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Procès de jadis entre l'Evêque et la Ville.

Tout le long des trois derniers siècles de la Monarchie, les évêques de Cornouaille soutinrent un interminable procès contre la ville de Quimper au sujet de droits féodaux revendiqués par les évêques et contestés par la Communauté de ville. Ce procès, encore pendant quand survint la Révolution, ne fut jamais définitivement jugé par les tribunaux ; la fameuse nuit du 4 août y mit un terme en supprimant l’objet du litige.

Ce débat, sans cesse renaissant, coûta à la ville et aux évêques des sommes considérables : l’enjeu, en effet, était de la plus haute conséquence. Le droit de lods-et-ventes, réclamé par l’évêque en qualité de seigneur du fief, prélevait un huitième du prix de la vente de tout immeuble. Le droit de rachat, encore plus onéreux, était un droit de succession équivalent à une année du revenu des immeubles transmis. On conçoit que les évêques n’aient pas renoncé de gaîté de coeur à des droits si lucratifs.

A Quimper, dès le XIème siècle, les droits du comté avaient été réunis à ceux de l’évêché. Longtemps, l’évêque, comte de Cornouaille, exerça la souveraineté dans sa seigneurie temporelle, jouissant de la plénitude des droits féodaux, avouant tenir sa seigneurie sous le duc « en fief amorti, à foi et hommage et à devoir de prières seulement ».

Pour nous en tenir aux seuls droits de lods-et-ventes et de rachat, — les bourgeois et manants de Quimper en supportaient bien d’autres. — il est certain que ces droits furent perçus par les évêques au moyen-âge jusqu’à une époque qu’il est difficile de préciser. Au XVème siècle, les ducs, les nobles et les bourgeois travaillèrent à réduire la puissance temporelle des évêques. Peu à peu, à la faveur des troubles et des guerres civiles, les habitants de Quimper secouèrent le joug de leur seigneur et, en compensation des charges que leur imposaient l’entretien de leur port et la défense de la cité, ils finirent par obtenir quelques exemptions et franchises. Cela se fit sourdement, sans révolution municipale, car il n’y eut point de charte expresse ; mais les exemptions de fait passèrent en coutume.

Au XVIème siècle, dans les aveux rendus à leur seigneur-évêque, « les nobles, bourgeois, manants et habitants de Quimper-Corentin reconnaissent tenir la ville close de Quimper et les terres qui en dépendent au proche fief de l’évêque, sous son franc-fief, cour et juridiction des Regaires et s’obligent à lui faire leurs devoirs, services et obéissances seigneuriaux, selon la nature du fief ».

Il n’est fait dans ces actes aucune mention des droits de rachat ni des lods-et-ventes. Cette prétérition, alors tolérée par les évêques, s’interprétait en faveur des bourgeois, ceux-ci soutenant que le franc-fief épiscopal comportait l’exemption de ces droits. D’ailleurs, quelques années plus tard, en 1604, rendant aveu à Mgr du Liscoët, les mêmes nobles, bourgeois et habitants confessent et avouent que la ville est au franc et proche fief de l’évêque « mais sans aucun devoir de rachat, lods-et-ventes ».

Le texte de l’aveu est, cette fois, explicite ; c’est que maintenant les bourgeois de Quimper peuvent se prévaloir d’une sentence du Parlement de Bretagne. En effet, à partir de 1574, Mgr de La Tour revendiqua tous les droits que ses prédécesseurs avaient laissé péricliter. Il intenta un procès à la ville. L’affaire fut jugée aux Requêtes du Palais à Rennes où le seigneur-évêque « fut débouté des droits de rachat, lods-et-ventes par lui prétendus et les habitants furent déclarés francs et exempts des dits devoirs ».

Un siècle plus tard, le procès recommença. Mgr de Coëtlogon obtint gain de cause au Parlement de Rennes, en 1693. Mais la Communauté de ville de Quimper se pourvut au Conseil du roi où, après une longue procédure, Sa Majesté cassa et annula trois arrêts du Parlement, renvoya le procès des parties concernant les rachats, lods-et-ventes en première instance par devant le sénéchal de Nantes et, en cas d’appel, au Parlement de Rouen. En attendant, la ville de Quimper, autorisée par l’arrêt du Conseil du 10 décembre 1698 à répéter ses frais vers l’évêque, fit sommation à ce dernier de lui payer une somme de 2.452 livres.

