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L'ANCIENNE EGLISE SAINT-YVES DES BRETONS A ROME

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HISTOIRE ET DESCRIPTION

Tout pèlerin breton qui visite les innombrables sanctuaires de Rome doit se rendre à l'église de Saint-Yves. Il est vrai que ce modeste édifice offre peu d'intérêt au point de vue de l'art, surtout à Rome où abondent les merveilles ; mais les souvenirs de notre vieille province sont encore si vivants dans cette petite église, que nul d'entre nous ne doit les dédaigner. Aussi le premier soin d'un Breton, après avoir visité les tombeaux des saints Apôtres, doit-il être de se diriger vers le vénérable sanctuaire qu'éleva dans la capitale du monde chrétien notre catholique et généreuse nation.

L'ancienne église Saint-Yves-des-Bretons à Rome.

Situé dans le beau quartier de la Ripetta, Saint-Yves-des-Bretons est aujourd'hui tellement entouré de constructions modernes, qu'il faut une attention particulière pour distinguer, au milieu des boutiques de la rue de la Scrôfa, les deux portes de l'église. Ces portes, d'ailleurs, restent maintenant fermées tout le jour ; à peine peut-on pénétrer dans le temple lorsque, chaque matin, l'on y célèbre solitairement une unique messe. Aussi, à demi-ruinée et presque abandonnée par le clergé français, notre antique église inspire-t-elle une véritable tristesse, et les Bretons assez heureux pour y venir prier aujourd'hui craignent, — pourquoi ne pas l'avouer — de ne plus la retrouver debout, si plus tard Dieu leur permet de revoir la Ville-Éternelle.

Il est donc grand, temps d'étudier ce monument que menace une ruine imminente. J'espère que les lecteurs, le comprenant comme moi, accueilleront avec indulgence la notice qu'à mon retour d'Italie, je consacre à notre ancienne église nationale à Rome.

A l'aide des documents recueillis par M. Ropartz [Note : Histoire de saint Yves, chap. VII] et par M. Delabigne-Villeneuve [Note : Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonne, II, p. 122 et suiv.], je raconterai d'abord l'histoire de Saint-Yves-des-Bretons ; j'essaierai ensuite d'utiliser mais propres notes, pour décrire ce sanctuaire et pour faire connaître toutes les sépultures bretonnes qu'on y découvre encore.

I

C'est en 1348 que le pape Clément VI canonisa solennellement saint Yves. A partir de cette époque, le culte de l'illustre Trégorois se répandit avec une rapidité extrême hors de la province qui l'avait vu naître. On était alors à une époque triste, mais glorieuse pour la Bretagne : la guerre de la Succession désolait nos campagnes, mais nous formions une véritable nation gouvernée par des souverains indépendants, dont les ambassadeurs occupaient un rang distingué à la cour des rois chrétiens. De tout temps, l'esprit religieux, — dont s'honora toujours la vieille race celtique, — avait poussé vers le tombeau des saints Apôtres de nombreux pèlerins bretons ; dès les premiers siècles de notre histoire, nous voyons nos saints, nos évêques et nos princes entreprendre, malgré mille dangers, le voyage de Rome [Note : « Le voyage de Rome, dit Dom Lobineau, était regardé par les Bretons comme l'œuvre la plus méritoire, et il n'y avait point de péché qu'ils ne crussent pouvoir effacer par un pèlerinage ». Et ailleurs : « Avant les Croisades, le voyage de Rome était en grande vogue, les plus grands seigneurs le faisaient par dévotion. » (Hist. de Bretagne, p. 73 et 111). Saint Gilduin, saint Jean de la Grille et, avant eux, saint Méen, saint Tugdual, saint Modéran, etc., firent ce voyage]. S'il en était ainsi au temps où se formait la nation bretonne, on comprend sans peine combien plus nombreux devinrent ces pèlerins, lorsque le gouvernement ducal fut établi sur des bases définitives. Aussi dès la fin du XIVème siècle peut-être, à coup sûr dès le commencement du XVème, la foule des pèlerins accourus du fond de la Bretagne à Rome attira l'attention des souverains pontifes. A ce propos, on ne saurait trop admirer avec quelle tendresse vraiment maternelle l'Église vient partout en aide aux pauvres voyageurs. Au moyen âge surtout, les routes étaient bien difficiles, et il fallait un grand courage pour aller des bourgades de la Cornouaille et du Léon à la capitale de la chrétienté ; mais à Rome, — comme, au reste, dans toutes les villes fréquentées par de nombreux étrangers, — les pèlerins trouvaient dans les hospices cet accueil bienveillant et fraternel que produit la charité évangélique.

Forte de la protection des papes, la nation bretonne fonda donc à Rome pour ses pauvres pèlerins un hospice sous le vocable de Saint-Yves (1411). Il convenait, en effet, que celui qui changea en hôpital son manoir de Kermartin devint le protecteur de ses compatriotes attirés et retenus à Rome par leur piété ou par leurs affaires. Des dotations successives enrichirent bientôt l'humble établissement dirigé par une communauté ou collège de huit chapelains, à la tête desquels on plaça un recteur.

Tout près du nouvel hospice breton, s'élevait une vieille église abandonnée, qui portait le nom du quartier où elle était située ; ce quartier s'appelait la Scrôfa, c'est-à-dire quartier de la Truie, parce qu'on y voyait une fontaine où était représenté cet animal. Ce fut cette église que les Bretons demandèrent humblement au pape, pour l'adjoindre à leur hôpital. Le Souverain Pontife accueillit volontiers cette requête et leur concéda le sanctuaire de la Scrôfa, à la charge de le restaurer; ce que l'on s'empressa de faire.

