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La paroisse de Saint-Jacut-de-la-Mer durant la Révolution. |
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Renseignements ecclésiastiques. — Saint-Jacut de la Mer s'appelait originairement Landoac, mot qui s'est transformé aux débuts du XVIIème siècle en celui de Landouar [Note : En 1574, on écrivait Landoal ; en 1590, Landoual ; en 1599, Landouart ; en 1792 : l'Isle Saint-Jacut, puis, en 1794, on se borna, par phobie religieuse, à dire l'Isle-Jacut].
En la presqu'île de Landoac, s’éleva probablement aux environs du VIème siècle, un monastèrefondé par Saint Jacut, mais dont les premières manifestations certaines n'apparaissent que l'an 1024 avec l'abbé Hinguethen. A cette époque, cette maison était regardée comme si florissante, que son abbé fut chargé de restaurer, sur le modèle de Saint-Jacut, le monastère de Saint-Méen ruiné par les Northmans.
Ce furent les moines de l'abbaye de Saint-Jacut qui, pour les besoins spirituels des habitants de la presqu'île de Landoac, y créèrent une paroisse. Ils la placèrent sous le vocable de Notre-Dame, qu'elle a conservé à travers les siècles jusqu'à maintenant.
La paroisse de Notre-Dame de Landoac, dite improprement Landouar lors de la Révolution, relevait de l'évêché de Dol, en même temps que de la grande officialité de ce nom et du doyenné rural de Bobital, au siège de Saint-Carné.
Les religieux bénédictins de Saint-Jacut, curés primitifs de la paroisse de Landoac, possédaient dans cette église tous les droits des seigneurs fondateurs et prééminenciers. C'était aussi leur abbé qui choisissait le recteur et le présentait à la nomination de l'évêque de Dol. Du reste, jusqu'à 1750, ce recteur, réduit à la portion congrue, ne fut connu que sous le titre primitif de vicaire perpétuel. Par son ordonnance du 22 décembre 1787, Mgr. de Hercé, évêque de Dol, créa en outre, pour seconder le recteur, un vicaire ou curé.
Le 7 octobre 1725, le général de Landoac passa avec Jean Launay et Charles Graffard un marché pour la reconstruction de l'église paroissiale, s'élevant à la modique somme de 1.695 livres. De l'édifice que l'on bâtit alors, bien peu de choses subsistent aujourd'hui. En utilisant une partie des matériaux de l'ancienne église, le recteur Julien Merdrignac, né à Ploubalay le 5 juin 1789 et décédé curé de Plancoët en 1868, construisit en 1830 le bâtiment que nous voyons maintenant, lequel ne se ressent que trop, et de la modicité des ressources dont on disposait, et du mauvais goût de l'époque. L'on y conserve dans le choeur une statue de bois de la Très Sainte Vierge, qui semble remonter à l'époque de Louis XIII. Elle est très vénérée dans la localité sous le vocable de Notre-Dame de Landouar.
Quant au presbytère, poétiquement enfoui sous la verdure, et d'aspect si paisible et si hospitalier, lui non plus n'a pas changé de place. Mais, dès le 4 septembre 1789, M. Véron, architecte servannais, après avoir énuméré pour 2.400 livres de réparations urgentes à lui faire, terminait ainsi son rapport : « Ce local est à reconstruire presque entièrement à neuf, car lorsqu'on exécuterait toutes les réparations prescrites, on n'aurait encore qu'un logement malsain, désagréable et mal distribué » (Archives des Côtes-d'Armor, B 1026).
Voici quelques lignes extraites du rentier de l'abbaye de Saint-Jacut, qui en disent long sur la détresse de l'église paroissiale de N.-D. de Landoac : « Le jour de Pâques de chaque année, il est dû aux religieux de St-Jacut quatre pots de vin sur la fabrice de N,-D. de L., mais comme les dits religieux sont chargés de fournir les cordes des cloches et que la dite fabrice n'a pour tout revenu que deux pots de vin qui lui sont dûs sur les maisons nommées les Chaumière, les dits religieux recourent à la décharge de la fabrice les deux pots de vin (qu'elle reçoit) et lui font remise des deux autres pots de vin qu'elle leur doit, comme compensation de l'entretien des cordes des cloches, dont ils s'abstiennent » (Archives des Côtes-d'Armor, série H, fonds de Saint-Jacut).
Les Jaguens n'ignoraient pas la situation misérable de leur église et s'ingéniaient à lui venir eu aide. C'est ainsi qu'ils entretenaient à leurs frais la lampe du sanctuaire au moyen d'un tronc fixé dans l'église à cet effet.
Un compte de fabrique de l'an 1784, que nous avons entre nos mains, nous apprend que cette année les recettes de l'église s'étaient élevées à 63 livres, et les dépenses à 110 livres. Parmi celles-ci, 51 livres avaient été consacrées à l'acquisition d'un missel, d'un vespéral et de cartons pour le service divin ; 7 livres 6 sous au blanchissage et repassage du linge ; 43 l. à la fourniture du luminaire. L'encens revenait à 40 sous, le pain d'autel à 30 sous et les saintes huiles à 6 sous. Quant aux revenus, ils consistaient en 25 l. 10 s. de rentes constituées, 24 l. pour la part de l'église dans les inhumations, 3 livres d'offrandes pour la lampe du sanctuaire et 6 livres pour la vente des débris de cire. Il avait dû se trouver des années plus favorables pour l'église de Saint-Jacut, car le compte précité se clôt nettement en déficit. Heureusement que la fabrique possédait à l'avance un reliquat de 223 l., lesquelles s'étaient encore augmentés de 30 l. en 1792. L'année suivante, on employa une bonne partie de cette somme aux réparations des fusils des gardes nationaux jaguens.
Les 58 paroisses que comptait le district de Dinan en 1790, devant être réduites à 28 seulement, pour permettre de doter chacune de celles-ci d'un curé bien et dûment assermenté, le Directoire de cette ville proposait le 1er juin 1791, « que la presqu'île à prendre depuis la Lande des Tertres, en Créhen, jusqu'à la pointe de Saint-Jacut, ayant une lieue et demie de longueur et trois quarts de lieue de large, comprenant la paroisse de Saint-Jacut, celle de Trégon et la partie nord de Créhen, ne forme plus qu'une seule et unique paroisse, sous le nom de Guildo. L'église des ci-devant Carmes devant servir d'église paroissiale, leur couvent de presbytère et partie de leur jardin de cimetière. Quant à l'église de Saint-Jacut, elle aurait été conservée à titre de succursale ». Nous ne croyons pas que cet audacieux projet ait jamais reçu d'exécution. Nous nous basons pour cela sur la note suivante, adressée le 10 mars 1792 par le district de Dinan à la municipalité de Saint-Jacut :
« Nous avons reçu l'ordonnance du Département, qui règle que la cure de l'Isle Saint-Jacut sera provisoirement desservie dans l'église des ci-devants Bénédictins ; mais avant de statuer définitivement sur l'échange que vous nous demandez, il faut qu'il soit rapporté un procès-verbal de commodo et incommodo des églises, par un ingénieur, assisté d'un commissaire du district ».
