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HENRI DE ROHAN-GUÉMENÉ, seigneur de LORIENT et de BREST-RECOUVRANCE.

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La banqueroute des Rohan-Guémené est une faillite dont furent victimes en 1782, Henri-Louis-Marie de Rohan [né le 30 août 1745 à Paris - décédé le 24 avril 1809 à Prague, fils de Jules-Hercule-Mériadec de Rohan (1726-1788), prince de Guéméné, et de Marie-Louise de La Tour d'Auvergne (1725-1793)], prince de Guéméné et son épouse Victoire-Armande-Josèphe de Rohan (née le 28 décembre 1743 - décédée le 20 septembre 1807 à Paris), princesse de Maubuisson, dame de Clisson. De nombreux prêteurs furent ruinés : « Les gens plus atteints étaient des domestiques, de petits marchands, des portiers, qui portaient leurs épargnes au prince ... il avait des recruteurs d'argent à Brest et dans tous les ports de Bretagne pour séduire les pauvres matelots ... ils les éblouissaient par l'apparence d'un placement avantageux et accaparaient ainsi tout leur argent ». Une partie des dettes furent payées par les autres membres de la famille Rohan [entre autre Louis-René-Edouard de Rohan-Guéméné, prince de Rohan (1734-1803), cardinal-évêque de Strasbourg], par le prince de Condé, et surtout la princesse de Guémené [fille de Charles de Rohan, prince de Soubise, duc de Rohan, maréchal de France et de Anne-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Savoie], gouvernante des enfants royaux de Louis XVI de 1778 à 1782 et dont les biens étaient importants.

Victoire-Armande-Josèphe de Rohan, épouse d'Henri-Louis-Marie de Rohan-Guéméné.

Par contrat du 11 mars 1778, Armand-Louis de Gontaut-Biron, duc de Lauzun, abandonnait tous ses droits sur la baronnie du Châtel et le marquisat de Carman, situés au pays de Léon, à Henri-Louis-Marie de Rohan, prince de Guéméné. L'acquéreur était, à cette époque, un des personnages les plus en vue à la cour. Non seulement la maison de Rohan se glorifiait des honneurs de la pairie et des alliances les plus brillantes, mais encore les fonctions de grand chambellan et de capitaine lieutenant des gendarmes de la garde ordinaire du roi plaçaient ce grand seigneur au premier rang des serviteurs du trône. Sa cousine, qu'il avait épousée, Victoire-Armande-Joseph de Soubise, remplissait la charge de gouvernante des enfants de France.

Alors à l'apogée de sa carrière, envié pour l'éclat de ses fêtes, la somptuosité de ses résidences et ses prodigalités inouïes, Henri de Rohan-Guémené est resté célèbre dans l'histoire de la fin du régime par une faillite retentissante.

Les terres qui faisaient l'objet de la vente rappelée plus haut étaient cédées moyennant 3.908.000 livres de principal [Note : 1.080.000 livres versées en mains propres, 662.583 l. composant une rente annuelle de 65.000 l. en faveur du duc de Lauzun, le reste pour satisfaire les créances Lauzun (A. N. T. 478-3). Celles-ci vinrent alourdir considérablement la masse des dettes de la maison de Rohan].

On jugera de l'importance de la seigneurie du Châtel par rapport à Carman, lorsqu'on saura que cette première terre figurait pour 3.500.000 livres dans la vente. D'après La Borderie, elle se divisait en trois juridictions : le Châtel à Brest, le Châtel à Lannilis et le Châtel à Cléguer. Elle s'étendait à plus de vingt paroisses et relevait directement du roi. Son chef-lieu n'était autre que le fier chateau de Trémazan, en Kersain, dont le vieux et curieux donjon, quoique bien ébréché, a encore, dans sa ruine, conservé si grand air.

A la vérité, nous n'oserions affirmer que tous les fiefs qui composaient l'illustre baronnie aux XIVème et XVème siècles s'étaient maintenus intacts jusqu'au XVIIIème siècle. Cependant, ce qu'il importe de noter, c'est que le Châtel à Brest, s'étendant à Brest-Recouvrance et Landunvez, faisait partie de la cession de Lauzun à Rohan.

