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JEAN DE MONTFORT (1341-1345) - JEAN IV (1345-1399)

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La succession de Bretagne était ouverte.

Nous avons vu par ailleurs qu'à la première nouvelle de la mort de son frère, Jean, comte de Montfort, s'était fait proclamer duc à Nantes, avait obtenu l'entrée de toutes les villes ducales moins Brest, enfin était passé en Angleterre pour solliciter l'appui d'Edouard III.

Edouard trop heureux de se voir ainsi ouvrir en Bretagne « une porte sur la France », accueillit joyeusement Montfort, il promit l'appui demandé [Note : Les conventions passées entre le duc et le Roi ne furent écrites que le 24 septembre après l'arrêt de Conflans (7 septembre) et la saisie du comté de Montfort qui suivit. Morice. Pr. I. 1424], et le comte repartit pour Nantes, où il reçut la convocation du Roi devant la cour des pairs.

Dans les dispositions d'esprit où était Edouard, il aurait suffi d'une ambassade secrète pour le déterminer en faveur de Montfort. La démarche personnelle de celui-ci fut une faute : Philippe de Valois crut — et c'était assez naturel — que le comte avait fait hommage pour la Bretagne. Il réprimanda vivement Montfort : le comte protesta, mais reconnaissant que ses protestations ne l'innocentaient pas aux yeux du Roi, et redoutant une arrestation qu'il sentait avoir méritée, il rentra hâtivement en Bretagne. Il y préparait la guerre avant que l'arrêt de Conflans (7 septembre) eût admis Charles de Blois à l'hommage pour la Bretagne [Note : On ne saurait trop redire que c'est la seule décision rendue par les pairs. On lit souvent que l'arrêt « adjugea le duché à Jeanne de Penthièvre ». Erreur ! L'arrêt ne jugea pas la question de propriété. Il admit à l'hommage, décision qui donnait la possession sans décider la question de propriété. D'Argentré f° 280. Ed. de 1588].

Aussitôt le Roi saisit le comté de Montfort [Note : La saisie doit avoir immédiatement suivi l'arrêt, sinon le départ furtif de Jean de Montfort, puisque le Roi d'Angleterre la connaissait, comme nous allons voir, le 24 septembre] et fit partir une armée en Bretagne pour assurer l'exécution de l'arrêt (26 septembre).

Deux jours auparavant le Roi Edouard avait dressé les conventions arrêtées avec Montfort. Dans cet acte le Roi expose que « le duc de Bretagne, comte de Montfort, indigné de l'injustice du seigneur Philippe de Valois détenant le royaume de France qui nous appartient, et par amour de la justice, nous a juré amitié ; et, pour cette raison, le même Philippe a fait saisir le comté de Montfort ». Le Roi ajoute que « en indemnité de la perte de Montfort, il concède au duc de Bretagne le comté de Richemont, avec cette condition pourtant que, si le comte recouvrait Montfort, il rendrait Richemont, sauf, dit l'acte, une nouvelle et plus grande faveur, qu'en raison de la continuation et de l'augmentation de ses bons services envers nous, le comte peut espérer de l'excès de la munificence royale » [Note : Morice, Pr. I, 1424. « Concessimus comitatum habendum et tenendum... ». Ce n'est, comme il paraît, qu'une jouissance et non une propriété].

Si le Roi n'a pas exagéré les protestations de Montfort, celui-ci était, autant que par un hommage formel, traître à son suzerain le Roi de France ; et la saisie de son comté était un châtiment mérité qu'aurait même pu suivre l'arrestation dont s'était cru menacé. Voilà le comte lié par l'intérêt de son ambition à la cause anglaise et l'hommage lige rendu plus tard au Roi d'Angleterre qu'il reconnaîtra pour « droicturier roi de France » ne le fera pas plus coupable envers son suzerain [Morice, Pr. I. 1449].

Trois mois plus tard, Jean de Montfort fait prisonnier à Nantes était amené captif dans la prison du Louvre (décembre 1341). En avril 1345 seulement, il s'évadait, passait aussitôt en Angleterre, faisait hommage lige au Roi Edouard pour la Bretagne, rentrait dans le duché avec un secours anglais, échouait devant Quimper et venait mourir à Hennebont (26 septembre 1345).

Le comte laissait derrière lui son héroïque femme frappée d'aliénation mentale, et un fils âgé de six ans que la démence de sa mère faisait doublement orphelin. Montfort avait par testament confié la tutelle et la garde de son fils au Roi Edouard ; et c'est à ce titre que celui-ci s'empressa de prendre l'administration, la perception des revenus et le gouvernement militaire de la Bretagne [Morice. Pr. I. 1453. Pr. I. 1460. En certains actes le Roi Edouard dit même « notre duché de Bretagne », notamment nomination de Jean Avenel, comme lieutenant-général. Avril 1354 (Morice, Pr. I. 1490). Du reste il agit en seigneur du duché. Ne le voit-on pas, en 1354, faire don à Roger David de la seigneurie de Guémené-Guingamp ? (Morice. Pr. I. 1493), — etc.].

