Mathieu et dans celle des Cordeliers. Les chanoines contestaient ce droit, et pour mettre leurs adversaires dans l’impossibilité de l’exercer, ils s’étaient emparés des ornements et des vases sacrés appartenant à ces confréries. Les abbés cessèrent alors de faire dire les messes fondées à leur profit, et la mésintelligence devint si grande entre eux et le chapitre, que la veille de Pâques 1514, ils refusèrent de tendre de tapisseries, selon l’usage, les chapelles dans lesquelles leurs confréries étaient desservies. Bien plus, ils essayèrent, s’il faut en croire les insinuations des chanoines, de dérober les reliques de saint Ronan, exposées dans l’église le jour de sa fête.

Il résulta de cet état de choses, de la part des membres des confréries de Saint-Crépin, Saint-Julien et Saint-Rouan, une haine violente contre le chapitre qui, à cette époque, se recrutait presque exclusivement dans la noblesse. Cette haine attisée par les religieux Cordeliers de la ville, qui voulaient attirer à leur église, les fondations que l’on faisait dans la cathédrale, était partagée par tous les bourgeois de Quimper, qui supportaient impatiemment le joug spirituel des chanoines, et ils n’attendaient qu’une occasion pour la faire éclater. Elle se présenta à l’enterrement de G. Le Goaraguer.

A la mort de ce maître tailleur de pierres, qui eut lieu dans la dernière semaine du mois de mars 1514 (1515 nouveau style), sa femme et ses enfants vinrent prier le chapitre de faire enterrer le défunt, dans la cathédrale. Pour rendre honneur à ce vaillant ouvrier qui, pendant plus de quarante ans, avait travaillé à leur église, et mourait quelques instants après y avoir mis la dernière pierre, les deux archidiacres, le trésorier et tous les chanoines, accompagnés des curés, des chapelains et des clercs de la cathédrale, se rendirent processionnellement, et précédés de la croix, à la maison mortuaire où il y avait déjà une grande affluence d’habitants. Devant le corps, marchaient les religieux Cordeliers et les confrères de la confrérie du Sacre. Tout-à-coup, pour une cause qui n’est pas expliquée, le cri de « force au Roi » se fit entendre parmi ceux qui portaient le corps. Il s’en suivit un grand tumulte et une véritable mêlée. Les bourgeois de la ville, qui s’étaient à l’avance munis de bâtons, ayant à leur tête Jéhan Le Scanff, leur procureur [Note : Il remplissait à peu près les fonctions des maires actuels], se ruèrent sur les chanoines, qu’ils renversèrent et excédèrent de coups en criant : « Tuez ! tuez ! dessus, dessus (sic) ces chanoines. a qu’il n’en eschappe nulz ! ». Quelques-uns ajoutaient qu’il fallait les « traîner à la ripvière ». D’autres, arrachant les cierges des mains de quelques assistants, en frappèrent au visage, un des archidiacres. Dans la mêlée, le linceul qui couvrait la chasse, fut déchiré, et le corps du défunt roula à terre avec ceux qui le portaient. La croix fut renversée.

Les chanoines étant parvenus à se dégager, se réfugièrent dans la cathédrale, mais même dans ce lieu d’asile, il furent tellement injuriés et outragés par la multitude, qu’ils se virent contraints de fuir et de se cacher dans leurs maisons. J’ignore comment se termina l’enterrement de Le Goaraguer ; mais, après la fuite des chanoines, les bourgeois résolurent de sonner à « tocsaint (tocsin), la cloche appelée la cloche de la commune de la cité, pour convocquer ladite commune de ladite ville, encourir sur ausdits chanoines et d’aulchuns nobles qui estoint venuz au marché, disans qu’ilz fussent aller sercher (sic) lesdits chanoines jucques à leurs maisons ».

