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CAHIER DE DOLÉANCES DE SAINT-GERMAIN-DU-PINEL EN 1789

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Subdélégation de Vitré. — Département d'Ille-et-Vilaine, arrondissement de Vitré, canton d'Argentré.
POPULATION. — En 1793, 961 habitants (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L).
CAPITATION. — Rôle de 1790 (Ibid., C 4066) ; 177 articles ; total, 796 l. 10 s. — Total en 1789, 958 l. 16 s. 8 d., se décomposant ainsi : capitation, 628 l. 3 s. 11 d. ; 21 d. p. l. de la capitation, 54 l. 19 s. 4 d. ; milice, 80 l. 4 s. 2 d. ; casernement, 194 l. 9 s. 3 d. ; frais de milice, 1 l. (Ibid., C 3981).
VINGTIÈMES. — 172 articles ; 1,293 l. 11 s. 11 d.
FOUAGES. — Fouages ordinaires et garnisons, 152 l. 8 s. 8 d. ; fouages extraordinaires, 220 l. 13 s. 8 d.
OGÉE. — 9 lieues à l'E.-S.-E. de Rennes ; 3 lieues de Vitré. — 1.000 communiants. — Etangs du Bois-Halbran et du moulin de la Paluère ; au nord du bourg, le bois Pinel (environ 350 arpents) et la lande de Touchenault, qui le joint ; le reste du territoire est bien cultivé.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 3 avril, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence d'André-Joseph-Marie Mouëzy, sieur du Tertre, procureur fiscal de la juridiction du Pinel, en l'absence du sénéchal ; adjoint, Michel-Jean-Ollivier Mouëzy, greffier ordinaire de la juridiction. — Comparants : Bertrand-François Gravier (6,15) ; François Belloir ; André Geslin (5) ; Luc Renou (2,5) ; André Henri (4,10 ; 1 servante, 2,5) ; 0llivier Jeusset (5 ; 1 servante, 2,5) ; Léonard Dubois (4 ; 1 domestique, 2,5) ; Pierre Blatier (3 ; 1 servante, 2,5) ; Michel Rebin (3, 10 ; 2 domestiques, 4,10) ; Germain Charbonnier (4 ; 3 domestiques, 6,15) ; Gilles Aubert (4,10 ; 1 servante, 2,5) ; Etienne Besnier ([le père] 2,10 ; ou [le fils) 3 ; 1 servante 2,5) ; Pierre Daguet (3,10 ; 1 servante, 1) ; Michel Hamelot (4,10 ; 1 servante, 2,5) ; 0llivier Grégoire (3,10 ; 1 petit valet, 1 ; 1 servante 2,5) ; Jean Grégoire (3,10) ; Jean Haielesbœufs, syndic (3,5 ; 1 domestique, 2,10) ; François Perche (7 ; 1 domestique, 2,5) ; Jean Helbert (1,15) ; François Orhand, propriétaire (5,10 ; 1 servante, 2,5) ; Pierre Gravier (1,10) ; René Orhand, trésorier en charge (4,18; 1 servante, 2,5) ; Pierre Carie, trésorier en charge (5) ; Bertrand Gravier (6,15 ; 2 domestiques, 4,10) ; Jacques Ravary (2,15). — Députés : Bertrand Gravier ; François Perche ; René Orhand, trésorier.

 

Tableau des doléances des habitants de la paroisse de Saint-Germain-du-Pinel, évêché de Rennes, province de Bretagne.

ARTICLE PREMIER. — Considérant que les affaires féodales sont des affaires d'or pour les procureurs et la ruine du peuple qui ne peut en sortir ; que, pour le dénombrement, il faut payer l'archiviste, le rédacteur des aveux, le procureur qui fait les requêtes et met les pièces en ordre, le greffier qui les reçoit, le rapporteur, le commissaire blamateur, le tribunal qui conclut, le siège pour épices, le greffier pour son expédition ; (que serait-ce si nous parlions des droits royaux, tels que papier, parchemin, contrôle et sceaux, même les huissiers qui seraient fâchés d'être oubliés ?).