Jamais tutelle ne fut plus onéreuse à un pupille et plus lucrative pour un tuteur. Aussi le Roi ne manqua pas de la prolonger. A la veille de la majorité de Jean de Montfort, le Roi déclare que pour diverses raisons, il prend en main la garde de la Bretagne (1358) [Morice. Pr. I. 1526]. Né en 1339, Jean de Montfort devenait majeur en 1360. A ce moment, le Roi lui demande la renonciation solennelle au comté de Richemont (19 janvier 1360, 1361 n. s.). C'était reconnaître à Jean de Montfort sa capacité d'aliéner, c'est-à-dire sa majorité acquise ; et cependant le Roi laissera passer plus de dix-huit mois avant de proclamer « l'émancipation » de son pupille et de lui remettre enfin le gouvernement (24 juin 1362) [Note : Morice. Pr. I. 1546-1547].

Et le Roi va demander le prix de cette tardive émancipation ! Jean de Montfort va signer, le 7 juillet, un traité d'alliance offensive et défensive ; — le 9, l'engagement par serment de ne pas se marier sans l'assentiment écrit du Roi ; — le 10, la reconnaissance d'une dette énorme, 64.000 nobles [Note : Morice. Pr. I. 1549-1550-1551-1553-1554. Au temps du roi Jean (1350-1364) un noble d'Angleterre valait deux écus d'or de France (Trévoux). La valeur actuelle est fixée, d'après le compte de M. de la Borderie, à raison de 50 francs pour livre, en 1369. Le règne de Jean IV. Revue de Bretagne et de Vendée. T, X. p. 82 et suiv.], ou 128.000 écus d'or de France, soit 86.529 livres tournois, 4.326.450 fr. monnaie actuelle en 1897. Enfin, quand il sera passé en Bretagne, il lui faudra faire remise au Roi de toutes les indemnités qu'il aurait à réclamer à raison des contributions de toutes sortes perçues au nom du Roi, et des dommages causés aux places de Bretagne pendant sa minorité. (Bécherel, 9 octobre 1362) [Morice. Pr. I. 1556-1557].

Et le Roi ne lui remet qu'un duché à conquérir. Après la victoire d'autres demandes d'argent se produiront ! [Note : Après la victoire (1364), le duc aura bien d'autres sommes à payer. M. de la Borderie a pu relever des notes fournies par le Roi d'Angleterre « pour une somme totale dépassant 327.000 livres tournois soit seize à dix-sept millions valeur actuelle ». Et nous ne savons pas tout ! — Règne de Jean IV. Revue de Bretagne et de Vendée. T. X. p. 83-84. Deux siècles plus tard, le comte d'Essex osait écrire à Antonio Perez, alors au service de Henri IV : « Que d'autres donnent, nous nous vendons. Ils imitent Dieu, nous imitons les usuriers ». Cit. de M. Mignet : Philippe II et Antonio Perez, p. 241. Cette politique financière des Anglais dure, on le voit, depuis longtemps].

Dans tous les actes que nous venons de résumer, le Roi nomme le comte de Montfort « mon très cher fils » ; et le comte donne au Roi le titre de père. C'est un souvenir de l'alliance qu'avait formée entre eux le mariage de Jean de Montfort, quand il avait seize ans, en 1355, avec Marguerite, fille d'Edouard. Ce lien a été rompu après sept mois. Mais le Roi va par un autre mariage attacher Jean de Montfort à la famille d'Angleterre. Dans la maison du prince de Galles, grandit une fille d'un premier mariage de la princesse, Jeanne de Holland  [Note : Fille de Thomas de Holland, qui avait été lieutenant général en Bretagne (1355). Morice. Pr. 1498-1499]. C'est elle que le Roi destine à son ancien pupille ; mais il lui faudra l'attendre pendant plus de dix ans.

Jean de Montfort n'avait pas recouvré Monfort ; et, aux termes du traité du 24 septembre 1341, le pupille d'Edouard hérita de son père le titre de comte de Richemont ; mais, nous l'avons dit, l'année même où il était majeur, le Roi lui demanda le comté.

Jean ayant eu le titre de gendre du Roi, encore son pupille bien que majeur, enfin son débiteur pour une lourde somme, n'avait rien à refuser. Dans un acte du 19 janvier 1360 (1361 n. s.), peut-être le premier qu'il ait signé comme majeur, il prend encore le titre de comte de Richemont ; mais il déclare y renoncer en faveur de Jean de Gand, troisième fils du Roi, et de ses héritiers, et à défaut de ceux-ci, en faveur du Roi et de ses descendants [Lobineau, p. 502-503. Morice, Pr. I. 1541].

