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SAINT JACUT ET L'ILE LAVRE.

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Le merveilleux dans la vie de nos saints bretons. — Naissance de saint Gwennolé. - Sa vocation. — Saint Jacut et saint Guethenoc à Lavré. — L'éducation dans les écoles monacales au Vème siècle. — Premier miracle de saint Jacut.

[Note : Ouvrages consultés. Sources : Vita Wincaloei a Wurdestina, Analecta Bolandiana, t. VII. 1888. — Catalogus Codicum hagiographicorum qui assercantur in Biblio. Natio. Parisiensi, (Bruxelles 1889, tome 1er. — Vie de saint Jacut, par D. Noël Mars, Man. Lat. 12780 à la Bibl. Nat. — Vita Sti Jacuti ex antiquis breciariis manuscriptis ejusdem monasterii. Bibl. Nat. ms 1. 11766. — Travaux : La Borderie, Histoire de Bretagne, tome 1er. — Dom Gougaud : Les Chrétientés Celtiques. — Geslin de Bourgogne et Barthelemy : Anciens évêchés de Bretagne, tomes I et IV. — Lobineau : Vie des Saints de Bretagne. — Comte de Laigue : Vie de saint Gwennolé. — P. Allier : Vie et légende de saint Gwennolé. — J. Loth : Les noms des Saints Bretons. — Albert Le Grand, Vie des Saints de Bretagne. Salaün, 1901. — A. de la Villerabel, Vie de saint Brieuc].

Avant d'écrire les pages qui vont suivre et dans lesquelles nous rencontrerons assez souvent le merveilleux et le surnaturel, nous tenons à ouvrir une parenthèse au sujet des multiples miracles que l'on attribue à nos vieux cénobites bretons.

Loin de nous la téméraire, nous allions dire la sacrilège pensée de rejeter en bloc tous ces pieux récits « comme un tissu de fables plus propres à divertir les libertins, qu'à édifier la piété des fidèles ». Sans doute quelques-unes des histoires que les hagiographes du Moyen-Age nous racontent avec leurs accents ingénus, ne sont que le produit de la fiction naïve des générations qui les ont précédés, lesquelles ont parfois transporté dans le monde de la légende et revêtu des voiles du merveilleux un fait historique primitif très réel : tels, par exemple, les multiples dragons que nous voyons la plupart des premiers apôtres de notre pays précipiter dans la mer et qui symbolisent les victorieux efforts de ces saints religieux pour extirper le paganisme. Mais, au demeurant, l'on ne voit pas de raison sérieuse pour laquelle des spiritualistes refuseraient foi de parti pris aux récits miraculeux qui foisonnent dans la vie des saints de notre Bretagne. L'on ne peut même pas alléguer que des faits identiques ne se produisent plus à notre époque, car il suffit d'ouvrir la vie du B. Curé d'Ars, pour trouver à chaque page une foule d'épisodes merveilleux qui sont entourés de toutes les garanties nécessaires pour s'imposer à notre confiance. Et nous pourrions citer comme exemples, une foule d'autres noms que celui du B. J.-B. Vianney.

Après cette digression qui nous a semblé nécessaire pour l'intelligence de ce qui va suivre, revenons à notre histoire. Il y avait peu de temps que Fracan habitait l'Armorique, quand Dieu accorda à ses prières, ainsi qu'à celles de sa vertueuse épouse, la naissance d'un troisième fils qui reçut le nom de Gwennolé, enfant prédestiné, consacré à Dieu dès avant sa naissance, et dont la célébrité devait éclipser dans la suite celle des autres membres de sa famille.

La Borderie fixe à l'année 468, l'époque à laquelle Fracan, tout ému d'une intervention divine, se sépara du jeune Gwennolé alors âgé d'environ sept ans, pour confier son éducation à saint Budoc, surnommé en ce temps le docteur très élevé.

L'évènement providentiel, qui sinon décida de la vocation de saint Gwennolé, du moins hâta sur lui l'accomplissement des desseins d'En-Haut, exerça-t-il quelque influence sur la destinée de ses deux autres frères ? Faut-il y chercher la raison qui détermina Fracan à placer Jacut et Guethenoc sous la direction de saint Budoc, ou bien pouvons-nous croire que ces deux jeunes gens, en qualité d'aînés, avaient déjà précédé leur frère chez ce saint ?

Rien n'empêche, nous semble-t-il, d'opter pour cette hypothèse et cela d'autant mieux que les Bretons à cette époque jouissaient déjà d'une certaine civilisation et estimaient fort les belles lettres, la poésie en particulier. D'ailleurs leur clergé, qui exerçait sur eux une grande influence, dirigeait alors dans ses monastères plusieurs écoles très célèbres.

