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Vitraux ou verrières de l'église de Saint-Alban. |
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L'église actuelle de Saint-Alban a été reconstruite en majeure partie à la fin du XVIIème siècle. Elle conserve toutefois de l'édifice antérieur deux travées et son chevet plat du début du XIVème siècle [Note : La partie orientale de l'église de Saint Alban a été complètement restaurée en 1926 - 1927. Pendant ces travaux, la verrière a été déposée et parfaitement restaurée par les soins de MM Tournel, maîtres verriers parisiens réputés]. Celui-ci, percé d'une belle fenêtre rayonnante à quatre lancettes, est toujours décoré de sa verrière primitive, cachée malheureusement en grande partie par le retable du maître autel du fait, de l'exhaussement du sol primitif. Ce vitrail a beaucoup souffert au cours des siècles et a subi à diverses reprises plusieurs restaurations fort malencontreuses. Si l'on a refait avec beaucoup de soin au XIXème siècle les quatre panneaux supérieurs du jugement dernier qui orne le tympan, l'on a par contre, au XVIème siècle, comblé les vides subsistants alors par six panneaux de style Renaissance d'une facture des plus frustes. Aussi ces derniers contrastent-ils avec les quatorze panneaux anciens, qui, fort heureusement ont été conservés, sauf un, en excellent état.
Au premier abord, ceux-ci offrent tous les caractères du XIIIème siècle. Les scènes sont enfermées dans de petits médaillons de forme géométrique, tous semblables. Leur bordure est faite d'une bande noire ou rouge très foncé, perlée de jaune, et encadrée de deux lisières blanches, qui évitent la diffusion des couleurs les unes sur les autres et rendent très net le contour des médaillons. Il n'y a aucun ornement entre ceux-ci. Les bordures des lancettes, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, portent des cabochons et des feuilles stylisées du XIIIème siècle. Elles sont, pour les mêmes raisons, délimitées intérieurement les unes par une lisière blanche, les autres par un perlage.
Le dessin est simple et vigoureux. Le trait est noir au lieu d'être en grisaille bistre comme à Dol et à Saint Méen ; les figures sont incolores avec cheveux touchés de jaune d'argent, au lieu d’être teintées comme généralement [Note : Tandis que la grande verrière de Dol est totalement différente comme facture de celle de Saint-Alban, un Christ en Majesté, entouré des symboles des évangélistes et conservé dans le tympan de la seconde fenêtre du collatéral nord du choeur de cette cathédrale, présente au contraire certaines analogies, mais aussi plusieurs différences]. Les scènes sont très réalistes ; les personnages sont en petit nombre et leurs gestes, se détachent bien sur les fonds unis sans accessoires. Ils portent tous la cotte ou tunica du XIIIème siècle descendant jusqu'aux genoux, aucun n'est vêtu du jacque introduit en 1340.
Cependant, il est à remarquer que les armatures des lancettes sont des barres de fer horizontales n'épousant pas, comme au XIIIème, la forme des médaillons, et que les soldats, représentés sur l'arrestation de Jésus par exemple, portent la cervelière lacée sur le camail, toutes choses qui dénotent le début du XIVème siècle.
Mais, il est possible de dater la verrière avec plus de précision. Sur les bordures des lancettes, l'on trouve en effet alternativement des bannières aux armes pleine de Bretagne et d'autres aux armes de Castille, ce qui permet de certifier que le vitrail fut commandé entre le 27 novembre 1312, date de l'avènement du duc Jean III et le 24 juillet 1328, date du décès de la duchesse Isabelle de Castille [Note : L'on sait que Jean III avait épousé Isabelle de Castille en 1310, mais qu’il ne prit les hermines pleines qu'à son avènement au duché].
Examinons-le maintenant plus en détail en partant du bas et de gauche à droite ; et notons une fois pour toutes que toutes les scènes se détachent uniformément sur fond rouge.
Les quatre panneaux du bas renferment une mosaïque de verre faite lors de la dernière remise en plomb avec les débris impossibles à identifier ; l'on y voit plusieurs tête intéressantes.
Au second rang, premier et second médaillons : L'entrée à Jérusalem en deux panneaux.
Dans celui de gauche, Jésus, en manteau bleu, est monté sur une ânesse ; trois personnages, dont le premier vêtu de jaune, viennent à sa rencontre. Dans le panneau de droite, qui lui fait suite mais a été en grande partie refait, cinq personnages dont l'un en robe jaune et manteau bleu et un second en robe bleue et manteau violet. Quant aux trois autres, l'on aperçoit que leurs têtes.
Troisième médaillon : Le Lavement des pieds. Le Christ, en robe brune et manteau bleu.
Quatrième médaillon : La Cène. Le Christ dont la tête plus grosse que celle des autres personnages semble avoir été refaite, est en robe violette. A sa droite, saint Pierre, barbu, est vêtu d'une robe bleue ; à sa gauche, saint Jean, imberbe, est en robe verte et un autre apôtre en robe orange. Sur la table, un plat avec poisson coupé et deux pichets dont l'un à anse. De l'autre côté de la table, Judas, barbu, porte une robe rouge et un manteau bleu.
