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CAHIER DE DOLÉANCES DE RETIERS EN 1789

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Subdélégation de La Guerche. — Département d'Ille-et-Vilaine, arrondissement de Vitré, chef-lieu de canton.
POPULATION. — En 1793, 3.047 habitants (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L).
CAPITATION. — Rôle de 1788 (Ibid., C 4064) ; 488 articles ; total, 2.677 l. 12 s. 4 d. Environ 200 personnes hors d'état de payer la capitation. — Total en 1789, 2.690 l. 14 s. 2 d., se décomposant ainsi : capitation, 1.764 l. ; 21 d. p. l. de la capitation, 154 l. 7 s. ; milice, 225 l. 6 s. 9 d. ; casernement, 546 l. 5 d. ; frais de milice, 1 l. (Ibid., C 3981).
VINGTIÈMES. — 557 articles ; 2.820 l. 13 s. 3 d.
FOUAGES. — 56 feux 1/3 1/12. — Fouages ordinaires, 617 l. 16 s. 9 d. ; garnisons, 183 l. 16 s. 8 d. ; fouages extraordinaires, 1.052 l. 1 s. 8 d.
OGÉE. — 6 lieues 1/2 au S.-E. de Rennes ; 2 l. 1/3 de La Guerche. — 2.200 communiants. — Le territoire, couvert d'arbres et de buissons, est arrosé au nord par la rivière de Seiche ; on y voit des landes.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 1er avril, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de François Nouvel [Note : Capité 36 livres ; 1 valet, 2 livres ; 2 servantes, 3 livres], sénéchal de Retiers, et de Jean-Baptiste-Marie-René-Pierre Després, procureur fiscal. — Comparants : Jean Boueste (8) ; Pierre Paris (2) ; Jacques Restif (10 ; 2 valets, 4 ; 2 servantes, 3) ; François Boueste (12 ; 1 valet, 2) ; René Terrasson (11 ; 1 servante, 1,10) ; René Hillion (4,10) ; François Cottrel (2,10) ; Pierre Hunault (2 ; 1 valet, 1,10) ; Jean Dausay (39 ; 1 valot, 1,10 ; 1 servante, 1,10) ; Francois Guérault (9 ; 1 valet, 1,10) ; François Paris (9,10) ; François Richard, « délibérants en la même paroisse et autres notables propriétaires de la même paroisse » : — Legeard, greffier des délibérations [Note : Peut-être le même que Legeard de la Diriais, cité plus loin] ; Garnier de la Jarsais ; François Ory de la Prouvrye ; Dubourg Dein (17 ; 1 servante, 2) ; Jan Reverdy, fils Michel (12) ; Pierre Guyot ; Jacques Perrois (9) ; Legeard de la Diriais (34 10 ; 1 servante, 2 ; 1 petit valet, 1) ; Joseph Beuchet ; Jan Reverdy, fils René (12,10 ; 2 domestiques, 4) ; Aimé Reverdy (6 ; 1 servante, 1,10) ; Louis Dain (11 ; 1 valet, 2 ; 1 autre valet, 1 ; 1 servante, 2) ; Fidèle Corbonnois ; François Briand ; François Bourcier (4 ; 1 servante, 1,10) ; Mancel de la Gaillardière (15 ; 1 servante, 2) ; Godefroy, chirurgien (4) ; M. Jameu ; Marin Restif (14 ; 1 valet, 2 ; 1 servante, 1,10) ; Jean Dumas [fils Julien (7,10)] ; Jean-Baptiste Corbonnois ; Jean Guérault ; Jean Hubert (8,10 ; 1 valet et 1 servante, 4) ; Julien Jobin (6) ; Bonaventure Corbonnois (7 ; 1 valet et 1 servante, 3) ; Mathurin Hanry ; Pierre Jeusset (5,10 ; 1 valet, 1 ; 1 servante, 1). — Députés : Ory de la Prouvrye ; Garnier de la Jarsais ; François Boueste ; Pierre Guyot.

