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La Terre au Duc - Kernisy - Locmaria.

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 I.

Par le nom de Terre au Duc, on désigne, jusqu'à la fin du XIXème siècle, tout l'espace compris entre la rivière de Stéïr, l'Odet et le faubourg de Bourlibou ; en un mot ce qui a été autrefois Terre du Duc, et, plus tard, a relevé prochement du Roi, successeur de nos Ducs.

Au dire du Sénéchal de Silguy, en 1745, la Terre au Duc était le plus grand et le plus beau quartier de la ville (Réform. f° 9 r°).

Quimper (Bretagne) : la place Terre au Duc.

C'est là, comme nous l'avons dit, que le Duc d'abord et le Roi ensuite avaient eu leur auditoire, leur prison, leur halle ou cohue et le domicile ordinaire de leurs officiers. Anciennement l'Evêque n'aurait pas permis que les officiers royaux vinssent demeurer dans la Ville Close. Plusieurs fois, en temps de guerre, ils vinrent chercher derrière les murailles un asile que l'humanité ne permettait pas de leur refuser ; mais, chaque fois, « les Ducs reconnurent par lettres que cette nécessité ne pourrait faire de conséquence » (HÉVIN, p. 85). Aux derniers siècles, on se relâcha de cette rigueur ; et, comme nous l'avons vu, plusieurs sénéchaux demeurèrent dans la Ville Close. A plus forte raison, en fût-il de même des conseillers au Présidial et des officiers royaux d'ordre inférieur.

Nous passons le pont Médard, d'abord en bois et reconstruit en pierres au commencement du XXème siècle.

Vous remarquerez en face du pont une maison marquée D, que l'ingénieur André a sans doute et très-justement condamnée : en effet, elle empêche le libre accès du pont à la rue qui se présente en face. Cette maison appartenait, en 1539, à Jean L'Honnoré (Procès Verbal. Réformation), d'une famille considérable de Quimper, qui fut aumônier en 1551, et dont un descendant devenu Sénéchal, fit preuve de dix générations et fut reconnu noble d'extraction, à la réformation de 1668. En 1636, la même maison était l'habitation de Guillaume Hubert « brasseur de bière » (Fonds des Cordeliers. Rentier).

En 1768, la ville mit à exécution le projet de l'ingénieur André. Le 3 décembre de cette année, M. Julien Le Thou, maire, acquit la maison de M. Jean-Marie Picard et des mineurs Guerrier, sous l'autorité de leur grand'mère Marie Lecorre, veuve Hernio. Le prix consista dans une rente de 90 livres et l'obligation de payer au domaine l'ancienne rente de 50 livres par an ; ces deux sommes formant un capital de 2.800 livres au denier 20 (Enregistrement). La maison fut abattue, et le passage intercepté depuis plus de deux siècles fut enfin ouvert.

Aux premières années du XVIème siècle, en 1514, au plus tard « le roy et la royne Loïs et Anne (que Dieu pardoint) » firent construire aux abords de la place Médard un vaste édifice [Note : Réf. fs. 36 v°, 90 r°, 91 r° La cohue ne fut pas fermée ; et, en 1539, le nouveau locataire s'engageait par son bail à y mettre des portes]. Il couvrait plus que l'espace occupé par les maisons qui bordent la rue côtoyant la rivière à partir du pont Médard ; et occupait même une partie de la place dite aujourd'hui Terre au Duc. En bas était la Cohue, au-dessus l'auditoire ; contre l'auditoire et la cohue étaient les prisons.

Cet édifice était encore neuf, puisqu'il n'avait guère que quatre-vingts ans d'âge, lorsque les Quimpérois le jetèrent bas. Ils attendaient l'armée du duc d'Aumont et se préparaient à une résistance vigoureuse. Un mois après, le duc d'Aumont arrive et la ville capitule à peu près sans coup férir. Le sacrifice de l'auditoire, des prisons, des halles avait été inutile... Après avoir rapporté cette destruction faite en pure perte, le chanoine Moreau écrit « A Quimper, on se gouverne non par conseil, mais à l'étourdie et comme à la cour du Roi Pétaud » ; puis il s'excuse d'avoir tracé ces lignes (MOREAU, p. 261). En quoi il a grand tort, car son appréciation était... au moins dans le passé... amplement justifiée. 