Onze ans plus tard, tout est changé ! Jean de Gand, mieux pourvu et devenu duc de Lancastre, tient moins au comté de Richemont ; le traité de Guérande (1364) a fait Jean de Montfort duc de Bretagne ; le Roi Charles V lui a rendu le comté de Montfort saisi sur son père en 1341 : le nouveau duc de Bretagne a reçu de la main du Roi Edouard et du prince de Galles Jeanne de Holland que le Roi nomme Jeanne d'Angleterre. Devenu ainsi quasi-gendre de son ami le prince de Galles, Jean IV sera encore « plus anglais » (1366).

Or, trois ans plus tard (1369) la guerre va reprendre entre l'Angleterre et la France. Le duc s'empressa d'envoyer une ambassade à Charles V pour lui jurer fidélité et en même temps pour lui demander des grâces. Ses ambassadeurs furent Hugues de Montrelais, évêque de Saint-Brieuc, chancelier de Bretagne, tout dévoué à la France, et Olivier de Clisson, le futur connétable, devenu ennemi juré des Anglais, et qui « allait faire défier le prince de Galles jusque dans son palais » [Note : Lobineau. Hist. p. 395]. Le 26 janvier 1369 (1370 n. s.), les ambassadeurs jurèrent fidélité au Roi sur les évangiles et la Vraie Croix.

Le Roi accorde au duc toutes ses demandes ; il le dispense notamment de le suivre à la guerre, et lui permet de rester en Bretagne, pour y faire bonne garde [Morice. Pr. I. 1636-1637-1638] .... Quelques semaines plus tard, une armée anglaise entre dans le port de Saint-Malo, passe à Nantes, où le duc la rafraîchit, et traverse la Bretagne pour aller combattre dans le Poitou !

Mais il ne suffit pas au Roi d'Angleterre de cette félonie qui compromet le duc Jean IV et le fait ennemi du Roi de France ; il lui faut une alliance offensive et défensive, et le séjour des Anglais dans le duché, même comme capitaines des places ducales.

Pour obtenir cette alliance, le Roi a fait miroiter aux yeux du jeune duc la restitution du comté de Richemont [Note : Lettre du 25 février 1371, (1372, n. s.) Morice. Pr. II-63. Richemont lui était promis, plus les marches entre Bretagne et Poitou. Cette dernière cession expressément demandée par le Prince de Galles, duc d'Aquitaine, se fit le même jour que la restitution de Richemont, mais par un acte séparé. Morice. Pr. II. 47-48]. Le 4 novembre 1371, le traité est signé et Jean IV renouvelle son hommage pour la Bretagne [Morice. Pr. I. 1673-1674-1675]. Mais, comme si le Roi n'eût pas trouvé cet engagement suffisant, un nouveau traité est signé, le 19 juillet 1372, dans lequel le duc stipule la restitution de Richemont [Morice. Pr. II. 40-45].

Le lendemain (20 juillet) par un acte solennel le Roi accomplit la restitution de Richemont, à l'occasion, dit-il, du double mariage du duc avec Marguerite fille du Roi, et Jeanne d'Angleterre, (Jeanne de Holland) [Morice. Pr. II. 39 et 46. — E. 114].

Enfin le 23 novembre 1372, le duc de Bretagne renouvelait les traités par lettres [Morice. Pr. II. 53] ; et le Roi, qui enfin devait avoir assez d'écrits en mains, abandonnait généreusement à Jean IV toutes les terres qu'il pourrait conquérir en France, même comtés et duchés [Morice. Pr. II. 59-60].

Ce traité fut ratifié par le prince de Galles, duc d'Aquitaine, qui promit au duc « de soutenir ses droits envers et contre tous, excepté le Roi de France » (il faut entendre par là le Roi son père) ; et il stipula une alliance perpétuelle avec le duc (E. 119).

A l'instant où sa folle ambition rêve de duchés et de comtés déjà conquis en France, le duc va perdre son duché de Bretagne.

Pendant qu'il traitait avec le Roi d'Angleterre et ouvrait la France aux Anglais, en les introduisant en Bretagne, Jean IV s'était imaginé qu'il allait endormir les défiances de Charles V par de mensongères protestations de dévouement. En réponse le Roi fit entrer son armée en Bretagne ; et dans la campagne de 1372, l'original du traité du 19 juillet fut saisi dans les bagages de la duchesse de Bretagne (novembre). La fourberie du duc éclate au grand jour ; la Bretagne entière l'abandonne ; et, vaincu sans combat, Jean IV s'embarque et va chercher asile dans son comté de Richemont [Lobineau. Hist. 410].