Les continuateurs d'Ogée soutiennent, qu'en 1600, le bourg de Recouvrance présentait une agglomération plus importante que Brest. Jean IV, en 1346, avait fait élever en ce lieu, connu à l'origine sous la dénomination de bourg Sainte-Catherine, une chapelle dédiée à N.-D. de Recouvrance, où, paraît-il, l'on déposait de nombreux ex-voto pour l'heureux retour et le « recouvrement » des matelots et des navires qui partaient de Brest. Le nom de Recouvrance a remplacé celui de Sainte-Catherine, et peu à peu le bourg s'est confondu avec la ville de Brest, au point que l'enceinte fortifiée, achevée en 1689, englobait tout Recouvrance, où se trouvaient les ateliers et magasins de l'artillerie. L'union de Brest et de Recouvrance donnait à la France le premier port maritime de l'Europe.

Recouvrance (Brest- Bretagne).

Dans l'évêché de Vannes et sous la sénéchaussée de ce nom, les Rohan-Guémené possédaient, depuis cinq siècles, trois seigneuries qui composaient jadis le Kemenet-Heboi et prolongeaient le Guémené proprement dit jusqu'à la mer. Le plus étendu, le fief de la Rochemoisan, resserré entre les cours inférieurs du Blavet et de la Laita, faisait saillie dans l'Océan.

A la fin du XVème siècle, Louis de Rohan-Guémené voyant le château de la Rochemoisan (en Arzano) ruiné, fit construire à Tréfaven (en Ploemeur), sur les rives baignées par les eaux du Scorff et du Blavet, un « bel et somptueux édifice » qui devint le chef-lieu de la seigneurie (1482) [Note : Le château, rebâti au XVIIème siècle, est encore utilisé pour les besoins de l'armée]. Tréfaven était lui-même le siège d'une ancienne châtellenie. C'est sur son fief que prit naissance la bourgade, puis la ville de Lorient, qui se développa plus particulièrement sur les dépendances de la seigneurie du Faouëdic, mouvante de Tréfaven.

La Compagnie des Indes Orientales, à laquelle Lorient doit son origine, avait tout d'abord jeté ses fondements au petit port du Blavet, aujourd'hui Port-Louis. Bientôt, pour suppléer à ce premier établissement devenu insuffisant, après la reconnaissance royale par édit de mai 1664, elle s'implanta sur l'autre rive, sur une vaste lande dont la stérilité « affligeait la vue » [Note : Par ordonnance de juin 1666, le roi désigne à la Compagnie des Indes le Port-Louis pour siège de ses armements et lui concède gratuitement certaines terres vaines et vagues, notamment au Faouëdic, à l'embouchure du Scorff, pour y établir des ports, quais, chantiers, magasins et autres édifices nécessaires à la construction de ses vaisseaux. Nous verrons plus loin que le roi ne possédait réellement aucun territoire en ce dernier lieu].

Encouragé par Colbert, aidé par Law, le développement en ce lieu des établissements maritimes et commerciaux de Lorient fut très rapide [Note : Louis XIV confirme l'érection de Lorient en paroisse (mars 1709). Il accorde à Charles de Rohan l'établissement de foires et marchés en ce lieu (septembre 1709) et accorde au même l'établissement d'un siège de justice (novembre 1709), celle-ci étant antérieurement rendue à Hennebont. La communauté de ville date de 1738. — Plus tard le roi incorpora à Lorient les justices de Pont-Scorff et de la Saudraye dépendant de la principauté de Guémené (juin 1769)] et progressif jusqu'en 1745, date qui marque le plus haut degré de prospérité de la Compagnie.

Cependant, un siècle environ après sa création par Louis XIII et Richelieu, la Compagnie des Indes, naguère si florissante, mais alors ébranlée dans son crédit, se vit obligée de consentir à une liquidation et fit au roi la remise définitive de tous ses établissements [Note : Cession au roi, par la Compagnie des Indes, de toutes ses possessions à Lorient et territoires voisins (février 1770)]. Lorient, devenu port royal, fut érigé en intendance de marine (1er juillet 1771) et plus tard en préfecture maritime.