Grâce à cette folie, le roi n'eut plus de prison à Quimper et dut en louer une au moins jusqu'à 1685 [Note : HÉVIN, p. 83, dit qu'en 1667 le roi louait encore la prison de l'Evêque. Il en était de même en 1685. Cette année, le présidial contesta au greffier des Regaires le droit de mettre les scellés à la mort du gardien de la prison. Le parlement maintint le droit du greffier, et l'arrêt constate que la prison est la maison d'un particulier tenue en location. Archives départementales] ; la ville n'eut qu'un auditoire d'emprunt jusqu'en 1832 ; enfin de 1594 à 1845, pendant deux cent cinquante ans, Quimper n'a pas eu de halle [Note : HÉVIN semble dire que la halle du roi existait encore à la fin du XVIIème siècle, mais il se réfère à la Réformation de 1539, dont il a le cahier sous les yeux. Il est certain que la cohue abattue en 1594 ne fut pas remplacée. OGÉE ne laisse là-dessus aucun doute].

Un peu au-dessus du pont Médard est le moulin du Duc (du Roi) avec son étang (Réform. f° 21 r° et v°) [Note : Il existait très-anciennement et certainement avant 1269, puisque cette année même, Guy de Plonévez assignait pour l'anniversaire d'Hervé de Landeleau 30 sous de rente à percevoir par le Chapitre « sur les moulins du seigneur Comte, près du pont Médard sur le Téyr ». Cette rente était auparavant hypothéquée sur un domaine à Coray. (Cartulaire du Chapitre 31, 10, 56, 23)].

Remarquons la place que le plan nomme Place au Duc et qui garde encore le nom de Terre au Duc. — En 1539, pendant qu'existaient l'auditoire et les prisons du Roi, cette place avait moins de largeur qu'aujourd'hui. Le procès-verbal de réformation donne à la partie de la place voisine de la rue du Chapeau-Rouge (d'aujourd'hui) le nom de place des Laboureurs locatifs (Réform. f° 18 v°). Ce nom n'était pas assurément le nom vulgaire de la place ; mais cette indication est précieuse : elle nous apprend que c'était le point de rassemblement des domestiques de la campagne venant, à certains jours, chercher à louer leurs services. Aujourd'hui, après 350 ans bientôt, l'usage n'a pas changé ; et un laboureur locatif de 1539 reparaissant en ce monde le jour de saint Corentin, trouverait en cet endroit nombreuse compagnie.

Nous voyons la place à peu près telle qu'elle était en 1764 : la plupart des maisons qui la bordent aujourd'hui étaient déjà bâties. An l'angle sud-est de la place, remarquez la ruelle (élargie depuis) qui conduit au Stéïr (aujourd'hui au pont des halles). D'après l'éditeur du chanoine Moreau, c'est à cet endroit que se tenait le duc d'Aumont, quand il manqua d'être atteint d'une arquebusade [Note : MOREAU, p. 212, note. Où l'auteur de la note a-t-il pris ce renseignement si précis ?...].

Quimper (Bretagne) : la place Terre au Duc.

II.

Sept rues seulement dans ce grand faubourg de la Terre au Duc :

1° En face du pont Médard, rue des Orfèvres, aujourd'hui et dès avant 1781 rue du Chapeau-Rouge, et partie de la rue Saint-Marc. Elle se prolonge en une voie passant aujourd'hui derrière la caserne neuve et faisant le pourtour de la Place Neuve jusqu'à Saint-Joseph.

Ce nom de rue des Orfèvres, qui a prévalu jusqu'au milieu du siècle dernier, est une réminiscence maladroite du nom de rue des Febvres c'est-à-dire des Serruriers (faber-fabri) que les anciens titres et le procès-verbal de réformation de 1539 donnent à cette voie. La similitude des deux mots a causé l'erreur, et d'autant plus facilement que le mot de febvre est depuis longtemps sorti de l'usage (Dict. de Trévoux (1743), v° Fèvre). A la fin du dernier siècle, la rue a pris le nom ridicule du Chapeau-Rouge d'une auberge « où pendait pour enseigne le Chapeau-Rouge » [Note : Maison vendue en 1726-1727. Inventaire sommaire des Archives, B. 30].