 

Cahier des plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Retiers.

Note : Les parties imprimées en italique sont empruntées aux Charges d'un bon citoyen de campagne.

Le général, pour répondre aux vues bienfaisantes de Sa Majesté, a fait les observations et demandes qui suivent (voir la note qui suit) :

Note : Du Bourg Lancelot, recteur de Retiers. écrit à Necker, le 22 mai 1789 qu'il avait fait « un projet de charges », mais, ajoute-t-il, « mon zèle, ma constance, quand il s'agit de dénoncer et de poursuivre des abus, ont déplu à quelques-uns, et mon projet de charges supprimé par la cabale était devenu une source de calomnies contre moi ; c'est le seul motif qui m'a porté à l'imprimer » (Arch. Nat., H 563, pièce 135). Ainsi le recteur n'a eu aucune part à la rédaction du cahier.

ARTICLE PREMIER. — Les habitants de Retiers se plaignent de ce que les campagnes n'ont point de représentants aux Etats de la province, et, en conséquence, demandent que les grandes paroisses telles que celle-ci, qui est composée de près de cinq cents feux, aient droit de nommer et envoyer à chaque tenue au moins un député, et que les paroisses moins considérables puissent concourir à l'élection de ces députés pour réclamer les droits du peuple de la campagne, qui a été jusqu'ici vexé et surchargé d'impôts, faute de représentants (voir la note qui suit).

Note : Voy. sur cette question l'art. 2 de la délibération de Retiers, du 7 décembre 1788. — Dans une lettre à M. Thiard, du 5 février 1789, du Bourg Lancelot, recteur de Retiers, « député par une des plus grandes paroisses du diocèse et peut-être de la province », insiste longuement sur la nécessité de faire concourir les campagnes à l'élection des députés aux Etats : « … Les habitants des villes, les officiers des municipalités ont seuls interprété à leur avantage la disposition de l'arrêt du Conseil [du 20 janvier) qui accordait une augmentation de représentants » ; et cependant les intérêts des gens de la campagne ne sont pas les mêmes que ceux des habitants des villes ; « il y a longtemps que l'expérience nous a appris qu'ils en avaient d'opposés aux nôtres. C'est pour eux que sont faits tous les privilèges ; ce sont eux qui recueillent les fruits de l'administration, et nous en supportons les charges les plus pesantes. C'est pour eux, c'est à leur demande que sont faits ces règlements prohibitifs qui découragent l'agriculteur... Ce sont les laboureurs qu'oppriment le plus durement et plus directement le passage des gens de guerre, le transport des bagages, le logement des troupes. Ce ne sont pas seulement les privilèges des deux premiers ordres qui nous grèvent, les usurpations des villes et des communautés pèsent également sur nous... On ne peut remettre la décision de notre sort à ceux qui ne connaissent pas nos charges ou qui ont intérêt de les perpétuer... Il y a des communautés qui ont trois députés et qui sont moins étendues et moins nombreuses que ma paroisse. Retiers contient en sept lieues de circuit environ 5.000 habitants, et, de ma paroisse prise pour centre, on peut tracer un arrondissement de plus de 30 lieues couvertes d'une population nombreuse, et dans lequel on ne renfermerait que la seule municipalité de la très petite ville de La Guerche, qui a trois représentants elle seule, à la nomination desquels aucune paroisse n’a concouru, quoiqu'elle contienne beaucoup moins d'habitants et peut-être moins de citoyens libres et désintéressés que chacune des paroisses du district ; et cependant, ce seraient ces trois députés qui décideraient du sort et des réclamations de toutes ces paroisses ». N'ayant pas eu de réponse, le recteur écrit une nouvelle lettre dans le même sens à Necker, le 13 février 1789 (Arch. Nat., H 419).

