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La paroisse de Rohan et son union à celle de Saint-Gouvry. |
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La
paroisse de Rohan. — Son union à celle de Saint-Gouvry. —
Conséquences. — Un général de paroisse
(Extrait des archives
municipales de Rohan).
Durant le XIVème siècle, à une date imprécise, mais avant 1330, la paroisse de Rohan a été tirée de Saint-Gouvry, comme Eve d'une côte d'Adam. A l'instar de la première femme, elle devait, au cours de son existence, connaître bien des tribulations.
Rohan avait son église paroissiale de Saint-Martin, desservie par un recteur et un vicaire. Ils habitaient la cité depuis plus de deux cents ans, lorsqu'au commencement du XVIIème siècle, un grave événement se produisit dans la paroisse, qui jeta la discorde entre le Pasteur et ses ouailles. D'ailleurs, l'abandon du château par les Rohan enlevait à la ville de son importance, et au clergé de ses ressources. Le bénéfice se trouvant trop pauvre pour continuer une existence distincte, et plus encore la bonne volonté des gens faisant défaut, la fille dut se rejeter dans les bras de sa mère et le recteur de Rohan venir a Saint-Gouvry.
Le 17 mars et le 30 avril 1620, missire Amaury Daniel, recteur de Rohan, portait plainte au tribunal de Vannes, appelé alors le présidial, contre ses paroissiens. Le plaignant demandait qu'ils soient condamnés à lui payer la dîme ecclésiastique, depuis sa prise de possession de la cure, et qu'ils continuent à l'acquitter, dans la suite. Il exigeait, au surplus, que ses ouailles lui bâtissent un presbytère commode, pour lui et les prêtres chargés du ministère de la paroisse.
Le présidial condamne le « général des paroissiens », c'est-à-dire, la paroisse, le 30 décembre 1620, sur ces deux chefs, sans préjudice des frais, dépens, enrôlement et déclaration. Le jugement est exécutif.
Le dimanche, 31 janvier 1621, la grand'messe était célébrée dans la chapelle Saint-Gobrien à Rohan. La sentence fut lue à haute voix, devant les fidèles, par le sergent Bazin [Note : Sergent bannier, garde-champêtre de l'époque], suivant la coutume du temps, à l'issue de la grand'-messe, devant l'entrée principale de la chapelle, en terre profane. Une copie fut affichée à cette porte, une autre délivrée à Yves Le Pré, fabrique de Rohan, une troisième collée sur la porte principale de l'église paroissiale de Saint-Martin [Note : Le sergent bannier reçut pour sa commission : 30 sols].
En vertu du jugement, un fabricien, au nom des Rohannais — ce qui devait les humilier profondément — était tenu de montrer la sentence, à missire Daniel et à quatre ou cinq de ses paroissiens, au choix du recteur.
Coïncidence
étrange ! Vers le même temps, le clergé de Rohan, recteur et vicaire,
quitte notre ville, pour aller habiter le presbytère de Saint-Gouvry, à la mort
ou au départ du recteur de cette dernière paroisse. Dans son nouveau poste, le
pasteur transféré jouissait de l'avantage d'un pourpris [Note : Pourpris ; au
sens strict : enclos, participe passé de l'ancien verbe pourprendre : enclore ;
au sens large, pourpris signifie dépendances] autour et dans le
voisinage de sa maison. Et à partir de cette époque, jusqu'à la Révolution, en
1792, les deux paroisses de Rohan et de Saint-Gouvry, furent annexées sous la
houlette d'un même chef religieux. Il prit le titre de recteur de
Saint-Gouvry-Rohan, et le plus souvent de Rohan-Saint-Gouvry. Les deux paroisses n'en gardaient pas
moins leur existence propre, leur indépendance et une administration spéciale.
Chacune d'elles avait la charge de son église, mais l'entretien et la
restauration du presbytère unique, incombaient naturellement aux deux, à frais
communs. Simple question de justice, puisque, en fait, tous les paroissiens
devaient contribuer, proportionnellement à leur fortune, au logement du clergé.
Le recteur dîmait à la 11ème gerbe sur la paroisse de Saint-Gouvry et y levait la
prémice ; mais à Rohan il n'avait que du casuel dont la valeur était presque
insignifiante. Malgré l'annexion, le titulaire n'était pas un riche bénéficier,
puisque la ferme de son temporel ne lui valait en 1614, que 61 boisseaux de
seigle et d'avoine dont moitié de chaque espèce de grains. En 1756 son revenu
net était évalué à 500 livres. Les recteurs continuèrent à faire leur résidence
à Saint-Gouvry jusqu'à la Révolution (Luco Pouillé, de l'ancien diocèse de
Vannes, p. 709 et suivantes).