Les choses étaient en cet état, et les Bretons se réunissaient dans leur église, qu'ils avaient naturellement dédiée, comme leur hospice, à saint Yves, et ils y célébraient en commun l'office les dimanches et fêtes, lorsqu'une nouvelle faveur leur fut accordée par le pape, à la requête du cardinal Alain de Coëtivy.

Ce dernier, issu d'une illustre famille bretonne, archevêque d'Avignon, évêque de Dol et cardinal du titre de Sainte-Praxède, jouissait à Rome d'un très-grand crédit. L'oratoire de la Scrôfa ou de Saint-Yves dépendait alors de l'église paroissiale de Saint-Laurent in Lucina ; le cardinal pria le pape Calixte III de vouloir bien l'ériger en paroisse ; le Souverain Pontife y consentit en 1456 : « Dès lors la cure, la communauté et l'hôpital destiné aux pèlerins et aux pauvres prêtres bretons furent soumis à un seul et même gouvernement, et la Bretagne eut désormais à Rome son église et paroisse des Bretons ».

« Ce n'était pas, continue M. Delabigne-Villeneuve, un mince avantage, ni un privilège insignifiant. La nation bretonne se trouvait ainsi à Rome de niveau avec la nation française, qui seule y possédait, comme elle, une église avec titre de cure (Saint-Louis-des-Français). Les Allemands, les Espagnols, les Portugais y avaient bien, en effet, leurs églises, mais sans titre paroissial. Cet état de choses dura plus d'un siècle » [Note : Mélanges d'hist. et d'arch., p. 123].

En 1474, mourut à Rome le cardinal de Coëtivy ; il fut enterré dans son église de Sainte-Praxède, où se voit encore son tombeau ; mais les Bretons trouvèrent, bientôt après sa mort, un nouveau protecteur dans un autre de leurs compatriotes, revêtu, comme Alain de Coëtivy, de la pourpre romaine ; je veux parler du cardinal Robert Guibé, successivement évêque de Tréguier, de Rennes, de Nantes et de Vannes, et cardinal du titre de Sainte-Anastasie.

En l'année 1513, Léon X, qui venait de ceindre la tiare, à la prière de la duchesse-reine Anne de Bretagne, du cardinal Robert Guibé et de plusieurs prélats et ecclésiastiques bretons qui se trouvaient à sa cour, érigea dans l'église de Saint-Yves une confrérie de fidèles de tout sexe et de toute condition, qu'il enrichit des priviléges les plus étendus. Puis, « pour exciter à honorer convenablement le sanctuaire de Saint-Yves à Rome, concédé depuis longtemps à la nation bretonne par le Saint-Siège, et pour encourager à se montrer libéral et généreux pour l'ornementation et l'entretien de cette église, le même pape accorde une indulgence plénière à tous ceux qui la visiteront le jour de la fête du saint et qui =y déposeront leur aumône » [Note : ROPARTZ, Hist. de saint Yves. — Preuves de l'Hist. de Bretagne, par DOM LOBINEAU, col. 1575 et suiv.].

C'était alors les beaux jours de notre établissement breton à Rome. L'hôpital et la paroisse de Saint-Yves jouissaient d'un revenu annuel de sept mille écus romains, valant près de quarante mille livres en monnaie de France. Chaque année, la fête du glorieux enfant de la Bretagne, l'avocat des pauvres et des veuves, le bienheureux Yves Hélory, était célébrée avec une pompe auguste. Le collège des avocats consistoriaux se réunissait dans notre église pour assister à la messe et entendre un éloquent panégyrique du patron des gens de justice, prononcé en latin par quelque orateur célèbre. Les curieux, dit M. Ropartz, pourraient encore se procurer la rare collection de quelques-unes de ces harangues, imprimées à Rome. Mais, hélas ! la Bretagne cessa bientôt d'être une nation ; la bonne Duchesse avait en vain stipulé la conservation des priviléges antiques de la belle province qu'elle apportait en dot au roi de France. La reine Anne morte, son contrat de mariage devint aussi une lettre morte et sans valeur. A la sollicitation d'un cardinal peu soucieux des intérêts de la Bretagne, le roi Henri III demanda au pape Grégoire XIII et obtint de ce pontife, en 1583, la suppression du titre de paroisse concédé à l'église de Saint-Yves-des-Bretons et la réunion de ce bénéfice à Saint-Louis-des-Français. Cependant, gardien vigilant des droits accordés par ses prédécesseurs à leurs chers enfants les Bretons, Grégoire XIII, en consentant à l'union demandée par la France, statua que ces droits seraient réservés : « C'est-à-dire qu'il n'y aurait aucun changement dans le service de l'église de Saint-Yves et qu'il serait garanti aux Bretons, dans l'église, paroisse et hôpital de Saint-Louis-des-Français, la jouissance des mêmes priviléges dont ils étaient en possession avant l'union de Saint-Yves à Saint-Louis ».