Au troisième rang, les cinquième et sixième médaillons représentent le Jardin des Oliviers. Sur le panneau gauche, les trois apôtres dorment. Au centre, saint Pierre porte un manteau bleu, à droite, saint Jean l'Evangéliste une robe brune et un manteau bleu. Sur le fond rouge, se détachent trois pousses vertes et une brune, figurant des arbres comme on les voit représentés sur les enluminures et les ivoires du XIIIème siècle.
Sur le panneau de droite, le Christ, revêtu d'une robe rouge et d'un manteau bleu est en prières, le fond est décoré d'un arbre vert semblable aux précédents.
Septième médaillon : Le baiser de Judas. Un soldat, vêtu de jaune, arrête le Christ en robe rouge et manteau bleu qu'embrasse Judas en blanc. Derrière le groupe, l'on voit un autre soldat, la tête couverte d'une cervelière lacée sur son camail et portant une masse à pointes.
Huitième médaillon : Le Christ devant le grand prêtre. Le Christ, en robe bleue et manteau rouge, est amené devant Anne par un soldat à tête bestiale vêtu d'une tunique jaune. Le grand prêtre, assis, porte une robe blanche et un manteau bleu.
Au quatrième rang, neuvième médaillon : Jésus est souffleté. Le Christ, en robe bleue et les mains liées, est assis. Ses yeux sont cachés par un bandeau, sa barbe et ses cheveux sont extrêmement abondants. Il est souffleté par deux bourreaux en surcots à manches bleus. Celui de gauche porte un chaperon.
Dixième médaillon : Le Christ devant Pilate. Le Christ, les mains liées, l'épaule droite nue et vêtu d'une robe violette refaite, est debout à gauche de la scène. Pilate, en manteau bleu et robe brodée d'or, un genou en terre, se lave les mains tandis qu'un serviteur en tunique jaune lui verse l'eau et tient une serviette. Pilate porte la barbe et est coiffé d'une calotte hemisphérique que dépassent ses cheveux bouclés.
Onzième médaillon : Jésus porte sa croix. Jésus, en robe blanche, porte sa croix jaune. Devant lui, Simon le Cyrénéen, en surcot bleu, chausses brunes et souliers jaunes, l'aide, tandis que, derrière, un bourreau, semblablement habillé, mais coiffé d'un bonnet juif de couleur brune, le pousse violemment.
Douzième médaillon : La descente de croix. Le Christ est porté dans les bras par Joseph d'Arimathie vêtu d'une tunique brune orangée et d'un manteau bleu. A gauche, saint Jean, en manteau brun, et à droite Nicodème, en manteau violet, soutiennent les bras du Sauveur. Le bras droit est en arc de cercle, comme souvent à cette époque, à Dol par exemple.
Au cinquième rang, treizième médaillon : La mise au tombeau. Le Christ est étendu dans son tombeau de pierre, qui paraît suspendu en l'air, soutenu seulement par la bordure du médaillon. A la tête du sarcophage, à droite, saint Jean en robe jaune ; au centre la Vierge, en manteau bleu, se penche vers son fils ; à gauche, Nicodème et Joseph d'Arimathie, en blanc et or. Devant le tombeau, la Madeleine éplorée, en robe brune et manteau bleu, ses cheveux d'or épars, tend ses mains vers le Christ.
Le dernier panneau subsistant du XIVème siècle est au sixième rang, dix-septième médaillon. Il représente les saintes femmes au tombeau. Le centre du médaillon est occupé par le sépulcre, représenté comme précédemment, mais posé sur des piliers. On aperçoit à la place du Christ les plis du linceul vide. A droite, l'ange, en robe blanche, apprend la résurrection aux saintes fummes. Celles-ci portent à la main leurs vases de parfum ; celle du milieu est vêtu d'un manteau bleu. Sous le tombeau, des soldats dorment, celui du premier plan porte un écu d'argent au chevron d'or.
Passons maintenant aux panneaux du XVIème siècle. Au cinquième rang le quatorzième panneau représente la Vierge de Pitié. La Vierge, en manteau bleu, porte sur ses genoux le corps du Christ, à gauche saint Jean, à droite la Madeleine.
Quinzième panneau : La descente aux limbes. Le Christ, nu sous son manteau rouge et tenant d'une main son oriflamme tend la main à un prophète tandis qu'Adam, déjà sorti, est à gauche du tableau. Un diable, à l'une des ouvertures de la forteresse, s'apprête à lancer une flèche, la porte de l'enfer est sous le pied du Christ ainsi que l'énorme serrure qui la verrouillait.