Sur cette rue débouchait, à l'entrée de la rue Saint-Marc actuelle, la route de Locronan, autrement de Lanvéoc, passant devant la chapelle de Saint-Marc... je ne dis pas devant le cimetière de Saint-Marc ; il n'existait pas encore et il n'a été béni que le 3 novembre 1788 [Note : Sépultures de saint Mathieu. La mère du docteur Laënnec fut enterrée en ce cimetière en 1786].

La rue se continuant comme je l'ai indiqué plus haut, débouchait sur un vague entre l'enclos des Cordelières (maison de Saint-Joseph) et celui des Capucins (aujourd'hui le Sacré-Coeur). Sur ce vague se rencontraient la route de Douarnenez et celle de Pont-l'Abbé, entrant en ville par Bourlibou.

L'ingénieur André proposait de rectifier la rue dite Porz-Mahé, et traçait une voie en ligne droite du carrefour de la rue Vis à l'entrée de la rue de Bourlibou, c'est-à-dire vers la route de Pont-l'Abbé. Ce tracé n'a pas été suivi ; et c'est vers la route de Douarnenez que fut plus tard dirigée la prolongation en ligne droite de la rue de Porz-Mahé. Il y a vingt ans, la Place Neuve était traversée par cette allée plantée de grands arbres allant droit à la rencontre de la route de Douarnenez.

Ce tracé datant du commencement du siècle était l'exécution amoindrie du projet que voici :

Au temps de Cambry, l'ingénieur en chef Detaille projetait d'amener sur la même place la route de Locronan. La place devait devenir un marché (bien éloigné du centre, il en faut convenir). Au milieu devait s'élever une fontaine monumentale alimentée par la source de saint Joseph. Ce projet qui nous semble bizarre excite le facile enthousiasme de Cambry. Il n'a pas été exécuté. Aujourd'hui fort heureusement aucune des trois routes de Douarnenez, Pont-l'Abbé et Locronan ne passe sur la place Neuve.

2° Rue du Rossignol (aujourd'hui Saint-Mathieu). Elle partait de la Terre au Duc et gardait son nom seulement jusqu'à la place Saint-Mathieu. Aujourd'hui cette rue est à peu près ce qu'elle était en 1764 ; et les élargissements proposés par l'ingénieur André, quelque nécessaires qu'ils soient, sont encore à faire.

La place Saint-Mathieu était de dimension moitié moindre qu'aujourd'hui. Contre l'église était une chapelle dite Notre-Dame du Paradis, c'est-à-dire du Parvis, qui existait encore en 1639 [Note : Françoise de Rosmadec, fille du gouverneur de Quimper, y fut inhumée è cette date. (Sépultures de Saint-Mathieu). Elle existait encore en 1792, et elle n'a dit-on, été détruite que lors de la reconstruction de la tour de l'église], et, entre la place et l'église, un cimetière où l'on a inhumé, au moins jusqu'en 1788.

L'ossuaire bâti auprès de la porte du cimetière était à peu près au milieu de la place actuelle. Que d'inhumations ont eu lieu dans cet étroit espace depuis la fondation de l'église mentionnée dès 1209, à laquelle a succédé au XVème siècle l'église qui existe aujourd'hui ! Et que de fois, l'ossuaire étant rempli, a-t-il été procédé à un second enterrement de ces débris humains, comme il fut fait le 28 octobre 1685 !

Ce jour, « les ossements furent portés du reliquaire dans une grande fosse : il y en avait une telle quantité qu'il fallut un jour pour en faire le déplacement. Une messe solennelle fut chantée et un sermon se fit l'après-midi ; après quoi on fit une procession solennelle où chaque ecclésiastique et autres personnes qui assistaient portaient des ossements en mains et plusieurs autres dans des paniers forts propres..., etc. » [Note : « Article mémorable où est rapportée la cérémonie du second enterrement des ossements qui étaient renfermés dans le charnier, autrement dit le reliquaire de Saint-Mathieu ». Sépultures de Saint-Mathieu, 28 octobre 1685].

La place ne communiquait avec la rue des Orfèvres que par la ruelle qui contourne aujourd'hui la maison de Justice (ancien couvent des Ursulines).

3° Rue Porz-Mahé. C'est ainsi qu'on nommait le prolongement de la rue du Rossignol, au-delà de la place Saint-Mathieu. A partir du carrefour de la rue de la Vieille Cohue et de la rue Vis, la rue Porz-Mahé longeait la maison de la Retraite (aujourd'hui caserne de gendarmerie), et contournait au sud la place Neuve d'aujourd'hui, jusqu'au vague dont j'ai parlé plus haut. Comme on le voit, cette vaste place était comprise tout entière entre la rue Porz-Mahé et le prolongement de la rue des Orfèvres.