Bien plus, il paraît même que cette suppression et cette réunion ne furent pas définitives et que le titre de Saint-Yves comme paroisse fut ultérieurement rétabli. Mais ce ne pouvait être pour longtemps, et au XVIIème siècle les Bretons en étaient réduits à plaider et à pétitionner auprès des Etats de Bretagne pour recouvrer leurs droits méconnus et pour rentrer en possession de leurs bénéfices envahis par d'autres provinciaux, Dauphinois, Languedociens, Gascons, Normands ou Parisiens. Les registres des Etats de Bretagne, tenus, en 1620, à Saint-Brieuc, contiennent à ce sujet de curieuses doléances, que nous croyons à propos de transcrire ici, quoique M. Ropartz les ait déjà publiées dans son excellente Histoire de saint Yves :

« Les gens des trois Estats du pays et duché de Bretagne délibérant sur ce que noble homme Jan de Bruc, sieur de la Grée, leur procureur syndic, a remontré que dans la ville de Rome il y a une église paroissiale soubz l'invocation de saint Yves, fondée et dotée de plus de 4 à 5,000 livres de revenu annuel par la piété des seigneurs, gentilshommes et particuliers de cette province et entre autres par deux cardinaux de l'illustre maison de Rohan [Note : C'est-à-dire des cardinaux alliés à la famille de Rohan, car cette illustre maison ne donna que plus tard des princes à l'Eglise romaine], laquelle église avait accoutumé de tous temps d'estre régie et desservie tant au spirituel qu'au temporel par des ecclésiastiques et séculiers de celle province ; — néanmoins depuis quelques années le cardinal Couintrel, pour lors dataire , aurait par sa seule autorité, et nonobstant les oppositions et protestations formées par ceux qui y estoient lors habituez, fait unir ladite église et son revenu à celle de Saint-Louis, soubz diverses conditions, entre autres que le recteur et prêtres qui seront destinéz pour la servir seront toujours Bretons naturels, et que dans la Congrégation de Saint-Louis il y aurait nécessairement deux Bretons pour défendre les intérêts de ladite église ; toutes lesquelles conditions n'ayant point été observées, serait advenu que ladite église aurait été mise soubz la charge de prêtres estrangers, Savoiars et autres, et en un mot à ceux qui se contentaient de moins, de manière que demeurant méprisée, le service divin réduit à une messe ou deux, et les prestres destinés pour les dire si mal qu'ils n'y pouvaient vivre, les Pères de la Congrégation de l'Oratoire [Note : La Congrégation de l'Oratoire, fondée par le cardinal de Bérulle, avait été approuvée en 1613 ; on a accusé ce cardinal d'avoir favorisé la ruine de Saint-Yves-des-Bretons] auraient de là pris sujet de demander ladite église comme abandonnée et l'eussent obtenue si quelques gentils-hommes de cette province, estant lors à Rome, ne s'y fussent opposés et depuis continué leurs oppositions en Conseil du Roy : qu'il serait donc à propos de prendre cette cause en main, qui est très importante à l'honneur et privilége de cette province, et supplier le Roy de trouver bon que les choses retournent à leur premier ordre et que le revenu destiné pour le service de ladite église de Saint-Yves ne soit employé ailleurs contre l'intention des fondateurs, et que les charges ecclésiastiques et autres de ladite église soient particulièrement affectées aux prêtres et séculiers de cette province, et pour y parvenir qu'il plaise à Sa Majesté d'en escrire à Sa Sainteté et donner charge à son ambassadeur à Rome d'y tenir la main ; suplier aussi Monseigneur le duc de Vendosme [Note : César de Bourbon, duc de Vendôme, gouverneur de Bretagne] d'en escrire particulièrement à Monsieur le marquis de Cœuvres à présent ambassadeur à Rome, attendu que s'il n'y est promptement pourveu, les Pères de l’Oratoire ou quelques autres, marchant sur leurs traces, emporteront par surprise, en quelque saison, ce qu'ils ont à présent manqué, ce qui ne peut arriver sans abolir entièrement le nom et la mémoire de notre nation dans cette grande et célèbre ville de Rome. — Ont lesdits Sieurs des Estats donné charge à leurs députés qu'ils nommeront pour aller en cour, de poursuivre cette affaire ainsi qu'ils aviseront et arrêté que Monseigneur le duc de Vendosme sera très-humblement suplié d'écrire à Monsieur le marquis de Cœuvres, ambassadeur pour le Roy à Rome, pour le prier de tenir la main à ce qu'il ne se passe aucune chose en cette affaire au préjudice des droits et de l'honneur de cette province. Fait en ladite assemblée, tenue en la grande salle de Saint-Brieuc, le 30 octobre 1620. Signé : ANDRÉ LE PORC DE LA PORTE, évesque de Saint-Brieuc » [Note : Etats de Bretagne, séance du 30 octobre 1620, Mgr l'Evêque de Saint-Brieuc présidant le clergé. — Histoire de saint Yves, p. 332, 333].

On ne sait quel droit fut fait en haut lieu à ces justes réclamations des Etats de Bretagne ; il est probable qu'elles eurent peu d'influence sur un état de choses abusif, mais en vigueur depuis de longues années ; en perdant leur nationalité, les Bretons avaient perdu tous leurs priviléges à Rome. En 1826, le pape Léon XII supprima définitivement le titre paroissial de Saint-Yves, et l'administration de Saint-Louis-des-Français absorbe désormais tous les revenus de la pieuse fondation du peuple breton. Comme Saint-Claude des Bourguignons, Saint-Nicolas des Lorrains et Saint-Denis-aux-Quatre-Fontaines, Saint-Yves des Bretons n'est plus qu'une succursale, dédaigneusement oubliée, de la grande église des Français.

L'entrée de l'ancienne église Saint-Yves-des-Bretons à Rome.

