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LE CULTE DE SAINT JACUT EN BRETAGNE. |
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Landoac après la mort de saint Jacut. — Miracles accomplis par son intercession. — Le culte qu'on lui rend. — Les invasions normandes et la translation des reliques de saint Jacut. — La liturgie de saint Jacut à la fin du Moyen-Age. — Les églises et les chapelles qui lui sont dédiées. — Le culte de saint Jacut à notre époque.
Il faut attendre que soit passée cette sombre période de l'histoire qui porte le nom « d'invasions normandes » pour trouver quelques documents sur l'abbaye de Saint-Jacut après la mort de son bienheureux fondateur. En effet, moins favorisé que quelques autres monastères bretons de cette époque, Saint-Jacut n'a rien conservé de ses anciennes archives ; durant plusieurs siècles, c'est la nuit complète sur son histoire. Tout ce que l'on sait de ce couvent avant l'an 1008, c'est que vers 818, Landoac, comme les autres abbayes de Bretagne, dut abandonner les vieilles constitutions scoto-celtiques qu'il observait depuis son origine et suivre la règle monastique de saint Benoît (Morice, Preuves, I. 228).
Cette réforme de Louis le Débonnaire mit, paraît-il, quelque temps à s'implanter dans notre pays ; mais elle fut à la longue universellement acceptée. Elle eut pour résultat d'unifier la vie monastique en Bretagne, en même temps qu'elle étendait à cette contrée la puissante influence religieuse et sociale du grand ordre bénédictin.
Mais si l'histoire durant un long temps ne nous apprend rien concernant l'antique moutier fondé par Jacut, ce n'est pas à dire que le culte de ce saint fût pour cela tombé en oubli. Le fidèle souvenir de ses pieux disciples nous a, au contraire, conservé avec soin la relation de plusieurs miracles qui s'opérèrent alors à Landoac, et furent dus à l'intercession du saint abbé dont nous écrivons la vie. Voici un bref résumé du récit du premier des trois prodiges que rapporte à ce propos l'auteur du manuscrit 5296.
« Il existait alors, aux environs de Landoac, un misérable affligé d'une déformation du visage si extraordinaire, en même temps que si affreuse, qu'elle le rendait un objet d'horreur pour tous ceux qui l'approchaient. Mais, chose plus déplorable pour cet homme, elle lui interdisait, pour ainsi dire, aussi bien l'usage des aliments que celui de la parole. Dans une extrémité si fâcheuse, ce malheureux ne crut rien faire de mieux que de venir en pèlerinage au tombeau de saint Jacut, dans l'espoir d'y trouver remède à sa repoussante infirmité.
Arrivé au monastère, on le laisse entrer dans l'église : et là, son coeur s'épanche dans d'ardentes prières, que ses lèvres, hélas ! ne pouvaient plus proférer [Note : Ms 5296, « quod verbis non poterat, lugubri mente postulabat »]. Autorisé même par spéciale faveur à passer la nuit dans le saint lieu, il ne se lassait point de s'en aller d'un autel à un autre, adressant tantôt ses prières à saint Jacut, et tantôt à saint Guethenoc [Note : L'auteur du Manuscrit 5296 parait supposer d'un bout à l'autre de sa relation que les reliques de saint Guethenoc reposaient dans l'église de Landoac, en même temps que celles de saint Jacut].
Comme il ne cessait d'implorer tour à tour la protection de chacun de ces bienheureux, voici qu'il lui semble entendre tout à coup une voix céleste au milieu du silence de la nuit : " Pourquoi courir ainsi d'un autel à l'autre et séparer dans tes supplications ceux qui ont été si parfaitement unis pendant leur vie ? Lève-toi, va te prosterner à égale distance entre nos deux autels et là, nous invoquant ensemble, demande-nous ce que tu voudras ". Le suppliant ne se fit pas répéter deux fois ce commandement venu du ciel, et son empressement et sa foi furent presque aussitôt récompensés par une guérison si parfaite qu'il ne paraissait plus la moindre trace de l'infirmité dont il avait tant souffert ».