Cet exil durera six années, jusqu'au jour où Charles V démentant son surnom de Sage déclare le duché sans maître et réuni au royaume. Cet acte violent ramène toute la Bretagne au duc ; mais quand il abordera à l'entrée de la Rance, le 3 août 1379, Jean IV sera-t-il encore comte de Richemont ?

Pendant l'exil de Jean IV, de graves événements s'étaient accomplis : son ami et beau-père le prince de Galles était mort (8 juin 1376) ; et un an plus tard, Edouard III, après cinquante ans de règne, l'avait suivi (21 juin 1377). Edouard laissait le trône au fils du prince de Galles, un enfant de onze ans, qui fut couronné, le 16 juillet, sous le nom de Richard II. Le parlement lui donna pour tuteur le duc de Glocester, frère de son aïeul : mais son oncle paternel, le duc de Lancastre, s'empara de l'autorité. Or, bien qu'ils eussent été beaux-frères, il y avait peu de sympathie entre Lancastre et Jean IV. Comment celui-ci aurait-il oublié, que dans la campagne de 1373, Lancastre lui avait ordonné de quitter l'armée anglaise, et l'avait contraint de marcher avec une petite troupe et à travers mille périls, de la Picardie jusqu'à Bordeaux ?

Dès le 9 septembre, le duc se mettait à la solde du Roi, pour une expédition sur mer, avec douze chevaliers, cent quatre-vingt-sept écuyers, et deux cents archers aux ordres du connétable [Note : Morice. Pr. II. 178-179. Le connétable n'était pas de droit, comme en France, le chef de l'armée. C'était un officier de la cour. (M. de la Borderie. La Bretagne aux derniers siècles du moyen-âge. Note p. 278)].

Quelques jours plus tard, le duc acceptait les conventions suivantes que peut seul expliquer son ardent désir de ressaisir le duché :

La place de Brest, la seule place importante que le duc tint encore en Bretagne, sera tant que durera la guerre remise au Roi d'Angleterre, qui la gardera et en percevra les revenus ; — la guerre finie, elle sera rendue au duc ou à ses hoirs de corps ; — s'il ne laisse pas d'enfants, Brest restera au Roi d'Angleterre et à ses héritiers. — Tant que Brest sera aux mains du Roi, le duc recevra « un château convenable en Angleterre de sept cents marcs de revenus. Il recevra de plus une rente de mille livres sterling. — Le comté de Richemont avec tous ses droits appartiendra au duc et à la duchesse, leur vie durant ». — Voilà ces odieuses conventions.

Que le duc consente à transformer en jouissance viagère la propriété perpétuelle de Richemont résultant de l'acte d'Edouard du 20 juillet 1372 [Note : Dans cet acte le duc de Lancastre prend, du chef de sa femme, fille de Pierre le Cruel, le titre de Roi de Castille et de Léon, que tenait Henri de Transtamarre. En mariant sa fille à l'héritier d'Henri, Lancastre confondit les prétentions des deux branches], à son point de vue personnel, ce sacrifice s'explique ; mais, après seize ans de mariage, le duc n'est pas devenu père ; dans ces conditions abandonner la place de Brest à l'Angleterre « s'il n'a pas d'enfants pour héritiers » n'est-ce pas trahir les intérêts de la Bretagne ?

Le traité n'avait pas nommé le château d'Angleterre à remettre au duc ; il fut convenu que ce serait Rising. (Nantes, E. 120).

Ce n'est pas sans hésitation et sans crainte que le duc s'était résigné à de telles conditions. Aussi, avant de s'engager par écrit, avait-il demandé la garantie personnelle de grands seigneurs d'Angleterre. Dès le 1er décembre 1377, les oncles paternels de Richard, notamment le duc de Lancastre, ses cousins, le chancelier, le trésorier, des prélats, et nombre de grands seigneurs promettaient « en foi de chevalerie... de faire accomplir le traité ».

Quatre mois plus tard seulement, le 5 avril 1378, l'acte du traité fut dressé en deux originaux ; et c'est au pied de l'original remis au duc de Bretagne que nous lisons l'engagement personnel des nobles et prélats d'Angleterre [Note : Voir les deux originaux dans Morice. Pr. II. 193-197 et 198-201. Le règne de Richard ayant commencé le 16 juillet 1377, le 1er décembre première année du règne est le 1er décembre 1377, (et non 1378, comme dit Lobineau, Pr. 589-592). — Le 5 avril première année est le 5 avril 1378. — L'engagement des seigneurs a précédé le traité dont il a sans doute été une condition]. — On verra tout à l'heure comment la « foi de chevalerie » sera tenue.