Pourquoi faut-il que la Révolution, versant de plus en plus dans la voie de la persécution violente, n'ait pas permis la conservation de l'antique abbatiale des religieux de Saint-Maur, en la transformant en église paroissiale ? Mais le but des Révolutions n'est pas en principe de préserver, mais de détruire, et le nouveau régime, qui prétendait régénérer la France, s'était avant tout donné la mission de spolier l'Eglise catholique aussi complètement que possible.
Aussi, sur un ordre du District en date du 26 janvier 1794, la municipalité jaguenne envoya-t-elle à Dinan, le 10 février suivant, la modeste argenterie de son église paroissiale et, lors de l'inventaire qui en fut effectué, le 20 août de cette même année, l'on trouva les objets suivants : « un calice et ses noeuds (sic), une patène, un ciboire, un ostensoir, la coupe d'une petite custode, pesant 4 marcs, 2 onces, un gros et demi d'argent doré ; 4 garnitures de reliquaires pesant 6 marcs, 2 onces, 2 gros d'argent blanc ; le pied d'un calice, la couverture d'une petite custode pesant 1 marc, 1 gros et demi d'argent blanc ».
Le 10 mars 1794, sur l'ordre du citoyen Le Gouverneur, délégué par le Comité de Salut Public pour l'enlèvement du fer, des cloches, chandeliers et autres ustensiles servant aux ci-devant églises, on porta à Ploubalay une cloche, dix chandeliers de cuivre, un encensoir et sa navette, un sceau de plomb avec son couvercle et un bénitier. Enfin, le 20 avril 1794, les administrateurs du District demandèrent les ornements de l'église paroissiale, ce qui fut exécuté de suite par le maire de l'époque. Leur vente produisit 131 frs. 05, le 22 mai de cette même année. Restait encore à tirer parti du presbytère, mais le 10 nivôse an II (30 décembre 1793), on faisait savoir qu’on n'avait pu trouver de locataire pour la maison presbytérale de cette commune.
Le 12 vendémiaire an IV (4 octobre 1796), l'instituteur public de Saint-Jacut insistait pour occuper le presbytère de cette localité.
Sous la Terreur, le nom de Saint-Jacut, comme « sentant trop la calotte », fut transformé en celui d'Isle-Jacut. La municipalité régénérée de l'Isle-Jacut ayant planté un Arbre de la Liberté, celui-ci n'eut pas la longévité d'Adam et d'Eve, car fin mai 1795, « malgré la surveillance de la troupe qui en avait la charge », on le trouva déraciné un beau matin, et c'est en vain qu'on le replanta, qu'on l'entoura des soins les plus vigilants, qu'on lui prodigua les arrosages les plus copieux : il s'obstina depuis cet indigne traitement à ne pas vouloir prendre vie.
Le 13 novembre 1796, la municipalité de Saint-Jacut rendait compte « qu'il 'existait deux églises en cette commune : celle de l'abbaye, ayant ses autels, le chœur et la sacristie tout dilapidés. Quant à l'église paroissiale, elle mesurait 74 pieds de long sur 20 pieds de laise en orient et 26 en occident. On l'utilisait à loger du bois pour la troupe. Ces deux bâtiments, ajoute-t-on, sont en mauvais état. Ils n'ont été ni affermés, ni rendus au culte, et aucune réparation n'y a été exécutée ».
Voir aussi " L'abbaye Saint-Jacut-de-la-Mer durant la Révolution "
CLERGÉ. — CHARLES-JACQUES BÊTTAUX, recteur, naquit le 28 novembre 1752, à la Duché, en Ploubalay, où Charles et Jacquemine 0llivier, ses père et mère, bien que tous deux originaires de Lancieux, résidaient depuis quelque temps comme fermiers de Monsieur Péan de Pontfilly. D'une famille sacerdotale, le jeune Charles fit son cours à Dinan, au collège des Laurents, où son oncle, l'abbé Guillaume Bêttaux, enseignait alors la philosophie, et où nous trouvons le neveu achevant sa sixième en 1767. Ordonné prêtre le 23 septembre 1780, après d'assez médiocres études théologiques, l’abbé Ch. Bêttaux devint d'abord vicaire à Ploubalay, où nous relevons sa première signature le 18 novembre 1782. Puis, à la mort d'un autre de ses oncles, l'abbé Pierre Bêttaux, natif de Lancieux, décédé le 13 avril 1789 recteur de Landouar, il lui succéda dans sa cure le 30 avril suivant, sur la présentation de M. Picon d'Andrezel, dernier abbé commendataire de Saint-Jacut.
Une fois dans ce poste, dont il prit possession le 6 mai, lendemain de l'ouverture des Etats Généraux à Versailles, M. Bêttaux, caractère ardent et généreux, outré par les abus dont il était témoin, adopta avec faveur les idées nouvelles. Il devint le premier maire de Saint-Jacut, fut désigné comme électeur par l'assemblée primaire du canton de Ploubalay, poussa de toutes ses forces à l'évacuation de l'abbaye par ses derniers moines, en loua les locaux pour hâter leur départ, et finalement prêta serment à la Constitution, ainsi que son vicaire, le dimanche 6 février 1791, à l'issue de la grand'messe.
Mais l'abbé Bêttaux devait regretter bien vite cette heure d'égarement et ne tarda pas, de même que son vicaire, à retirer son adhésion à l'oeuvre schismatique et anticatholique accomplie par la Constituante. Il se vit aussitôt, comme rétractataire, privé de son traitement, qu'il reçut pour la dernière fois à la fin du second trimestre de 1791. Il devint en outre un objet de haine, pour les révolutionnaires, et la persécution commença pour lui. M. Bêttaux se maintint néanmoins à Saint-Jacut jusqu'au 3 août 1702, dernière date où nous relevons sa signature sur les registres d'état-civil. Après lui, jusqu'au 29 septembre suivant, les actes de catholicité sont signés par un prêtre BRIAND, que nous avons déjà rencontté vers la même date à Ploubalay. Mais cet ecclésiastique dut s'éloigner à son tour pour fuir la persécution, et Saint-Jacut demeura sans secours religieux.