Les bourgeois de Quimper ne paraissent pas avoir mis ce projet à exécution, et le jour qui vit naître cette échaffourée, la vit sans doute aussi s’éteindre. Quoi qu’il en soit, dès le 29 mars, c’est-à-dire très-peu de jours après ces événements, un procès fut commencé par maître Guillaume de Tyoaranlen, promoteur de Cornouaille, contre les bourgeois, et en particulier, contre les abbés des confréries de Saint-Crépin, de Saint-Julien et de Saint-Ronan. J’ignore quel en fut l’issue, mais j’ai la persuasion que cette émeute, où l’on voit les bourgeois d’une ville, ayant à leur tête leur procureur, courir sus à de hauts dignitaires du clergé et à « d’aulchuns nobles », avait pour origine, d’autres causes qu’une querelle de confréries [Note : L’enquête relative à cette affaire, n’existe plus. J’ai trouvé les détails qui précèdent, dans un cahier qui a pour titre : « Interrogatoires quieulz baillent et produisent les bourgeoys, manant et habitants de la ville et cité de Kempercorentin et ses faubourg., etc , au commissaire commis entre les parties, cy après nommée, pour, et sellon iceulx, examiner, interroger et enquérir les tesmoigns produits et à produire, etc. ». — Archives du Finistère].

Daniel GOURCUFF.

Claude de Rohan, nommé à l’évêché de Quimper en 1501, peu de temps après la mort de l’évêque Raoul Le Moël, voulut, avant de venir prendre possession de son évêché, se faire construire un nouveau palais épiscopal. Il commit à cette fin Prigent de Saint-Alouarn, son maître d’hôtel, qui institua François du Perier, comme contrôleur des travaux. Francois Le Scanff, receveur des Reguaires de Cornouaille, fut chargé de la dépense.

Les travaux commencèrent en 1507. Du 31 mars de cette année, au 21 octobre suivant, il fut extrait de différentes carrières, mais principalement de celle du Boulc'hat, en la paroisse de Kerfeunteun, 1995 quartiers de pierres de taille, sans compter les pas de vis, ou marches d’escalier, qui avaient neuf pieds de longueur. Daniel Gourcuff, tailleur de pierres, fut le maître de l’oeuvre. Il était payé à la journée à raison de 3 sous 4 deniers par jour. Le salaire journalier des compagnons qui travaillaient sous ses ordres, était de 2 sous 6 deniers. J’ai exprimé par ailleurs, l’opinion que G. Le Goaraguer n’était pas demeuré étranger à cette construction. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit de ce palais qu’on appelait le « grand logis de Rohan » et qui faisait, à juste titre, l’admiration de tous. Il n’y a pas, à mon avis, dans le département du Finistère, de monument d’architecture civile de style ogival, qui puisse être comparé à ce qui reste de ce logis, dont les détails d’ornementation peuvent nous donner une idée de l’habileté du maître qui l’a construit [Note : Compte de François Le Scanff, receveur des Reguaires de Cornouaille. — Archives du Finistère. Je citerai ici pour mémoire, le nom de Johannes an Triuguent, lapiscida (littéralement Jean Le Soixante), qui fonda en 1471, un anniversaire dans la cathédrale, pour Jeanne, sa femme. — Deuxième registre des contrats, f° 2 r°].

 

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FÊTE DES OUVRIERS ; INSTRUMENTS, OUTILS ET MATÉRIAUX.

En ce qui concerne les ouvriers tailleurs de pierres et maçons, je dirai d’abord, que leur fête avait lieu au moyen âge comme aujourd’hui, le jour de l'Ascension. Ce jour là, le procureur de la fabrique devait donner à chacun des chantiers de l’église et de la carrière, un mouton dont les ouvriers se disputaient la possession, dans une course ou dans une lutte qui avait lieu entre eux. A ce cadeau était jointe une petite somme d’argent, qui leur permettait de terminer la fête par un dîner [Note : La gratification payée le jour de l'Ascension, sous la rubrique pro mutone, aux ouvriers tailleurs de pierres et maçons, par le procureur de la fabrique de la cathédrale, fut en 1478, de 27 sous 6 deniers, et en 1486 de 30 sous].