4° Rue Vis. En 1539, on la nommait rue du Vice ou du Vicze. Le chanoine Moreau la nomme rue Saint-Jean, parce que du carrefour de la rue Porz-Mahé elle conduisait à la chapelle Saint-Jean, bâtie, comme nous l'avons vu, à l'entrée de la rue sur le quai (MOREAU, p. 313).

5° Rue de la Vieille-Cohue (aujourd'hui rue Laënnec). Elle prenait son nom du voisinage de l'ancienne halle ou cohue du Duc et ensuite du Roi. M. de Blois suppose que l'unique communication entre l'ancien Quimper (ou Locmaria) et le nouveau ou la Ville close, se faisant par la rive droite de l'Odet et le pont de Locmaria « la cohue avait été bâtie entre les deux villes et que la rue de la Vieille Cohue nous en rappelle la place » (M. DE BLOIS, III. 5).

Quimper (Bretagne) : la place Terre au Duc.

D'après le procès-verbal de la Réformation de 1539, la cohue, l'auditoire et la prison du Roi, réunis comme ils le furent depuis sur un autre point, devaient être un peu plus loin, c'est-à-dire aux abords de la rue Vis et du quai, non loin et à peu près vis-à-vis de la chapelle Saint-Jean, peut-être même à l'encoignure de la rue. Le procès-verbal nous apprend que leur ancien emplacement avait un accès par la rue Vis et un autre par la Rive (le quai actuel). Par rue de la Vieille-Cohue il faudrait donc entendre la rue qui conduisait à la cohue et non celle où elle était bâtie.

On peut supposer que la cohue (et sans doute aussi l'auditoire et la prison) existaient avant 1209. En effet l'Evêque ayant commencé à bâtir une halle (macellum) dans sa Ville Close, Guy de Thouars mit opposition à ce travail ; et un des articles de la convention passée entre eux est que l'Evêque n'obligera pas les habitants de la Ville Close à venir à sa cohue en abandonnant celle du Duc (Cart. de la Cath., 31).

La rue a gardé son ancien nom jusqu'à 1790. A cette époque, elle reçut le nom de rue Mably du nom de l'historien philosophe follement épris de la République de Sparte...., jusqu'au brouet noir exclusivement. Elle a retenu ce nom jusqu'en 1814. A cette époque, elle est redevenue rue de la Vieille Cohue. Enfin, depuis 1868, elle est rue Laënnec, du nom du célèbre médecin que l'on disait y être né. Les uns indiquent comme sa maison natale la maison n° 19, sur laquelle l'administration municipale a posé une plaque commémorative. Les autres, la maison n° 1 faisant l'angle de la rue du quai, qui a appartenue à Mlle. des Landes, devenue la seconde femme de l'aïeul paternel de Laënnec. Ni l'une ni l'autre de ces maisons n'a vu naître notre célèbre compatriote, je crois l'avoir clairement démontré (Voir La maison natale du docteur Laënnec). La rue gardera-t-elle son nom, et la maison n° 19 sa plaque ? — Oui, dit-on... ; ce qui ne fera pas que Laënnec y soit né.

Au carrefour de la rue Porz-Mahé, de la rue Laënnec et de la rue Vis était, au temps du chanoine Moreau, une barrière qui défendait l'entrée de ces trois rues. « Le 30 mai 1597, les argoulets ou carabiniers à cheval de La Fontenelle donnèrent furieusement contre cette barrière et l'emportèrent ». Ils allaient entrer dans le faubourg sans le secours de Jean Jégado, seigneur de Kerollain (Chan. MOREAU, p. 313).

6° Rue du Sel ou comme aujourd'hui du Quai, très souvent nommée simplement le Quai dans les actes du dernier siècle [Note : Par exemple l'acte de décès de M. de Madec, mort rue du Quai, et où on lit décédé sur le Quai. Sépultures Saint-Mathieu, 27 juin 1784].