Lors de la cession au roi de toutes les possessions de la Compagnie des Indes, le prince de Guémené fit valoir ses droits de seigneur supérieur, en vertu desquels le titulaire de la Rochemoisan et de Tréfaven percevait différentes taxes dans le port de Lorient et sur les marchandises importées. Ces droits furent liquidés par arrêt du Conseil des Finances, au moyen d'une rente de 18.750 livres accordée à titre d'indemnité (3 juillet 1781). Le jugement intervenu aurait dû être définitif et l'affaire ainsi close. Cependant, par suite d'une convention postérieure, dans laquelle vient figurer la directe de Lorient, les droits féodaux d'Henri-Louis de Rohan sur cette ville furent mis en cause et contestés.

A cette époque, le vaisseau qui portait la glorieuse destinée de la Maison de Guémené faisait eau de toutes parts. Depuis un quart de siècle, les dettes s'accumulaient progressivement ; les créanciers faisaient entendre leurs doléances jusqu'au pied du trône ; la crise se précipitait. Pour faire face à ses énormes dépenses de grand seigneur, depuis plusieurs années, Henri de Rohan-Guémené avait fondé, avec différents membres de sa famille, une banque qui rayonnait sur une partie de la Bretagne et avait des établissements à Brest et à Lorient. Quelques mois seulement après l'acte relatif à la liquidation des droits sur Lorient, la faillite devenait publique (2 octobre 1782). Le passif montait à 33 millions de livres, chiffre énorme pour l'époque et qu'il faut au moins doubler pour arriver à une valeur approximative de notre monnaie d'avant-guerre.

De la veille, pour ainsi dire, de la faillite, nous possédons un état fort intéressant de la situation active et passive des prince et princesse de Guémené et du prince de Rohan, père d'Henri-Louis. La dépense annuelle (maisons, comptes des fournisseurs, rentes viagères..) ressort à 2.909.031 livres, contre 505.000 livres de revenus. La liquidation de 1782 et 1783 se balance avec un déficit de 6.373.868 livres (Etat du 1er août 1782. A. N. T. 286-3). Il ne s'agit là que d'obligations personnelles aux princes ; nous n'avons pu retrouver le bilan de la banque. Pour le détail de ce curieux état, nous renvoyons le lecteur aux pièces annexes.

Afin de remédier à cette crise désastreuse, les Rohan, cela s'explique, cherchèrent tous les moyens de s'assurer des ressources [Note : Il faut reconnaître les efforts pour satisfaire dans une certaine mesure les créanciers. Le 30 juillet 1780, les prince et princesse de Guémené constituaient un fonds en argent de six millions dont les arrérages devaient servir au payement de rentes viagères]. Ils firent représenter au Conseil d'État les avantages que le roi aurait, pour le gouvernement et les services publics, à retirer de la pleine possession de Brest ; Sa Majesté, en outre, procurerait ainsi une aide à la libération des embarras survenus dans les affaires de leur Maison. En escomptant de la bonté du roi un prix de convenance au-dessus de la valeur réelle, les Rohan ne dissimulaient pas leur espoir de voir le roi se porter garant de la liquidation des droits des créanciers. Sans doute est-ce pour donner une base plus large à l'évaluation de la convenance que les Rohan proposèrent de renoncer aux conclusions de l'arrêt
du 3 juillet 1781 qui les indemnisait de la mouvance de Lorient.

La Maison de Rohan-Guémené avait dans Calonne un puissant protecteur près du roi et, par ailleurs, le contrôleur général, d'Ormesson, se prêtait à ses vues. Louis XVI se laissa convaincre de l'intérêt qu'il y avait pour l'accroissement du commerce à Lorient et pour le bien du service de la marine à Brest, de réunir en sa main et sans concurrence la supériorité et la justice dans ces deux villes.

Lorient (Bretagne).