II

J'arrive maintenant à la description de notre vieux sanctuaire ; je serai franc, qu'on veuille bien me le pardonner, mais ce que je raconterai, je l'ai vu. « Cette pauvre église, écrivait il y a dix ans M. Ropartz, cette pauvre église, si vénérable à tant de titres, fait mal à voir. Un chapelain de je ne sais quelle nation y dit une messe solitaire chaque matin, et le soir, une congrégation inconnue y tient parfois ses assemblées. Les mosaïques, les lambris, les quatre autels, dédiés à saint Yves, à l'Annonciation, à la Sainte-Famille et à sainte Anne, gardent encore des traces de leur richesse déchue, mais tout l'édifice a l'aspect d'une ruine : on ne veut pas même, chose incroyable, la tenir à couvert et à l'abri de l'intempérie des saisons ! » [Note : Histoire de saint Yves, p. 335].

Depuis que ces lignes ont été écrites, je ne crois pas que le triste état de Saint-Yves des Bretons ait reçu de notables améliorations; tout au plus a-t-on restauré la couverture. Quant à l'intérieur, c'est en 1865 comme en 1856 le mémé abandon, la même pauvreté. J'ai déjà dit que cette église est continuellement fermée ; un prêtre corse y dit la messe chaque matin lorsqu'il se trouve à Rome ; en son absence un autre prêtre le remplace, mais seulement les dimanches et les fêtes. La désolation semble vraiment régner dans ses murs délabrés, que ne réjouit plus le chant des saints cantiques, et le cœur du pèlerin breton se serre de douleur à la vue d'une inévitable ruine. Et cependant, lorsque l'on entre à Saint-Yves par la porte principale, l'inscription suivante attire naturellement l'attention du voyageur :

DIVO IVONI TRECORENSI PAUPERUM ET
VIDUARUM ADVOCATO NATIO BRITANIÆ
ÆDEM HANC JAN. PRIDEM CONSECRATAM
RESTAURAVIT, ANNO 1568.

« L'an 1568, la nation de Bretagne a restauré ce temple, déjà consacré à saint Yves, de Tréguier, avocat des pauvres et des veuves ».

Cette même date de la restauration, ou plutôt de la reconstruction à peu près complète de l'église Saint-Yves des Bretons, se retrouve sur la porte latérale ouvrant dans la rue de la Scrôfa. On y lit, en effet :

SANCTI IVONIS PAUPERUM VIDUARUMQUE ADVOCATI
TEMPLUM INSTAURATUM ANNO DOMINI MDLXVIII.

« Temple de Saint-Yves, avocat des pauvres et des veuves, restauré l'an du Seigneur 1568 ».

C'est donc au milieu du XVIème siècle que l'église bretonne, remplaçant le vieux sanctuaire de la Scrôfa, fut reconstruite telle que nous la voyons maintenant. Elle forme un parallélogramme sans transepts, divisé en trois nefs par des arcades cintrées, qui reposent sur des colonnes monocylindriques. Trois autels occupent l'extrémité des nefs ; à leur gauche, et au midi, je crois, est une petite chapelle qui renferme un quatrième autel. Des débris de mosaïques apparaissent encore çà et là dans la grande nef et forment, avec les nombreuses pierres tombales dont nous allons bientôt parler, le pavé de l'église. De vieux tableaux couverts de poussière sont censés orner les autels ; il est difficile, je pense, de trouver une église à Rome aussi négligée. Au bas de la nef méridionale est une petite sacristie, aussi pauvrement meublée que tout le reste. Loin de se croire dans la Ville-Éternelle, si justement célèbre par la magnificence de ses édifices religieux, le voyageur breton peut se regarder, à Saint-Yves, comme le jouet d'un songe, qui pour quelques instants le ramène en Bretagne et le transporte tristement dans une des plus modestes et des moins propres églises du Morbihan ou de l'Ille-et-Vilaine.

Sur un des murs de ce pauvre édifice on lit une longue inscription, que je crois inutile de rapporter ici. C'est un bref du pape Paul V accordant l'indulgence de l'autel privilégié, en faveur des défunts, à l'autel principal de Saint-Yves-des-Bretons. Ce privilége porte la date du 29 octobre 1619.

On sait que depuis Henri IV les rois de France ont toujours regardé comme un honneur singulier d'appartenir au chapitre de la basilique de Saint-Jean-de-Latran, et maintenant encore on célèbre chaque année au mois de novembre une messe de Requiem pour le repos éternel des souverains français, chanoines d'honneur de l'église de Latran. Aussi n'est-il pas étonnant de trouver à Saint-Yves des Bretons l'inscription suivante, qu'on retrouve aussi à Saint-Louis-des-Français et à Saint-Claude-des-Bourguignons, et qui témoigne de l'affection des Souverains Pontifes pour les Fils aînés de l'Église :

QUICUMQUE ORAT PRO REGE FRANCIÆ
HABET DECEM DIES DE INDULGENTIA
A PAPA INNOCENTIO IV.
S. THO. IN SUPPLEMENTO, QU'ÆST. XXV.
ART. III. AD SECUNDUM.
ET IN IIII. SENTENTIARUM DIST. XX, QUÆST. I
ART. III. AD SECUNDUM.

 « Quiconque prie pour le roi de France gagne dix jours d'indulgence accordées par le pape Innocent IV ».
(Saint Thomas, au Supplément, question 25ème, article 3ème, paragraphe 2ème, — et au quatrième livre des Sentences, distinction 20ème, question 1re, article 3ème, paragraphe 2ème).