En 1539, la voie publique, qui partant du pont Médard, cotoie la rivière du Stéïr et se dirige vers le confluent des rivières, portait deux noms : rue du Sel (écrit souvent du Scel) jusqu'à la rencontre de la rue de la Vieille-Cohue, rue de la Rive, au-delà. La maison aujourd'hui n° 1 rue Laënnec venait d'être bâtie et le procès-verbal l'indique comme la première maison de la rue de la Rive [Note : La maison construite en herse d'abord a été reconstruite dans son état actuel en 1772 (titres de la maison)].

Nos deux rivières n'étaient pas endiguées à cette époque. La voie que nous nommons Quai d'Odet, du pont du Parc au passage de Locmaria, était la Rive de Quimper-Corentin ; et la rue qui y conduisait se nommait naturellement rue de la Rive, comme de nos jours la rue aboutissant au quai se nomme rue du Quai.

Le nom de rue du Sel venait-il de l'existence d'un grenier à sel dans cette rue ?... Sous l'ancien régime, l'Etat débitait le sel, comme il débite aujourd'hui le tabac et les allumettes. Il percevait sur le sel un impôt nommé gabelle. Il y avait dans quelques villes un entrepôt nommé grenier à sel et auprès un tribunal appelé du même non. Mais depuis longtemps il n'y avait plus de grenier à sel à Quimper. La Bretagne était, comme on disait, un pays redimé : en 1553, en même temps que l'Aunis, la Saintonge, etc., elle avait payé une fois pour toutes l'impôt du sel, et « moyennant une finance considérable, obtenu du roi Henri II l'exemption de toute imposition sur cet objet » [Note : On dit quelquefois que le nom de rue du Sel vient de l'habitude des bateliers de débarquer le sel à la cale de la rue. Qu'on veuille bien remarquer que la rue où est située la cale ne portait pas en 1539 le nom de rue du Sel, comme je l'ai expliqué plus haut. Le vrai nom de la rue ne serait-il pas rue du Scel ou des Sceaux par allusion au voisinage du greffe du présidial, dont la porte donnait sur la rue, en face de la rivière ?].

Le plan de 1764 figure une ruelle en prolongement de la rue de la Vieille-Cohue et allant vers le « bief descendant du moulin du Duc ». L'eau du canal de fuite de ce moulin coulait en 1764, comme en 1539, à ciel ouvert en cette partie. En 1783, le canal fut voûté et la ruelle close, quand M. de Madec, à son retour du Mogol, bâtit l'hôtel situé en face de la rue Laënnec [Note : Sur M. de Madec. V. BULL. IX, p. 312].

Au contraire le plan ne figure pas une petite ruelle, mentionnée au procès-verbal de 1539 « par laquelle on va de la rue de la Ryve à la rue de la Vieille-Cohue ». Cette ruelle existe encore ; mais elle est fermée : elle se trouve entre la 2ème et la 3ème maison de la rue du Quai, à partir de la rue Laënnec. En 1539, elle débouchait du côté de la rue de la Vieille-Cohue sur une petite place nommée au dernier siècle le Parc de tout le monde. Ce parc en miniature était planté de quelques arbres et servait aux jeux des enfants du quartier. Il a été vendu en 1766 (Archives du Présidial. Archives départementales) ; mais il est figuré au plan comme faisant partie de la voie publique. Dirai-je que cette petite ruelle se nomme vulgairement rue du Poivre par opposition sans doute à rue du Sel ?... Il y a des gens que charment ces puérilités !

7° Rue Bily, aujourd'hui de la Providence. — Il y a eu à Quimper une famille Bily qui a donné au dernier siècle un maire à la ville.

Quimper (Bretagne) : Locmaria.

III.

Le plan de 1764 nous montre la ville bâtie comme finissant à peu près au bout ouest de la rue de la Vieille-Cohue et à l'entrée en ville de la route de Locronan. Au delà de ces points, les rues des Orfèvres et Porz-Mahé n'étaient plus bordées que par les murs d'enclos conventuels.

Il y avait dans la Terre-au-Duc quatre couvents :

1° Celui des Ursulines, fondé en 1621, par Sébastien de Rosmadec, second marquis de Rosmadec, pour sa soeur Madeleine, qui en fut la première supérieure [Note : Sébastien de Rosmadec, gouverneur de Quimper (1624), puis de Dinan (1643), marié en 1616 à Renée de Kergournadech « le plus considérable party qui fut lors en Bretagne ». BULL. XII, p. 37].

