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L'OEUVRE DE SAINT-BERNARD

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Le commencement du XIIème siècle est une époque à contrastes frappants. Un désordre profond règne dans les moeurs. Le scandale est partout. Il éclate jusque sur les degrés de l'autel. Mais, en même temps, l'esprit de réforme intérieure souffle et provoque une réaction salutaire. Le pape Grégoire VII l'inspire et le dirige. En France, son grand continuateur est saint Bernard qui a entrepris la réforme des monastères bénédictins tombés dans le relâchement. Il donnait une vigoureuse impulsion à la communauté de Cîteaux, qui sera le modèle des abbayes réformées ou fondées sur ce type, sous le nom d'abbayes cisterciennes.

En Bretagne, une sainte femme, Ermengarde, veuve du duc Alain Fergent, veille, pendant la jeunesse de son fils, Conan III, sur les destinées du duché. Sa piété l'attire vers la vie religieuse. Elle entre en relations épistolaires avec le grand apôtre de Cîteaux et bientôt elle prend le voile de ses mains, en 1129, au prieuré de Larré, près de Dijon.

Cette heureuse rencontre de la pieuse duchesse avec le grand réformateur allait décider de la résurrection du Relecq. Sur les instances d'Ermengarde, saint Bernard se décide à faire pénétrer la réforme cistercienne en Bretagne. Dès l'année 1130, il y envoie quatre de ses disciples. Ils fondent, près de Guingamp, l'abbaye de Notre-Dame de Bégar.

Ce furent eux, sans doute, qui, sur les indications de saint Bernard et d'Ermengarde, continuant leur chemin plus à l'ouest, firent revivre les lieux désolés où le souvenir de Notre-Dame du Relecq ne persistait que dans les ruines. Comme par enchantement, de nouveaux bâtiments sortent de terre qui se complèteront par la suite. Le 21 juillet 1132 ont lieu les cérémonies de la consécration. La tradition rapporte que saint Bernard lui-même y figurait avec un grand nombre d'évêques et de personnages de la région, entourés d'une foule immense de pèlerins.

Ce que fut ce nouveau monastère, on peut encore se le représenter d'après les ruines qui en restent compénétrées par le lierre. Les courbes qui s'indiquent dans les fragments d'arceaux épargnés par le temps et par la végétation, les débris de colonnes et de chapiteaux recueillis, l'église à peine modifiée, permettent de reconstituer, à huit siècles d'intervalle, l'ensemble des bâtiments et des salles. Nous ne saurions mieux faire que de suivre dans cet essai de restauration la description de M. le chanoine Abgrall, notre savant architecte diocésain (Livre d'or des Eglises de Bretagne).

Si l'on sort de l'église par la porte nord, on se trouve dans une grande cour carrée, autour de laquelle s'élevait le cloître. Quelques vestiges que l'on remarque sur les murs semblent indiquer que les colonnettes et les arcades étaient du XIIIème siècle et cela paraît confirmé par un bénitier intérieur creusé dans deux chapiteaux jumelés qui ont toute l'apparence de provenir de ce cloître.

L'inventaire qui fut fait le 26 janvier 1791 indique que ce cloître, long de cent-vingt pieds comme l'église et large de quatre-vingt-dix, était couvert en ardoises et soutenu par de petites colonnes en pierre de taille, le tout en ruine.

Tout le côté Est de la cour est composé de ruines du XIIIème siècle. C'est d'abord un réduit long et étroit qui devait être un passage. La voûte en est faite de petites pierres plates et de schistes reliés par du mortier.

Vient ensuite la salle capitulaire qui servait de lieu de réunion aux moines. Elle mesurait douze mètres sur douze. La voûte, divisée en neuf compartiments, reposait sur quatre colonnes centrales et s'appuyaient aux murs sur douze points en saillie appelés en architecture des « culs-de-lampe ». La voûte et les colonnes ont disparu, mais les culs-de-lampe subsistent et, par leur ornementation feuillagée et la finesse de leur dessin, elles indiquent le soin avec lequel fut traité l'ensemble de la salle.

D'autres témoins de cette splendeur disparue restent encore plus ou moins bien conservés : les fenêtres et la porte, dépourvues de leurs jolies colonnettes, quelques baies et, quelques chapiteaux.

Cette salle est de même style que celles des abbayes de Langonnet, de Saint-Maurice de Carnoët et de Fontaine-Daniel (Mayenne), abbayes cisterciennes construites à la même époque. Mais les deux premières étaient plus petites et n'avaient que deux colonnes centrales au lieu de quatre.

Si l'on passe sur le grand placître qui précède l'entrée de l'église et de l'abbaye, on trouve une belle fontaine du XVIIème siècle composée d'un obélisque en granit de sept mètres de hauteur, dont le piédestal laisse couler trois filets d'eau abondante dans une large vasque carrée mesurant cinq mètres de côté.

De cet endroit, l'on voit aussi l'étang inférieur le plus voisin de l'abbaye et la chaussée de l'étang supérieur. Tous deux, lorsqu'ils étaient entretenus, devaient donner un charme particulier à cette résidence. Ajoutons que le jardin fruitier est entouré de douves profondes pavées de larges dalles : on pouvait les inonder à volonté et mettre ainsi le jardin à l'abri des incursions des maraudeurs.