Le Roi s'empressa (il y était trop intéressé) d'exécuter le traité. Par lettres du 18 décembre 1377, il avait concédé le comté de Richemont pendant leur vie « à son bien aimé frère et à sa bien aimée soeur », le duc et la duchesse de Bretagne [Note : Morice. Pr. II. 183-184, 18 décembre, première année du règne].

Bientôt Brest était mis en état de défense contre l'armée française et même contre le duc lui-même [Note : Voir cet armement dans Morice. Pr. II. 202 (16ème jour de mars 1378 ; lire 1379. n. s.) A remarquer « duo magna et duo minora ingenia (engins) vocata Canons, sexcentas petras pro eisdem ingeniis, etc. ». En même temps que les canons on achète douze balistes]. Il est clair que l'Angleterre entend bien que cette place si importante lui appartienne d'une manière définitive. Aux termes du traité, que faut-il pour obtenir ce résultat ? Que la duchesse ne donne pas d'enfants au duc ! Le Roi va en prendre le moyen.

Parti en hâte pour la Bretagne, Jean IV avait laissé la duchesse en Angleterre. Quand il fut remonté sur le trône, sa première pensée, on n'en peut douter, fut de la rappeler. Jeanne de Holland était toute disposée à rejoindre son époux ; mais elle n'était pas libre ! Le Roi la retenait en Angleterre. Pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas d'enfant et qu'il ne faut pas qu'elle en ait, afin d'assurer à l'Angleterre la propriété de Brest !

Ni l'un ni l'autre des époux n'accepta cette décision. Quel malheur que nous n'ayons pas les lettres écrites à cette époque par le duc au Roi son beau-frère et les lettres de la duchesse au duc ! Combien de fois le duc insisté pour recouvrer sa femme ? Nous n'en savons rien. Mais ce que nous savons c'est que, deux ans après le retour du duc en Bretagne, la duchesse était encore retenue en Angleterre [Note : Lobineau. Pr. II, 632-633. Morice, Pr. II, 379-380. Nantes E. 115, 120].

A cette époque, un événement heureux pour la Bretagne vint rendre pires encore les dispositions de Richard II pour le duc. — Celui-ci avait fait la paix avec Charles V ; et le 17 septembre 1381, à Compiègne, il avait solennellement demandé et obtenu son pardon.

La signature de la paix avec la France valut au duc la confiscation du comté de Richemont. C'est, on peut le croire, à cette nouvelle, que, le 5 mars 1382, avec le consentement du Roi de France, le duc envoya une ambassade solennelle en Angleterre. Le but qu'il s'agit d'atteindre est double ; c'est le retour de la duchesse et la restitution de Brest. C'est pourquoi le duc adjoint à des chevaliers des jurisconsultes bretons. Les chevaliers sont au nombre de six parmi lesquels, Jean de Bazvalen qui, en 1394, à Vannes, en désobéissant au duc, sauvera Clisson de la mort, et le duc du titre d'assassin : un autre est Patri de Châteaugiron, qui deviendra grand chambellan et maréchal de Bretagne (1405-1407). Ils sont suivis de douze écuyers, et feront à la duchesse rentrant en Bretagne une escorte digne d'elle, du duc son époux et du Roi son frère. Les chevaliers sont accompagnés de six hommes de loi, au nombre desquels maître Robert Brochereul, clerc, depuis sénéchal de Rennes et de Nantes, enfin chancelier de Bretagne (1399). La tâche de ceux-ci semble facile, puisque la paix avec la France est faite : en offrant la restitution de Rising, comment n'obtiendraient-ils pas la restitution de Brest ?

A la fin de mai, les ambassadeurs de Jean IV étaient en Angleterre. Ils s'assurèrent d'abord du consentement de la duchesse qui se montra très joyeuse d'être ramenée par eux en Bretagne et de celui de la duchesse de Kent, mère du Roi, et de la duchesse de Bretagne, qui agréa très volontiers le départ de sa fille [Morice. Pr. II, 380].  

Quand on lit les réponses faites par les deux duchesses, et que Jean de Bazvalen fait consigner par un notaire, on ne peut douter qu'elles mêmes n'aient uni leurs prières aux graves supplications des envoyés du duc. Pourtant ceux-ci repartirent pour la Bretagne sans avoir obtenu une seule de leurs demandes.

Le 16 novembre suivant, le Roi maintenait la saisie de Richemont, déclarait en garder la jouissance ; et, sur les revenus du comté qu'il évaluait 1.786 livres, il assignait mille livres pour l'entretien « de sa soeur bien aimée, tant qu'elle séjournera en Angleterre » [Note : Morice. Pr. II. 431-432, 16 novembre. 5ème année du règne de Richard (1382)]. C'était annoncer qu'il entendait l'y retenir longtemps.