L'enclos du couvent comprenait tout l'espace circonscrit par la rue des Orfèvres prolongée et la rue Porz-Mahé, c'est-à-dire la place Neuve, l'emplacement des casernes et la maison de justice. Les bâtiments du couvent comprenaient la maison de justice actuelle et l'ancienne caserne qui a été, de 1798 à 1832, palais de justice.

La rue qui longe la caserne, de la place Saint-Mathieu vers la rue de Douarnenez, n'existait pas ; un pignon de la maison des Ursulines était contigu à la chapelle de Notre-Dame du Paradis. A la fin du XVIIème siècle ou au commencement du XVIIIème, les religieuses essayèrent d'usurper cette chapelle et ouvrirent une porte dans le pignon. Les habitants de la Terre au Duc plaidèrent contre elles et obtinrent condamnation au présidial d'abord et ensuite au Parlement (Fonds de Kerlot. Mémoire de la comm. de la ville, f° 8, r°).

2° Les Dames de la Retraite créées par le père Maunoir furent autorisées à s'établir à Quimper, en 1678. Elles eurent successivement plusieurs demeures provisoires ; enfin elles bâtirent une maison conventuelle qui fut bénite en 1743, par Mgr. de Ploeuc. Leur maison était assez vaste pour que, en 1758, les hôpitaux étant pleins, elles pussent offrir 300 lits à des marins malades ou convalescents (Archives de l'Evêché). Cette maison conventuelle, qui n'a jamais été terminée, est aujourd'hui la caserne de gendarmerie. L'enclos s'étendait en longueur de la rue Vis actuelle à la ruelle du Kergoz, il avait une porte cochère (qui existe encore) sur cette ruelle. C'est pourquoi l'Evêque, supérieur des Dames de la Retraite, s'opposa énergiquement avec la communauté de ville aux entreprises de l'abbesse de Kerlot sur la venelle du Kergoz (Fonds de Kerlot. Mémoire ci-dessus).

3° Le couvent des Cordelières ou Franciscaines urbanistes, sœurs du tiers-ordre de Saint-François (aujourd'hui la maison de Saint-Joseph), avait été fondé en 1650. Le plan indique « l'ancien couvent... aujourd'hui, sans religieuses ». En effet, cette maison avait été fermée en 1742. M. de Blois dit qu'il y a lieu de penser que ce fut par suite des querelles du jansénisme (M. DE BLOIS, I, p. 422). L'ordonnance royale du 28 mars 1742 dit simplement que le couvent est fermé, eu égard au petit nombre des religieuses (il n'y avait que trois professes). Défense leur est faite, de par le roi, de recevoir des novices (Archives de l'Evêché).

Le couvent comprenait un vaste espace dans l'angle formé par la route de Locronan et la rue des Orfèvres.

En 1780, il fut question de transférer l'hospice Sainte-Catherine à Saint-Joseph ; on opposa l'insuffisance d'eau. A cette époque l'Evêque proposait de céder cette maison pour en faire une caserne.

4° Le couvent des Capucins (aujourd'hui le Sacré-Cœur), établi en 1601, avait pour église la chapelle de Saint-Sébastien, qui fut brûlée en 1785, et rebâtie en grande partie des libéralités de la ville. Cette maison vendue nationalement fut acquise par une personne qui en donna la disposition à l'Evêque ; des Visitandines y furent établies, de 1806 à 1817, époque où les Dames du Sacré-Coeur s'y fixèrent. — La chapelle de Saint-Sébastien a été récemment démolie [Note : M. DE BLOIS, I, p. 422. Archives de l'Evêché. La chapelle neuve du Sacré-Coeur occupe la place de l'ancienne chapelle Saint-Sébastien].

L'enclos s'étendait vers la campagne, le long de la route de Douarnenez.

Pour ne rien omettre, il faut dire que très près de Quimper, mais au-delà de ses limites, il y avait, du côté de la rivière où nous sommes, un autre couvent : celui des Bénédictines réformées, dites Calvairiennes. Ces religieuses avaient acquis, le 5 novembre 1634, le manoir de la Palue (près de la route de Pont-l'Abbé, paroisse de Penhars), et s'y étaient établies. En mars 1639, elles posèrent la première pierre du couvent dont un dernier reste se voit encore vers l'ouest ; et en 1658, leur église fut consacrée. Elles furent chassées de leur couvent en 1792, et leur monastère fut vendu. Plus tard, quelques-unes des Calvairiennes se réunirent dans la maison dite aujourd'hui, et très mal à propos, maison Laënnec, n° 19, rue Laënnec. En 1808, elles purent racheter leur ancien couvent ; mais, en 1810, elles en furent de nouveau dépossédées. L'Administration prétendait y établir un dépôt de mendicité ; on y interna provisoirement les prisonniers espagnols. En 1816, ce bâtiment fut mis à la disposition de l'Evêque, qui y établit le séminaire diocésain (Archives de l'Evêché).