Mais non-seulement les Bretons s'intéressaient jadis à l'entretien de leur sanctuaire national à Rome ; il semble même que les Romains, remplis de dévotion envers saint Yves, professaient, alors une réelle affection pour cette église, si tristement abandonnée par eux de nos jours. C'est ainsi que plusieurs inscriptions nous font connaître les nombreuses fondations de messes faites à Saint-Yves par de pieuses familles romaines ; c'est ainsi encore que plusieurs nobles romains voulurent reposer aux pieds du saint avocat des pauvres et des veuves. Je serais trop long si j'entreprenais de relater les noms de tous les bienfaiteurs de notre église bretonne, mais je ne puis omettre — et c'est même mon principal but dans cette étude — je ne puis omettre les pèlerins bretons qui sont venus mourir à l'ombre du tombeau des saints Apôtres et dont les cendres reposent à Saint-Yves. Le sol de notre vieille église est presque complètement recouvert, de dalles funéraires ; recueillons avec respect ces derniers vestiges de la foi de nos ancêtres empreints sur la terre sacrée de Rome, et inscrivons ici avec amour les noms des fils de la Bretagne qui se lisent encore dans l'église à demi-ruinée, jadis une des gloires de notre religieux pays.

III

Parmi les Bretons qui dorment dans ce sanctuaire, il faut distinguer le cardinal Robert Guibé dont nous avons précédemment parlé. Né dans une échoppe d'un faubourg de Vitré, fils d'Adenet Guibé et d'Olive Landais, il dut à la faveur de son oncle, le trop célèbre trésorier Landais, les insignes honneurs dont il fut revêtu. Après la chute sanglante du favori de François II, Robert Guibé continua de jouir quelque temps des faveurs princières ; mais mettant son attachement au Souverain-Pontife au-dessus des ordres du roi de France, il fut disgracié par Louis XII et privé de tous ses bénéfices qui étaient très-considérables. Victime de son dévouement au Saint-Siège, le cardinal Guibé se retira à Rome et, après avoir été le plus riche bénéficier de France, il se vit réduit, pour vivre, aux secours qui lui étaient généreusement offerts par les cardinaux romains, Il mourut dans cette ville le 9 septembre 1513 et fut inhumé dans l'église de Saint-Yves-des-Bretons, qu'il avait toujours affectionnée, au temps de sa prospérité comme aux jours de sa disette. J'ai malheureusement cherché en vain quelques trace de sa sépulture ; peut-être son tombeau, placé dans une des murailles de L’antique église de la Scrôfa , a-t-il été détruit en 1568, lorsque l’on reconstruisit cet édifice ; maintenant du moins il n'en reste aucun vestige.

Les pierres tombales au contraire apparaissent encore assez nombreuses ; une grande partie appartient au XVème siècle ; nous allons les étudier en parcourant successivement les trois nefs de l'église.

Dans la grande nef on remarque les tombeaux d'Hervé Guirihec, de Jacques de Pencoëtdic, de Pierre Amecti et d'un anonyme du diocèse de Vannes.

Près de la grande porte repose sous une dalle à demi-effacée Hervé Guirihec ou Le Guirieuc, archidiacre de Cornouaille et doyen de la Guerche [Note : Le doyenné de la Guerche dépendait de l’archidiaconé du Désert dans le diocèse de Rennes et renfermait vingt-deux paroisses, plus la tréve de la Guerche, soumise à la paroisse de Rannée]. Il est représenté en demi-relief, couché et les mains jointes ; à ses côtés on voit son blason répété deux fois et portant : d'azur à une fasce d'or accompagnée de trois étoiles d'argent, deux en chef et une en pointe.

On lit autour du tombeau :

HIC JACET FAMOSUS VIR DOMINUS HERUS (HERVEUS?)
GUIRIHEC,
QUONDAM ARCHIDIACONUS ET CANONICUS ECCLESIE
CORISOPITENSIS
AC DECANUS GUERCHIE REDONENSIS DIŒCESIS ;
OBIIT ANNO MCCCCLXXI...... JULII

« Ci gît l'illustre messire Hervé Guirihec, jadis archidiacre et chanoine de l'église de Quimper, et doyen de la Guerche au diocèse de Rennes. Il mourut l'an 1471, au mois de juillet ».

Plus haut, dans la même nef, apparaît une figure également en demi-relief représentant un prélat, les mains croisées sur la poitrine, la tête sur un oreiller et les pieds sur un écusson. Les armoiries sont : de sable semé de billettes d'argent au lion de même brochant sur le tout ; l'inscription porte ces mots :

HIC REQUIESCIT FAMOSISSIMUS UTRIUSQUE JUTAS DOCTOR
REVERENDUS PATER DOMINOS JACOBUS DE PENCOETDIC
ELECTUS BRIOCENSIS ET SACRI PALATII APOSTOLICI CARDINALIS AUDITOR
QUI OBIIT DIE XXV MENSIS AUGUSTI ANNI DOMINI MCCCCLXII

« Ici repose l'illustrissime docteur en l'un et l'autre droit, Révérend Père en Dieu messire Jacques de Pencoëtdic, évêque élu de Saint-Brieuc et auditeur du sacré palais apostolique, cardinal, qui décéda le 25 août, l'an du Seigneur 1462 ».

Ce personnage joua un assez grand rôle à la cour des ducs de Bretagne pour mériter d'attirer notre attention. Jacques de Pencoëtdic, issu d'une noble famille bretonne appelée aussi de Penhoadic, fut envoyé en Écosse, avec Jean Hingant, par le duc Jean V, en 1442, pour y négocier le mariage de François de Bretagne, plus tard François Ier, avec Isabeau d'Écosse. On sait que les ambassadeurs bretons réussirent parfaitement et nous amenèrent une duchesse, sinon des plus spirituelles, du moins des plus vertueuses et des plus populaires qu'ait possédées le trône de Bretagne.

