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 Ploumilliau durant la Révolution

LA PAROISSE DE PLOUMILLIAU

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Le cahier de paroisse de Ploumilliau, commencé par M. L'Hostis, recteur, est excessivement sobre en renseignements. Il ne donne guère que les noms des recteurs et vicaires qui se sont succédé dans la paroisse, sans entrer dans aucun détail à leur sujet. On y lit cependant que « M. Guy Morice, secrétaire de Mgr Le Mintier, évêque de Tréguier, prit possession de la paroisse de Ploumilliau le 9 août 1785, et y officia ce jour-là pour la première fois ».

Il est certain que ce bon prêtre était encore à la tête de cette belle paroisse, lorsque fut décrétée, par l'Assemblée nationale, le 2 décembre 1790, la Constitution civile du clergé. Sa signature que j'ai vue aux registres ecclésiastiques de cette époque, ne laisse aucun doute sur ce point. 

Il est bon de rappeler ici que cette fameuse Constitution déclarait le clergé français indépendant du Saint-Siège et attribuait à l'élection laïque le recrutement et la nomination des prêtres. Ceux qui prêtèrent le serment à la Constitution civile furent appelés assermentés, et ceux qui le refusèrent furent appelés insermentés ou réfractaires. 

Or, M. Morice ayant refusé le serment de fidélité à cette constitution schismatique, dut quitter son poste dans le courant de 1791. Son nom se trouve sur la liste des prêtres français qui émigrèrent à Jersey : ce qui prouve qu'il alla y rejoindre son saint et courageux évêque ; et il est permis de croire qu'il y resta jusqu'à la fin de la tourmente révolutionnaire. 

Quoiqu'il en soit, M. Morice reparut à Ploumilliau, et, cette fois, comme curé d'office, dans le courant de l'année 1802, probablement au mois d'octobre, ainsi que l'attestent des actes des registres ecclésiastiques signés par lui. Dès ce moment, M. François Prigent, ancien curé constitutionnel, qui habitait encore la paroisse, ne signait plus aux registres que sous le nom de prêtre catholique. Toutefois cet état de chose fut de courte durée. L'année suivante, Mgr Jean-Baptiste Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, pourvut aux cures et succursales, selon la nouvelle organisation. C'est alors que M. Morice fut nommé à la cure de Lanvollon où il est mort. On conserve encore son portrait sur toile à la cure de Lanvollon, ainsi que dans la paroisse de Gommenec'h, chez une excellente personne de sa famille (B. L.). 

Après le départ de M. Morice pour Jersey, la paroisse de Ploumilliau se vit bientôt occupée et administrée par un prêtre constitutionnel. En effet, le dimanche de la Pentecôte, 12 juin 1791, les électeurs laïques assemblés à Lannion y nommèrent comme recteur François-Marie Prigent, dont je viens de citer plus haut le nom. Il était alors vicaire à Louannec et âgé seulement de 30 ans. 

D'après le cahier de paroisse, « il vint officier à Ploumilliau le dimanche suivant, fête de la Sainte Trinité. Il est à présumer que son arrivée fut loin d'être bien accueillie par la majorité de cette catholique population, qui ne pouvait avoir pour lui ni estime, ni sympathie, ni sincère confiance. Les femmes surtout, comme il arrive d'ordinaire en pareille circonstance, ne tardèrent pas à s'occuper sérieusement du nouveau venu et à le juger sévèrement. C'est vraisemblablement vers cette date qu'il faut placer une petite anecdote, citée par l'abbé Tresvaux, dans son ouvrage intitulé : Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne ». Il s'agit d'une paysanne, nommée Marguerite, dont on regrette d'ignorer le nom patronymique. D'aucuns croient, comme M. Guillaume Scolan, maire de la commune à la fin du XIXème siècle, qu'elle s'appelait Marguerite Richard, épouse de Jacques Bourva, en ce temps-là l'une des premières familles de la paroisse. « Or, l'intrus arrive, dit l'abbé Tresvaux, et Marguerite cesse de paraître dans le lieu saint où jusqu'alors on l'avait vue aller si assidûment. Des paysans moins éclairés qu'elle et qui étaient tombés dans le schisme, lui témoignent leur surprise de ce qu'ils ne la trouvent plus à l'église et lui disent qu'elle l'a abandonnée. — Croyez-vous donc, leur répond-elle, que l'église soit cet amas de pierres où vous allez encore prier Dieu ?... L'Eglise, c'est l'assemblée des fidèles chrétiens, unis par la même foi et les mêmes sacrements et gouvernés par le pape et les évêques ». C'est ainsi qu'elle rappelle le catéchisme à ces pauvres ignorants, leur prouvant qu'elle est restée véritable enfant de l'Eglise, tandis qu'eux-mêmes ne le sont plus. 