Le nom de Calvaire est retenu de nos jours par la ferme voisine, qui faisait autrefois partie du domaine de la communauté.

Quimper (Bretagne) : quai de Locmaria.

IV.

A gauche du plan, vers le bas, s'ouvre l'avenue de Crémar, plus exactement Creach-March, comme l'écrit le chanoine Moreau, autrement Kernisy. Ce dernier nom est une abréviation du mot de Kerminihy ou Kerminic'hy, le village de l'asile. C'est en ce lieu ou au voisinage que se trouvait l'asile de Saint-Corentin, dont le souvenir se retrouve encore dans le nom de Mezminihy (la culture de l'asile), qu'ont porté jusqu'à la fin du XVIème siècle la place dite aujourd'hui place Neuve, et les terrains voisins.

Le Chapitre avait, au moins jusqu'en 1488, juridiction sur Mesminihy (M. LE MEN, p. 100-315. M. DE BLOIS, III) ; mais dans son aveu de 1682, l'Evêque ne fait aucune mention de ce droit.

Les asiles étaient des lieux consacrés « par la prière publique, comme les églises et les monastères, ou même par la demeure ou la pénitence de quelque saint ». Au temps où la poursuite crinminelle était exercée par la partie lésée, elle pouvait n'être pas exempte de violence ; et ces lieux de refuge ouverts par l'Eglise pouvaient avoir leur utilité. L'accusé entré dans l'asile ne pouvait être enlevé sans la permission du prêtre qui avait la garde du lieu consacré.

Nulle part les asiles ne furent plus nombreux qu'en Bretagne : les lieux qui gardent le nom de Minihy témoignent de leur multiplicité. En outre, ailleurs, l'asile ne dépassait guère le seuil de l'église ou du monastère ; en Bretagne, il était « quelquefois d'une grande étendue » et comprenait des landes et des champs, où le réfugié faisait paître une vache dont le lait le nourrissait [Note : « La ville de Saint-Malo, comme bâtie dans une île qui avait autrefois été sanctifiée par le séjour que plusieurs saints y avaient fait, jouissait tout entière du droit d'asile » (LOBINEAU)]. L'asile de Saint-Corentin était de ce genre.

Les ducs de Bretagne, comme les rois de France, s'opposèrent souvent A cette extension des asiles. Le duc Pierre II notamment s'en plaignit au pape Nicolas V. En réponse, le cardinal d'Estouville, légat, publia, en 1452, « un règlement pour réprimer l'abus des Minihis » et l'année suivante, le pape lui-même condamnait formellement cet abus (LOBINEAU, Preuves, col. 434 et suiv., 1154-1155). Enfin, l'ordonnance sur la Justice criminelle, de 1539, refusa le droit d'asile à ceux contre lesquels avait été rendu un décret de prise de corps (DENISART, v° Asile, 5).

Créac'h-Maria était la demeure de Guillaume Le Baud, sénéchal sous la Ligue. Le duc de Mercœur lui avait donné « gratis l'état de sénéchal, le plus beau, le plus honorable et lucratif de Basse-Bretagne » ; le duc avait payé pour lui 2.000 écus de rançon (Ch. MOREAU, p. 236 et suiv.). Quand le maréchal d'Aumont menaça Quimper, le sénéchal s'empressa de se tourner vers lui. Il crut ainsi conserver sa place ; mais il se trompa. Le Maréchal se sert de l'ancien obligé du duc de Mercœur ; mais le méprise : il s'empresse de le destituer et de le remplacer par Jacques Laurent, son prédécesseur [Note : Jacques Laurent signe une requête dès le 2 décembre 1594], il le soupçonne de trahir le Roi, comme il a trahi son bienfaiteur ; il est sur le point de l'emprisonner ; puis il le laisse chez lui par grâce en le soumettant à une surveillance humiliante. Les complices de sa trahison se moquent du pauvre sénéchal. Lui, mécontent des autres et surtout de lui-même, il boude ; il a honte de paraître au barreau comme avocat, après avoir présidé la compagnie !... Dans nos jours troublés, combien de magistrats, plus élevés en dignité et surtout en honneur, ont trouvé au barreau non seulement un asile honorable, mais une active et glorieuse carrière !