Après la, mort du duc Jean V, son successeur, François Ier, voulut reconnaître les bons offices de Jacques de Pencoëtdic, et aussitôt après son mariage et son couronnement, il le fit entrer dans son conseil où il figure en 1442 et 1445. Au premier jour de l'an de cette dernière année, nous apprenons même que François Ier fit cadeau à son conseiller d'une coupe d'argent, du poids de trois marcs, pour étrennes.

Le duc Pierre II, successeur de ce prince, continua de protéger Jacques de Pencoëtdic. Jean L'Epervier, évêque de Saint-Brieuc, ayant été transféré de ce siège à celui de Saint-Malo, Pierre II nomma son favori évêque de Saint-Brieuc. Mais le chapitre de ce diocèse venait d'élire, le 29 août 1450, Jean Prigent ; ce dernier prélat fut donc seul sacré, et il gouverna l'Eglise briochine jusqu'à sa mort, arrivée en 1471. Cela n'empêcha pas Jacques de Pencoëtdic de prendre le titre d'évêque-nommé de Saint-Brieuc ; c'est en cette qualité qu'il assista, le 3 novembre 1450, à l'entrevue du roi de France et du duc de Bretagne à Montbazon. Bien plus, lorsque les États de Bretagne se tinrent à Vannes l'année suivante, on vit paraître « messire Rolland de Penhoadic, comme procureur de messire Jacques de Penhoadic, se disant évêque de Saint-Brieuc, qui dit s'opposer, et de fait s'opposa à ce que messire Jehan Prigent (comme évêque de Saint-Brieuc) ne pouvait, ne devait tenir lieu en ce présent parlement au préjudice dudit messire Jacques de Penhoadic prétendant audit évêché, protestant, etc. ». Malgré toutes ces prétentions, Jacques de Pencoëtdic ne mourut pas évêque, il vint à Rome et dut s'y contenter de la charge, importante du reste, d'auditeur de Rote. Il mourut dans cette ville le 25 août 1462, conservant encore, comme nous venons de le voir dans son épitaphe, le titre d'évêque élu de Saint-Brieuc [Note : Sur Jacques de Pencoëtdic, v. Hist. de Bretagne, de dom Morice, Preuves II, col. 1372, 1385, 1396 et 1570. — V. aussi la Gallia Christiana].

A côté de Jacques de Pencoëtdic repose un chanoine de Rennes, nommé Pierre Amecti, et avec lui dorment son frère Gabriel et son neveu Julien. Le nom italien de ce personnage et son sépulcre de famille indiquent peut-être un romain bienfaiteur de Saint-Yves-des-Bretons jouissant, à ce dernier titre, d'un canonicat dans notre province. Quoi qu'il en soit, il est représenté en demi-relief, comme les précédents défunts, revêtu de son costume ecclésiastique et les mains jointes. On lit autour de la tombe :

+ HIC DOMINUS PETRUS AMECTI CANONICUS REDONENSIS,
SEDIS APOSTOLICE NOTARIUS, BREVIUMQUE SCRIPTOR,
JURIS UTRIUSQUE PERITUS,
UNA CUM GABRIELE FRATRE AC JULIANO NEPOTE SITUS EST,
VIXIT ANNOS LV, OBIIT PRIDIE KALENDAS AUGUSTI, MDX

« Ici repose, avec son frère Gabriel et son neveu Julien, messire Pierre Amecti, chanoine de Rennes, protonotaire du Saint-Siège apostolique, secrétaire des Brefs, versé dans l'un et l'autre droit ; il vécut 55 ans et mourut la veille des calendes d'août, 1510 ».

Enfin, au haut de la nef et près du maître-autel est une petite dalle très-simple et usée par le frottement des pieds ; malgré la meilleure volonté , il est impossible maintenant de lire le nom du prêtre qui repose en ce lieu ; tout ce que l'on peut voir c'est qu'il appartenait au diocèse de Vannes. Voici, en effet, ce qui reste de l'inscription :

MAGISTER ....... VENETENSIS DIECESIS
…… OBIIT ANNO DOMINI MCCCCLXII, DIE XV SEPTEMBRIS.
ORATE DEUM PRO DEFUNCTIS

« Messire.... du diocèse de Vannes.... décéda le 25 septembre, l'an du Seigneur 1462. Priez Dieu pour les trépassés ».

Nous entrons maintenant dans la nef septentrionale qui renferme les tombeaux de Jacques Evain, Pierre Maheo, Jean Channe et Pierre Ragot.

Ces quatre personnages sont assez obscurs. Le premier, Pierre Evain, pouvait appartenir à une famille honorable qui habite le pays de Redon. Il était recteur de la paroisse de Saint-Congar, non loin de là ; mais nous ignorons comment cet humble prêtre du diocèse de Vannes vint mourir à Rome. Nous en sommes réduit à remarquer le bel éloge que contient son épitaphe, composée dans le style caractéristique de la Renaissance. Cette épitaphe est, en outre, assez singulièrement gravée dans une espèce de banderolle qui fait deux fois le tour d'un cercle inscrit dans un carré, forme de la pierre tombale. Au centre, un calice est représenté avec ces mots :

DEO OPTIMO, MAXIMA

A Dieu très-bon et très-grand.

Sur le premier rang de la banderolle on lit :

DOMINI JACOBI EVAIN
RECTORIS SANCTI CONGARI VENETENSIS DIECESIS
LITIUM ET DISCORDIARUM SEDATORIS VIGILANTIS
LACRIMABILE DEPOSITUM : QUI SUA.