ART. 2. — Que le Tiers, en général dans cette province de Bretagne, n'a point eu jusqu'ici assez de représentants à l'assemblée des Etats de la province, et que cet ordre, étant le plus nombreux et le plus utile, aura désormais des députés en aussi grand nombre que les deux autres ordres de l'Eglise et de la Noblesse, et que les voix aux Etats seront à l'avenir comptées par tête et non par ordre ; que l'une des charges de procureur des dits Etats soit désormais occupée par un roturier dûment choisi par son ordre, et que les places de trésorier et greffier soient alternativement occupées par les membres de la Noblesse et du Tiers Etat.

ART. 3. — Que les pensions d'entretien et éducation des enfants des deux sexes des gentilshommes de la province ne soient plus continuées aux frais des Etats et que ce soit seulement aux frais des gentilshommes ; on demande également que les pensions multipliées par les Etats à un grand nombre de gentilshommes de la province soient totalement supprimées, ainsi que les tables des présidents des trois ordres, attendu que le tout dissipe une grande partie du trésor public.

ART. 4. — Que le Parlement de cette province, qui juge souverainement toutes les classes des citoyens, soit composé désormais de juges moitié nobles ou ecclésiastiques et moitié roturiers, seul moyen de faire revivre la confiance et le bon ordre dans l'administration de la justice.

ART. 5.Que toutes lois qui excluraient ceux du Tiers Etat de parvenir aux premiers emplois civils et militaires, même de la prélature, soient supprimées, de même que celles qui distinguent à raison de la naissance les peines pour les crimes de même nature.

ART. 6. — Le même général se plaint également de ce que les ordres de l'Eglise et de la Noblesse soient privilégiés et exempts de payer les fouages, capitation, casernement, frais de milice, patrouille, les francs-fiefs, les droits sur les eaux-de-vie et liqueurs ; pourquoi il demande que tous impôts soient à l'avenir supportés d'une manière égale et par chacun à proportion de sa fortune sans distinction d'ordre, et qu'il n'y ail qu'un seul rôle pour tous, et qu'on supprime tous impôts particuliers, sauf à les remplacer, s'il est besoin, par des impositions générales.

ART. 7.Que l'ouverture et l'entretien des grandes routes étant nécessaires pour le service de tous les ordres en général, il est de la justice qu'elles soient faites et entretenues par le trésor public et aux frais de tous les ordres sans distinction de personne (voir la note qui suit).

Note : La tâche de Retiers était de 2.170 toises ; elle se faisait sur la route de La Guerche à Châteaubriant, et son centre se trouvait à 2 lieues et demie du clocher de la paroisse (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883). Dans une requête aux Etats, datée de 1768, les habitants de Retiers se plaignaient de la tâche excessive imposée à leur paroisse, et de l’éloignement de la route où elle devait être faite (Ibid., C 4886).

ART. 8. — Que la milice a été jusqu'à ce jour un des grands fardeaux de la campagne, puisqu'elle enlève aux laboureurs des gens utiles à l'agriculture ; pourquoi l'on demande qu'en cas qu'on ne puisse trouver autres moyens de remplir le nombre des troupes nécessaires pour le service de l'Etat, les recrues soient levées sans distinction sur tous les individus libres qui le composent, nobles ou roturiers (voir la note qui suit).

Note : De 1781 à 1786, Retiers a fourni 7 miliciens : 2 en 1781, 1783 ; 3 en 1764, 1 en 1785. En 1784, les opérations du tirage ont été empêchées par un tumulte (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4704).

ART. 9. — Que certains seigneurs se sont attribué le droit exclusif de la pêche dans les rivières publiques (on ne sait à quel titre) ce qui occasionne des décrets et des vexations inouïes ; pourquoi on demande que chaque propriétaire ait le droit exclusif de pêcher dans les dites rivières, avis son terrain et avec toutes sortes d'engins (voir la note qui suit).