L'acquisition ordonnée au profit du roi par arrêt du Conseil, date du 31 août 1786, fut signée le 3 octobre de la même année. La seigneurie et la justice de Lorient « ainsi qu'elles se poursuivent et comportent, dans l'enceinte des murs qui entourent cette ville », étaient l'objet d'un échange contre une partie des terres qui constituaient jadis l'ancienne principauté de Dombes, tandis que Recouvrance, avec le Châtel et Carman, étaient payés en argent. La somme consentie, tant pour la valeur des terres que pour la convenance, fut de 12.500.000 livres. Quatre millions devaient être affectés au payement des créances sur le Châtel et Carman et le reste constitué en rentes viagères au profit des créanciers des prince et et princesse Guémené. En présence de la masse des dettes de Guémené « qui n'a pas encore eu d'exemple »
— dit le Conseil d'État — et dont la liquidation intéressait le royaume, il fut jugé nécessaire de nommer des commissaires chargés de la répartition des sommes versées par le roi (Archives personnelles).

Le contrat reçut pleine exécution [Note : « Tout s'est exécuté suivant les plans, une commission du Conseil dont les fonctions subsistent encore a liquidé les créances de toute nature. Sur ces liquidations, on a donné des contrats viagers ou de l'argent, suivant le droit de chacun. En ce moment, les 5 millions qui doivent être répartis en rentes sont à peu prés épuisés et constitua ; les 3.500.000 livres distribuables en argent sont aussi presque entièrement payées ; mais il faut pourvoir au payement annuel des rentes suivantes : Rentes privilégiées sur le Châtel et Carman : 275.946 - Rentes viagères provenant de 3.500.000 l. : 316.256 - Rentes viagères provenant de 25 millions : 475.000 - Total : 1.067.202 » (Tiré d'un mémoire du 7 novembre 1785. A. N. Q1 774). — D'après un compte de René-François Le Breton aux administrateurs des biens de Rohan, celui-ci s'attribue le mérite d'avoir fait gagner à la maison de Rohan l'affaire de Lorient sur les agents du Domaine. Cette affaire lui réclama trois années de travaux pénibles dont deux furent passées à Paris. Il faillit succomber à la tâche — du moins il le prétend — et estime à 20.000 l. l'indemnité de ses frais et la gratification qui lui sont dues. (Compte de 1783 à 1788. Archives des Côtes-d'Armor, E. 2694)]. Cependant des protestations s'étaient élevées de la part des agents du Domaine. Un sieur Baud, fermier des Domaines en Bretagne [Note : Baud avait fait, en 1780, l'acquisition des droits casuels des domaines engagés en Bretagne à M. de Penthièvre, dont faisaient partie Hennebont et Lorient. Il poursuivait le paiement des droits casuels que le prince de Guémené avait perçus à Lorient depuis cette date], souleva une violente discussion sur la question de savoir à qui, du roi ou du prince Guémené, appartenait réellement la mouvance de Lorient. La collection Corda conserve un assez grand nombre de factums et de mémoires apportés, de part et d'autre, à ce débat qui mettait en cause la validité de l'échange du 3 octobre 1786 (B. N. Corda F m. 1865-28106-19789-14533-27497).

Les arguments sont loin d'être concluants ; cependant les droits de Guémené étaient incontestables. Ils ressortent avec évidence des actes qui ont présidé à la fondation de la ville sur le territoire du Faouëdic dépendant de Tréfaven et de la Rochemoisan. Il est aisé de s'en rendre compte par les recherches récentes faites par les auteurs modernes en vue de retracer l'histoire de la fondation de Lorient [Note : Chronique lorientaise : Origine de la ville de Lorient, par E. Mancel, ancien préfet. 1861. Lorient. Gousset. — Histoire de la fondation de Lorient, par F. Jégou, membre de la Société polymathique du Morbihan. 1870. Lorient. Lesnard. « Dans la rivière du Scorff et ses affluents, le roi ne possédait réellement aucun territoire quelconque. Au Faouëdic on ne connaissait pas (comme le stipulent les lettres patentes de juin 1666), de terres vaines et vagues, toute cette petite presqu'île appartenant, sans contestation, à différents propriétaires parfaitement connus. En outre, et en vertu du droit féodal breton, toutes les terres vaines et vagues et inutiles qui existaient dans l'enclave des fiefs composant la principauté de Guémené, appartenaient au prince de cette maison, qui seul avait le droit de les afféager, les vendre ou les donner selon son bon plaisir. Par ailleurs, en vertu d'un privilège qui tirait peut-être son origine des transactions intervenues durant le XIIIème siècle entre les ducs de Bretagne et les sires de Léon, les princes de Guémené, héritiers de ces derniers, avaient la pleine possession des rives du Scorff et de ses affluents, des lais de mer qui pouvaient s`y trouver, ainsi que des parties que le flux et le reflux de la mer couvraient ou découvraient à l'époque des hautes marées... » (Jégou).]. D'ailleurs, le prince de Guémené avait été confirmé dans ses droits par différents arrêts, de 1777 et 1785, qui déboutaient purement l'administration des Domaines.