Considérant que les lois féodales sont un labyrinthe multiplié de procès interminables où l'on plaide sans terme et sans mesure pour un cens d'un obole, que de cet état contentieux sont nés la foule des procès et la cohorte innombrable de praticiens qui allument partout la discorde dont ils vivent, et qu'ainsi le temps, l'industrie et l'activité d'une partie de la Nation se consume à disputer et se débattre sur la liberté et la servitude, l'étendue et le genre de servitude des fonds que mille droits et coutumes asservissent ; que les lois peuvent se réduire aux seuls objets des conventions des partages, des limites et des successions, des contrats de vente et d'échange ;

Considérant enfin que l'assiette des impôts deviendrait plus facile, puisqu'il n'y aurait plus qu'une seule propriété ;

Nous demandons qu'il soit permis à chaque propriétaire de racheter les redevances sans nombre dont chaque fonds est grevé et qu'on s'occupe de ces grands objets dans l'assemblée générale.

ART. 2. — Considérant que les pigeons des fuies et les repaires des lapins sont le fléau de l'agriculture et moissonnent avant le laboureur, nous demandons leur suppression.

ART. 3. — La servitude des moulins étant onéreuse par l'éloignement des lieux, nous demandons la liberté du moulage (voir la note qui suit).

Note : M. de Gesvres, seigneur de la Robrie, possédait « deux moulins mal abreuvés et un moulin à vent », lui rapportant 300 l. (Rapport de la municipalité de Saint-Germain-du-Pinel, dans les Déclarations de 1790, Arch. d’Ille-et-Vilaine, série Q).

ART. 4. — Les riverains ayant leurs terres submergées par les rivières et les étangs dont on élève les chaussées et les digues impunément, nous demandons qu'on fixe, selon les lieux, le degré de hauteur d'eau.

ART. 5. — La corvée en nature arrache la majeure partie des cultivateurs à leurs travaux et n'est nullement supportée ni par le clergé, ni par la noblesse, qui presque seuls retirent l'avantage des grands chemins ; nous demandons qu'elle soit supprimée et remplacée par une imposition générale pour les trois ordres (voir la note qui suit).

Note : La tâche de Saint-Germain-du-Pinel était de 890 toises, sur la route de Vitré à La Guerche, et son centre se trouvait à une lieue du clocher de la paroisse (Ibid., C 4883).

ART. 6. — D'après ce principe, que la raison du plus fort est toujours la meilleure, il n'est pas étonnant que nous supportions inégalement les charges et eles impôts de notre province et même de l'Etat, puisque nous manquons de représentants pour faire valoir nos droits ; c'est pourquoi nous demandons que, dans les assemblées de notre province et dans les assemblées même nationales, on vote par voix et non par ordre et que nous égalions en nombre les deux autres ordres privilégiés.

ART. 7. — Comme la France n'a jamais manqué de défenseurs et comme la milice qui ne tombe ordinairement que sur les agriculteurs, classe la plus utile, tandis que des membres inutiles, pour ne pas dire nuisibles, tels que les laquais ou autres domestiques nourris et entretenus par l'indolence et le luxe [Note : La rédaction de cet article est tout à fait incorrecte ; nous la reproduisons intégralement], nous réclamons contre le tirage au sort (voir la note qui suit).

Note : De 1781 à 1786, Saint-Germain-du-Pinel a fourni 3 miliciens : 1 en 1783, 1784 et 1785. En 1786, sur 45 jeunes gens qui se sont présentés au tirage, 22 ont été ajournés ou exemptés (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4704).

ART. 8. — Comme chaque province ne donne pas les mêmes productions et comme chacune a besoin des secours de l'autre, nous demandons liberté de commerce entre elles, et l'abolition des traites foraines.

ART. 9. — Nous croyons qu’il serait à propos d’établir dans chaque paroisse un tribunal composé de douze hommes, connus par leur probité et leur bonne conduite, pour connaître les affaires qui surviendront entre les particuliers et les juger en dernier ressort jusqu'à la concurrence de trente livres, sauf aux parties à s'adresser à un autre tribunal pour affaires de plus grande conséquence.

ART. 10. — Personne n'ignore que la vie et la fortune des citoyens ressortissent au Parlement ; il n'est pas juste qu'un seul ordre soit le juge des trois autres, la balance n'est pas légale ; nous demandons donc qu'il soit composé des trois ordres en nombre égal, et que chaque membre soit élu par voie de concours ou par son mérite personnel.