Mgr de Coëtlogon se montrant disposé à la conciliation, la Communauté de ville consentit à réduire sa créance des deux tiers : 792 livres au lieu de 2.452 livres. Le 19 juin 1700, l’évêque déclara se désister de ses prétentions aux lods-et-ventes et rachats et cette déclaration fut homologuée le 5 décembre suivant à la Chambre des comptes qui par son arrêt décerna acte à François de Coëtlogon de son désistement et de son offre de verser 792 livres à la caisse du miseur de Quimper.

Mais la trève fut courte car en 1706, l’année même de sa mort, Mgr de Coëtlogon prit des lettres de restitution contre son désistement de 1700 et la procédure continua jusqu’à la mort du prélat.

Son successeur, Mgr de Ploeuc, reprit cette instance devant le Présidial de Nantes, en 1728, et la suivit avec assez peu d’ardeur jusqu’en 1729, époque à laquelle il paraît l’avoir abandonnée.

Dès le début de son épiscopat, Mgr de Farcy de Cuillé résolut de poursuivre l’affaire avec plus d’ardeur. L’instance reprise en octobre 1741 fut par lui conduite jusqu’à la sentence du Présidial de Nantes, rendue le 26 août 1746, laquelle débouta l’évêque de Quimper du droit de lods-et-ventes et de celui de rachat et le condamna aux dépens. Les frais de la Communauté, dans cette seule instance, montèrent à 5.504 livres.

La Communauté de ville se garda de triompher bruyamment et même, par égard pour son seigneur-évêque, tarda de longues années à lui signifier la sentence de 1746. L’omission de cette formalité essentielle pouvait avoir de graves conséquences. Les délais d’appel s’en trouvèrent prorogés de 20 ans : c’était laisser à l’évêque un temps suffisant pour reprendre haleine. Le 17 décembre 1767 seulement, Jean-Baptiste Démizit, avocat, élu maire de Quimper, « autant animé de l’amour patriotique que de celui du devoir » diront en 1787 les officiers municipaux de Quimper, fit faire la signification imprudemment différée.

En 1768, Mgr de Cuillé releva appel devant le Parlement de Rouen ; mais le vieil évêque mourut en 1772 et l’affaire demeura en suspens.

A cette époque, la procédure avait occasionné à la ville des déboursés considérables montant à la somme de 8.269 livres. La Communauté se retourna vers les héritiers de Mgr de Cuillé et, le 25 septembre 1772 leur signifia un mémoire des frais du procès. Par testament, Mgr de Cuillé avait légué ses biens mobiliers au séminaire et aux hôpitaux de Quimper. Tenant compte de ces libéralités et désirant éviter de nouveaux frais de procédure susceptibles de réduire les dons faits à ses hôpitaux, la Communauté, le 3 mai 1774, accepta de transiger moyennant 5.000 livres avec M. Farcy de Cuillé, Président au Parlement, héritier de l’évêque.

Le 27 mai 1775, le Président de Cuillé demanda une réduction plus forte, faisant valoir :

« Que le mémoire des frais contenait des articles radiables ou pour le moins fortement réductibles, tels que des honoraires excessifs, des frais outrés de députations et de procureurs ;

Que feu Mgr de Cuillé a relevé appel de la sentence de Nantes et que sa succession conserve par cet appel tous ses droits à l’avènement d’un procès qui peut encore être jugé en sa faveur et qui lui ouvrirait alors des reprises vers tous les habitants, d’autant plus considérables que l’épiscopat de Mgr de Cuillé a été de 33 années ;

Que dans l’avènement même d’un jugement favorable à la Communauté, celle-ci attendrait au moins plusieurs années une rentrée de fonds dont elle avoue avoir besoin en ce moment ;

Qu’enfin la réduction demandée tournerait en fait au profit des hôpitaux et même de la Communauté, le Président de Cuillé offrant de se désister de ses prétentions sur les droits de lods-et-ventes et de rachat qui se trouveraient acquis pendant l’épiscopat de feu Mgr de Cuillé ».