Note : Le plus souvent, le seigneur avait le monopole de la pêche dans les rivières, à l'exception cependant des rivières navigables, sur lesquelles l'Etat s'arrogeait un véritable droit de propriété ; voy. l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, titre XXXI. art. 1er, 19 et 20. Cependant, au XVIIIème siècle, subsistent encore bien des droits de pêche seigneuriaux, même sur les rivières navigables. Cf. H. SÉE, op. cit., pp. 154-156. — Le seigneur de Retiers avait fait rétablir, en 1711, des pêcheries dans l'étang de Marcillé-Robert, qu’il afferma, en 1722, au prix de 33 livres par an (Fonds de la seigneurie de Retiers, Arch. d'Ille-et-Vilaine, E 351).

ART. 10. — Qu'il soit permis aux roturiers habitants de la campagne d'avoir dans leurs maisons des armes à feu, même de les porter en route, pour les mettre à couvert des violences des voleurs, des loups et chiens enragés, qui causent un préjudice considérable et font d'énormes ravages en cette province.

ART. 11. — Que les droits des contrôles et insinuations, à la vérité nécessaires pour l'intérêt public et la validité des actes, ont été portés par gradation depuis leur origine à des sommes considérables, qui écrasent les sujets de Sa Majesté, tant par le prix excessif des mêmes droits que par les amendes et doubles droits qu'on exige ; pourquoi on requiert que Sa Majesté soit suppliée de diminuer les mêmes droits et de décharger entièrement les généraux des paroisses de faire contrôler leurs délibérations, vu que le déplacement du registre, qui devrait rester aux archives, expose le général à différents inconvénients.

ART. 12. — Que le droit de franc-fief, prélevé sur les bien- nobles que possèdent les roturiers, est un droit ruineux et qui accable beaucoup de familles par les vexations multipliées des commis, qui bientôt voudraient assujettir à ce droit toutes les possessions des roturiers ; pourquoi on demande que Sa Majesté soit encore suppliée de remplacer cette taxe par quelque autre qui soit générale à tous les ordres de l'Etat.

ART. 13. — Que le droit de fuies et garennes, dont les seigneurs bretons sont si jaloux, est encore à la charge des seuls habitants de la campagne ; pourquoi on en demande la suppression.

ART. 14. — Que les évêques, abbés, chanoines et autres gros bénéficiers de différents ordres et de différents sexes possèdent des dîmes considérables et autres biens dans une grande partie des paroisses de la campagne, qu'ils recueillent sans en verser la moindre portion dans le sein des pauvres des lieux ; pourquoi l'on demande qu'un tiers du revenu de tous ces biens soit employé, soit en hôpitaux qu'on établirait dans des lieux convenables, soit aux mains du général de chaque paroisse pour être distribué aux pauvres du lieu (voir la note qui suit).

Note : Le seigneur de Retiers possédait plusieurs traits de dîme sur la paroisse de Retiers, et notamment le trait de la Biardière, qu'il affermait 30 l. en 1722 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, fonds de la seigneurie de Retiers, E 351) ; dans l'étendue du fief au Duc, la totalité des dîmes appartenait au prieuré de Béré (Arch. de la Loire-Inférieure, H 128). — En 1770, il y avait à Retiers une fondation de charité de 144 l., mais le subdélégué déclare qu'il « ignore la nature de cette rente et comment elle est distribuée » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1293).

ART. 15. — Les réparations des presbytères occasionnent des levées qu'on fait sur les habitants de chaque paroisse, lorsque le recteur meurt insolvable, et, pour prévenir ces inconvénients, on attaque et on force les recteurs dès leur vivant de faire des réparations valables ; pour obvier à ces inconvénients et aux inimitiés et frais énormes qui s'en suivent, on prie le Gouvernement d'aviser des moyens propres à remédier à ces abus et qui déchargent entièrement les habitants des paroisses de pareilles contributions (voir la note qui suit).