D'ailleurs ce n'était pas seulement dans le soulagement des maladies que saint Jacut aimait à manifester à Landoac le crédit dont il jouissait dans le Ciel. Dans toutes les calamités qui pouvaient éprouver la contrée, on était sûr de trouver auprès de lui un secours assuré. « Que la sécheresse désolât la terre ou que des pluies torrentielles missent les moissons en péril ; que des épidémies décimassent les habitants ou que la mortalité dévastât les troupeaux ; en présence de l'inondation, comme devant les ravages de l'incendie, les moines de saint Jacut ne manquaient jamais de recourir à leur bienheureux Père, et jamais, nous dit l'auteur du manuscrit 5296, jusqu'à la funeste invasion des barbares de la Scandinavie, la protection de saint Jacut ne leur fit défaut ».
L'irruption de ces hordes cruelles devait mettre fin à cette ère de félicité. Vers la fin du IXème siècle et les commencements du Xème, les chefs northmans, qu'on nommait les rois de la mer, s'abattirent avec leurs troupes comme des oiseaux de proie sur notre Bretagne. Devant eux, les populations épouvantées s'enfuyaient en hâte, lorsqu'elles voyaient du haut des falaises les voiles de ces pirates blanchir à l'horizon. « La proue de leurs navires se dressait à une grande hauteur. Leur voile, tendue sur une forte vergue, était parfois teintée de pourpre. Au sommet du mât, une girouette dorée tournait au gré des vents. Une tente couvrait tout le navire. Le long des bordages étaient rangés les boucliers. Sur le vaisseau qui marchait en tête des autres se tenait le chef. Il avait les yeux bleus et vifs, le teint clair, sa chevelure était longue et jaune comme de l'or, il portait une casaque de soie et un casque doré, il tenait à la main une lance incrustée d'or » (Histoire Elémentaire de Bretagne par MM. du Cleuziou et de la Lande de Calan, page 20).
A peine débarqués, ces farouches pillards inondaient le pays de leurs bandes, brûlant, saccageant, détruisant sur leur passage ce qu'ils ne pouvaient emporter. Païens endurcis, ils exerçaient surtout leur ardeur dévastatrice contre les églises et les monastères, qu'ils ne manquaient pas de réduire en cendres, lorsqu'ils en trouvaient l'occasion. Aussi les moines de ce temps, qui craignaient moins pour leur vie que pour les précieuses reliques des corps saints dont ils avaient la garde, prirent-ils à peu près tous le parti de quitter la Bretagne alors à feu et à sang, et de s'en aller chercher un refuge vers des régions moins éprouvées. Ces exodes des corps de nos vieux saints s'échelonnèrent de 878 à 919 environ (Voir La Borderie, Histoire de Bretagne. Tome II. Chapitres XVème et XVIème). Nous ne savons, faute de documents, à quelle date placer le transfert des reliques de notre saint Jacut. Ce qui est certain, c'est que ses restes précieux furent transportés en France, enveloppés, dit-on, dans une peau de cerf. Mais dans le bouleversement des choses, on perdit le souvenir du lieu où ils trouvèrent asile, de sorte qu'une fois le fléau disparu, il fut impossible, aussi bien pour saint Jacut que pour bon nombre d'autres saints, de découvrir le lieu où l'on avait déposé leurs reliques.
La paroisse de Saint-Jacut-sur-Ars, dont nous parlerons plus loin, croit pourtant posséder depuis un temps immémorial des reliques de notre saint patron ... En tous cas, si ce lieu fut une des étapes que firent les moines de Landoac, lorsqu'ils transportèrent en des contrées plus sûres les reliques de leur fondateur, celles-ci ne durent pas longtemps demeurer entières en cet endroit (Note de D. Blayo, bénédictin à l'abbaye de Linciaux, Belgique). Les pirates ne tardèrent pas à visiter la riche abbaye de Redon, laquelle était voisine de Saint-Jacut-sur-Ars et, selon leur habitude, ces barbares mirent à feu et à sang tout le pays d'alentour.