Les 3 et 4 octobre, on profita de la présence à Saint-Jacut de M. Loret, curé de Malestroit, qui venait y chercher un moyen de passer à Jersey, pour lui faire faire deux baptêmes. Le 12 octobre, M. Gérard, curé de Mauron, fit encore un baptême dans les mêmes conditions. Après ces messieurs, les officiers municipaux de Saint-Jacut, Charles Guillard, Carré, Mahé, et le maire Hervé, certifièrent encore quelque temps sur les registres de l'état-civil que les cérémonies baptismales avaient été accomplies ; puis, c'est la nuit noire du plus complet laïcisme sur le sort religieux des enfants de Saint-Jacut. Et cependant, l'année 1793 vit 32 naissances et 30 décès ; 1794, 26 naissances et 14 décès ; 1795, 34 naissances et 36 décès, c'est-à-dire des chiffres supérieurs à ceux de l'époque actuelle.
Heureusement pour la vie religieuse de Saint-Jacut que l'abbé Bêttaux ne s'en était pas allé bien loin, et qu'il revenait assez souvent dans sa paroisse. Si parfois, lorsqu'il était trop vivement menacé, il se réfugiait à Jersey, non sans courir de grands périls dans ses voyages, il ne fit jamais cependant que de courts séjours dans cette île, où Golvry signale sa présence en 1793. M. Bêttaux passa même aussi une fois en Angleterre, et résida quelques semaines à Londres, mais il agissait à cette époque en qualité d'agent des Princes, car le recteur de Saint-Jacut s'était alors jeté à corps perdu dans la chouannerie, comme nous allons le raconter.
Entre temps, la République, agissant avec lui comme avec tous les prêtres insermentés que les lois de persécution avaient obligés à disparaître, faisait vendre son mobilier en janvier 1794, et, le 7 février 1795, placer sous séquestre, comme émigré, ses propriétés foncières.
Il était impossible que les excès auxquels se livrait la Révolution contre la Religion et ses ministres fidèles n'eussent pas ému profondément un caractère de la trempe de celui de l'abbé Bêttaux. Après avoir cru trop facilement à l'ère de félicité que les novateurs devaient faire régner en France, il n'hésita pas, devant les résultats, à prendre en horreur et les révolutionnaires et leurs principes, puis, rendu méfiant par l'expérience du passé, il se promit de n'avoir désormais avec eux aucune compromission. Bien plus, le retour à l'ancien gouvernement lui semblant le gage le plus certain de la tranquillité publique, tous ses efforts tendirent désormais à l'assurer à la France.
Aussi l'abbé Bêttaux, tout en faisant beaucoup de ministère caché, fut-il, à n'en pas douter, l'un des agents les plus actifs de la chouannerie et de la Correspondance des Princes pour la partie de la côte comprise, entre Dinard et le cap Fréhel, laquelle, toute découpée qu'elle est de havres profonds et de criques abritées, se prête merveilleusement, aussi bien aux embarquements furtifs qu'aux débarquements clandestins.
Une correspondance de ce prêtre, saisie à Ploufragan, donne des détails bien intéressants sur le rôle très actif et très important joué par cet ecclésiastique en l'année 1795. Mais comme cette lettre assez longue a été publiée en 1836 dans le tome V, p. 341, de l'Histoire de la Révolution dans les départements de l'ancienne Bretagne, de Châtelier, nous ne la reproduirons pas ici. Il nous suffira d'en citer une autre, demeurée inédite, écrite à la même date, c'est-à-dire le 4 mai 1795, et adressée à un M. Le Grand, appellation qui n'est assurément qu'un pseudonyme. Voici le document en question. Il n'est pas coté, mais nous l'avons copié aux Archives d'Ille-et-Vilaine, série L :
« Monsieur, Je ne trouve point de pilote, mais l'on veut nous faire passer des armes et de la poudre : il y a M. de Chateaubriand (du Val-Guildo) et l'abbé Macé [Note : Voir sur cet abbé Macé, qui, en 1791, n'était encore que séminariste de Ruca : Annales de Bretagne, numéro de janvier 1909, p. 152. Ce Macé, dit « Jules de Ruca », jouissait, paraît-il, de toute la confiance du duc de Bouillon. Son nom ne figure pas sur l'état du clergé du diocèse de Saint-Brieuc en 1804], qui sont à Jersey, qui peuvent servir de pilote et faire le débarquement. Voici l'endroit le plus propre pour le faire. Il faut que le côtre ou frégate vienne dans la rivière d'Arguenon et là, mette une forte chaloupe à la mer, qui viendra se rendre à Vauvert, en St-Jacut, en face du château du Val, et il mettra à terre en sûreté. On aura soin d'envoyer le jour de son arrivée une frégate qui aura pour signal un pavillon bleu à son grand mât, et pavillon rouge à son mât de misaine. La dite frégate aura soin d'approcher à environ une lieue de l'îsle des Ebihens, afin de reconnaître les signaux et, la nuit, il se trouvera du monde pour enlever ce qu'on nous fera passer. Lorsque le bateau approchera à terre, on lui criera « Joseph », et il répondra « Charles » ; par là, on le reconnaîtra. Sitôt que la frégate qui viendra aura fait les signaux, si les vents sont de la partie Sud-Ouest, elle mettra le cap au Nord-Ouest. Si les vents sont de la partie de l'Est, il faudra mettre le cap au Nord-Est ; de cette manière, on ne pourra s'y méprendre. Souvenez-vous que la rivière où il faudra mettre à terre est la rivière d'Arguenon, entre Saint-Cast et les Ebihens, et l'atterrissage est Vauvert, en Saint-Jacut. J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, Monsieur, très humble et très obéissant serviteur. — Signé : GUILLAUME.
P.-S. — J'ai marqué à M. de Puisaye (dans la lettre précitée plus haut), un lieu de débarquement qui n'est pas celui que je vous indique. Il faudra s'en tenir à ce que je vous marque ».
En même temps que ces deux lettres, l'on en interceptait une troisième, adressée à Mgr. de Hercé, et publiée par l'abbé Ch. Robert dans la Vie de ce prélat. Dans cette lettre, le recteur de Saint-Jacut s'élevait avec véhémence contre les ecclésiastiques qui semblaient vouloir s'accommoder des mesures de tolérance religieuse que les Conventionnels, en mission, sous la poussée des événements, avaient cru devoir accorder à la Bretagne insurgée. Rien d'étonnant après cela, si le général Hoche, instruit de ces agissements, signa de sa propre main, le 6 juin 1795, l'ordre de l'arrêter. (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 90).