ART. 11. — La nature des fiefs chéants et levants est contraire à la population ; un propriétaire ne laisse que peu d'enfants, de peur de payer autant de truaux (voir la note qui suit) qu'il laisse d'héritiers.

Note : Le truau était une mesure de capacité, qui, d'après le Dictionnaire des Arts, de 1731, cité par le Dictionnaire de Trévoux, valait, « dans certains cantons », un boisseau et demi.

ART. 12. — Les riverains ne pouvant plus participer aux pacages, qui sont afféagés de toutes parts, nous demandons justice (voir la note qui suit).

Note : Dans leur délibération du 1er mai 1791, les officiers municipaux de Saint-Germain-du-Pinel déclarent regarder comme « perturbateurs du repos public » quiconque attaquera les propriétés des ci-devant seigneurs, et commettra « des dégâts sur les terres qui ont été afféagées… » (PARIS-JALLOBERT, Anciens registres paroissiaux, Saint-Germain-du-Pinel, pp. 17-18).

ART. 13. — Nous ne croyons pouvoir mieux terminer no réclamations qu'en sollicitant un revenu plus honnête pour les recteurs à portion congrue, qui seuls voient la misère dans tout son jour sans pouvoir soulager des malheureux don’t ils sont les pères (voir la note 1 qui suit) ; nous faisons même demande pour les vicaires et l'augmentation dont ils jouissent dans les autres provinces par libéralité du Roi (voir la note 2 qui suit).

Note 1 : La cure de Saint-Germain-du-Pinel était desservie par le recteur-prieur de Saint-Germain-du-Pinel, dépendant de l'abbaye de Notre-Dame de la Roë (diocèse d'Angers), En 1790, les revenus du recteur-prieur étaient évalués à 2.000 l., dont 1.700 l. provenant des dîmes (Déclarations de 1790, Arch. d'Ille-et-Vilaine. série Q, et GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. II, p. 721).

Note 2 : Le cahier fait allusion à la déclaration du 2 septembre 1786, dont les effets devaient s'étendre à tout le royaume ; elle fixait la portion congrue des curés à 700 livres, et celle des vicaires à 350 livres (ISAMBERT, t. XXVIII, pp. 232 et sqq.). Cette déclaration n’a été enregistrée au Parlement de Bretagne que le 2 mars 1789 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, Sie B) ; voy. le Héraut de la Nation, n° 34 (2 mars). pp. 534-535.

Suit le § 22 des Charges d'un bon citoyen de campagne.

[21 signatures, plus celle du président Mouëzy].

 

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DÉLIBÉRATION du 2 février 1789.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, L).

… Nous les délibérants composant le général assemblé, les propriétaires et autres habitants de la dite paroisse, assemblés dans la sacristie d'icelle, lieu ordinaire où se tiennent les délibérations ;

Considérant que le peuple des campagnes semble voué à la misère et à l'avilissement par des préjugés aussi funestes qu'anciens ;

Que la classe des laboureurs, estimable parce qu'elle est utile, mais méprisée parce qu'elle est pauvre et simple, ne participe pour ainsi dire qu'aux charges de la société ;

Qu'elle voit chaque année avec douleur, et sans oser même y mettre d'obstacles, ces sillons, encore fumants des sueurs dont elle vient de les arroser, en partie dessernés par une multitude de pigeons de fuie, dont le nombre illimité n'a de bornes que celles qu'il plaît à chaque seigneur de lui donner ;

Que ce qui est alors épargné par la satiété de ces oiseaux leur paye encore un nouveau tribut au temps de la maturité ;

Que ce dernier tribut est même d'autant plus onéreux dans ce pays qu'on est dans l'usage d'y semer beaucoup de sarrasins, espèce de grains dont la paille grasse et humide ne permet point de pouvoir l'engranger, et qu'on ne peut battre sans l'avoir laissé sécher dans les champs après l'avoir coupée ;

Que cette même classe, vexée par des droits contraires à l’équité naturelle et épuisée d'ailleurs par des subsides pécuniaires de toute espèce, est encore arrachée à ses travaux qui font sa seule ressource (et on peut le dire, celle de la patrie) pour aller pratiquer et entretenir sans aucuns dédommagements les grandes routes que l'opulence parcourt avec tant de commodités et dont elle retire le plus d'avantage, la plupart des laboureurs n'ayant aucun superflu à faire exporter et n'usant presque d'aucunes productions étrangères ;