Quoique privée des reliques de son patron, l'abbaye de Saint-Jacut [Note : Les auteurs des Anciens Evêchée de Bretagne, Tome III, Prolégo mènes, pages XXVI, signalent Saint-Jacut parmi les huit abbayes bretonnes rebâties après les invasions normandes] (c'est ainsi que nous l'appellerons désormais) ne fut cependant pas des dernières à se reconstituer lorsque fut passée la terrible tourmente qui semblait devoir tout emporter après elle. La preuve, c'est que l'an 1008, nous trouvons Hinguethen, son premier abbé dont le nom nous soit connu, chargé de reconstituer le monastère de Saint-Méen qui, [Note : La Borderie, Histoire de Bretagne, Tome III. page 159, croit que ce fut Hinguethen qui releva et réorganisa l'abbaye de Saint-Jacut. Ayant ensuite assumé le soin de relever l'abbaye de Gaël, il transporta le siège de cette maison en l'église de Saint-Méen, dont cette abbaye prit le nom. Havoïse, duchesse de Bretagne, après avoir visité les travaux d'Hinguethen, en fut si enchantée qu'elle constitua à la nouvelle abbaye de Saint-Méen un vaste domaine temporel qui comprit cinq à six paroisses] comme tant d'autres, avait été ruiné par les northmans. Cet abbé de Saint-Jacut a laissé dans l'histoire une grande réputation de mérite et plusieurs auteurs lui donnent le titre de saint. Nous ne doutons pas qu'il fit beaucoup pour restaurer et propager le culte du saint moine dont il renouvelait par sa conduite les exemples de vertus. Les successeurs d'Hinguethen ne durent pas non plus négliger ce soin pieux. Toujours est-il que de nombreux ouvrages liturgiques existant encore maintenant et qui tous font mention des offices de notre saint patron sont le meilleur garant du culte dont saint Jacut était l'objet en Bretagne, durant le Moyen-Age. Si aride que puisse paraître l'énumération de ces livres, nous allons cependant la donner ici, car c'est de la sorte que nous verrons le mieux les parties du sol breton, où la mémoire de notre saint Jacut était en honneur [Note : Beaucoup des renseignements de ce paragraphe nous ont été fournis par l'ouvrage de l'abbé Duine : Bréviaires et Missels Bretons, et par la grande Vie des Saints de Bretagne, de D. Lobineau. Nous ne prétendons point que la liste que nous donnons ici soit complête. Nous croyons au contraire qu'il serait possible avec des moyens d'investigation qui nous manquent de découvrir de nouveaux ouvrages liturgiques faisant mention de saint Jacut, peut-être même quelque office propre de ce saint datant du Moyen-Age].
Dom Lobinau a publié un calendrier manuscrit de l'abbaye de Saint-Méen, lequel suppose un bréviaire aujourd'hui perdu. Ce calendrier nous apprend que saint Jacut était fêté dans cette abbaye le 8 février de chaque année. L'office de notre saint comprenait douze leçons, toutes tirées du commun.
Les bénédictins de Solesmes, actuellement réfugiés à l'île de Wight, possèdent un bréviaire rarissime qui fut autrefois à l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes. Ce bréviaire imprimé en caractères gothiques et qui remonte à l'année 1526, fixe au III des nones de juillet, la fête de saint Jacut, abbé.
Enfin l'abbaye de Saint-Gildas-de-Rhuys, dans le diocèse de Vannes, célébrait saint Jacut au 8 février, sous le rit semi-double, et cela en raison d'une très ancienne association de prières conclues entre l'abbaye de Rhuys et celle de Saint-Jacut [Note : Renseignement fourni par M. le chanoine Le Mené (Archives presbytérales de Saint-Gildas-de-Rhuys)].
Disons aussi, durant que nous sommes au diocèse de Vannes, que le missel manuscrit de 1457, connu sous le nom de Missel du vice-chancelier Ynisan et maintenant déposé à la Bibliothèque Nationale, assigne à la Translatio sancti Jaciucti, abbatis, le III des nones de juillet, autrement dit le 5 de ce mois [Note : Nouvelles acquisitions. Latin N. 172, à la Bibliothèque Nationale].
Plusieurs missels et bréviaires attestent également le culte dont saint Jacut fut l'objet au cours du Moyen-Age dans tout le territoire de l'ancien diocèse de Saint-Malo.
Ainsi, un missel manuscrit du XVème siècle qui faisait naguère partie de la Bibliothèque du cardinal Saint-Marc, célébrait le 5 Juillet la Translation des saints confesseurs Jacut et Guéthenoc.
Un autre missel, celui-ci imprimé à la date de 1503, et maintenant déposé au British Museum, ne contient aucune messe propre de saint Jacut, mais lui accorde deux fêtes chaque année, l'une au 8 février, l'autre au 5 juillet [Note : Renseignement fourni par D. Gougaud, bénédictin à Farnborough Angleterre)].