Saisi quatre jours après à Saint-Jacut, dans un champ de blé où il se cachait (Archives des Côtes-d'Armor, L 284, f° 79), l'abbé Bêttaux fut incarcéré dès le 10 juin à la tour Solidor, en Saint-Servan, puis transféré à Rennes à la tour Le Bât, où il attendait sa comparution devant une commission militaire. Peu rassuré sur le sort qu'on lui réservait, il jugea plus prudent de s'échapper en compagnie de MM. du Boishamon et Gouyon de Saint-Loyal, grâce au concours de la demoiselle Hamelin et de l'orfèvre Adam, si bien que dès le 30 juillet 1795, l'intrépide abbé Bêttaux jouissait de sa liberté.
Le 19 juin 1797, le commissaire du Pouvoir Exécutif près le canton de Ploubalay, Malo Leyritz, de Tréméreuc, fournissait sur ce prêtre les meilleurs renseignements. A son dire, « il se serait borné à dire la messe, exerçant son ministère avec la plus grande tranquillité » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 111). Mais il ne faut pas oublier que Leyritz, que nous verrons à l'article Tréméreuc, était au fond un clérical, ce qui nous rend son rapport un peu suspect.
A la date du 12 janvier 1798, un autre rapport de Dénoual-Duplessis, commissaire à Dinan du Directoire Exécutif et membre de la loge l'Egalité Triomphante, indique M. Bêttaux comme chargé durant toute la chouannerie du pouvoir des Princes, et le colonel de Pontbriand, dans ses Mémoires déjà cités, le donne comme l'un des aumôniers des chouans de la division de Dinan.
Ce prêtre était, au dire de Boullé, ouvertement revenu à Saint-Jacut depuis avril 1800, et le préfet des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) le notait vers 1802 « comme fanatique et intolérant, commissaire des Princes pour les Anglais l'an II, III et IV ».
Si bien que quand il s'agit de pourvoir Saint-Jacut d’un pasteur à titre définitif, le préfet s'opposa nettement à ce qu'on y laissât M. Bêttaux comrne recteur, vu, dit-il, que « cette commune forme comme une avancée en mer et doit être surveillée avec d'autant plus de soin que c'est un des points de communication de l'ennemi avec l'intérieur ». Mgr. Cafarelli se rendit à ces raisons et désigna l'abbé Bêttaux comme recteur de Languenan le 16 janvier 1804. Il attendit cependant à Saint-Jacut l'arrivée de son successeur jusqu'au mois d'avril de cette année, et nous ne savons pour quelle raison il ne prêta serment pour la cure de Languenan qu'en novembre suivant.
L'abbé Bêttaux mourut en fonctions, recteur de Languenan, le 6 février 1827, âgé de 74 ans, et son tombeau, sur lequel se lit la plus élogieuse épitaphe, se voyait encore eu 1922 dans le cimetière de cette paroisse, tout près du grand calvaire qui semble veiller sur les trépassés.
FRANÇOIS-MICHEL-NOEL SOLLIER, naquit à Vildé-la-Marine le 25 décembre 1757, du mariage de Julien et de Pétronille-Louise Solher. Après avoir été ordonné prêtre par Mgr. de Hercé le 20 mars 1782, il fut d'abord curé de Saint-Georges de Grehaigne, puis, de là, on le nomma à Saint-Jacut le 23 avril 1788, où un vicariat venait d'être créé le 22 décembre 1787. Le 6 février 1791, ce prêtre s'assermenta, à l'exemple de son recteur, mais il se rétracta comme lui, si bien qu'on refusa de lui payer son traitement après le troisième trimestre de 1791, « vu sa qualité de rétractataire ».
M. Sollier remplit auprès de la première municipalité jaguenne les fonctions de secrétaire. Nous relevons sa dernière signature dans cette localité le 5 mai 1792. Nous ignorons la raison qui le détermina à s'en aller le surlendemain dans sa paroisse natale, où son frère, Julien Sollier, lui Donna l'hospitalité. (Archives Nationales, F 7, 5163). Mais, bien que le vicaire de Saint-Jacut fut en possession, dès le 28 avril précédent, d'un passeport que lui avait envoyé la municipalité de Vildé, il ne s'exila cependant qu'après le 7 septembre 1792, date à laquelle la municipalité jaguenne lui fit parvenir un nouveau passeport pour se déporter.
M. Sollier figure parmi les prêtres ayant séjourné à Jersey. Il passa ensuite à Londres, où, nous dit le chanoine G. de Corson dans Les Confesseurs de la Foi, op. cit., p, 282, il mourut âgé de 40 ans en 1798, et ce renseignement nous a été confirmé grâce aux extraits des Laity's Directory de l'archevêché de Westminster, dont nous devons à Mgr. Daly la gracieuse communication.
De nombreux ecclésiastiques, au cours de la Révolution, s'embarquèrent ou débarquèrent à Saint-Jacut, le plus souvent au péril de leur vie. Ainsi, dès les premiers jours de novembre 1792, l'abbé Joseph Pontgerard, natif d'Augan, ordonné prêtre en 1772, et vicaire de sa paroisse natale, alors âgé de 45 ans, rentra de Jersey en France par Saint-Jacut pour recueillir des secours pour les prêtres exilés. Après avoir parcouru Concoret, Augan, Saint-Méen et Saint-Maden, ii revint à Ploubalay, où Louis Ohier l'abrita et lui fit trouver passage pour Jersey sur le bateau Le Philippe, patron Julien Morvan, qui consentit, pour 35 écus, à le transporter de Saint-Jacut à Jersey. Après avoir été ballottée trois jours en mer par la tempête, la barque fut arrêtée le 30 novembre 1792 par la corvette française Le Furet, qui ramena à Saint-Malo et ses matelots et leur passager. Une instruction fut ouverte contre eux, et M. Pontgérard, après avoir subi une longue détention, fut condamné à mort et exécuté à Rennes le 10 mars 1794, comme ayant enfreint la loi sur le bannissement des prêtres. Quant à Julien Morvan, il était encore emprisonné le 4 mars 1793. Il sortit cependant de captivité et mourut à Saint-Jacut le 7 germinal an X (Cf. le P. Le Falher : Les prêtres du Morbihan victimes de la Révolution, in-8, Vannes, 1921, p. 33 et sq.).
Fut nommé recteur de Saint-Jacut, le 16 janvier 1804 GILLES-RENÉ–FRANCOIS QUÉTISSANT, né à Pléboulle le 1er septembre 1757, de Charles et de Françoise Hervé, lequel fit son cours à Dinan, où nous le trouvons élève de sixième en 1769 ; puis, après avoir été d'abord curé de sa paroisse natale en 1779, il fut pourvu, le 10 avril 1781, de la chapellenie Saint-Christophe, en la collégiale de Matignon, qui lui valait 1.046 livres 12 sous de revenus annuels. M. Quétissant, non seulement refusa de s'assermenter en 1791, mais signa de plus l'Exposition de la Doctrine Catholique avec les ecclésiastiques fidèles du diocèse de Saint-Brieuc.