On peut croire que le duc et la duchesse firent entendre de nouvelles réclamations. Plus d'une année passa ; enfin, au mois de juillet 1383, le Roi donna ordre à ses amiraux et aux officiers des ports de laisser passer la duchesse [Morice. Pr. II. 441-442]. Elle s'empressa de profiter du congé attendu pendant quatre longues années ; et, le 30 août, le Roi lui accordait les revenus de Richemont « du jour de son passage en Bretagne jusqu'à la Saint-Michel prochaine », pour payer quelques dettes [Morice. Pr. II. 443].

Personne n'était mieux en situation que le duc de Bretagne de ménager la paix entre la France et l'Angleterre. Le Roi Charles VI compte si bien sur ses démarches qu'il assigne au duc tant quelles dureront une pension de 4.000 fr. d'or par mois (28 décembre 1383) [Note : Morice. Pr. II. 444 et E. 120. Mandement de Charles VI]. Le duc parvint à obtenir une trève d'une année.

Les soins qu'il donne aux affaires de France ne l'obligent pas à négliger les siennes ; et, vers cette même époque, il envoya deux ambassades pour redemander Brest et Richemont.

Le duc a bien choisi son ambassadeur, c'est Robert Brochereul déjà envoyé en Angleterre deux ans auparavant. Au mois de mai 1384, M. Brochereul passa la mer. Il faut voir dans le long procès-verbal qu'il a fait dresser l'entêté Breton parlant au duc de Lancastre, puis au Roi, et réfutant les arguments du garde des sceaux, quoique, dit-il « il soit venu pour présenter une requête et non pour plaider » [Note : Morice. Pr. II. 450-456. M. Robert Brochereul semble dire, avec une fausse humilité, qu'il n'est pas prêt à plaider. Il s'y résout pourtant et s'en tire à merveille. Mais voici comment il conte le don primitif de Richemont : Guillaume de Normandie et le duc de Bretagne (Brochereul ne le nomme pas) avaient fait ce traité : Le duc de Bretagne supportera pour un tiers les efforts et les frais de la guerre ; et aura pour sa part le tiers des terres conquises. Après la victoire, il reçut pour son tiers le duché de Cornouaille que plus tard il échangea contre Richemont. Et Brochereul ose dire au Roi, à Lancastre et au chancelier : « Vous savez, cela aussi bien et mieux que moi ….. et que Mgr le duc a tel et si bon droit en la comté de Richemont comme le Roi au royaume …. » (Col. 453). Quand il passa en Angleterre, Brochereul arrivait en compagnie de Geffroi de Pontglo, chevalier, auparavant (1371) capitaine de Brest, une dame et deux demoiselles, d'un pèlerinage à Notre-Dame de Rocamadour et à Saint-Jacques en Galice. Sauf-conduit accordé aux pèlerins par Richard, 3 juillet 1383. Morice. Pr. II, 442].

Le Roi Richard, encore sous le joug de Lancastre, répondit que la question serait mûrement examinée et que la réponse serait donnée à Boulogne ou à Calais où la paix devait se faire : mais les espérances de paix s'évanouirent bientôt et avec elle les espérances de Jean IV.

Est-ce à la suite de l'ambassade de Brochereul et de l'examen des pièces promis par le duc de Lancastre que le parlement d'Angleterre rendit arrêt, le 11 novembre suivant ? Toujours est-il que ce jour le parlement déclara renouvelée la saisie du comté de Richemont ; et un autre arrêt, du 22 décembre, donna le comté en viager à la reine, Anne de Luxembourg [Nota : Anne de Luxembourg, fille de Charles IV, empereur et roi de Bohème, mariée en 1382 à Richard II, morte en 1394. Lobineau. Hist. p. 449 et Pr. 632].

L'année suivante, Jeanne de Holland mourait sans enfants ; et par son testament fait à Nantes, le 25 septembre 1385, elle transportait à son mari tous les droits qu'elle pouvait avoir sur Richemont, qu'elle les tint de son mari lui-même ou du Roi son frère [Note : Morice. Pr. II, col. 478 et suiv. La duchesse n'admettait pas apparemment les arrêts du parlement, car d'après ces arrêts il ne lui restait aucun droit sur Richemont].

C'est sans doute à la suite de ces faits que le duc envoya une seconde ambassade dont le chef fut Bernard de Keroncuff, alors président de Bretagne [Note : E. 115 et 120. Nous n'avons pas la date exacte : elle ne peut être antérieure à 1385, puisque c'est en cette année que Keroncuff est devenu président de Bretagne (1385-1398). Peut-être aussi cette ambassade mise quelquefois au nom de Keroncuff seul est-elle celle dont il sera parlé tout à l'heure].