La Communauté de ville, voulant donner « un témoignage ineffaçable de sa reconnaissance et de sa vénération pour son illustre et défunt évêque », délibéra à nouveau et arrêta de réduire sa demande « au taux le plus bas auquel il lui soit possible de se restreindre, en l’état de ses finances ». « La Communauté en réduisant ses prétentions à la somme de 4.100 livres, au-dessous de laquelle sa bonne volonté serait indiscrète et gratuite, se flatte que M. le Président de Cuillé voudra bien agréer cet arrangement et le cimenter par son désistement de toutes prétentions sur les droits en conteste ». D’autre part, la municipalité priait l'Intendant de donner son approbation à cet arrangement qui paraissait « présenter à toutes les parties des avantages effectifs et certains ».

Mgr Conen de Saint-Luc devait lui aussi être mêlé à cet interminable procès. Dès le début de son épiscopat, il y fut poussé par un mauvais génie, Michel Laënnec — c’est l’aïeul de l’illustre médecin — son procureur fiscal aux Regaires, ancien maire de Quimper cependant, mais querelleur et processif en diable. Dès 1780, à l’instigation de Laënnec, Mgr de Saint-Luc était en procès au Présidial contre la ville de Quimper pour impunissement d’aveu. Il s’agissait encore de droits féodaux.

Quand Laënnec mourut en 1782, Mgr de Saint-Luc se trouvait déjà pris dans l’engrenage. Le 24 octobre 1787, il reprit au Parlement de Rouen l'instance abandonnée depuis la mort de Mgr de Cuillé. Grandes furent la surprise et la colère des officiers municipaux de Quimper lorsque, le 6 décembre 1787, le maire de la ville, M. Le Gendre, leur annonça que la Communauté, en sa personne, venait d’être assignée au Parlement de Rouen, à la requête du seigneur-évêque.

La Communauté se fit un reproche d’avoir agi jusque-là avec trop de scrupules et de déférence à l’égard de son seigneur temporel. « La question des lods-et-ventes et de rachat n’en serait pas une aujourd’hui si nos prédécesseurs en la commune — dont on ne peut cependant que louer et admirer le zèle pour la défense de cette cause publique — n’avaient pas, si on peut s’exprimer ainsi, outrepassé les égards et la condescendance que l’on doit avoir et que nous nous plaisons sans doute à avoir pour un seigneur de fief ; mais il est des bornes à tous les égards ».

La Communauté était sûre de sa cause car plusieurs fois déjà, sur l’objet de la contestation, elle avait consulté les plus savants juristes de Rennes, notamment MM. Lanjuinais, Le Livec de Lanzay, Etasse et Glézen. Toutefois, avant de s’engager, une fois de plus, dans une procédure de cette importance, deux questions préalables furent examinées :

1° La Communauté était-elle obligée de suivre l’évêque de Quimper dans son appel à Rouen et de s’y défendre ou ne pouvait-elle pas s’en abstenir en invoquant les privilèges de la Province ?

2° Dans le cas, assez probable, où l’évêque n’aurait fait signifier cet appel que pour forme seulement afin d’éviter la prescription d’instance et de réserver à ses successeurs le droit de réveiller en tout temps cette affaire, la Communauté ne devait-elle pas « anticiper l’évêque pour ne pas laisser éterniser la procédure ? »

Le 6 mars 1788, la Communauté unanime résolut de défendre ses droits avec la plus grande énergie. « Il vous était réservé, dit le maire, de voir se renouveler la question des lods, ventes et rachats, mais aussi d’en voir bientôt confirmer l’exemption par un arrêt définitif qui assurera votre tranquillité jusqu’ici troublée par des recherches incessantes. Nous osons espérer qu’il n’est aucun d’entre vous qui n’employât volontiers tous ses moyens, ses lumières et ses connaissances pour la défense de cette cause ».

Le maire, Le Gendre, se mit en devoir de choisir à Rouen un procureur au Parlement « qui fût vigilant, actif et éclairé, en qui la ville pût mettre sa confiance pour cette grande affaire ». Puis, la Communauté nomma une commission composée de MM. Démézit, Le Thou, Danguy des Déserts, anciens maires ; de Coapont, Coroller, Delécluse et Le Gendre, tous hommes de loi, à l’effet de former un mémoire et de veiller aux deux instances pendantes simultanément, tant au Présidial de Quimper qu’au Parlement de Rouen.