Seizième tableau : Noli me tangere. Dans un enclos, entouré de claies, le Christ en jardinier, vêtu d'une robe violette et coiffé d'un grand chapeau, apparaît à la Madeleine vêtue d'une robe rouge et d'un corsage bleu et or. Au centre un arbre porte sur une banderole la légende de la scène, mais le peintre verrier ne semble pas avoir compris la gravure qu'il copiait si l'on en juge par son libellé : NOLIMET. ANGERE.
Au sixième rang, le dix-huitième panneau représente la Crucifixion. Sur un ciel bleu se détache le Christ en Croix. Ses pieds portent presque sur la prairie verte qui s'étend au premier plan à gauche la Vierge en manteau bleu, à droite saint Jean en robe violette et manteau rouge. A l'arrière plan, Jérusalem.
Dix-neuvième panneau : La Résurrection. Le Christ sort glorieux du tombeau, vêtu d'un manteau rouge et brandissant son étendard rouge à croix blanche. Des soldats, en armures et tenant des hallebardes, dorment autour du sépulcre.
Vingtième panneau : L'Ascension. En haut, dans l'extrémité d'une gloire, l'on aperçoit le bas de la robe violette du Christ et ses pieds sanglants. Autour sont réunis la Vierge en bleu et les apôtres, dont l'un, au premier rang, est vêtu d'une robe or et d'un manteau rouge et un second d'un manteau vert et de chausses rouges.
Le tympan est orné d'un jugement dernier de bonne facture datant en majeure partie du XIXème siècle. Un curieux procès de préeminences entre les seigneurs de la Hunaudaie et ceux de Bienassis (Archives des Côtes-d'Armor, F. 68) prouve en effet qu'autrefois avaient été encastrés dans ce tympan des écussons ; et qu'un seigneur de Bienassis, avait acheté au seigneur de Saint-Qué l'emplacement d'un écusson appartenant originairement à Raoul de Rochefort, sr. de la Rigourdaine et de Saint-Qué [Note : Les Rochefort, seigneurs de Rochefort, de la Rigourdaine en Plouër et de Saint-Qué en Saint-Alban portaient : d'or au chef endanché d'azur chargé de trois besants d'or. Rualen de Rochefort rendit aveu au duc en 1379 et ratifia le traité de Guérande en 1380. En 1445, le château de Rochefort était possédé par Briend fils de Jean de Rochefort et d'Olive de Quebriac. En 1540 alors en ruines, il était entre les mains de Charles de Beaumanoir, sr. de Beauchesne. La branche de la Rigourdaine, seigneurie dont les Rochefort avaient hérité par le mariage de J. de Rochefort avec Jeanne Labbé, s'éteignit en la personne de Jeanne de Rochefort, dame de la Rigourdaine, fille et héritière de Gilles et de Jeanne Loisel. Elle avait epousé Jehan Lambert dont plusieurs enfants]. Le même procès indique que les seigneurs de Montafilant étaient prééminenciers sous la seigneurie de Lamballe et avaient aussi leurs armes dans la maîtresse vitre de Saint-Alban. Mais, fait curieux, ce n'est pas sur cet écusson que les juges s'appuyèrent, comme généralement, pour prouver cette prééminence, d'ailleurs indiscutable par tous les aveux rendus à la seigneurie de Lamballe. Ils se référèrent à un acte du 9 juin 1469 indiquant que la mesure à blé de la seigneurie de Montafilant au Chemin Chaussé était déposée dans l'église de Saint-Alban « suivant l'usage ancien de garder les mesures des seigneuries dans les églises situées sous le proche fief de leur haute justice » [Note : Archives des Côtes d'Armor, F. 608 et F. 1831, loc. cit. C'est à cette cause que l'on doit de rencontrer dans plusieurs églises bretonnes d'anciennes mesures à blé, souvent transformées en bénitiers, à Tressaint et à Brélévenez par exemple].
Revenons à la verrière de Saint-Alban. A quel atelier l'attribuer ? Nous n'avons pu le déterminer. Tandis qu'en effet la bordure est nettement inspirée de l'école parisienne de la seconde moitié du XIIIème, l'on est frappé, si l'on examine les cartons des panneaux, des profils juifs très accentués des divers personnages et des têtes caricaturales non seulement des bourreaux et de Judas, mais encore d'autres acteurs tels que celles de Simon le Cyrénéen ou du soldat arrêtant le Christ au Jardin des Oliviers, allure caricaturale que l'on ne rencontre pas chez les enlumineurs parisiens. Au contraire, les profils grotesques offrent presque toujours une petite dépression en haut du nez que nous retrouvons dans les miniatures de Matthieu Paris de l'Abbaye de Saint Albans et dans divers manuscrits anglais de la fin du XIIIème, en particulier dans un groupe de manuscrits de l'apocalypse 64, et nul doute, à notre avis, que le verrier n'ait subi cette influence.
Quant aux six panneaux Renaissance, leurs cartons semblent provenir de Harlem et d'inspiration allemande. (Contribution à l'étude des anciennes verrières - Société d'Emulation des Côtes-d'Armor, 1935).
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