Considérant encore que Sa Majesté n'a jamais manqué de soldats volontairement enrôlés pour la défense de l'Etat ;

Que pour cette raison l'usage d'en prendre d'autorité pour la composition des milices, cet usage qui porte le deuil et la désolation dans les familles malheureuses qui se voient privées de leur soutien, n'est d'aucune nécessité et, loin d'être avantageux à la patrie, lui est souvent nuisible, en ce que le sort désigne plusieurs sujets peu propres à la profession des armes, et qui cependant pourraient se rendre utiles dans celle qu'ils choisiraient volontairement ;

En effet l'emploi de chaque individu conformément à ses dispositions et à ses qualités physiques et morales n'est rien moins qu'indifférent à l'intérêt de la société, à laquelle bien des hommes ne deviennent inutiles et même nuisibles que parce qu'ils ne sont point à la place que la nature leur avait marquée ; ainsi tel, qui pourrait être un bon artisan, un bon laboureur, ne sera souvent qu'un mauvais soldat, et si cet inconvénient arrive encore même à l'égard de ceux qui s'enrôlent volontairement, combien doit-il être plus fréquent parmi ceux qu'on prend de force ;

Considérant enfin que le Tiers Etat n'a eu jusqu'ici qu'une ombre d'existence politique ;

Que c'est au défaut d'une influence suffisante dans ses assemblées nationales qu'il faut principalement attribuer son oppression ;

Que la masse générale des abus pesant sur toutes les classes de cette nombreuse partie de la nation, elles doivent toutes se réunir pour en solliciter le remède de la bonté ou plutôt de la justice du souverain ;

Que le temps n'a pu couvrir ces abus, parce que la justice et la vérité n'ont jamais cessé de réclamer contre eux ;

Que par conséquent une constitution par laquelle la répartition charges se fait en raison contraire de la participation aux avantages étant essentiellement abusive et vicieuse, nul laps de temps n’a pu la consacrer ;

Que cette prétendue constitution de la province peut d'autant moins être opposée au peuple des campagnes, qu'elle n'a jamais été consentie par lui, puisque, éloigné de tout concours à l’administration, il n'a jamais été appelé ni en aucuns représentants avoués de lui dans les assemblées nationales ;

Qu'un ne peut induire du silence qu'il avait gardé jusqu'ici aucun consentement tacite, parce que la crainte, la dépendance et l'abaissement dans lequel on s'est toujours efforcé de le retenir ont seuls étouffé sa voix ;

Que d'ailleurs on ne prescrit point contre les droits sacrés du peuple, parce qu'ils sont ceux de l'humanité qu'aucune possession contraire ne peut anéantir ;

Par toutes lesquelles considérations et plusieurs autres, nous avons arrêté de joindre nos réclamations à celles des municipalités, généraux de paroisses et autres corporations du Tiers Etat de Bretagne et d'adhérer sans réservations à leurs arrêtés, et notamment à ceux de la ville de Lorient en ce qui concerne le concours des habitants des campagnes aux élections des députés pour les assemblées des Etats (voir la note qui suit). Observant même que, personne ne pouvant mieux connaître nos ressources et nos besoins que nous-mêmes, il serait intéressant que, parmi ces députés, il y en eût un certain nombre choisis parmi les propriétaires notables demeurant en campagne. Au surplus l'assemblée a chargé les sieurs René Orhand et Pierre Caris, trésoriers en charge de cette paroisse, d'envoyer une copie de la présente délibération, certifiée conforme à l'original par le greffier, à Messieurs les députés du Tiers Etat aux Etats, les suppliant d'agréer ladite adhésion.

Note : Il s'agit de la délibération de la Communauté de la ville de Lorient, du 7 novembre 1788 (impr., 17 p., Cartons des Affaires de Bretagne, J1). Qui demande que, dans le cas où le Tiers Etat serait maintenu dans sa forme actuelle, « les députés de chaque ville, qui le composent, soient à l'avenir nommés dans une assemblée générale, à laquelle sera appelé non seulement un représentant de chaque profession, art et métier de ladite ville, mais aussi un représentant de chaque paroisse des campagnes voisines et lieux considérables par arrondissement ».

[Sur le registre, 29 signatures, dont celles de Bertrand Gravier et de René Orhand, trésorier].

(H. E. Sée).

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