Mais l’espoir d’une prompte résolution du conflit par les voies de droit dut bientôt s’évanouir. A ce moment, les Parlements, en révolte contre l’autorité royale, tout occupés de sauvegarder leurs propres privilèges à l’encontre des édits de Brienne, avaient quelque temps suspendu l’exercice de la justice. Puis, la Révolution montait à l’horizon. Il était trop tard pour restaurer des droits féodaux tombés en désuétude. Vaine entreprise que celle de rétablir à la fin du XVIIIème siècle des impôts qui dès le XVème siècle avaient paru intolérables. Rien n’était plus propre à hâter la Révolution.

Et cependant, coïncidence singulière, ce fut précisément quand l’ancien régime chancela que, dans tout le royaume, les privilégiés devenus plus âpres tentèrent une aggravation des charges seigneuriales, une « réaction féodale ». Nous rencontrons à Quimper un exemple de cette politique aveugle.

L’heure des transactions et des accommodements passée, il ne s’agira plus de rajuster quelques droits seigneuriaux contestés mais d’anéantir le régime féodal tout entier. Ainsi, dans la nuit du 4 août 1789, se trouvèrent définitivement jugés des milliers de procès qui duraient depuis des siècles.

 

P. S. — Pour la clarté d’un exposé très succinct, nous n’avons considéré que l’objet essentiel du long débat entre l'évêque et la Ville. En réalité, on s’en doute bien, la cause était plus complexe. Deux points surtout demeuraient assez obscurs. Nous savons que, d’une part, l’évêque revendiquait l’universalité de fief et le privilège de juridiction sur la ville-close et ses faubourgs, à l’exception de la Terre-au-Duc, et que, d’autre part, la Communauté de ville prétendait avoir acquis l’exemption générale des rachats, des lots et ventes. 

Mais, en fait, l'évêque et même le roi, héritier du duc, n’avaient jamais cessé de percevoir des cheffrentes ou rentes féodales, signes certains de droits de fief, sur un certain nombre d’immeubles de la ville. Comment le principe d’universalité de fief de l’évêque, seigneur proche, pouvait-il se concilier avec les droits du roi ? la taillée de mai, redevance annuelle qui se partageait par moitié entre le domaine et le fief des Regaires, n’était-elle pas une véritable cheffrente et ne présumait-elle pas, dans la ville-close, un fief départi entre deux seigneurs possédant l’un et l’autre prochement ?

D’autre part, comment, nonobstant l’exemption générale obtenue par la Communauté de ville, l’évêque pouvait-il, non seulement en fait mais en droit, exiger de certains habitants rachats et lods et ventes ? Il y avait là des contradictions difficiles à concilier.

Voici comment les bourgeois de Quimper expliquaient ces anomalies. L’évêque possédait bien l’universalité de fief, mais, au début du XIVème siècle, le duc avait acquis de l'évêque, pour le service public, cinq ou six immeubles, sans en acquérir la mouvance. Ainsi, le roi, seigneur supérieur, pouvait avoir des rentes et cheffrentes sur l'arrière-fief, sans nuire aux droits féodaux de l'évêque, seigneur proche. Quant à la taillée de mai, elle n’était pas une cheffrente mais simplement une imposition annuelle sur les hommes de l’évêque.

Enfin, quant aux cheffrentes, encore perçues par l'évêque et qui impliquaient les droits de rachat, de lods et ventes, en dépit de l’exemption générale acquise par la Ville, ils disaient : il peut arriver chaque jour que le seigneur du fief des Regaires établisse des cheffrentes sur des objets qui n’en payaient pas auparavant. Il en a un moyen facile et dont il a toujours usé. Lorsque les successions vacantes lui ont produit des deshérences, il a transporté les maisons ou les terrains lui dévolus par la puissance de son fief, et ces transports se sont toujours faits, ou ont du moins pu se faire, à la charge de rentes féodales qui n’avaient pas existé auparavant.

Jean Savina.

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