S'étant retiré à Pléboulle à la suppression de sa collégiale, ce prêtre s'y vit condamner à la déportation le 19 octobre 1792 ; aussi demandait-il, le 28 octobre suivant, à ne pas subir cette peine, alléguant « sa vie retirée et la simplicité de ses moeurs ». Bien que sa municipalité eût appuyé cette requête d'un certificat portant que « pour ne pas offrir de prise à la calomnie, M. Quétissant s'abstenait même de célébrer la messe », les administrateurs du département décidèrent le 3 novembre suivant, « qu'il n'y avait lieu à délibérer » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 34), et, dès lors, malgré sa répugnance à quitter sa patrie, l'ex-chanoine, de Matignon dut s'en aller rejoindre les autres prêtres exilés à Jersey, après toutefois que ses deux frères, en échange de son mobilier, lui eurent avancé 1.300 livres, tant en numéraire qu'en assignats, pour subvenir à ses besoins sur la terre étrangère. De Jersey, M. Quétissant passa en Angleterre, où il séjourna dans la ville de Southampton, d'après la Sem. Religieuse de Saint-Brieuc, année 1907.
L'enquête de Boullé ne fournit aucun renseignement sur M. Quétissant, ce qui semble prouver qu'il tarda à revenir de l'exil. Cependant, il habitait sa paroisse natale en janvier 1803. Ce prêtre, après avoir été désigné d'abord pour le rectorat de Pléboulle, fut nommé à celui de Saint-Jacut, où il s'installa le 6 juin 1804. L'année suivante, il donna une grande mission dans cette paroisse. Le P. Tostivint, de Saint-Briac, ex-supérieur des Récollets de Saint-Servan, la présida. On la clôtura par la plantation d'un calvaire sur la place. « On y attacha, a écrit M. Quétissant, un Christ, objet de la fureur révolutionnaire. Il était déjà mutilé à coups de hache, par les soldats en garnison à Saint-Jacut, en 1794, quand un jeune homme aveugle, nommé Laurent Amirand, se jeta sur l'image du Crucifié au moment où on allait achever de la mettre en pièces, et la demanda avec tant de supplications aux soldats qu'ils lui permirent de l'emporter chez lui ».
M. Quétissant vit aussi sous son rectorat le naufrage du corsaire La Clarisse, de Saint-Malo, armateurs MM. De la Villehuchet et La Chambre ; capitaine : l'enseigne auxiliaire Geoffroy, dit « le Pendart », de Cancale. « Ce Corsaire, suivant un rapport officiel, chassé par une frégate ennemie, s'était réfugié dans la rade des Ebihens. Surpris là par une tempête venant du Nord, il tenta vainement d'entrer dans le port de la Chapelle, mais il toucha à l'entrée, où il n'y avait point assez d'eau pour le recevoir, se jeta sur un rocher, s'y ouvrit et coula. Cet événement eut lieu le 18 février 1807, vers les 9 heures du matin. Des 36 hommes, ajoute-t-on, qui composaient l'équipage, 16 ont péri, 20 ont été sauvés. Mais parmi ces derniers, plusieurs sont dans un état tel, par le froid, les contusions et la fatigue, que l'on craint leur vie ».
Les habitants de Saint-Jacut, d'après cette même relation, montrèrent dans la circonstance « beaucoup de dévouement, et se sont exposés aux plus grands dangers, pour arracher à la mer quelques-unes de ses victimes... ».
Debout sur la falaise, le vénérable M. Quétissant avait donné une absolution générale aux naufragés, et les survivants reçurent dans son presbytère les soins les plus dévoués et les plus charitables. Le 18, le recteur célébra les funérailles solennelles des trépassés, parmi lesquels François Nouail de la Villegilles, de Saint-Malo, 39 ans, les deux mousses, l'un de 12 ans, l'autre de 15 ans, les deux novices et les deux maîtres d'équipage. Ils furent inhumés près de la Croix dite des Cimetières Neufs, où reposaient depuis 1762 les restes des 40 naufragés du corsaire Le Citoyen. M. l'abbé Pierre Duclos, le très sympathique et distingué recteur de Saint-Jacut, à l'occasion de la belle mission qu'il a donnée à ses paroissiens, en 1923, a très heureusement restauré ces vénérables sépultures, très chères à la population jaguenne.
L'abbé Quétissant mourut à Saint-Jacut, en fonctions, après une courte maladie, le 6 septembre 1812.
Le successeur de M. Quétissant fut M. GUY-LOUIS-PIERRE HOMERY, né au village de la Gicquelais, en Ploubalay, le 25 août 1781 de Pierre-Charles, notaire, que nous trouvons officier municipal en 1791, puis maire de Ploubalay en 1796, et d'Angélique Ruaux. Touché de la grâce de Dieu dès son bas âge, le futur abbé Homery passa son enfance et sa jeunesse, ainsi qu'il la raconté lui-même, dans la méditation et le recueillement. En 1800, il se sentit porté à se faire prêtre, mais son père opposait plusieurs obstacles à son pieux dessein. Enfin, nous dit-il, il obtint, à l'âge de 21 ans et 8 mois, de pouvoir commencer ses études avec M. Fouace, de Tréméreuc, qui les lui fit poursuivre jusqu'à la philosophie. Puis il fit une année au collège que dirigeait alors à Saint-Malo le saint abbé Vielle. Il quitta cette maison pour continuer l'étude de la théologie an Séminaire de Saint-Brieuc, où Mgr. Cafarelli l'ordonna prêtre le 27 mai 1809.
L'abbé Homery était vicaire à Le Foeil, près de Quintin, quand, malgré ses vives appréhensions, son évêque l'appela à gouverner la paroisse de Saint-Jacut, où il fut installé comme recteur, le 29 octobre 1812.
C'est à lui que Saint-Jacut est redevable du grand jardin du presbytère, qu'il paya de ses propres deniers, le 26 avril 1816, et dont il fit donation à perpétuité à ses successeurs, le 12 mai 1823.
Transféré au rectorat de Créhen, le 13 janvier 1818, il revint à Saint-Jacut comme curé d'office au départ de M. François Chevalier, de Trigavou, son successeur dans cette paroisse, et du 27 janvier au 29 mars 1823, M. Homery signe à nouveau les registres de Saint-Jacut, soit avec la qualification de « recteur de Créhen », ou bien encore avec celle de « curé binant ».