Notre-Dame, la patronne de l'église et de l'abbaye, a, selon l'usage, sa fontaine de dévotion qui est toujours fréquentée par les pèlerins. Elle est située au bord de la route, dans un petit enclos, à l'angle sud-est de l'église. Saint Bernard, le second patron, a aussi sa source vénérée à deux cents mètres environ au nord-est et de l'autre côté du vallon.

L'effort principal des moines porta naturellement sur l'église. C'est celle que nous possédons encore, un peu modifiée seulement dans quelques-unes de ses parties, mais assez bien conservée dans son ensemble. La construction primitive du XIIème siècle se reconnaît dans son caractère, grâce surtout aux restaurations dont nous parlerons et qui ont fait réapparaître l'appareil ancien et les sculptures caractéristiques des chapiteaux.

Le plan général se compose d'une nef accompagnée de deux bas-côtés, d'un vaste transept et d'une abside terminée par un mur droit. Sur chacune des branches du transept s'ouvrent, du côté Est, deux chapelles ou absidioles carrées : c'est là une disposition commune à presque toutes les églises cisterciennes. Un savant archéologue, M. Eugène Lefèvre-Pontalis, en signale douze ou quinze de ce type spécial. ici, ces chapelles sont éclairées par deux petites ouvertures ogivales surmontées d'une rose à six lobes qu'on serait tenté d'attribuer au XIIIème siècle, tandis que dans les parois ouest du transept qui font face, on trouve des fenêtres romanes à larges ébrasements.

La nef est séparée des bas-côtés d'abord par deux murs pleins formant pilastres de trois mètres d'avancée, ensuite par deux piliers ronds, puis par des piles carrées barlongues de 1 m. 20 sur 2 m. 20, et enfin viennent les piles du transept, cantonnées de colonnettes sur trois de leurs côtés.

L'inventaire de 1791 dit que cette nef, ainsi que les bras de croix, étaient pavés en pierres de Locquirec.

A l'entrée du choeur et des chapelles du transept sont des piles avec ressauts et colonnettes ayant grand caractère et soutenant de puissants arcs-doubleaux à deux rangs d'archivoltes. Chose singulière, tous ces arcs-doubleaux, ainsi que les arcades de la nef, sont de forme ogivale ou en tiers-point, quoique toutes les piles, avec leurs bases et leurs chapiteaux, soient d'un tracé absolument romain, et que les petites arcades formant piscines à doubles bassins dans les chapelles soient en plein-cintre parfait.

Au-dessus des arcades de la nef, on reconnaît sous l'enduit la trace d'anciennes fenêtres romanes maintenant maçonnées. Cela indique un remaniement des murs et des toitures des bas-côtés et de la nef ; il y avait primitivement une toiture spéciale couvrant les collatéraux, montant beaucoup moins haut et laissant dégagées les fenêtres hautes de la nef.

Cette nef et le transept midi sont voûtés en lambris de bois, tandis que le transept nord et les quatre chapelles absidiales ont une voûte en pierre en berceau ogival. De chaque côté du maître-autel sont placées les statues de saint Benoît et de saint Bernard ayant une physionomie très ascétique et rappelant ce que l'histoire dit du grand apôtre de Cîteaux que ses macérations avait fait de son corps un squelette.

Telle fut dans sa partie matérielle et architecturale l'oeuvre des cisterciens, disciples de saint Bernard. Ici, comme partout ailleurs, les moines surent admirablement faire servir les ressources de l'art à l'obtention de leur idéal de sanctification personnelle. A l'ombre de ces voûtes puissantes, la prière allait reprendre sans discontinuer pendant plusieurs siècles, sous le regard protecteur de Notre-Dame du Relecq.

On peut se représenter la vie des hôtes de l'abbaye par ce qui se passe encore aujourd'hui dans les monastères cisterciens de l'époque, rendus à leur ferveur primitive à la fin du XVIIème siècle par la réforme de l'abbé de Rancé.

Avoir passé quelques heures dans un de ces monastères, c'est en avoir emporté un ineffaçable souvenir. L'accès en est facile, l'accueil fraternel. Un silence impressionnant jette comme un voile de mystère sur la cité des moines. Mais partout leur oeuvre parle. Çà et là, dans les cloîtres, dans les salles, jusque dans les escaliers, des inscriptions traduisent en formules impressionnantes l'esprit de la règle cistercienne. Dans les cloîtres, des formes muettes, blanches, passent lentement, absorbées dans la méditation. D'autres apparaissent dans les dépendances de l'abbaye, courbées ici sur le rabot du menuisier, là appliquées aux soins de l'étable, ailleurs la bêche en main, préparant la terre pour la moisson.

Ce silence et cette ardeur au travail manuel ne sont interrompus que par les offices. Dès une heure de la nuit, les moines sont à leurs stalles pour le chant de matines. Aucun orgue n'accompagne ces offices. La journée est coupée par l'exécution des différentes heures du bréviaire. Et quand le soir vient, avant d'aller prendre, tout habillés, sur un lit fait d'une couverture et d'un traversin disposés sur quelques planches, un repos de quelques heures, toute la communauté réunie chante à la Vierge, lentement, l'admirable Salve Regina.

(l'abbé F. Cornou).

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