Trois ans plus tard un changement à vue se produisit. Le Roi Richard a enfin secoué la tutelle de ses oncles il était temps, il était dans sa vingt-deuxième année (mai 1389). Sans égard aux arrêts du parlement, il enlève l'usufruit de Richemont accordé à la reine Anne ; et rend la propriété du comté à Jean IV (20 novembre 1389).

Mais les lettres royales ne reçurent pas une exécution immédiate : un an entier passa ; et c'est seulement en juillet 1391, que Charles de Dinan, sire de Montafilant et Châteaubriant, le sire de Malestroit, Keroncuff et Brochereul furent « commis et députés pour aller vers le Roi requérir, demander, prendre et accepter la délivrance de notre comté de Richemont et de la place de Brest » [Morice, II. 576].

Mais il paraît bien que les ambassadeurs revinrent, comme l'autre fois, sans avoir rien obtenu. Le Roi et son conseil devaient pourtant reconnaître que toutes les précautions prises pour empêcher la survenance d'enfants de Jean IV étaient vaines.

Moins d'un an après la mort de Jeanne de Holland, le duc avait pris en troisième mariage Jeanne de Navarre (11 septembre 1386). Deux filles étaient nées lorsque, le 24 décembre 1389, la duchesse devint mère d'un fils, depuis Jean V, que le duc nomma comte de Montfort ; le 25 août 1593, un second fils vint au monde [Note : Lobineau, Hist., p. 479. Arthur, depuis comte de Richemont]. Malgré tout, le Roi s'obstine à retenir Brest.

Sur ces entrefaites, le duc de Lancastre, poussé par l'intérêt, se rapprocha de Jean IV et fit alliance avec lui. Il promit au duc la délivrance de Brest ; — mais à une condition, c'est que le duc ne garderait pas la place pour lui et le duché. Le comte de Derby, fils aîné de Lancastre, avait un fils encore enfant, et Lancastre avait obtenu pour lui la main de Marie fille aînée de Jean IV. Comme condition du mariage, le duc donnait à sa fille 150.000 francs d'or ; et, trahissant une fois de plus les intérêts de la Bretagne, promettait la seigneurie de Retz et tous ses châteaux, bien plus la seigneurie de Saint-Renan et Brest, dès que le duc de Lancastre lui aurait fait rendre la seigneurie de Rising, ou même les sept cents marcs sterling de rente que rapportait cette seigneurie [Note : Morice Pr. II, 644 et Nantes, E. 120]. — Le mariage ne se fit pas heureusement pour la Bretagne et la France [Note : Marie de Bretagne épousa Jean IV (Le Sage) premier duc d'Alençon, et fut mère de Jean V (Le Beau), qui commandait l'armée royale avec Jeanne d'Arc, à la bataille de Patay engagée malgré eux par le connétable de Richemont (1429). Contrat du 26 juin 1396. Morice, Pr. II, 667-668].

Le duc n'avait pas été plus heureux en ce qui concerne Richemont. Quand un second fils lui était né, il s'était empressé de lui donner le titre de comte de Richemont (1393). Trois ans plus tard (1396) le duc négociait avec Charles VI le mariage de son fils aîné, qui sera Jean V, avec Jeanne, seconde fille du Roi ; il garantissait à son fils aîné le comté de Montfort ; et il déclarait réserver Richemont pour son second fils Arthur.

Mais cette réserve allait devenir inutile. Jean IV avait une soeur unique, Jeanne de Bretagne. Le traité de Guérande (1365) avait arrangé son mariage avec Jean, héritier de Penthièvre ; les Bretons, après une guerre désastreuse, espéraient que cette alliance entre les deux familles rivales leur serait un gage de paix. Mais Jean IV poursuivait les Penthièvre d'une haine jalouse parce qu'il voyait alors en eux ses héritiers, et il est permis de croire qu'il mit obstacle à cette union.

Quoi qu'il en soit, Jeanne de Bretagne épousa un chevalier anglais, nommé Raoul ou Rauff Basset de Drayton. Elle était veuve en 1398. Le roi Richard lui donna le comté de Richemont (20 avril) [Note : Morice. II. Pr. col. 681. Des biographes fixent à cette date le mariage de Jeanne de Montfort. Ils n'ont pas réfléchi à ceci : son père étant mort le 25 septembre 1345, elle était née au plus tard en 1346. Elle avait cinquante-deux ans en 1398. Elle était mariée auparavant. Son frère la nomme dame de Basset dans son testament du 21 octobre 1385 (Morice. Pr. II. 497). Il semble que le Rauff, sire de Basset, qui signe le traité d'alliance entre le duc et le Roi le 1er mai 1379. (Morice. Pr II. 241) est le beau-frère du duc. Il résulte du texte même du don de Richemont que Jeanne était veuve « quae fuit uxor Radulfi, etc. »].