Note : Un long procès s'était engagé, en 1759, entre le général de la paroisse de Retiers et le recteur, Bouyer. Celui-ci, dit l'intendant dans une lettre du 24 avril 1763, avait pris, en 1739, « des arrangements avec les héritiers de son prédécesseur, au sujet des réparations qui pouvaient être à faire au presbytère ; il demeurait donc dès lors chargé de toutes ces réparations » ; il ne s'acquitta de ses obligations qu'en 1744, époque à laquelle le général déclara l'en décharger. Cependant, en 1759, les paroissiens l’assignèrent devant la juridiction de Coësmes pour l'obliger à faire de nouvelles réparations ; la juridiction l'y condamna ; le recteur se pourvut au Parlement et demanda à être déchargé de ces réparations, moyennant le paiement au général de 1.355 l. Le Parlement, en 1761, le débouta et ordonna qu'il serait fait un nouveau procès-verbal de toutes les réparations nécessaires. Le recteur demanda révocation de l'affaire au Conseil d'État ; l'intendant fut d'avis qu'il n'y avait pas lieu de la lui accorder (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1200).

ART. 16. — Que la solidité des rentes féodales soit supprimée (voir la note qui suit) ou du moins qu'il soit permis d'en faire le franchissement au moins sur le pied du denier vingt-cinq, ainsi que de toutes les autres rentes féodales, et, au cas qu'on ne pourrait pas parvenir à ce franchissement, on demande que les droits de lods et ventes ainsi que les dites rentes ne puissent être exigés que depuis les cinq dernières années, afin d'éviter aux vassaux les frais énormes qui se font pour la perception de ces droits et qui font exiger par les procureurs fiscaux une preuve de possession quadragénaire lors de la reddition des aveux.

Note : Dans les aveux rendus à la seigneurie de Retiers, il est assez souvent question de rentes solidaires (fonds de Retiers, Ibid., E. 350).

Ces solidités sont dues sur un fief d'une certaine consistance possédé par plusieurs vassaux, dont le premier requis est tenu de faire le payement au seigneur, avec faculté de se pourvoir vers chacun de ses consorts contribuables pour sa quote-part.

Jusque vers la fin du dernier siècle, tous les vassaux assujettis à une solidité étaient dans l'usage de fournir un aveu général, par lequel chacun des consorts était imposé à la rente pour sa quote-part suivant la valeur du terrain qu'il possédait, ce qui facilitait au vassal appelé pour le payement de la rente le moyen de se pourvoir vers chacun de ses consorts pour sa libération ; mais, par un abus introduit vers la fin du dernier siècle, les seigneurs, par complaisance pour quelques-uns de leurs vassaux ou de leurs procureurs fiscaux, leur ont permis d'exiger des aveux de chaque vassal en particulier de toutes les terres qu'ils possèdent sous la seigneurie, ce qui a facilité le moyen à tous vassaux privilégiés ou de certain rang de déclarer les terres qu'ils possédaient sur une tenue assujettie à la solidité d'une forte rente sous une tenue moins chargée, sans que les autres consorts en aient connaissance, sur le refus qu'on fait de les en instruire, de sorte qu'un vassal, nouveau possesseur ou qui ne se trouve saisi d'aucun titre, ne pouvant avoir d'instruction d'un seigneur à qui il déplaît, se trouve forcé de payer la rente entière de la tenue, qui souvent excède la valeur du fonds qu'il y possède ; pourquoi, cons dérant [Note : Depuis ces mots jusqu'à aux frais d’icelui seigneur, tout le passage a été ajouté en marge et d'une autre écriture] les frais que font les procureurs fiscaux pour avoir connaissance des héritages que possède un vassal, et que le plus ordinairement ils connaissent mieux que lui, sont excessifs et diminuent le petit moyen d'un pauvre vassal, on requiert que l'aveu rendu au seigneur de fief ne doive autre salaire que l'aveu et la reconnaissance des rentes inféodées au dit seigneur, le tout aux frais d'icelui seigneur. On a vu même des seigneurs de fiefs ne se pas faire scrupule de donner à féage à un vassal étranger des terres tombées en deshérence ou même réunies à son domaine par quelque autre moyen, et qui étaient assujetties à la solidité, et par là surcharger les autres consorts solidaires en leur faisant continuer le payement de la solidité.