Pour le ministère : baptêmes, mariages, enterrements, inhumations se faisaient dans les églises et cimetières respectifs de Rohan et de Saint-Gouvry. Le vicaire ou curé exerçait particulièrement son ministère à Rohan.
En quelle année eut lieu la réunion des deux paroisses ?
Au cours d'un long et interminable procès qui, au XVIIIème siècle, divisa Rohannais et Goveriens, l'avocat conseil des paroissiens de Rohan, L. Rablavaux, écrivait du château de Blain [Note : Château des Rohan qui subsiste en partie. Blain, chef-lieu de canton (Loire-Inférieure)], le 25 janvier 1754 : « On n'a pu trouver le titre d'union des deux paroisses, ni aux archives de la paroisse, ni en celles de Blain ».
Dans une délibération prise le 15 juin 1792 (Archives municipales de Rohan), la municipalité de Rohan signale le fait de la réunion en 1613. Où les municipaux du temps ont-ils puisé ce document ?
Nous croyons d'ailleurs leur assertion erronée. D'après M. Luco (Pouillé de l'ancien diocèse de Vannes, p. 710) l'annexion eut lieu en 1610.
Mais pourquoi cette annexion des deux paroisses ?
Leur exiguité et la modicité de leurs ressources en furent les deux causes vraies, l'occasion une question de dîmes et d'habitation, nous l'avons vu.
Les Rohannais virent d'un mauvais oeil, l'exode de leur recteur à Saint-Gouvry. Ils paraissaient la fraction moindre du troupeau, sans compter que la pratique religieuse leur devenait moins facile.
D'un autre côté, les circonstances de ce départ ne manquèrent pas de laisser un mauvais souvenir dans l'esprit du clergé paroissial, contre les bourgeois de Rohan. Par contre, les recteurs de Rohan-Saint-Gouvry, furent exposés à témoigner une sympathie plus grande aux Goveriens. Au reste, ceux-ci éprouvaient, dans le fond, un petit sentiment de vanité à posséder dans leur humble bourgade, le clergé de la paroisse conjointe.
Cet événement explique la lutte des clochers, que nous verrons bientôt entre les deux paroisses.
Rohan, comme toute communauté religieuse, avait un chef spirituel : son recteur, et un chef civil : les vicomtes de Rohan successifs, seigneurs dominants du lieu.
Le recteur était aidé dans son ministère, comme aujourd'hui, par un vicaire ; dans son administration, par deux marguilliers ou trésoriers de la fabrique, fonctionnant chacun, à sa semaine. Enfin, pour seconder les représentants du pouvoir religieux et civil : un certain nombre de notables appelés « Général », corps ainsi nommé parce qu'il représentait la généralité des habitants.
Bien que distinctes, ces deux autorités étaient, dans leurs réunions, mêlées et confondues pour une bonne fin et le plus grand bien de la communauté. Leurs actes ou gestion relevaient de la cour seigneuriale de Rohan et de la cour religieuse de l'Evêque de Vannes.
Seulement, au début, les attributions des notables et leur nombre n'étaient pas absolument définis. Dans certaines assemblées prônales, où ils venaient à l'église, discuter des questions religieuses ou au moins mixtes, intéressant la paroisse : restauration, agrandissement d'une église, droit d'enfeu, création de cimetière, le nombre des notables varie entre 15 et 60. Ils forment la meilleure et plus saine partie de la paroisse. Pour l'examen des comptes de fabrique, devant la cour du seigneur et celle de l'évêque, il n'y a guère que 8 à 10 notables.
Le Parlement de Bretagne, par un arrêt de 1644, donna à chaque paroisse, un Général avec des règlements fixes. En somme, le Général était un corps de délibérants chargés de veiller à tous les intérêts communs des habitants. Ce conseil unique pour la paroisse, réunissait les attributions de nos conseils de fabrique (aujourd'hui conseils paroissiaux) et de nos conseils municipaux. Secondairement, ils étaient destinés à contrebalancer l'influence qui pouvait être trop prépondérante, des chefs de la paroisse : recteur ou seigneur. Douze délibérants, voilà la composition essentielle du Général (le nombre des conseillers municipaux actuels de Rohan). Le Général est convoqué par le premier trésorier de la fabrique, averti au prône de la grand'messe, le dimanche précédent, pour tenir séance, à une heure déterminée.