Le second cercle continue :

SORTE, PRÆTER MORTALIUM MORES, CONTENTUS,
PATRIOS LARES REPETENS AB HAC MIGRAVIT MISERIA
III KALENDARUM AUGUSTI, MDXXIX

« Tombeau digne d'être arrosé de larmes de messire Jacques Evain, recteur de Saint-Congar, au diocèse de Vannes ; toujours prêt à apaiser les querelles et les procès, content de sa position, chose rare parmi les hommes, se préparant à regagner sa patrie, il quitta cette misérable terre le 3ème jour des calendes d'août 1529 ».

Le chanoine de Vannes Pierre Mahéo nous est aussi complètement inconnu que Jacques Evain ; il semble toutefois qu'il était employé au service de l'église de Saint-Yves-des-Bretons, car son épitaphe est ainsi conçue :

DEO OPTIMO, MAXIMO.
HIC JACET PETRUS MAHEO
CLERICUS ET CANONICUS VENETENSIS :
DUM VIVERET CUJUS ECCLESIE MINISTER.
PARCAT ILLI DEUS. AMEN.
OBIIT DIE SEPTIMA DECEMBRIS, MDLXXVI.

« A Dieu très-bon et très-grand. Ci-gît Pierre Mahéo, clerc et chanoine de Vannes, en son vivant ministre de cette église. Que Dieu lui pardonne ! Amen. Il mourut le 7ème jour de décembre 1576 ».

Nous avons déjà rencontré dans Pierre Amecti un secrétaire du Sacré Palais appartenant à l'Église de Rennes ; en voici un second du même diocèse : c'est Jean Channe [Note : M. Ropartz a lu : Joanni Charmée], dont la pierre tombale offre deux inscriptions séparées au centre par des écussons. Le premier écu est d'hermines plein, c'est-à-dire de Bretagne ; les deux autres sont plus petits, et l'un, presque complètement effacé, n'offre plus qu'une violette (?) en chef, tandis que l'autre présente un aigle éploré chargé d'une barre brochant sur le tout. Dans l'état où se trouvent ces armoiries je renonce à les expliquer, mais leur destruction est d'autant plus regrettable que nous n'avons point de documents historiques sur le personnage qui nous occupe. Tout au plus son origine rennaise nous autorise-t-elle à rapprocher ce nom, Jean Channe, de ceux de Samson de Channe et de Robert de Channe qui figurent, en 1483, parmi les défenseurs de la ville de Fougères [Note : Dom Marice, Preuves, col. 429].

Voici, au reste, la première partie de l'inscription, au haut de la tombe :

JOHANNI CHANNE E DIŒCESI REDONENSI
SACRI PALATII APOSTOLICI SCRIBÆ
FIDE ET INTEGRITATE INSIGNI

« A Jean Channe, du diocèse de Rennes, secrétaire du Sacré Palais Apostolique et illustre par sa foi et son intégrité ».

On lit ensuite, au-dessous des armoiries du défunt :

VIXIT ANNOS XXXIII, MENSES VI, DIES VIIII ;
OBIIT, ANNO JUBILEI MD,
QUINTO NONAS QUINTILES

« Il vécut 33 ans, 6 mois, 9 jours, et décéda le 5ème jour des Nones de juillet, l'an du Jubilé 1500 ».

Au pied de l'autel du collatéral septentrional, où nous nous trouvons toujours, une simple dalle couvre les restes d'un bienfaiteur de Saint-Yves-des-Bretons, prêtre du diocèse de Nantes. Ce monument, de chétive apparence, est le dernier gage d'une amitié fidèle, et nous aimons à associer de nouveau les noms, bien obscurs d'ailleurs, de Pierre Ragot et d'Antoine Bernard, deux amis bretons, qui visitèrent peut-être ensemble la Ville Éternelle, et dont l'affection réciproque nous apparaît encore après un siècle et demi. Voici l'épitaphe de ce tombeau :

DEO OPTIMO MAXIMO.
TANDEM
POST VITAM HANC IRREQUIETAM
REQUIESCIT SUS HOC LAPIDE
PETRUS RAGOT
SACERDOS DIŒCESIS NANNETENSIS
HUJUS ECCLESIÆ BENEFACTOR
DIEN DOMINI TRANQUILLE EXPECTANS ;
OBIIT POSTRIDIE IDUS AUGUSTAS
MDCCXIV. ÆTATIS ANNO SEXAGESIMO NONO.
ANTONIUS BERNARD AMICO
POSUIT

« A Dieu très-bon et très-grand. Enfin, après cette vie pleine d'agitations, repose sous ce monument Pierre Ragot, prêtre du diocèse de Nantes, bienfaiteur de cette église, attendant tranquillement, le jour du Seigneur. Il mourut, âgé de 69 ans, le lendemain des Ides d'août 1714. Antoine Bernard éleva ce tombeau à la mémoire de son ami ».

La nef méridionale qu'il nous reste à parcourir ne renferme que deux tombeaux bretons ; ce sont ceux de Guillaume de Hautbois et d'Etienne Bronsaudi.

Au moyen âge la famille de Hautbois figurait avec distinction en Bretagne. Elle produisit Pierre de Hautbois, qui ratifia le traité de Guérande en 1381, et Charles de Hautbois, conseiller-clerc aux Grands Jours de Bretagne en 1495, puis évêque de Tournay en 1510, et enfin premier président aux Aides de Paris en 1513. Dans les guerres qu'entreprirent nos ducs parurent aussi plusieurs vaillants chevaliers de cette noble maison, qui donna enfin le jour à Guillaume de Hautbois, dont le tombeau est sous nos yeux.