Enfin un bréviaire imprimé en 1537 et qui se trouve aujourd'hui à la bibliothèque de la ville de Saint-Malo, fixe au 5 juillet la solennité de la Translation de saint Guéthenoc, frère de saint Jacut. Cet office est tout entier tiré du commun. Malheureusement nous ne pouvons savoir si saint Jacut était fêté le 8 février dans ce bréviaire, car cet ouvrage est incomplet.
Nous connaissons aussi deux anciens bréviaires qui témoignent du culte que l'on rendait à saint Jacut dans l'ancien diocèse de Saint-Brieuc. Le premier est un bréviaire gothique conservé à Nantes dans la Bibliothèque de M. le baron de Wismes. Il contenait trois leçons pour saint Jacut à la date du 5 juillet ; mais ce volume étant incomplet, seul le calendrier fait encore mention de cet office (Renseignement fourni par M. le baron Gaëtan de Wismes, bibliophile à Nantes).
Le second n'est autre que le bréviaire de Saint-Brieuc de 1548, cité par D. Lobineau et maintenant conservé à la Bibliothèque Nationale. Il assigne trois leçons au 5 juillet à saint Jacut, abbé, mais ces leçons ainsi que l'oraison sont toutes prises au commun.
Finalement un missel de Saint-Brieuc de la même époque, que l'on garde à la Bibliothèque du Mans (Renseignement fourni par M. le chanoine Mary, économe du Grand Séminaire du Mans) sous la cote « théologie, numéro 1786 », fait mention de saint Jacut dans son calendrier et fixe sa fête au 5 juillet. Nous ne savons pourquoi l'on ne trouve rien de ce saint à la date indiquée.
Ajoutons qu'à la fin du XVème siècle, saint Jacut était encore fêté dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Dol (Remarquons en passant que l'office dolois contient une hymne propre en l'honneur de saint Jacut).
Saint Jacut avait sans doute aussi son office propre dans l'abbaye qu'il avait fondée et qui portait son nom. C'est de deux bréviaires manuscrits et d'une vieille vie en vers français, encore existants à l'abbaye de saint Jacut, en 1649, que D. Noël Mars dit avoir tiré la notice qu'il écrivit à cette époque sur saint Jacut. D'autre part, nous avons retrouvé aux archives des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) un inventaire de la Bibliothèque de l'abbaye de saint Jacut dressé en 1790. Ce catalogue mentionne expressément plusieurs bréviaires et manuscrits en lettres gothiques. Que sont-ils devenus ? Sans doute qu'ils ont été eux aussi les victimes du vandalisme révolutionnaire, car le chanoine Fouëré-Macé signale bien dans ses notes sur la Révolution à Dinan (Le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire, tome I) que sept mannequins de livres et de papiers provenant de l'abbaye des Bénédictins de Saint-Jacut furent apportés [Note : Un de nos amis nous a signalé que bon nombre d'ouvrages se rapportant surtout à la littérature du XVIIIème siècle et provenant de l'abbaye bénédictine de Saint-Jacut furent transportés après la Révolution dans une famille du pays de Loudéac] à Dinan, le 3 septembre 1791. Mais on chercherait vainement ces ouvrages à l'heure actuelle à la Bibliothèque de cette ville.
Il semble tout naturel, d'ailleurs, que les moines de saint Jacut fêtassent particulièrement leur bienheureux patron, aussi le culte de saint Jacut était-il demeuré fort vivace dans la paroisse de Landouar jusqu'à la Révolution française.
On invoquait spécialement le saint abbé contre les possessions diaboliques et la folie, et, nous dit D. Noël Mars (D. Noël, Manuscrits latins 12780 et 12675, à la Bibliothèque Nationale), « le fesoit le temps passé de l'eau forte pour guarir les démoniaques et les fols qui venoient en ce monastere pour estre soulagez de leurs miseres. Cette eau se fesoit de la sorte : Le grand mestre après avoir célébré la sainte messe pour le patient, venoit accompagné de treize autres à une arcade qu'on croyoit avoir été le tombeau du saint et il bénissoit une eau forte. Après que les démoniaques et fols avoient fait leurs prières en l'église et qu'ils s'étoient baignez dans cette eau, ils sortoient sains et gaillards, ce qui a duré jusqu'à notre temps », c'est-à-dire jusqu'au milieu du XVIIème siècle. Et cette cérémonie devait remonter assez loin, car le bon bénédictin ajoute : « la manière de faire cette eau est gardée dans le monastère et a plus de cent ans d'écriture ».