A ses délibérations assistent les deux trésoriers de la fabrique, le chef de la juridiction seigneuriale : sénéchal, alloué, lieutenant. Il préside l'assemblée. A ses côtés, siègent le recteur et le procureur fiscal intendant ou percepteur du seigneur, soit en tout 17 membres.
Nous allons voir le Général de Rohan aux prises avec les plus graves difficultés.
Le 18 décembre 1706 (Archives municipales de Rohan), missire Alexis-Joseph Le Belliguet prenait possession des paroisses de Rohan-Saint-Gouvry. Il succédait à François Le Bigot résignataire en sa faveur. A son arrivée, le pasteur invite ses ouailles à faire au presbytère de Saint-Gouvry des réparations. Elles lui semblaient urgentes. Les Goveriens acceptèrent d'en payer leur part. Il n'en fut pas de même de leurs voisins les Rohannais. Malgré plusieurs avertissements du trésorier Jean Lécuyer, le Général de Rohan faisait la sourde oreille. Ce que voyant et pour leur forcer la main, le recteur poursuit devant le Présidial de Vannes, les représentants de sa paroisse de Rohan. Il leur demande 100 livres par an, pour indemnité de logement, depuis sa prise de possession, jusqu'à ce que soient achevées les réparations.
Les prévenus refusent l'indemnité. Assemblé le 23 octobre 1707, le Général de Rohan institue Me. Jean Racoët son procureur et Me. le Gril son avocat. A ses deux mandataires il indique leurs moyens de défense : ils soutiendront qu'en droit, les Rohannais ne sont pas tenus aux réparations du presbytère ; Leur recteur, selon eux, fait à ses paroissiens une chicane de mauvais aloi. En effet, disent-ils, le sieur le Belliguet en qualité de résignataire de M. le Bigot, est entré dans ses droits et charges. Il devrait lui-même se contenter du presbytère, dans l'état où il l'a trouvé, lors de sa prise de possession. Son prédécesseur l'avait bien accepté moyennant 70 livres de réparation. Pourquoi pas lui ?
Au surplus, M. le Bigot lui a laissé tous ses meubles et son foin, logés actuellement à la maison presbytérale, avec les grains variés des adjudicataires de ses dîmes : le tout a été déposé là par les ordres de M. le Belliguet. Celui-ci s'est saisi des clés du presbytère, dès le moment de sa prise de possession canonique. Il est donc mal fondé à demander une autre maison. Si toutefois la justice lui l'accorde (ce que le Général n'espère pas), les juges auront égard à la modicité du bénéfice et au faible revenu que produisent les habitations de Rohan ; les plus considérables ne rapportent pas plus de 40 livres de rente annuelle.
En outre le Général fil choix d'un procureur de la paroisse, habile dans l'art de la chicane : Maître le Mouel. Les Rohannais lui tracent sa ligne de conduite : « il se gouvernera par les avis de l'avocat et du procureur au Présidial, tiendra les paroissiens au courant de ses démarches, promettant d'avouer ce qu'il fera, sauf ses fautes personnelles ». Pour ses voyages utiles, il recevra 40 sols par jour. Il sera remboursé de ses frais, avances et mises, et cru sur son serment.
Le Général de Rohan dans ses réunions des 23 octobre et 17 novembre 1707, a bien soin de rappeler à ses trois ayant cause dans le procès : les deux procureurs et l'avocat qu'ils agiront en « tout sans déroger aux droits anciens et privilèges attribués au dit lieu de Rohan ».
Enfin, se sentant perdus, les Rohannais offrent de contribuer avec ceux de Saint-Gouvry aux travaux du presbytère. « Cette offre, disent-ils, est au-delà de l'équité. Mais ils la font pour éviter un procès, par bienveillance et pour s'acquérir l'amitié de leur pasteur ».
Cette dernière proposition mettait fin au litige. Les Rohannais durent payer leur quote-part des réparations ; ainsi ils rentrèrent en grâce avec leur recteur.
Pour lui bien marquer sa confiance, à quelque temps de là, le Général de Rohan chargeait M. le Belliguet de mettre à exécution certaines réparations jugées les plus nécessaires à l'église de Saint-Gobrien. De ce choix les citadins n'eurent qu'à se féliciter, puisqu'au jour de l'examen des comptes, 4 mars 1708, le Pasteur versa de sa poche dans la caisse de la fabrique 14 livres.
(P. Martin).
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