ART. 17. — Un autre abus se pratique par les seigneurs à l'occasion de leurs moulins ; la plupart, non contents d'un droit de moute assez considérable qu'ils prennent sur les grains du vassal détraignable, l'obligent à nettoyer ses étangs, à réparer ses ponts et chaussées pour retenir l'eau pour son moulin, à faire les charrois pour les réparations et les pierres des meules (voir la note qui suit).

Note : Dans la paroisse de Retiers, M. du Hallay, seigneur de Retiers, possédait les moulins à eau et à vent de Renaudet, qu'il affermait 330 livres, en 1764 (fonds de Retiers, Ibid., E 351). — Sur les droits seigneuriaux appartenant à la châtellenie de Retiers, cf. GUILLOTIN DE CORSON. Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne, 1ère série, pp. 381-384.

Cet abus paraît surtout pratiqué avec plus d'exactitude à l'appui d'un arrêt du 22 août 1744 obtenu par Monsieur le président de Montluc, dont ses confrères, également que lui intéressés en de pareilles vexations, l'ont favorisé depuis environ cinquante-cinq ans, ce qui fait voir la nécessité de la réforme d'un tribunal composé de nobles à l'exclusion des pauvres gens du Tiers Etat (voir la note qui suit).

Note : Nous n'avons retrouvé l'arrêt du 22 août 1744, ni dans les liasses d'arrêts du Parlement, ni dans le Journal du Parlement, de POULLAIN-DUPARC ; cet arrêt est simplement indiqué au Registre secret du Parlement (audience du 22 août 1744 ; reg. n° 363, fol. 91 v°, Arch. d’Ille-et-Vilaine, s. B), mais cette mention ne nous en donne pas la teneur. — La règle, d'après laquelle les vassaux ne pouvaient se servir de moulins à bras pour moudre le blé noir qu'avec l'autorisation du seigneur et moyennant un abonnement, était admise par le Parlement avant 1744 : voy. plusieurs arrêts cités par POULLAIN-DUPARC, dans son édition des Coutumes de Bretagne, t. II, pp. 707-708 ; cf. aussi Journal du Parlement, t. IV, p. 321.

La plupart de ces seigneurs ont même la cruauté d'empêcher leurs vassaux de se servir chez eux de meules à bras dans les temps de sécheresse où leurs moulins étaient hors d'état de servir, pour pouvoir moudre quelques mesures de blé noir pour leur subsistance, les obligeant par là de faire porter leurs grains jusqu'à quatre et cinq lieues de distance pour les moudre, ce qui les occupe quelquefois trois ou quatre jours.

On requiert donc que les vassaux soient dispensés de ces affreuses corvées qu'on exige pour les moulins, et qu'il leur soit permis d'avoir des meules à bras pour leur service et de faire moudre toutes espèces de grains à quel moulin ils jugeront à propos, sans être tenus par la suite à aucun en particulier ; c'est le seul moyen d'empêcher les vexations des meuniers.

ART. 18. — Les seigneurs de fiefs jouissent des droits d'épaves (voir la note qui suit), taux et amendes, dont le produit était autrefois destiné à la réparation des ponts et chemins de traverse ; aujourd'hui on force les pauvres habitants de campagne du Tiers Etat d'en faire les réparations à l'exclusion des plus riches ; on demande qu'ils en soient affranchis et que les seigneurs de fiefs y soient seuls assujettis.

Note : Voy. des aveux rendus au XVIIIème siècle à la châtellenie de Retiers (fonds de Retiers, Arch. d'Ille-et-Vilaine, E 350).