Même jusqu'à nos jours, il était demeuré quelque chose de la vénération dans laquelle on tenait la puissance de saint Jacut contre plusieurs maladies. C'était une fontaine, appelée Fontaine Saint-Jacut, aux eaux de laquelle on attribuait dans certains cas une vertu curative. C'est ainsi qu'on nous a affirmé avoir vu des personnes venir jusque de Lamballe chercher de l'eau à cette source et l'on en emporta une fois pour faire boire à une personne mordue par un chien enragé. Malheureusement, cette fontaine, située dans l'enceinte de l'ancienne abbaye, est aujourd'hui comblée.
La réputation de saint Jacut s'étendait, en effet, nous l'avons dit, bien au-delà des limites du couvent qu'il avait fondé. Il était même honoré en des lieux où jamais ses moines n'avaient pu contribuer à répandre son culte.
M. de l'Estourbeillon dans ses Frairies ou Corporations rurales, signale qu'avant la Révolution, saint Jacut était le patron de la Frairie du Gros-Chêne, alors existante dans la paroisse de Besné, au diocèse de Nantes. Mais cette frairie, ainsi que les deux autres qui florissaient dans cette paroisse aux siècles passés, avaient déjà pris fin dès avant 1789 et leur souvenir, nous a écrit M. le Curé de Besné, est aujourd'hui complètement éteint dans ce pays.
De même plusieurs paroisses comprises maintenant dans le territoire du diocèse de Quimper ont eu autrefois saint Jacut pour patron ou lui ont naguère élevé des chapelles. C'est ainsi que saint Jacut était au temps jadis patron d'Elestrec [Note : Le nom breton Elestrec signifie glaïeuls en français], paroisse depuis longtemps disparue, mais qui eut bien son heure de célébrité. C'est en effet sur son territoire que se passa, au XIVème siècle, la merveilleuse histoire qui suscita la construction de ce bijou d'architecture qui s'appelle Notre-Dame du Folgoët. L'église d'Elestrec était dédiée à saint Jacut ; malheureusement la foudre ayant détruit cet édifice, on fut obligé de transférer le culte divin dans la chapelle de Gicquelleau (Gicquelleau, en breton Guic-Vellé, peuple de Saint Vellé). Dans ce sanctuaire déjà placé sous un autre vocable, le culte de saint Jacut tomba peu à peu en oubli et maintenant il n'est plus honoré au Folgoët (Communication de M. l'abbé Paugam, vicaire au Folgoët, ar. de Brest), paroisse de fondation récente et qui a absorbé Gicquelleau.
Il y avait aussi avant 1789, une chapelle dédiée à saint Jacut dans la paroisse de Loperhet ; elle a été détruite au cours de la Révolution et il n'en reste plus que quelques débris sans importance. Cette chapelle située près du château de Keranhoat avait, d'après d'anciens registres de compte encore conservés à Loperhet, des finances fort prospères ; ce qui semble indiquer que le culte de saint Jacut était en honneur en cet endroit (Communication de M. l'abbé Gouzard, recteur de Loperhet, ar. de Brest).
Enfin saint Jacut est honoré conjointement avec ses frères saint Gwennolé et saint Vennec ou Guezennec (Guethenoc) dans la chapelle de Saint Vennec, en Briec, où ils sont représentés tous trois aux pieds de leur mère, sainte Gwen Trimammis (Communication de M. le chanoine Peyron. — Briec, ar. de Quimper). Cependant saint Jacut n'est l'objet en ce lieu d'aucun culte spécial, et, nous a écrit le Curé de l'endroit, c'est à son frère Guethenoc que vont tous les hommages des trêviens de Saint-Vennec [Note : Après informations prises, saint Jacut n'est l'objet d'aucun culte à Lanmeur, Dirinon, La Trinité-Porhoët, Mohon, Plumieux et Locquenvel. Dirinon n'a pas pour patron saint Jacut, ainsi que l'écrit M. le comte de Laigue, mais sainte Nonne, mére de saint Divy].
Albert le Grand, dans sa Vie des Saints de Bretagne, signale aussi saint Jacut comme titulaire d'une église de Morlaix en l'an 1110 ; mais, comme il le fait remarquer lui-même, ce nom pourrait bien signifier saint Jacob ou saint Jacques, lequel possédait à Morlaix une chapelle réputée la plus ancienne de la ville.
