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L'ENFANCE DE SAINT JACUT. |
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La Grande Bretagne au Vème siècle après J.- C. — Les émigrations bretonnes en Armorique. — Les parents de Jacut. — Leur passage dans notre patrie. — Ils s'établissent à Ploufragan.
[Note : Ouvrages consultés. Sources : Vita Wincaloei a Wurdestina, Analecta Bolandiana, t. VII. 1888. — Catalogus Codicum hagiographicorum qui assercantur in Biblio. Natio. Parisiensi, (Bruxelles 1889, tome 1er. — Vie de saint Jacut, par D. Noël Mars, Man. Lat. 12780 à la Bibl. Nat. — Vita Sti Jacuti ex antiquis breciariis manuscriptis ejusdem monasterii. Bibl. Nat. ms 1. 11766. — Travaux : La Borderie, Histoire de Bretagne, tome 1er. — Dom Gougaud : Les Chrétientés Celtiques. — Geslin de Bourgogne et Barthelemy : Anciens évêchés de Bretagne, tomes I et IV. — Lobineau : Vie des Saints de Bretagne. — Comte de Laigue : Vie de saint Gwennolé. — P. Allier : Vie et légende de saint Gwennolé. — J. Loth : Les noms des Saints Bretons].
Le Vème siècle de l'ère chrétienne compte parmi les périodes les plus sombres de l'histoire de la Grande Bretagne. Harcelées sans merci par des Bandes d'Anglo-Saxons qui mettaient tout à feu et à sang, et ne laissaient après elles que ruines et désolation, les populations celtiques qui habitaient alors ce malheureux pays, avaient vainement essayé d'opposer une résistance efficace aux féroces envahisseurs accourus de la Germanie. Bientôt épuisés par leurs divisions intestines, usés par les combats journaliers qu'ils devaient soutenir, les Bretons insulaires furent acculés à prendre les résolutions les plus extrêmes, pour éviter une extermination complète. Telle fut l'origine d'un mouvement d'émigration qui devait se poursuivre durant deux siècles, et qui eut pour notre vieille Armorique les plus heureuses conséquences, puisque c'est de ce moment que l'on peut faire dater son entière conversion au christianisme [Note : M. Loth croit que les invasions n'eurent pas sur les émigrations toute l'importance que leur attribue La Borderie. En tout cas c'est aux invasions que les hagiographes les plus anciens ont toujours attribué l'exode de Fracan et de sa famille].
A cette époque si funeste, vivait en Grande-Bretagne, nous disent les vieux auteurs, un chef fameux appelé Fracan, cousin du roi breton Cathoui ou Cathovus [Note : Il est difficile de situer exactement la partie de la Grande-Bretagne d'où Fracan était originaire. Les plus vieilles chroniques ne la nomment pas. Suivant dom Gougaud, les premiers émigrants venaient de l'ancienne Domnonée, devenue la presqu'île de Cornouailles, (Comtés de Cornval, Devon, Dorset et Sommerset). M. de La Borderie, à la page 306 de son Histoire de Bretagne, dit que le royaume de Catouï était sans doute l'un des petits états bretons si peu connus entre lesquels se partageait la région de la Bretagne insulaire s'étendant de la rivière de Dee au golfe de Solway]. De sa femme Gwen, que nous connaissons mieux sous le nom de sainte Blanche, lui étaient nés deux fils jumeaux, Jacut et Guethenoc. Durant longtemps à la tête des guerriers de son plou (petite tribu), le tiern breton avait lutté contre les redoutables hordes d'Hengist et d'Horsa, dont la cruauté égalait la bravoure. Mais, malgré leur vaillance, les soldats de Fracan, tombaient les uns après les autres sous la hache de guerre des terribles saxons et chacune des razzias de ces insatiables pirates amoncelait derrière elle de nouveaux désastres. Aussi, jugeant à la fin toute résistance inutile, Fracan crut-il devoir rassembler un jour tout ce qui lui restait de son clan : « L'exil, leur dit-il, est préférable à l'esclavage. Quittons donc cette patrie pour laquelle nous combattons en vain depuis si longtemps, mettons en sûreté nos familles et cherchons ailleurs un ciel plus clément et une terre plus hospitalière ». « Peu de gens, écrit Wrdisten, biographe de saint Gwennolé, s'embarquèrent avec Fracan ». Nul doute que les incursions saxonnes n'eussent fortement éclairci la population de son plou, mais d'autres raisons peuvent expliquer le petit nombre de ceux qui s'attachèrent à ses pas : il est en effet toujours si dur de s'arracher à sa patrie ! D'autre part, Fracan était un des premiers à s'engager dans la voie toute nouvelle alors de l'émigration. L'on conçoit donc sans peine que le courage fit défaut au plus grand nombre, lorqu'il s'agit de prendre la mer.