L'Ascension n’était pas le seul jour de réjouissance des ouvriers. Les comptes de fabrique de la cathédrale ne les énumèrent pas, et se bornent à mentionner sous la rubrique générale de pourboires (pro vino), les diverses gratifications que recevaient les travailleurs dans le cours de l’année. Mais ces lacunes sont heureusement comblées par les comptes du XVIème siècle, de la fabrique de Saint-Mathieu, de Morlaix, dont j’extrais les passages suivants :

1580. « D’avoir poyé en ung mouton vif à courir, ausdits tailleurs de pierres, esguillettes pour lutter, sonneurs pour les conduire, et leur disner après, comme on a de coustume tous les ans, la somme de 15 l. 17 s. 6 d. ».

« Pour le gasteau baillé ausdits tailleurs de pierres, la veille des roys, o (avec) le pain et sa séquelle, à la manière accoustumée, fut poié 30 sols ».

« Aussi d’avoir baillé ausdits tailleurs de pierres, une poule à courir le jour de caresme-prenant (mardi gras), et pour la collation accoustumée, et pour le tout fut poyé 2 s. 6 d. ».

« D’avoir poyé ausdits oupvriers tailleurs de pierres, en collation, après avoir porté les rameaulx de may, le jour précédant les Rogations, 15 sols ».

1550. « Plus poyé la veille des Roys au maistre de l’œupvre et ses oupvriers, pour ungn gatteau avecques vin et pain pour faire leur royaulté, 10 sols ».

Les instruments et les outils dont on se servait alors, ne différaient guère de ceux actuellement en usage. La machine principale était le treuil, toujours désigné au XVème siècle sous le nom de « Rota » (la Roue). Au XVIème siècle on l’appelait Engin à guinder les pierres ; Guindas ; Roue ; Trabe, etc. A l’extrémité de la corde du treuil était attaché un croc de fer auquel on suspendait des caisses en bois cerclées de fer (gobassœ ligni), que l’on remplissait de pierres ou de chaux. A mesure que les murs s’élevaient, on ex­haussait aussi cette machine que l’on établissait sur un échaffaudage formé de planches et soutenu par de solides madriers. Les autres échaffaudages étaient faits au moyen de barriques (piper) sur lesquelles on plaçait des claies en bois (cletœ contextis baculis).

On employait pour le transport des pierres dans les chantiers, deux sortes de civières (cenovectoria), la civière à deux bouts et la civière « rolleresse » ou à « rouelles », que l’on appelait aussi « brouette » [Note : « Item deux brouettes et civières à rouelles prisées ensemble 6 s. 8 d. ».  — Inventaire de meubles fait par la cour de Treouret le 21 octobre 1510. (Archives du Finistère). — Dans ce titre il est fait mention du blé noir, dont l’introduction en France a été attribuée à Sully].

Cet instrument qui est mentionné dans les comptes de fabriques et dans toutes les réformations des domaines ducaux du XVème siècle, en Bretagne, avait deux bras à sa partie antérieure, et se terminait à l’autre extrémité par une ou, peut-être, par deux petites roues. C’est à tort, à mon avis, que l’on a attribué à Pascal, l’invention de la brouette, car la chose aussi bien que le nom, comme je viens de l’établir, existait longtemps avant lui. Si cependant, cet instrument était dans le principe, muni de deux roues, il a pu le perfectionner en les remplaçant par une seule.

Les autres outils ou instruments dont on trouve les noms, étaient des marteaux (martelli) ; des barres de mines (barrœ) ; des coins de fer (cunei), qui servaient à fendre les pierres dans les carrières ; des cribles (crebri) pour passer le sable ; des paniers et des corbeilles (cophini et canistra) pour porter la terre ; des pics (py) ; des tranches, etc.