Malgré, ceux-ci, quand vinrent les jours troublés, précurseurs de la Révolution, l'étincelle qui couvait sous la cendre ralluma brusquement la querelle des agents du Domaine. La Fayette, dénonçant à l'assemblée des Notables (1787) le pillage du Trésor et les abus financiers du régime, fit allusion au contrat d'acquisition et d'échange du 3 octobre 1786. L'orateur, assurément, visait bien davantage le prix de convenance que la directe de Lorient. Aussitôt un grand nombre de pamphlets furent répandus dans le public par les soins, à peine dissimulés, du sieur Baud, devenu régisseur des Domaines Nationaux : « Les décrets que l'Assemblée Nationale a rendus et ceux qu'elle rendra — disait celui-ci dans un mémoire — ne tarderont pas à apprendre que, quelqu'immenses que fussent les déprédations que M. de la Fayette annonça avoir été surprises à la bonté et à la religion du roi, depuis son avènement au trône, elles étaient bien au-dessous de la réalité ». Le contrat devait être immédiatement révoqué et tous les arrêts, depuis 1777, cassés, en prononçant l'incompétence du Conseil en matière de mouvance et de domaine (1791).

Les créanciers opposèrent aussitôt aux mémoires de Baud une requête à l'Assemblée Nationale, suppliant ses membres de ne pas réduire à néant l'échange de Lorient, ce qui causerait leur ruine (Corda, 14.533).

Dès lors, ce fut, entre les créanciers et le sieur Baud, une lutte sans répit ; ceux-là cherchant une compensation à leurs pertes en s'efforçant de maintenir les accords, celui-ici en soulevant contre la maison de Guémené les suspicions nationales.

On devine qui l'emporta.

L'an IV de la Liberté (14 septembre 1792), l'Assemblée Nationale, après avoir entendu le rapport du comité des Domaines, « considérant qu'il est de l'intérêt national de ne pas payer plus longtemps les sommes considérables, en conséquence — disait-elle d'un acte frauduleux », décida la révocation du traité d'octobre 1786. Les terres du Châtel et de Carmen restaient aux mains de la Nation, qui mettait celles de Dombes en vente ; les rentes constituées et viagères cessaient de compter à partir de ce jour [Note : Loi qui réunit au Domaine National les domaines cédés au nom du roi par les sieurs de Rohan. (Arch. personnelles)].

Plus tard, la Convention Nationale revint sur le décret de l'Assemblée Nationale et reconnut toutes les créances.