Ces évènements, d'après La Borderie, se passaient vers l'an 460.
« Bientôt, nous dit cet historien traduisant le moine Wrdisten, un vent soufflant du Nord-Ouest fit atterrir les émigrants à l'embouchure de la rivière du Brahec, cours d'eau de très minime importance, qui va se jeter dans la baie de Saint-Brieuc, sous le bourg actuel de Langueux ». La côte qui est maintenant basse et dénudée, leur apparut superbe, couverte qu'elle était de ces magnifiques forêts qui ombrageaient alors le sol de l'Armorique. Aussi Fracan trouvant ce lieu propice, ordonna à ses compagnons de tirer leurs barques au rivage ; puis une fois à terre, il se mit avec sa troupe à chercher un canton où ils pussent s'établir commodément tous ensemble. Ils eurent bientôt fait de découvrir ce qu'ils voulaient.
Les invasions des barbares, ainsi que les derniers temps de l'occupation romaine, avaient en effet bien dépeuplé l'Armorique et il n'y manquait pas, surtout sur les côtes, de régions presque désertes. Une rivière aux rives abruptes et sauvages traversait dans toute sa longueur le territoire choisi par Fracan. L'appellation qu'elle portait sans doute alors, elle la garde maintenant : on la nomme encore le le Goat ou Gouet (fleuve de sang).
Fracan installa sa famille non loin de ses bords et le lieu où il se fixa a toujours conservé depuis son nom ainsi que son souvenir : c'est la paroisse actuelle de Ploufragan.
Les Romains, aux beaux temps de leur séjour en Bretagne, avaient fondé des établissements prospères aux environs de la Vallée-Double, près du lieu où s'élève maintenant la ville de Saint-Brieuc. Peut-être Fracan habita-t-il à son arrivée quelque villa [Note : M. de la Borderie signale non loin du bourg actuel de Ploufragan un gisement de tuiles à crochets, débris de quelque villa gallo romaine] gallo-romaine alors dévastée et déserte, sinon il se construisit un campement composé de ces vastes huttes rondes, en usage à cette époque chez les peuples celtiques ; puis, pour subsister, lui et ses gens durent se livrer assidûment à la chasse et à la pêche, tels les modernes trappeurs, à travers les vastes forêts vierges de l'Amérique. De bonne heure aussi, il pratiqua l'élevage, car nous savons par la vie de saint Gwennolé, que le dressage et les courses de chevaux étaient en honneur dans ce pays peu d'années après l'arrivée de Fracan.
Que devenaient durant ce temps les deux aînés du tiern exilé, Jacut et Guethenoc Elevés ensemble à la dure école de l'adversité, ils avaient pris de bonne heure, disent leurs vieux biographes, ce sérieux et cette gravité que l'on n'acquiert bien que lorsqu'on a souffert. D'autre part, leurs pieux parents, dont les noms sont tous deux inscrits parmi les saints de notre Bretagne, avaient su orienter vers Dieu, dès leurs premiers ans, de jeunes coeurs qui se sentaient naturellement inclinés vers Lui. Faut-il donc nous étonner, quand leurs historiens nous racontent que dès leurs plus tendres années une douce auréole de sainteté brillait sur leurs fronts, sainteté qui ne devait pas tarder à se traduire au dehors par des miracles. (abbé Lemasson).
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