ART. 19. — Par une nouvelle jurisprudence, introduite depuis environ vingt ans par un tribunal privilégié, au mépris de l'art. 478 de notre Coutume de Bretagne, qui assujettit les pères et mères des bâtards à la nourriture et entretien de leurs enfants, on oblige les habitants de la campagne de se charger de la nourriture des bâtards (voir la note 1 qui suit) et, au mépris de l'article de la Coutume qui oblige tout père et mère valides de nourrir leurs enfants nés d'un légitime mariage (voir la note 2 qui suit), quoique souvent dans la dernière misère ; c'est ce qui engage les femmes de mauvaise vie à continuer leurs débauches et qui les éloigne d'un légitime mariage.

Note 1 : Voici le texte de l'article 478 : « Si aucun avait bâtards jeunes, et non puissants d'eux pourvoir de leurs corps, ils doivent être pourvus sur les biens de leur père ou de leur mère ».

Note 2 : Article 532 de la Coutume : « Tous enfants doivent être pourvus sur les biens du père ou de la mère, au cas qu'ils n'eussent jugement et moyen de pourvoir à leurs nécessités. Et s'ils n'avaient rien, justice les doit faire pourvoir sur les biens de leurs prochains lignagers ».

On demande l'exécution de la loi établie par l'article 478 de la Coutume qui ordonne à tous pères et mères valides de nourrir et entretenir leurs enfants quoique bâtards. D'ailleurs, les seigneurs de fiefs profitent seuls des successions des bâtards ; il serait plus juste de les assujettir à leur entretien en cas que les pères et mères ne pussent y subvenir.

ART. 20. — Considérant que les droits de lods et ventes pour les contrats d'échange ont été perçus par les seigneurs depuis le franchissement qu'ils en firent au Roi et que, depuis cette époque, ils en ont retiré au delà de ce qu'ils en ont déboursé, vu aussi qu'ils devraient au Tiers Etat des sommes bien plus considérables pour leur portion des impôts publics dont ils ont été exemptés jusqu'à présent ;

On demande que ce droit ne soit plus payé à l'avenir.

ART. 21. — Au surplus, déclarons adhérer aux autres articles des plaintes et demandes qui seront contenus dans le cahier général qu'on fera à Rennes et qui n'auront pas été prévus ou suffisamment développés dans le présent.

Arrêté en la sacristie de la dite paroisse de Retiers, lieu ordinaire des délibérations, les dits jour et an.

[33 signatures, plus celles du président Nouvel et de Légeard, greffier des délibérations].

 

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DÉLIBÉRATION du 7 décembre 1788.
(Impr., 8 pages in-8°, s. l. n. d., Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, E, et Arch. Nat., H 419).

[Le général, assemblé avec « Messieurs le recteur et autres ecclésiastiques, Messieurs les juge, syndic et plusieurs anciens marguilliers et propriétaires en notre dite paroisse », a pris connaissance de plusieurs arrêtés de Rennes et de Nantes, « des délibérations prises en conséquence par plusieurs généraux de paroisses, et notamment par ceux de Toussaints de Rennes et de la Magdeleine de Châteaugiron ». L'assemblée se plaint de ce que le Tiers Etat des campagnes soit « incomparablement plus opprimé, plus avili encore » que celui des villes, et demande que la représentation de l'ordre de l'Eglise se compose, par moitié, de « recteurs de campagne, qui, témoins habituels des besoins du peuple et de son extrême misère, sont plus à portée d'en bien connaître la source ». La délibération continue ainsi :]

Le Tiers Etat des campagnes ose donc espérer :

Que les deux ordres de l'Eglise et de la noblesse, loin de chercher à concentrer sur le peuple les charges et impositions de toute espèce, dont il supporte presque seul le poids devenu de plus en plus accablant, s'honoreront de contribuer désormais avec lui à tous les besoins de l'Etat, à toutes les subventions publiques.