Dès 1822, M. Homery avait installé à Créhen un orphelinat et une école pour les petites filles, dont il confia la direction à cinq personnes pieuses. Trois d'entre elles, sur ses conseils et sous sa direction, embrassèrent la vie religieuse en 1827 et jetèrent les fondements de l'ordre connu sous le nom de Filles de la Divine Providence de Créhen ou mères des pauvres, destiné, dans l'intention de son zélé fondateur, à l'instruction de la jeunesse et aux soins des malades. L'abbé Homery reconstruisit aussi l'église de Créhen, qui menaçait ruines. Malheureusement, ce travail fut exécuté avec tout le mauvais goût architectural et le peu de solidité qui caractérisaient cette époque.
En 1846, M. Homery édita à Dinan, chez Huart, « La Voix de Dieu qui appelle les pécheurs et les excite à se convertir », volume in-12 de X-500-6 pages, qui respire le zèle le plus enflammé pour le salut des âmes. Il assista en 1852 au synode diocésain tenu à Saint-Brieuc par Mgr. Le Méé, et les notaires du synode, dans leur compte-rendu officiel, rangent immédiatement l'humble recteur de Créhen après les curés du canton et avant les supérieurs des Petits Séminaires et Collèges, et tous les recteurs et aumôniers.
M. Homery décéda à Créhen, dans le couvent fondé par ses soins, le 14 décembre 1861, âgé de 80 ans. Il n'était pas encore chanoine honoraire de Saint-Brieuc. On doit regretter qu'aucune biographie détaillée n'ait fait connaître jusqu'ici au public la vie et les oeuvres de ce serviteur de Dieu, dont nous aurions aimé à reproduire les traits, si nous avions pu nous procurer son portrait.
Dix prêtres encore vivants en 1924, assignent à Saint-Jacut un rang de choix pour le recrutement du clergé dans le doyenné de Ploubalay. Le nombre des ecclésiastiques originaires de cette localité était moins élevé en 1790. C'étaient MM. :
JULIEN HERVÉ, né le 20 juillet 1745, au village du Bas-Bior, du mariage de Barthélemy, marin-pêcheur, et de Catherine Hesry. Il fit ses études au collège de Dinan, où nous le trouvons en cinquième en 1763. Ordonné prêtre le 22 septembre 1770, M. Hervé était vicaire de la Fontenelle en 1779, puis, quatre ans après, il fut pourvu en Cour de Rome, du prieuré-cure de Saint-Remy du Plain, dans le canton actuel d'Antrain, lequel valait 2.000 livres environ de revenu chaque année. Il en prit possession le 17 octobre 1783. Le 1er octobre 1785, ce prêtre eut à s'opposer aux prétentions de Charles Bosquillon, chanoine régulier de l'abbaye de Rillé, qui avait su, lui aussi, trouver moyen de se faire pourvoir en Cour de Rome par dévolu et voulait déposséder M. Hervé de sa cure, mais celui-ci l'empêcha de s'installer et continua de gouverner sa paroisse jusqu'à la Révolution. Ni le recteur de Saint-Remy, ni l'abbé Poussin, de Pleudihen, son vicaire, ne consentirent alors à s'assermenter. Par suite, ils ne tardèrent pas à devenir, l'un comme l'autre, un objet de haine tant pour les municipaux révolutionnaires de Saint-Remy, que pour ceux de Rimoux, localité voisine. Les premiers, le 27 mai 1792, pressaient les autorités départementales d'Ille-et-Vilaine de purger leur commune de ces deux sujets.
MM. Hervé et Poussin furent, en conséquence, obligés de se fixer à Rennes, au mois de juillet suivant, puis, le 14 août, on les enferma dans l'abbaye Saint-Melaine, d'où, le 8 septembre, on les fit sortir pour les conduire en détachement à Saint-Malo, lieu de leur embarquement pour Jersey. En passant à Châteauneuf, l'on arracha violemment l’abbé Poussin aux embrassements de son vieux père, venu pour lui dire adieu. M. Hervé fit viser son passeport à Saint-Malo, le 16 septembre. Il figure parmi les prêtres qui séjournèrent à Jersey durant la Révolution.
Durant, ce temps, son mobilier, vendu à Saint-Remy comme appartenant à une personne « hors la loi », produisit 4.928 livres le 16 ventôse an II (mars 1794), au profit de la République.
M. Hervé revint en France, à la pacification de Bonaparte, et s'en alla reprendre ses fonctions près de ses ouailles, mais son arrivée fut assez mal accueillie par le petit clan des révolutionnaires. Le 31 mai 1800, l'évêque assermenté Le Coz transmit au préfet une pétition du 28 précédent, signée de 34 habitants de Saint-Remy. Les pétitionnaires demandaient à continuer de jouir exclusivement de l'église de leur localité, dont ils étaient en possession au premier de l'an II. Ils ajoutaient que « la majorité des habitants de Saint-Remy réclament un constitutionnel, mais que le maire et l'adjoint avaient fait venir Hervé, l'ancien recteur, qui n'avait prêté aucun des serments demandés par les lois, et dont la violence était connue par les menaces et les maltraitements qu'il exerça envers plusieurs autres prêtres du canton pour les empêcher de faire le serment exigé en 1791 » (Archives d'Ille-et-Vilaine, 3 V 4).
Devant cet esprit d'hostilité, M. Hervé, malade et infirme, ne se sentit pas les forces de continuer la lutte et prit le parti de rentrer à Saint-Jacut. Boullé l'indique comme habitant cette paroisse durant la seconde moitié de l'an 1800 et le note comme paralytique et grabataire. Il mourut dans son pays natal le 15 mai 1803, à sept heures du soir, âgé de 58 ans.
JACQUES-JEAN DAGORNE, naquit à Saint-Jacut le 22 janvier 1751, du mariage de Gabriel et de Marie Dagorne. Il eut pour parrain et marraine Jacques et Jeanne Dagorne. Après avoir fait son cours au collège de Dinan, où nous le trouvons élève en 1769, il prononça ses voeux chez les Bénédictins. Mais nous n'avons su découvrir ni l'année de sa probation, ni le nom de l'abbaye où s'écoula sa vie monacale. Nous retrouvons ce religieux se cachant à Nantes en 1793, sous le proconsulat du sinistre Carrier, et faisant avec le plus grand zèle du ministère secret dans cette ville, ainsi qu'à Saint-Herblain et à Orvault. Après avoir réussi à dépister toutes les recherches durant les plus mauvais jours de la Terreur, le P. Dagorne fut arrêté à Nantes le 10 nivôse an IX (1er janvier 1801), et renfermé au Bouffay comme prêtre insoumis. Dans la requête qu'il adressa le 4 pluviôse (24 janvier) pour obtenir sa liberté sous caution, ce religieux declare « habiter Nantes depuis 8 ans ». Un ordre de Fouché du 13 floréal an IX (3 mai) prononça, à cette date, son envoi à l’île d'Oléron. Dans son enquête du 12 brumaire an X (3 novembre 1801), le préfet de la Loire-Inférieure le note comme « un homme borné. A été incarcéré par ordre du Ministre de la Police, mais ne donne depuis aucun sujet de plainte ».