Quelques outils sont désignés au XVème siècle, par leurs noms bretons. C’est ainsi que l’on rencontre les mots Horzou-Houarn (masses en fer) ; Guenvou-Houarn (littéralement lances de fer ; c’étaient de longs forets, ou fleurets, servant à percer la pierre, et que l’on employa aussi en 1469 pour diviser, afin de les fondre, les lingots de plomb destinés à recouvrir la flèche centrale de l’église) ; Pouleou (poulies) ; Pal et Reuff (bêches) [Note : 1514. « Item solvit pro reparacione unius remi ferrei, vulgo Reuff, ad mundandum ecclesiam ». — Compte d'Yves Lohéac. — Ce mot qui signifie littéralement rame, est aussi usité dans les environs de Quimper pour désigner une bêche]. On employait enfin deux sortes de clous appelés, les uns, clous Vastard (clous bâtards), et les autres, clous Guystoc'h.

On ne connaissait pas autrefois en Bretagne, les ciments naturels, aujourd’hui en usage partout. Aussi avait-on recours à des ciments artificiels d’un excellent effet, mais dont les « recettes » sont peu connues.

Au XVème et au XVIème siècle on composait un de ces ciments, en mélangeant avec 25 livres de résine, une livre de suif « una libra sepii (sebi) seu suivus » (sic).

Après avoir fait fondre ce mélange, on y ajoutait, je pense, une certaine quantité de chaux. Pour faire usage de cette composition, qui servait surtout au rejointoiement des voûtes, on devait non-seulement l’employer chaude, mais il fallait aussi chauffer la partie de maçonnerie que l’on voulait cimenter [Note : 1514. « 4e novembris solvit pro una somma lignorum combustibilium ad calefaciendum vostas ecclesie pro cemento in dictis vostis, 16 den. ». Comme les voûtes de la cathédrale étaient à cette époque, terminées depuis longtemps, je pense qu’il s’agit ici des voûtes de l’ossuaire que l’on construisait alors]. On comprend qu’après l’emploi d’un pareil enduit, il fallait nécessairement peindre les voûtes.

Voici la composition d’un autre ciment qui servit en 1667 à rejointoyer le clocher de l’église de Pont-Croix. On employa pour le faire :

44 Pots d’huile de baleine ; à 14 sous le pot ;

3 Livres de sanguine, à 60 sous la livre ;

6 Livres de mine de plomb, à 9 sous la livre ;

Des vitrages, pots et têts cassés ;

De la chaux (Compte de Jacques Piriou, procureur de la fabrique de l’église de Pont-Croix, pour 1667).

En 1507 on faisait venir de Rouen, la chaux nécessaire aux travaux de l’évêché, à raison de 25 sous la pipe, et de Jard (Vendée), à raison de 13 deniers la rennée.

La cathédrale de Quimper et le palais épiscopal sont, à part quelques culs-de-lampe en kersanton, entièrement construits en granit. Les pierres qui font partie de la première de ces constructions, provenaient des carrières de Quenec'hiestin (aujourd’hui Kerjestin ; le nom moderne devrait être Crec'hjestin), en la commune de Penhars, à 3 kilomètres de Quimper, et de Kerrem, dans la commune de Plomelin, à 5 ou 6 kilomètres de la même ville. Cette dernière carrière appartenait, en 1478, à Jean de Tréganvez, et était louée par la fabrique de la cathédrale, à raison de 10 livres monnaie par an.

Les pierres provenant de Kerrem, étaient amenées à Quimper dans des bateaux ou chaloupes (gaubarœ). Le prix du transport d’une batelée (gaubarata), charrettes, bateau et marins compris, était à la fin du XVème siècle, de 40 sous. La fabrique possédait aussi un bateau pour ce transport, et quand on en faisait usage le port était de 35 sous.

On transportait dans des charrettes, les pierres de Quenec'hiestin ; le prix de chaque charretée (quadrigata) était en 1486, de 3 sous 4 deniers. En 1514, quand on construisait l’ossuaire, on payait la charretée des mêmes pierres, 6 sous 8 deniers. Mais il convient de faire observer, eu égard à la différence de prix, que les charrettes, en 1514, étaient peut-être plus grandes que celles dont on se servait en 1486.