La donation est faite dans ces termes explicites : pour elle et ses héritiers [Note : Dans l'acte le Roi associe à Jeanne Antoine Riez et Nicolas Alderwich et leurs héritiers. Ces deux personnages non autrement désignés].

On peut admettre (nous allons le voir) que le duc avait renoncé aux revenus de Richemont, en faveur de la soeur unique et chérie qu'il avait gratifiée dans son testament ; mais il n'avait pas abdiqué ses droits sur Richemont ; et la preuve, il l'avait donnée l'année précédente.

En 1396, une heureuse occasion s'était présentée de recouvrer Richemont, auquel le duc semblait surtout tenir, et Brest. Jean IV venait d'obtenir la promesse de Jeanne de France pour son fils, le comte de Montfort ; et il était encore à Paris lorsque Richard II passa la mer et vint à Calais demander la main d'Isabelle, soeur aînée de Jeanne. Le duc accompagna le Roi de France, fut témoin de l'entrevue des deux Rois ; et c'est à ce moment que Richard accorda enfin la remise au duc de Richemont et de Brest, (octobre 1396) ; en même temps qu'il rendait Cherbourg au Roi de Navarre [Lobineau, Hist., p. 495].

La restitution de ces deux places souleva la colère des nobles d'Angleterre et une conjuration se forma contre Richard à la tête de laquelle était le duc de Glocester qui paya sa rébellion de la vie.

Mais le Roi avait fait cet abandon sans l'avis de son conseil ; et, quand il s'agit de dresser l'acte, le duc fut contraint d'abandonner non seulement Rising mais « toutes les autres terres avec toutes leurs appartenances baillées au duc en Angleterre ». Mais Richemont est formellement laissé en dehors de ce contrat ; et dans la quittance que le duc donne de Brest, il a bien soin de faire écrire : « sauf et excepté notre comté de Richemont ô ses appartenances » [Note : Les lettres du roi ne sont datées que du 28 mars 1397. Le duc donne quittance de Brest, le 12 juin suivant. Pour obtenir la restitution, il lui avait fallu payer 120.000 fr. d'or pour la solde de la garnison, et 400 liv., pour le fret de quatre vaisseaux destinés à reporter la garnison en Angleterre. Lobineau. Pr. 793. Morice, Pr. II, 677-678-679. (18 mars et 22 juin 1397)].

Les termes de ce contrat d'échange et de la quittance de Brest démentent le sens que semblait avoir l'acte de don fait à Jeanne de Bretagne. Mais n'accusons pas Richard de se démentir lui-même et de manquer de foi au duc. Voici sans doute l'explication de ces apparentes contradictions.

C'est que les revenus du comté étaient sinon saisis par le Roi du moins délégués par le duc au paiement de ses dettes au trésor d'Angleterre. C'est ce qui résulte de la quittance générale que le Roi donna, le 24 décembre 1398, de toutes les obligations du duc, quittance par laquelle le Roi déclare rendre au duc « son comté de Richemont » [Note : Morice, Pr. II, col. 691. Les termes de la quittance sont curieux : « acquietantiam generalem de omnibus debitis .. quae fuerunt inter nos …. a principio mundi usque diem sancti Georgii … comitatum suum Richemondiae restituimus ». — Nantes, 115]. Le Roi Richard reconnaissait donc que, s'il touchait les revenus de Richemont, Jean IV pouvait dire le comté sien.

Un an plus tard, Richard II était déposé et emprisonné ; et son cousin Henri de Lancastre montait sur le trône (30 septembre 1399).

En 1398, celui-ci avait été exilé pour dix ans et avait vu son comté de Derby et tous ses biens confisqués. A peine avait-il passé en France que la mort de son père le fit duc de Lancastre. Rappelé en Angleterre par des seigneurs mécontents ; il vint en Bretagne, dit Froissard ; et Jean IV, ne pénétrant pas ses ambitieux desseins, lui fournit un vaisseau pour passer en Angleterre.

Si Froissard est bien informé, ce dont on peut douter, les bons offices de Jean IV furent vite oubliés. Un des premiers actes du nouveau Roi fut la saisie du comté de Richemont ; et dans le mois de son couronnement, il en fit don pour la vie à Raoul Nevil, comte de Westmoreland (20 octobre 1399) [Morice. Pr. II, 698-699. Lobineau, Hist. 497 et Pr. 797]. Le Roi payait ainsi la dette de reconnaissance du duc de Lancastre. Le 4 juillet précédent, il avait débarqué dans le comté d'York avec quinze chevaliers et quelques hommes d'armes, lorsque les comtes de Northumberland et de Westmoreland lui amenèrent une armée.

Sur ces entrefaites, et sans doute avant d'avoir appris la saisie de Richemont, le duc Jean IV mourut (1er novembre 1399) (extrait de J. Trévédy).

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