Le gouvernement révolutionnaire, on le sait, après avoir exigé de tous les fonctionnaires ecclésiastiques, sous peine de destitution et d'exil, l'adhésion à la Constitution civile du clergé, leur demanda plus tard, pour le libre exercice de leur culte, la déclaration de soumission aux lois de la République. Ceux qui la signèrent furent appelés soumissionnaires, comme les premiers furent appelés constitutionnels ou assermentés. Or, cette déclaration de soumission aux lois jeta une fois de plus le trouble dans bien des consciences. 

La plupart des prêtres insermentés ou réfractaires ne purent s'y résoudre, par la raison qu'ils regardaient la convention comme une autorité illégitime, et que plusieurs de ces lois, telles que celles de l'aliénation des biens de l'Eglise, du divorce, etc., leur paraissaient si injustes et si immorales, qu'il leur répugnait extrêmement de s'y soumettre. Les prêtres assermentés, au contraire, ne voyant ou ne voulant voir dans cette formalité nouvelle qu'un moyen de soutenir leur schisme et de conserver leur poste, s'y prêtèrent de bonne grâce. De ce nombre fut François-Marie Prigent, recteur de Ploumilliau, ainsi que Jean-François Le Guennec, son digne vicaire. 

Un vieux registre municipal que j'ai eu la bonne fortune  d'exhumer des archives de la mairie contient leur acte de soumission dont voici la teneur : « Le vingt-un brumaire, l'an quatrième de la république française, une et indivisible, devant nous Louis Geffroy, maire de la commune de Ploumilliau, est comparu François-Marie Prigent, habitant à Ploumilliau, lequel a fait la déclaration dont la teneur suit : Je reconnais que l'universalité des citoyens français est le souverain, et promets soumission et obéissance aux lois de la république. Nous lui avons donné acte de cette déclaration, et il a signé avec nous. François-Marie PRIGENT, prêtre catholique, GEFFROY, maire, SAVIDAN, secrétaire ». La déclaration de Jean-François Le Guennec, vicaire, est conçue dans les mêmes termes et datée du même jour. 

C'est à ce moment que l'église de Ploumilliau fut livrée entièrement à l'exercice du culte catholique, en vertu d'une pétition des officiers municipaux, déjà approuvée par le directoire du département des Côtes-du-Nord, le 3 prairial de l'an III de la République. J'ai dit « fut entièrement livrée au culte », car, au début de la Révolution, la partie inférieure de l'église était réservée aux assemblées décadaires, ainsi qu'il appert d'une délibération des officiers municipaux datée du 20 pluviôse an III de la République, dont voici la copie : 

« Sur la remontrance de l'agent national, considérant que suivant l'arrêté des représentants du peuple Guezno et Guermeur, en date du 24 nivôse, il est permis aux habitants de s'assembler paisiblement pour l'exercice de leur culte ; considérant qu'il n'existe dans l'étendue de cette commune aucun édifice assez spacieux pour contenir le peuple, autre que l'église paroissiale ; considérant que suivant l'esprit de l'arrêté sus-dit et un autre des mêmes représentants en date de Rennes le 23 frimaire, les temples ne doivent être ouverts qu'afin que le peuple y puisse s'assembler pour l'exercice du culte ; la municipalité arrête : - 1° Que la partie supérieure de l'église de la commune sera destinée pour l'exercice du culte, et que l'autre servira pour les assemblées décadaires ; - 2° Et afin que dans la partie destinée pour la célébration des décadis, il ne paraisse aucun signe de culte, nous arrêtons qu'on tirera un rideau d'un côté à l'autre du chœur ». Le souvenir de ce fait s'est conservé jusqu'à nos jours dans la tradition locale. 

Cependant cette partie de l'église était beaucoup trop insuffisante pour contenir les fidèles. De là, la pétition du conseil municipal, dont j'ai parlé plus haut. Cette pétition réclamait intégralement, avec un exposé des motifs, l'église de Ploumilliau pour l'exercice du culte et reçut le 3 prairial de l'an III l'approbation suivante : « Extrait du registre des délibérations du Directoire du département des Côtes-du-Nord, le 3 prairial de l'an III de la République. Séance publique tenue par les citoyens Ozou, vice-président, Loren, Le Disez et G.-M. Loren. Présent le citoyen, procureur général syndic provisoire ; - Vu la pétition des citoyens de Ploumilliau par laquelle ils demandent à affermer l'église pour l'exercice du culte, - Le Directoire du département, après avoir entendu le procureur général syndic provisoire, - Considérant que cette demande est entièrement conforme à la loi du 3 ventôse sur le libre exercice des cultes ; - Que l'arrêté des représentants du peuple du 23 germinal autorise les administrations à accorder provisoirement l'occupation d'un édifice national pour servir à un culte quelconque, - Arrête que les citoyens de la commune de Ploumilliau auront provisoirement la libre jouissance de l'église, et enjoint au district de Lannion de faire incessamment les bannies ordinaires pour affermer la dite église, en stipulant qu'elle sera prise dans l'état, sans que la nation soit chargée d'aucunes réparations ni entretiens et que le cimetière continuera de rester commun pour tous les citoyens. Pour expédition conforme au registre signé : J. Ozou, vice-président, et R. HUETTE, secrétaire général »