Jusqu'à extinction ou amortissement, elle s'engageait à payer les arrérages des rentes créées par le gouvernement royal en liquidation des affaires de Guémené [Note : Rentes créées au profit, 1°) des créanciers privilégiés sur les terres de Châtel, Recouvrance et Carman, délégués en l'acte du 3 octobre 1786 ; 2°) des créanciers qui ont été appelés à la répartition des 8.500.000 livres portées au dit acte ; 3°) de ceux qui ont versé ou laissé des fonds dans l'emprunt de 3.500.000 livres, ouvert par suite du même acte, en vertu des lettres patentes du 10 novembre de la même année] et réglait ainsi les conditions de cette liquidation au moyen des payements déjà faits et à constituer aux créanciers privilégiés sur les domaines du Châtel, de Recouvrance et de Carman, la Nation demeurait propriétaire de ces domaines ; — sur les biens de Rohan-Guémené, la Nation récupérait : a) la somme de 8.500.000 livres, dite de convenance, consentie en vertu de l'acte du 3 octobre 1786 et qui fut acquittée en rentes sur le Trésor au profit des créanciers ; b) les sommes payées aux princes. de Guémené, en exécution des arrêts des 27 octobre 1777 et 3 juillet 1781, portant liquidation des droits casuels et indemnités prétendues par suite de la cession au roi, en 1770, des établissements de la Compagnie des Indes ; c) les revenus casuels induement perçus par les Guémené sur le port et la ville de Lorient, depuis juillet 1771.

Sur la pétition du citoyen Baud, qui poursuivait, comme nous l'avons vu, le payement en restitution des lods et ventes dont, prétendait-il, la cession de Lorient au roi l'avait frustré, la Convention décréta qu'il n'y avait pas lieu de délibérer, sauf à l'engagiste du domaine d'Hennebont à exercer les recours qu'il entendra (décret du 24 juin 1793) [Note : Décret de la Convention Nationale relatif au payement des créanciers de Rohan-Guémené. (Arch. personnelles)].

Définitivement, les Guémené se trouvaient dépouillés de leurs biens, qui, d'ailleurs, depuis 1782, avaient été l'objet d'un séquestre, après qu'ils eurent fait cession de l'usufruit au bénéfice des créanciers [Note : Les biens séquestrés en 1782 consistaient dans les terres de Guémené, Lorient, Corlay, Kerjestin et Montauban. MM. Boulard, puis de la Tache furent successivement commissaires des créanciers au séquestre des dits biens gérés par le sieur Le Breton de Ranzegat. (Mémoire à la direction des créanciers unis de M. de Rohan-Guémené. (Arch. Côtes-d'Armor, E. 2.694)].

Nous venons d'avoir un aperçu des conséquences néfastes de la faillite Guémené. A la suite de cette affaire retentissante, Henri-Louis de Rohan-Guémené et sa femme se voient dans l'obligation de se démettre de leurs charges à la cour. Privés de tous leurs revenus — les dettes dépassaient de beaucoup la valeur des biens — le prince et la princesse de Guémené n'ont pour toute ressource qu'une pension de 12.000 livres que leur font les chefs de leur Maison [Note : La famille de Rohan-Guémené ne resta pas indifférente à la catastrophe qui atteignait un nombre considérable de petits épargnants. Le grand aumônier de France, Louis-Edouard de Rohan, qui cependant n'était aucunement compromis dans la faillite, voulut, dans la mesure de ses forces, atténuer le désastre. Chaque année, sans que rien « ne l'y obligeât, il contribua pour une très forte somme à la liquidation des dettes de son neveu ». (Déclaration du baron de Planta, 28 novembre 1785)]. Encore cette pension n'est-elle pas exactement réglée. Dans une lettre suggestive, Galonne, en 1786, implore les bontés du roi pour obtenir à l'ancien grand chambellan de France « de quoi subsister » pendant un séjour qu'il fait à Paris (9 avril 1786, A. N. Q1 774).

Profondément atteints dans leur amour-propre par cette situation lamentable et voyant se préparer un bouleversement social, les Guémené quittèrent la France avant que n'eussent éclaté les coups terribles de l'orage. Ils se fixèrent en Autriche où ils furent médiatisés. Leur descendance s'est prolongée jusqu'à nos jours à Sichrow en Bohème, où elle a sa principale résidence.

(H. DU HALGOUET).

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DOCUMENTS ANNEXES.

Produit des terres du Châtel et de Carman, évêché de Léon (année 1784)

 

Droits utiles et honorifiques de Recouvrance (Brest) et produit du fief de Lorient.

 

Situation active et passive des affaires de Rohan-Guémené.

 

Etat des revenus des Rohan-Guémené.

 

Etat des revenus des Rohan-Guémené.

 

Etat des revenus des Rohan-Guémené.

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