Dans notre diocèse même, saint Jacut possède encore à Plestin-les-Grèves (arrondissement de Lannion) une charmante chapelle sur laquelle nous possédons d'abondants renseignements, grâce à l'obligeance du distingué doyen de Plestin, M. l'abbé Le Huérou-Kérisel.
Cette chapelle dont l'origine, nous a-t-il écrit, semble se perdre dans la nuit des temps, fut bâtie ou plus exactement rebâtie au XIème siècle par les moines de Saint-Jacut qui avaient été chargés, après les invasions normandes, de relever de ses ruines le prieuré de Kernitron dont la chapelle de Saint-Jacut, en Plestin, formait l'une des dépendances.
Dans cette chapelle, peut-être primitivement dédiée à N.-D. de Pitié, les religieux bénédictins installèrent le culte de leur saint fondateur. Ils y placèrent aussi d'autres saints de sa famille : saint Gwennolé et saint Guethenoc, ses frères ; saint Fracan, son père ; sainte Guen, sa mère et sainte Creirwie, sa soeur.
Malheureusement, faute d'entretien, cette chapelle menaçait ruines dès avant la fin du XVème siècle. L'abbaye de Saint-Jacut était alors depuis 1475 aux mains d'un abbé commendataire qui devait peu se soucier de réparations susceptibles de diminuer ses revenus ; si bien qu'en 1487, un seigneur de l'endroit, nommé Guillaume de Lezourmel (Lezormel), se mit en devoir, du consentement des nobles et des notables de la paroisse de Plestin, de reconstruire à ses frais l'ancienne chapelle.
Le travail fut achevé l'an 1496, et cette même année Robert Guibé, évêque de Tréguier, donna la permission d'y célébrer la messe. Un peu plus tard, en 1499, Perceval de Lezourmel fondait en cette chapelle une messe hebdomadaire « à jour de samedy en l'honneur de Dieu, Notre-Dame et Monsieur saint Jacut, mais spécialement de Notre-Dame ». Les Lezourmel, en effet, en rebâtissant la chapelle Saint-Jagu, la dédièrent à Notre-Dame de Pitié, tout en lui laissant son appellation consacrée par les siècles. De nos jours encore, c'est toujours Notre-Dame de Pitié qui est la titulaire de cette chapelle, laquelle appartient maintenant à la famille de Goësbriand, dont un des membres, M. H. de Goësbriand l'a faite restaurer en 1867.
L'architecture de la chapelle de Saint-Jacut à Plestin-les-Grèves est, paraît-il, très gracieuse. On admire en particulier l'élégant campanile qui surmonte le pignon ouest de cet édifice. M. du Mottais y signalait encore comme existant il y a une trentaine d'années (vers 1880), des restes de verrières du XVème siècle, lesquelles représentaient les sires de Lezourmel agenouillés.
Le sixième dimanche après Pâques, on célèbre la grand'-messe dans cette chapelle en l'honneur de saint Jacut. L'après-midi, on y chante aussi les vêpres, lesquelles sont suivies d'une petite procession qui se développe sur le placis qui entoure cet édifice.
Pour retrouver maintenant le nom et le souvenir de saint Jacut, nous devrons dire adieu aux rivages de la mer et nous enfoncer jusqu'au milieu de la Bretagne, dans l'austère pays du Mené. Malheureusement nous y trouverons peu de choses à glaner sur notre bienheureux ; car les archives paroissiales de Saint-Jacut-du-Mené (doyenné du Gouray, canton de Collinée) sont récentes et ne nous apprennent rien sur le culte dont saint Jacut dut être autrefois l'objet dans cette localité qui porte son nom et dont il est resté le patron vénéré.