Lallié raconte que les Nantais connaissaient le P. Dagorne sous le nom de P. Moulins, et qu'il exerçait dans cette ville, dans une maison de la rue Voltaire. Nommé en 1802 chapelain de l'Hôtel-Dieu de Nantes, ce religieux y décéda en fonctions le 31 juillet 1826, âgé de 75 ans. Son acte de décès, que nous avons relevé nous-même sur les registres de l'état-civil nantais, l'indique comme né à Saint-Jacut, alors que tous les biographes du P. Dagorne le donnent à tort comme originaire de Dol (Cf. Lallié : Le Diocèse de Nantes durant la Révolution, t. II, in-8, Nantes, 1893. — Sévestre : Le Clergé breton en 1801, in-8, Paris, 1912).
Note : D'après un acte du 24 pluviôse an Il (12 février 1794), nous savons que cet ecclésiastique était bénédictin à Angers en 1790. Son père, âgé de 75 ans en 1794, avait fait de vains efforts pour le retenir à Saint-Jacut à la dispersion des communautés religieuses. Il avait acheté pour le recevoir, à la vente des moines de Saint-Jacut, a un lit garny, une petite batrie de cuisine et autres commodités propres à l'aménage-ment d'un seul homme ». Son fils s'en étant venu à cette époque, trouva bon ce que son père avait fait, lui dit qu'il allait retourner à Angers pour terminer quelques affaires qui lui restaient et partit la veille de la Toussaint il y a deux ans et demi, promettant qu'il reviendrait à Pâques suivant. Depuis, son père déclare n'avoir reçu de lui aucune nouvelle et, le séquestre ayant été mis sur ses bien, comme père d'un émigré, ce vieillard, par l'acte que nous avons sous les yeux, donnait procuration à Jean Dagorne, un autre de ses fils, « pour faire près du district de Dinan toutes les démarches nécessaires pour obtenir la mainlevée sur ses propriétés ».
Etait par son père originaire de Saint-Jacut, où sa famille occupait depuis longtemps un rang honorable comme notaires ou officiers de justice, JEAN-BAPTISTE-GABRIEL HERVÉ, né à Saint-Malo, pays de sa mère, le 24 juin 1754, de Gabriel-Joseph, sieur de la Ville-ès-Febbres, en Saint-Jacut, et procureur fiscal de l'abbaye de ce nom, et de demoiselle Jeanne-Françoise Gohier.
Après avoir fait ses études au collège de Dinan, où il se lia d'amitié avec le futur P. Dagorne, le jeune Hervé entra au noviciat des Capucins. Il reçut comme tel le diaconat le 17 octobre 1783, et la prêtrise à Dol le 10 avril 1784, sous le nom de P. Jean-Marie de Saint-Jacut. Lors de la Révolution, ce religieux résidait au couvent des Capucins de Saint-Malo, en Saint-Servan, où il remplissait les fonctions de vicaire. A la fermeture de sa maison, le 20 mai 1791, le P. Hervé, qui ne voulait pas plus s'assermenter que manquer à ses voeux de religion, s'embarqua peu après pour le Portugal, où il vécut dans un couvent de son ordre parmi les capucins de ce pays.
Un rapport de police, existant aux Archives Départementales de la Loire-Inférieure, série V, raconte que dans les premiers jours de juin 1825, il est passé à Nantes un capucin revêtu du costume de son ordre. C'était le P. Hervé, alias Jean-Marie de Saint-Jacut, qui était revenu de Lisbonne au mois de mai 1822, tant à cause des troubles qui agitaient alors tout le Portugal, que poussé par le désir de revoir enfin son pays natal. Il s'en était alors allé résider à Languenan chez sa soeur, Marie Hervé. Là, Mgr. de la Romagère, désireux de le conserver dans son diocèse, lui offrit le poste de vicaire de Languenan et le recommanda le 21 décembre 1824 aux bontés du Ministre des Affaires Ecclésiastiques. Mais le P. Hervé était dominé par la pensée de finir ses jours dans un couvent de son ordre, d'où son voyage à Nantes, dans le but d'y trouver un navire faisant voiles pour le Portugal, où les capucins de l'ancienne province de Bretagne avaient déjà trouvé asile en 1791.
A Nantes, le P. Hervé logea chez le P. Dagorne, aumônier de l'Hôtel-Dieu, son ancien condisciple et ami, qui lui fit offrir une place d'aumônier au Sanitat de cette ville. Mais le P. Hervé refusa, car il lui eut fallu renoncer à porter son habit de capucin, lequel, du reste, obtint à Nantes un grand succès de curiosité, en même temps qu'il provoqua un accès de phobie anticléricale aiguë dans la presse libérale de l'époque, en particulier chez l'Ami de la Charte, dont les articles venimeux finirent par émouvoir le Ministre de l’Intérieur et décidèrent celui-ci à ouvrir une enquête, où nous avons puisé une partie des renseignements ci-dessus.
Nous ne savons pourquoi le P. Hervé, au lieu de donner suite à son projet de s'exiler une seconde fois, s'en retourna à Languenan, où il vit mourir sa soeur le 7 mai 1828. Quelque temps après le décès de celle-ci, il sollicitait, en qualité de religieux septuagénaire et infirme, une pension du Ministère des Cultes, par requête en date du 10 décembre de cette année. (Archives des Côtes-d'Armor, série V) [Note : Le P. Jean-Baptiste Hervé, dit le P. Jean-Marie, assistait à Saint-Jacut, le 30 août 1827, aux obsèques d'Aimée-Pélagie Damar, dame Hervé-Langerais, décédée à 93 ans, et, le 21 octobre 1828, il bénissait un mariage à Saint-Jacut].