Les pierres qui servirent à la construction du palais épiscopal de Claude de Rohan, furent extraites des carrières du Boulc'hat, en Kerfeunteun ; de la Belle-Croix, en Briec ; de Saint-Affredec (Saint-Evarzec) ; de Langurun et de la Roche-Dagorn (Roc’h-Dagorn). La situation de ces deux dernières carrières m’est inconnue. C’est de la perrière de Roc’h-Dagorn, que furent extraits la plupart des « pas de vis » ou marches d’escaliers, longs de 3 mètres et destinés aux tourelles du palais épiscopal. Le port d’un seul de ces pas de vis, coûtait 5 sous en 1507, tandis qu’une charretée de pierres de la même carrière de Roc’h-Dagorn, était payée 3 sous 4 deniers seulement.

J’ai mentionné plus haut, l’existence dans les murs de la cathédrale, de quelques culs-de-lampe en kersanton, qui ornent les portails de cette église. Cette pierre dont on a fait dans la chapelle de Notre-Dame du Folgoat, un si merveilleux emploi, devait être d’un assez grand prix au commencement du XVème siècle. Les culs-de-lampe des portails de Saint-Corentin, datent de 1424, et deux d’entre eux portent les armoiries de l’évêque et du chanoine qui les ont donnés. Il y avait en outre dans le grand portail, une statue équestre en kersanton, du duc Jean V, qui datait de la même époque. La cathédrale possédait aussi plusieurs beaux tombeaux d’évêques, sculptés dans la même pierre au XVème siècle.

Le kersanton que l’on appelait au moyen âge Pierre de Douglas ou de Daouglas [Note : 1516. « A Hervé Le Ganyer, pour aller à Daouglas, chercher la pierre pour faire la croix devant l’église de Saint-Mahé, 16 s. 6 d. ». « Pour faire le marché de apporter lesdictes pierres de Daouglas jucques au cay de ceste ville ; et pour le fret, 12 l. 19 s. » — Compte de la fabrique de Saint-Mathieu de Morlaix. Il y avait au XVème siècle, un genre de toiles, fabriqué dans une partie de la Cornouaille et du Léon, que l’on appelait « toile de Douglas ». Il existe dans l’île de Man, en Angleterre, une localité de ce nom], forme ancienne du nom du territoire de Daoulas (Finistère), était extrait du Moulin-à-Mer, en Logonna-Daoulas, et des garennes de Rosmorduc, près de l'Hôpital-Camfrout. C’est encore des mêmes gisements qu’on retire à la fin du XIXème siècle, si je ne me trompe, cette pierre devenue fort rare [Note : On a découvert il y a quelques années dans un schiste, sur le territoire de la commune de Lennon, entre Châteauneuf et Pleyben (Finistère), un filon peu important de kersanton].

Les ardoises employées au XVème et au XVIème siècle, pour la couverture de l’église, étaient extraites des carrières de Laz et de Gouézec. Celles de Châteaulin n’étaient probablement pas encore exploitées, car je n’en trouve aucune mention. Mais les ardoises de ces deux localités, différaient sensiblement sous le rapport de la qualité ou de la dimension, car, en 1474, celles de Gouézec se vendaient 20 sous le mille, et celles de Laz 12 sous.

Il y avait pendant la durée des travaux de la cathédrale une forge en permanence dans le chantier des tailleurs de pierres, pour la réparation de leurs outils. Comme quelques comptes de cette époque mentionnent l’emploi « de terre pour la forge » (terra pro fornace), j’ai pensé qu’il pouvait être ici question de « charbon de terre ». Cependant les sommes indiquées pour cette dépense sont bien minimes. Quoi qu’il en soit, il existait alors entre l'Angleterre et la Bretagne, un commerce régulier de charbon de terre, pratiqué principalement par les riches et hardis marchands de Morlaix.

Un mot pour terminer, sur là provenance des bois utilisés dans la charpente de la cathédrale. Il paraît que les environs de Quimper étaient déjà fort déboisés au XVème siècle, car on faisait venir, à cette époque, presque tous les bois, de Brasparts et de Pleyben. En 1524, les bois qui servirent à la réparation de la charpente d’une des tours, furent pris dans la forêt de Garzcadec (Cascadec), en la commune de Scäer (R. F. Le Men).

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