Une bulle du pape Alexandre III mentionne bien qu'en 1163 (Bibliothèque Nationale. M. L. 12.675), l'église de saint Jacut de Lelmené faisait alors partie des possessions de l'abbaye de saint Jacut, mais depuis lors c'est le silence complet sur cette paroisse. Ogée, s'il ne confond pas dans la circonstance, assure qu'en 1450 l'abbaye de Saint-Jacut possédait dans ce pays le manoir noble de la Guérinais. Ses continuateurs citent comme existant encore en ce lieu au milieu du XIXème siècle, un moulin dit de Saint-Jacut ; mais dès la fin du XVIIème siècle et peut-être avant, l'abbaye de saint Jacut n'avait plus la présentation de cette cure qui, disent Ruffelet et Ogée, était alors à l'alternative. D'ailleurs un aveu très détaillé de 1574 [Note : Aveu rendu par Louis de Saint-Méloir, abbé de Saint-Jacut, où sont énumérées toutes les propriétés de cette abbaye, conservé aux Archives de la Loire-Inférieure, B820] que nous avons consulté, ne fait nulle mention de rentes ou de terres qui auraient alors appartenu dans cette paroisse à l'abbaye de Saint-Jacut.
L'église elle-même, écrit M. du Mottay dans son Répertoire archéologique, a été reconstruite en 1844 et n'a conservé aucun souvenir du passé. On n'y trouve point de statue antique, on chercherait en vain dans ses environs quelque trace du saint dont nous nous occupons.
Cependant, depuis que Mgr. David a fixé au second dimanche de Juillet la fête de ce saint patron, l'on a fait de louables efforts pour restaurer son culte et grâce au zèle des pasteurs qui se sont succédés jusqu'à maintenant dans cette paroisse, la mémoire de saint Jacut y redevient de plus en plus en honneur.
Mais si le pays de Saint-Jacut-du-Mené avait au cours des âges laissé tomber plus ou moins en oubli le souvenir de son patron, il n'en est pas de même à Saint-Jacut-sur-Ars (doyenné d'Allaire, arrondissement de Vannes) où depuis un temps immémorial notre bienheureux n'a cessé, d'être en grande réputation.
Les reliques insignes de saint Jacut que possède cette église et qui consistent en deux bras presque entiers, n'ont sans doute pas peu contribué à aviver cette dévotion. Deux fois l'an, on expose ces reliques à la piété de cette très chrétienne population, et dans ces occasions, on ne manque pas de rendre à ces restes précieux les honneurs réservés aux reliques les plus authentiques.
« Chaque année, nous a écrit le recteur, M. l'abbé Le Petit, on fête saint Jacut le 8 février et c'est véritablement ce jour la fête du saint patron de la paroisse ; mais outre ce jour, on célèbre encore plus solennellement notre saint le second dimanche de juillet, date de la translation de ses reliques ».
Le 9 février, lendemain de la première de ces fêtes patronales, nombreux sont les pèlerins qui viennent des paroisses voisines invoquer saint Jacut, spécialement pour la guérison des rhumatismes. Après avoir entendu une grand'messe célébrée à leur intention et vénéré les reliques exposées à l'église, les pèlerins descendent en récitant le chapelet à une fontaine récente située tout près de l'église et boivent de son eau réputée miraculeuse. Cette fontaine est d'ailleurs en grande vénération et le second dimanche de juillet, une procession part de l'église et s'y rend à l'issue des vêpres pour invoquer en ce lieu la toute puissante protection de saint Jacut.
Il est difficile de donner des renseignements sur le culte dont saint Jacut fut autrefois l'objet dans cette paroisse. L'église de Saint-Jacut-sur-Ars est en effet toute récente et remplace un très vieil édifice qui devait remonter au milieu du moyen âge ; d'autre part, l'on n'a conservé de l'ancienne église qu'une antique statue de bois représentant saint Jacut. De plus, la paroisse de Saint-Jacut n'a pas d'archives et les ouvrages d'archéologie morbihannaise sont très brefs de détails sur son compte Cette pénurie de documents s'étend même jusqu'aux reliques de saint Jacut dont on ne possède pas l'authentique, bien que l'on soit très porté à croire que cette pièce pourrait bien se trouver à l'intérieur même du reliquaire qui les renferme. Il serait à désirer que l'autorité diocésaine permit un jour de vérifier la chose.
Mais si l'on ne sait rien de précis sur l'origine du culte de saint Jacut dans cette paroisse, cela n'empêche pas que ce bienheureux y soit honoré plus que nulle part ailleurs, si bien qu'une communauté religieuse vouée à l'enseignement des enfants de la campagne aussi bien qu'aux soins des malades, prit primitivement le nom de Filles de saint Jacut, lorsqu'elle fut fondée en 1816, par un recteur de l'endroit. Même maintenant que ces saintes filles ont échangé leur première appellation contre celle de Soeurs du Sacré-Coeur, elles regardent encore saint Jacut comme leur patron et le tiennent toujours en grande dévotion.