Le Père Hervé vint alors habiter Saint-Jacut. C'est ici que se place un touchant épisode dont M. l'abbé Auguste Carré, le vénérable et si sympathique recteur de Pleudihen, nous a dit tenir le récit de sa mère : « Une jaguenne s'était absentée pour la pêche, laissant au berceau son enfant endormi. A son retours elle trouva le bon Père Hervé, berçant doucement le petit innocent. Celui-ci s'était en effet réveillé et, se voyant seul, s'était mis à crier, plein d'épouvante. Par bonheur, le vieux capucin l'avait entendu : aussitôt, cet excellent vieillard, ému de compassion, pénétra dans la chaumière, et s'installant près de l'enfant en pleurs, il sut trouver pour lui des paroles apaisantes, puis il se fit son gardien bénévole en attendant le retour de sa mère ».
Fidèle à son voeu de pauvreté, le P. Jean-Marie de Saint-Jacut s'en alla mourir parmi les indigents, à l'Hôpital général de Saint-Malo, en Saint-Servan, le 30 mars 1831, âgé de 77 ans, après avoir fait par testament un legs à la fabrique de Saint-Jacut, pour aider à la reconstruction de l'église de cette paroisse.
Les premiers Jaguens honorés du sacerdoce après la Révolution, furent Pierre-Jean-Gabriel Dagorne, ordonné prêtre à La Rochelle en 1811, vicaire de Corseul en 1819, et décédé recteur de Pléven le 3 mai 1821, âgé de 34 ans, et Gabriel Dagorne, né le 5 juin 1791, ordonné prêtre le 7 juillet 1816 et décédé vicaire de Saint-Caradec le 2 mai 1818, âgé de 27 ans.
Le 6 novembre 1807, reçut son excorporation pour s'en aller dans le diocèse du Mans, l'abbé Honoré-Marie Le Vilain, né à Saint-Jacut le 5 juin 1778, du mariage d’Antoine, alors employé dans les fermes du Roi, originaire de la Gravelle-au-Maine, et de Marie-Louise Fournier, de Notre-Dame de Vitré, qui avait donné treize enfants à son mari.
CLERGÉ CONSTITUTIONNEL. — FRANÇOIS-DENIS HUET, fils de François, cultivateur, et de Jeanne Boscher, originaire de Doite, dans le Maine-et-Loire, fit profession chez les bénédictins de Saint-Maur, en 1771. Il était âgé de 40 ans en 1790, lorsqu'il déclara, comme prieur de l'abbaye de Saint-Jacut, son intention de continuer la vie commune ; mais ses idées se modifièrent au cours des événements. A la dispersion de sa communauté, vers le milieu de l'année 1791, l'ex-prieur fut pourvu d'une pension de 900 livres. C'est aussi vers la même époque qu'il fut élu curé constitutionnel de la paroisse de Saint-Jacut, le 13 juin 1792, et reçut, le 27, son institution canonique des mains de l'évêque Jacob. Le registre des nomination de cet évêque signale que Huet abandonna sa cure, mais nous doutons même qu'il en ait jamais pris possession, car les registres paroissiaux d'état-civil ne portent pas une seule fois sa signature.
Huet, qui, lorsqu'il quitta Saint-Jacut, devait être assermenté, se retira dans l'ancien prieuré de Saint-Jaguel, alors en Saint-Pôtan, acheté par lui nationalement le 13 avril 1791, pour 3.975 livres. C'est là qu'il fut arrêté, en qualité d'ecclésiastique, le 13 mars 1794, et interné d'abord, à la prison Saint-Charles, à Dinan, puis à l'hôtel de Plouër, sur l'ordre du représentant Ruamps. Il signa le 27 juin, pour en sortir, la promesse de se soumettre à l'arrêté pris le 13 juin précédent par le représentant Le Carpentier. En conséquence, il épousa à Saint-Pôtan, le 9 thermidor suivant (27 juillet) la citoyenne Jeanne Folinais, âgée de 33 ans, fille de feu Pierre et de Jacquemine Daniel.
Le nom de Denis Huet figure parmi ceux des ecclésiastiques abdicataires pourvus d'une pension de retraite à la date du 30 fructidor an III (15 septembre 1795). Le 23 juillet 1799, nous avons trouvé que l'ex-moine s'était réfugié à Plancoët à cause de la chouannerie. Huet prêta le serment de soumission exigé par Bonaparte le 3 fructidor an X, et mourut à Saint-Jaguel, âgé de 54 ans, le 14 prairial an XIII (3 juin 1805). Son acte de décès le donne comme cultivateur et époux divorcé de Jeanne Folinais. Ils avaient, en effet, au bout de deux ans d'union, fait rompre leur mariage à Saint-Pôtan pour « incompatibilité d'humeur » le 22 ventôse an V (12 mars 1797). La sépulture du dernier prieur de l'antique abbaye de Saint-Jacut ne figure pas sur les registres de catholicité de la paroisse de Saint-Pôtan, que rédigeait alors le recteur M. Demoy.
Nous avons donné la biographie de JOSEPH BOURREAU DE CHAVIGNY, à l'article Trévron. Nous y renvoyons nos lecteurs.
Vivait encore à Saint-Jacut en 1790 : D. LOUIS-HONORÉ-MAGLOIRE POTIER DE LIGREVILLE, vraisemblablement originaire de Normandie, et âgé de 26 ans en 1790.
Ce jeune religieux quitta son abbaye pour raisons de santé en septembre 1700 et prit quelque temps les eaux à Dinan. Le 21 avril 1791, il était retiré à Bernay, dans l'Eure. Nous le retrouvons le 21 avril 1812 réclamant sa pension comme ancien religieux. Rien dans sa pétition ne témoigne qu'il exerçait encore les fonctions sacerdotales. Il habitait alors à Rouen, 21, boulevard Cauchoise.
Mourut à Saint-Jacut à la fin de 1789, D. Le Sire, ancien prieur de l'abbaye. Etait décédé, croyons-nous, la même année, D. Laurent Thomas, sur lequel on peut trouver des renseignements aux Archives d'Ille-et-Vilaine, série G, fonds de l'officialité de Dol.
L'illustre abbaye de Saint-Jacut, si renommée au Moyen-Age, et qui donna encore de beaux exemples de vertus après sa Réforme au milieu du XVIIème siècle, méritait vraiment de mieux finir.
SUPPLÉMENT. Extrait du registre d'écrou de la prison de la Tour Le Bart : « Jean Bigot, Charles Robert, Nicolas Duchesne, Charles Bestaux, René Loizel, François Robert, envoyés de Port-Malo par ordre du général Rey, incarcérés à la Tour Le Bart, à Rennes, le 23 prairial an III (11 juin 1795). — Duchesne et Bestaux évadés le 4 thermidor an III (22 juillet). — René Loizel transféré à l'infirmerie de la maison de justice de Rennes le 29 fructidor an III (septembre 1795) ». (A. Lemasson).
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