Ce dernier personnage fut procureur en cour de Rome et ses lettres d'institution en cette qualité furent scellées à Nantes le 14 décembre 1457 [Note : Dom Morice, Preuves, II, col. 1714. — Nobiliaire de Bretagne, par M. de Courcy]. Il est simplement représenté au trait sur son tombeau, et sa figure est presque effacée. On distingue bien toutefois les deux écussons qui ornent la partie supérieure de la dalle et qui portent le blason des Hautbois : d'azur à trois têtes de léopard d'or allumées et lampassées de gueules. L'inscription, malheureusement mutilée, est ainsi conçue :

HIC JACET CORPUS NOBILIS DOMINI GUILLERMI DE ALTO NEMORE
CANTORIS ET CANONICI ECCLESIE ........
BENEFACTORIS HOSPITALIS BRITANNIE HUJUS LOCI,
CUJUS ANIMA REQUIESCAT IN PACE.
OBIIT ANNO DOMINI MCCCCLXIII, DIE XX OCTOBRIS

« Ci git le corps de noble messire Guillaume de Hautbois, chantre et chanoine de l'église de ......, bienfaiteur de cet hospice breton ; puisse son âme reposer en paix ! Il décéda le 20ème jour d'octobre, l'an du Seigneur 1463 ».

Enfin, le dernier tombeau est celui d'un prêtre de Bourg-des-Moutiers, paroisse voisine de Bourgneuf, dans le pays nantais. Un calice, accosté de deux chandeliers, orne seul cette pierre tombale où l'on lit ce qui suit :

HIC REQUIESCIT MAGISTER STEPHANUS BRONSAUDI
IN CURIA ROMANA CAUSABUM PROCURATOR
PRESBITER ECCLESIE DE BURGO MONASTERIORUM DIECESIS NANNETENSIS
CARNIS RESURECTIONEM ET EXTREMI JUDICII DIEM EXPECTANS
OBIIT ANNO DOMINI MCCCCLVIII, DIE VIII OCTOBRIS

« Ici repose maître Etienne Bronsaudi, procureur en cour de Rome, prêtre de l'église de Bourg-des-Moutiers, au diocèse de Nantes, attendant la résurrection de la chair et le jour du dernier jugement. Il mourut le 8 octobre, l'an du Seigneur 1458 ».

C'est ainsi que tous les diocèses de Bretagne, Rennes, Nantes, Quimper, Vannes et Saint-Brieuc, se trouvent représentés à Saint-Yves des Bretons ; il semble que chacun d'eux ait voulu avoir là son député, pour témoigner au sein de Rome du culte universel de toute l'Armorique pour le saint qui fut son honneur et sa gloire.

Quoique délaissée de mis jours, l'église Saint-Yves mérite donc un intérêt tout particulier, puisqu'elle est l’oeuvre de la foi du peuple breton et de la bienveillance des Souverains-Pontifes à notre égard. Aussi pensons-nous ne pouvoir mieux terminer cette notice qu'en nous associant de tout notre cœur au vœu si chrétien et si patriotique qu'émettait naguère M. Ropartz, lorsqu'il disait : « La Bretagne n'est même plus une province ; elle n'a même plus ses Etats pour protester contre l'indigne oubli où l'on laisse ce sanctuaire, qu'elle s'était plu à embellir, et que nos pères croyaient avoir assez richement doté pour qu'il survécût à notre nationalité et qu'il en rappelât éternellement l'énergie vivace. Mais la voix de nos évêques réunis en concile est assez haute pour être à la fois écoutée du trône et du Saint-Siége. C'est à eux que nous dénonçons le triste abandon de cette dévote église, et nous attendons, du prochain concile provincial, une résolution digne à la fois de la religion et du patriotisme de nos premiers pasteurs » [Note : Hist. de saint Yves, p. 336].

Si ce noble appel est plus tard entendu et si l'on restaure un jour Saint-Yves des Bretons, quel bonheur et quel honneur pour nous, pèlerins d'Armorique venus à Rome de si loin, de pouvoir honorer convenablement dans notre ancienne église nationale le glorieux avocat des pauvres et des veuves, le soutien du peuple breton !

(A. Guillotin de Corson).

L'église Saint-Yves-des-Bretons à Rome.

Note : L'ancienne église menaçant ruine, sa démolition est envisagée à la fin du XIXème siècle. L'église possédait jadis quatre autels : le maître-autel dédié à saint Yves et trois autres à la Vierge, sainte Anne et saint Joseph. L'actuelle église reconstruite entre 1875 et 1888 à l'emplacement de la précédente utilise une partie de la structure et des éléments de l'ancien édifice. Dès sa création l'église est devenue un important lieu d'inhumation. Saint-Louis-des-Français conserve des plaques funéraires provenant de l'ancienne église Saint-Yves-des-Bretons. Parmi ces pierres tombales celles de : - Jacques de Pentcoëdic, évêque nommé de Saint-Brieuc, 1462 ; - Jean Conan, de Rieux, licencié en droit, procureur des causes, 1462 ; - Étienne Bronsaud, de Moutiers, diocèse de Nantes, 1468 ; - Jean Channe, diocèse de Rennes, 1500 ; - Pierre Amecti, chanoine de Rennes, son frère et son neveu, 1510 ; - Jacques Évain, recteur de Saint-Congard, diocèse de Vannes, 1529 ; - Pierre Mahéo, chanoine de Vannes, 1576 ; - André Iachovski, Polonais, 1610 ; - Jean Martin Lucarello, 1606 ; - Giovanni Maria Lepori, 1693 ; - Pierre Ragot, chapelain de Saint-Yves, diocèse de Nantes, 1714.

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