Pour achever l'histoire du culte de saint Jacut, nous n'avons plus qu'à dire quelques mots des hommages qui lui sont rendus dans la paroisse où il jeta naguère les premiers fondements de la foi. « Hélas, écrit M. l'abbé Juhel dans sa Notice sur Saint-Jacut-de-la-Mer, le culte de saint Jacut était tombé en oubli dans ce pays depuis la Révolution et rien ne venait rappeler son souvenir quand, sur la demande de l'abbé Leborgne, recteur de cette paroisse, Mgr David, évêque de Saint-Brieuc, fixa par ordonnance épiscopale du 3 juin 1880, la fête de saint Jacut au second dimanche de juillet ». Il est regrettable cependant qu'aucun office spécial ne soit concédé pour cette fête qui ne comprend qu'une grand'messe avec vêpres votives, le tout tiré du commun et clôturé par une procession.
Note : " Copie de l'ordonnance épiscopale de Mgr. David, rétablissant le culte de saint Jacut dans la paroisse de Notre-Dame de Landoaar. ÉVÊCHÉ de Saint Brieuc & Tréguier. Nous, EVEQUE DE SAINT-BRIEUC ET TREGUIER, - Considérant que la fête de saint Jacut, qui a donné son nom à deux paroisses de notre diocèse, est à demi tombée en oubli ; - Considérant le zèle intelligent de M. l'abbé Leborgne, recteur actuel, qui désire ranimer le culte d'un saint dont l'histoire authentique se lie aux plus précieux souvenirs de notre Diocèse ; - Vu les diverses lettres de M. le Recteur exprimant le désir que la fête de saint Jacut soit fixée au deuxième dimanche de juillet, mois indiqué d'ailleurs dans l'ancien bréviaire de Saint-Melaine pour la solennité de ce saint ; - Arrêtons et statuons ce qui suit : - ARTICLE 1er. — La fête de saint Jacut, abbé, se célèbrera chaque année dans la paroisse, le second dimanche de juillet ; ART. 2. — On chantera more votivo la messe du commun des abbés, « Os justi. ». Après les vêpres du même commun, nous autorisons une procession en l'honneur de ce saint. - ART. 3. — Rien ne sera changé à l'office privé, ni aux messes basses du deuxième dimanche de juillet. Et sera notre présente ordonnance confiée au zèle de M. le recteur de Saint-Jacut-de-la-Mer, et conservée dans les archives de cette paroisse. A saint-Brieuc, le 3 juin 1880. L'évêque de Saint-Brieuc et Tréguier (signé AUGUSTIN) ".
Un peu plus tard, un autre évêque de Saint-Brieuc, Mgr. Bouché, bénissait le 3 mai 1886, au milieu du cloître de l'ancienne abbaye, une statue de pierre, représentant saint Jacut et portant cette inscription si magnifique dans sa simplicité : Saint Jacut, fils de suint Fracan et de sainte Gwen, frère de saint Gwennolé et de saint Guethenoc, disciple de saint Budoc.
Enfin, il y a quelques années, on a dédié à saint Jacut l'un des autels latéraux de l'église paroissiale. Du haut de sa statue qui surmonte cet autel, saint Jacut, maintenant comme autrefois, voit encore les fidèles se presser à ses pieds. Puisse le culte [Note : Notons aussi, pour être aussi complet que possible, que, vers le milieu du Moyen-Age, la route qui conduit de la Rue de l'Abbaye, en Nazareth, aux bourgs de Saint-Michel-de-Plélan et de Saint-Méloir, portait le nom de chemin Saint-Jacques. Or, ce nom, à cette époque était couramment employé dans notre pays pour désigner Saint Jacut et l'on disait indifféremment en latin Jacobus ou Jacutus. Nous croyons donc que ce nom de chemin Saint-Jacques se rapporte dans la circonstance à Saint-Jacut et cela d'autant mieux que l'église de Saint-Méloir était alors une dépendance de l'abbaye de Saint Jacut qui possédait aussi l'église Saint-Maur du Bas-Plancoët] de saint Jacut se développer de plus en plus au milieu de la chrétienne population de notre paroisse. Une race qui garde fidèlement le souvenir de celui qui a enfanté ses pères à la foi ne saurait périr. (abbé Lemasson).
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