L'arrêté ci-dessus fut mis à exécution l'année suivante, an IV de la République ; et, le 21 brumaire de cette même année, MM. François-Marie Prigent, recteur, et Jean-François Le Guennec, vicaire, renouvelèrent, au bureau municipal, devant Louis Geffroy, maire, « leurs déclarations d'exercer leur culte catholique, apostolique et romain dans l'église paroissiale de Ploumilliau ». Dont acte leur fut donné et signé par eux et par le maire. 

Nous avons dit que M. Jean-François Le Guennec, premier vicaire de Plestin, s'était vu dans la nécessité de quitter cette paroisse, après avoir été prôné à une messe matinale par le sieur Guillaume Rouat, son méchant curé. Or, d'après le cahier des délibérations municipales de Ploumilliau, « Jean-François Le Guennec, prêtre catholique, arriva dans cette commune, le 29 ventôse de l'an III, et requit ce même jour un certificat de résidence pour recevoir son traitement comme vicaire ». Il était alors âgé de 72 ans. 

Je ne saurais dire, faute de documents, ni le lieu, ni la date de sa mort ; mais, vu son grand âge, il est bien vraisemblable qu'il resta terminer sa vie dans cette paroisse. Quant à M. François-Marie Prigent, il fut recteur de Ploumilliau jusqu'en 1802, où il donna sa démission et où M. Morice y fut nommé curé d'office, à son retour de Jersey. Ce qui donne lieu de croire que M. Prigent renonça au schisme, c'est que l'année suivante, probablement au mois de mai 1803, il fut nommé par Mgr Caffarelli à la cure de Plouaret, où il fit beaucoup de bien et resta finir ses jours. 

Pendant la période révolutionnaire vivait encore sur le territoire de Ploumilliau un autre prêtre, nommé Louis Marc Le Guern et originaire de Plounévez-Moëdec, du district de Lannion. D'après une pièce conservée dans les archives de la mairie, celui-ci s'était caché d'abord durant les premiers jours de la Révolution, puis vint s'établir à Ploumilliau, comme prêtre catholique, le  8 floréal de l'an III de la République. Déjà, dès le deux floréal de la même année, il s'était présenté devant Despoiriers, agent national du district de Lannion, lui déclarant qu'il voulait « se fixer dans la commune de Ploumilliau, pour y vivre paisible, soumis aux lois et fidèle à la République, de laquelle déclaration acte lui fut donné ». Cet acte de soumission fut visé à Ploumilliau, le 4 prairial suivant, par Pierre Scornet, procureur de la commune, puis, enregistré au greffe de la justice de paix du canton de Saint-Michel-en-Grève, district de Lannion, le 7 prairial, sous le seing de M. Savidan, juge de paix, et de M. Le Bourva, greffier. Après cela, l'abbé Louis-Marc Le Guern devint chapelain de Saint-Cado, charmante petite chapelle dont Launay Jehan se prétendait fondateur, et qui est située à un kilomètre du bourg, au bord de la route de Ploumilliau à Lannion. Vendue aux enchères pendant la Révolution, comme bien national, elle devint la propriété d'une famille Dagorn, qui voulut bien la laisser au culte catholique, à la condition « qu'elle fût desservie par des ecclésiastiques républicains ayant satisfait à la loi ». L'abbé Le Guern put donc y continuer, en toute sécurité, le libre exercice de son culte jusqu'au jour où il lui plut de se retirer à Keraudy. Aucun renseignement par ailleurs, ni sur le reste de sa vie, ni sur les circonstances de sa mort. Depuis 1814, par acte de donation des acquéreurs, la chapelle de Saint-Cado appartient à la fabrique paroissiale ; et, encore à la fin du XIXème siècle, elle est souvent visitée par de nombreux pèlerins qui y viennent, de tous côtés, demander à saint Cado la guérison de leurs plaies, après avoir essayé vainement tous les remèdes humains. (le diocèse de Saint-Brieuc pendant la période révolutionnaire - 1899). 

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