V.

Le plan de 1764, malgré ses grandes dimensions, s'arrête à la cale de Locmaria, à la hauteur du bac actuel, et laisse en dehors l'agglomération qui paraît avoir été le berceau de Quimper.

Je n'ai pas à parler de l'église de l'ancien prieuré. Je n'ai pas à dire les droits singuliers de la prieure de Locmaria, lors de l'entrée des évêques de Quimper, ni les droits de son fief ; il vaut mieux renvoyer à la savante brochure de M. de Blois : « De quelques antiquités de la ville de Quimper ». Notre vénéré président a mieux fait que de parler de la vieille église : il a obtenu que des travaux de reconstruction lui rendissent une seconde jeunesse...

Je veux seulement rappeler que le prieuré de Locmaria avait anciennement un vaste asile qui comprenait toutes les terres du fief situées sur la rive gauche de l'Odet. Cet asile, « cette franchise et immunité » selon le langage ancien, est encore réclamée par l'aveu au Roi du 5 octobre 1664. Le Procureur du Roi (chose à peine croyable) ne fait valoir aucun moyen d'impunissement ; mais la Cour des Comptes ordonne qu'il sera fait preuve de la franchise, dans les six mois, sous peine de déchéance. Je me persuade que la prieure n'a pas essayé de faire cette preuve ; puisque, dans son aveu de 1669, il n'est plus question de la franchise, ni  « du droit de 5 sols pour chacun de ceux qui viennent la réclamer ».

Quimper (Bretagne) : église Notre-Dame de Locmaria.

C'était un vieil usage que chaque année, pour marquer la limite de la franchise, une procession en fit le tour, le jour de la Fête-Dieu. Le chemin parcouru par cette procession est nommé dans les vieux titres Tromeni, corruption du mot Trominic'hy, le tour de l'asile [Note : 20 mai 1688. Déclaration des P. Jésuites du collège de Quimper. Fonds de saint Laurent. Arch. départ.]. Le circuit était long :_ la procession partie de Locmaria escaladait le mont Frugy par le chemin vert qui prend la montagne en écharpe, auprès de l'emplacement de la chapelle du Pénity, contournait la montagne par des garennes qui séparent les champs de Pen-ar-Stang de ceux de Crec'h-Maria, et suivait le chemin de Bénodet par Pen-ar-Stang et le chemin de Saint-Laurent ; enfin elle regagnait Locmaria par les chemins de Kerdrézec et de Poulguinan.

Cette procession a survécu à l'asile ; mais, en se perpétuant après l'ordonnance de 1539, elle ne pouvait plus avoir pour but que de marquer la limite du fief de Locmaria. C'est ce qui semble résulter du procès-verbal dressé le 2 juin 1652 par deux notaires (Archives départementales. Fonds de Locmaria). L'aveu au roi rendu par la prieure, le 7 avril 1669, mentionne la procession de Trominic'hy comme tombée en désuétude.

Quimper (Bretagne) : église Notre-Dame de Locmaria.

Aujourd'hui encore nous pouvons être témoin d'une cérémonie analogue. Je veux parler de la procession dite de la Grande Troménie qui, tous les sept ans, se promène autour de la montagne de Locronan, faisant un circuit de plusieurs lieues. Parmi les milliers de pèlerins qui suivent la Grande Troménie, combien peu se doutent qu'ils décrivent le tour de l'asile de saint Ronan ?... [Note : D. PLAINE (Pèlerinage à Locronan) suppose que le nom de Tromenie vient de Tro Menez, la procession faisant le tour de la montagne de Locronan ; mais le nom de Troménie n'est pas donné seulement à la procession de Locronan ; et l'étymologie que nous avons indiquée ci-dessus est la vraie : Par tromenie il faut entendre le tour de l'asile]. C'est ainsi que la tradition conserve à travers les siècles des usages dont le sens originaire est perdu. (J. Trévédy).

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