Que les Etats reconnaîtront que l'ordre du Tiers, à parler exactement, n'est point représenté dans l'assemblée nationale ; que les habitants des villes se plaignent avec raison, ou de n'y avoir aucun député, ou que les députés qu'ils y ont ne soient point librement et convenablement élus ; qu'ils y portent un intérêt, des sentiments et une opinion trop peu conformes aux vœux et aux besoins de ceux qu'ils représentent ; qu'ils sont trop dépendants, et en trop petit nombre pour y déployer l'énergie, et s'y procurer la considération qu'il est si étonnant de voir refuser à des hommes qui contractent et qui stipulent au nom du peuple ; que les cultivateurs et habitants des campagnes, c'est-à-dire ce qu'il y a dans l'Etat de plus intéressant et de plus utile, ce qui mérite le plus d'encouragement et de protection, n'ayant en effet ni représentants, ni défenseurs dans l'Assemblée nationale, n'a, puisqu'il faut le dire, à désirer dans son malheur que d'y être absolument oublié ; que plus l'exclusion donnée aux Etats de la province à une classe d'hommes aussi nombreux, aussi essentielle, est révoltante et inconcevable, plus on doit s'empresser de reconnaître et de réparer une si éclatante injustice, en appelant des gros bourgs et bourgades, des paroisses étendues, telles que celle-ci qui embrasse plusieurs branches de commerce considérables, un ou plusieurs députés ; et les paroisses moins importantes voteront du moins pour l'élection du député le plus voisin.

La preuve la plus sensible de l'inhumanité avec laquelle on accable de Bretagne les malheureux cultivateurs de tout le poids des charges publiques, c’est que le fardeau si rigoureux de la corvée continue, depuis sa suppression dans tout le royaume, de n’être supporté que par eux dans une province où l’on projette d’ouvrir encore de nouveaux chemins. S’il est vrai que l’excès du mal puisse en être le remède, les campagnes ont lieu d'espérer qu'on ne tardera pas davantage à les délivrer du fléau destructeur de la corvée.

Un autre fléau dont elles n'ont pas moins à gémir, c'est l’assujettissement à la milice. Le métier des armes était jadis celui de la noblesse, elle servait par état et à ses frais ; et c'est de là que sont nées, par abus, toutes ses exemptions. Mais aujourd'hui qu'elle sert plus que volontairement, au prix des honneurs et à la solde de la nation, aujourd'hui que l'obligation de porter les armes et de les porter sans profit et sans gloire, est le triste partage du Tiers Etat, l'on sent que, s'il devait encore y avoir des exemptions et des privilèges, ce ne pourrait être qu'en faveur du Tiers Etat. Ainsi nous ne pouvons douter que la noblesse, loin de se faire d'une profession volontaire, lucrative et honorable, un titre oppressif, ne fera aucune difficulté de supporter toutes les charges de l'Etat comme le reste des citoyens, et qu'elle va se réunir aux deux autres ordres pour obtenir du gouvernement que la levée des milices n'ait plus lieu dans les campagnes, ou pour établir un fonds suffisant à l'achat des hommes de guerre que la classe des laboureurs se verra dans la nécessité de fournir.

Enfin, le Tiers Etat croit encore avoir à se plaindre des exclusions humiliantes à presque toutes les places importantes, et où leur influence serait essentielle pour l'avantage de la portion la plus nombreuse et la plus utile de l'Etat. Par exemple, n'est-il pas étonnant que, dans une province qui a toujours joui du privilège de se gouverner par elle-même, les membres de la cour souveraine ne soient pris que dans la noblesse, que cet ordre se soit attribué à lui seul la législation et le droit exclusif de décider de la fortune et de la vie de tous ?... (voir la note qui suit).

Note : Le 1er février 1789, le général adhère aux délibérations des dix paroisses de Rennes, du 19 janvier (Arch. comm. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, F).

[42 signatures, dont celles de Du Bourg Lancelot, recteur de Retiers, de Radiguel, curé, de Turoche, curé et sacriste, de Nouvel, sénéchal de Retiers, d'Ory de la Prouvrie, de Garnier de la Jarsais, de François Boueste, de Pierre Guyot].

(H. E. Sée).

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