Quoi qu'il en soit, voici le fait auquel nous faisions allusion tout à l'heure, tel qu'il nous est raconté par dom Lobineau dans sa Grande Vie des Saints de Bretagne :

« Un jour donc que Fracan était sorti pour surveiller quelques travaux aux environs et qu'il résistait en lui-même à l'inspiration qui le pressait de remplir sa promesse et de consacrer à Dieu son fils Gwennolé, il fut surpris par un épouvantable orage et soudain on le vit tomber à terre comme frappé par le feu du ciel. On courut lui porter secours, mais lui poussait de profonds soupirs : Seigneur, ils sont tous à vous, et je vous les consacre tous sans exception. Recevez-les, Seigneur, qui me les avez donnés et accepte l'humble sacrifice que je vous en fais. Non seulement Gwennolé, Seigneur, mais encore ses deux aînés et Cleirvie [Note : Cleirvie, semble-t-il, était née après Gwennolé sur la terre d'Armorique. Ainsi que le reste de sa famille, elle est invoquée comme une sainte. M. J. Loth orthographie Creirvie et non Cleirvie] leur soeur, non seulement les enfants, mais le père et la mère aussi ».

Nous ne relaterons point ici les épisodes miraculeux qui signalèrent le trajet de Fracan, lorsqu'il conduisit son fils Gwennolé pour le remettre aux soins de saint Budoc. Les auteurs anciens qui nous racontent ce voyage, ne mentionnent pas, en effet, que Jacut et Guethenoc aient été de la partie, ce qui semble supposer qu'ils étaient tous les deux, depuis quelque temps déjà, à Lavré, petite île située tout auprès de Bréhat et dans laquelle le Docteur très élevé avait établi son monastère-école.

Il serait intéressant de pouvoir fixer ici l'ensemble des connaissances que comportait à cette lointaine époque le cycle scolaire. Malheureusement, la situation particulière des chrétientés celtiques rend cette tâche difficile, car il paraît très probable que les choses se passaient de façon différente dans les monastères bretons et dans les grandes écoles qui existaient encore alors dans quelques villes de la Gaule. Nous savons, cependant, par la vie de plusieurs des saints de notre pays, en particulier saint Samson, saint Gildas et saint Cado, que les études classiques étaient encore en honneur, malgré les malheurs des temps, dans les écoles monastiques des deux Bretagnes. D'ailleurs, pour célébrer le culte divin, lire l'écriture Sainte et s'assimiler les vérités de la religion pour les expliquer aux fidèles, il fallait, de toute nécessité, alors comme maintenant, apprendre la langue latine. La Borderie croit même pouvoir avancer que l'on enseignait dans quelques écoles, tant de la Grande que de la Petite Bretagne, ce que l'on est convenu d'appeler les sept arts libéraux, c'est-à-dire la grammaire, le dialectique, la rhétorique, la géométrie, l'arithmétique, l'astronomie et la musique, ce qui constitue déjà un assez joli programme pour un siècle que l'on considère ordinairement comme une époque de barbarie.

Nous ne connaissons que très imparfaitement le régime auquel étaient soumis les écoliers dans ces maisons monacales, images lointaines de nos établissements actuels d'enseignement. Il paraît cependant que les élèves étaient divisés en deux séries distinctes : d'un côté, les novices et les futurs moines, de l'autre, les jeunes enfants confiés par leurs familles afin de faire leur éducation. « Les étudiants, écrit M. de la Borderie, étaient partagés par petits groupes, dont chacun se trouvait placé sous l'autorité d'un moine qui était à la fois leur professeur dans l'ordre intellectuel et leur directeur dans l'ordre spirituel, comme délégué de l'abbé ». On voit aussi par divers traits de la vie de saint Gwennolé, que ces jeunes gens jouissaient même d'une assez grande liberté, en dehors du temps consacré à la prière et au travail. Ainsi, pouvaient-ils par exemple, de temps à autre, retourner voir leurs proches et avoir des relations avec les personnes du dehors qui venaient à Lavré.

Ces relations, d'ailleurs, devaient être plutôt rares. A part la réputation de sainteté dont jouissait le vénérable Budoc, la situation de l'île Lavré, rocher sauvage, battu par les flots et mesurant à peine 10 hectares de superficie, n'avait en soi rien de ce qui pût attirer les visiteurs à cette époque, où le tourisme n'était pas encore à la mode.

Les jours dans cette solitude devaient s'écouler calmes et uniformes, partagés entre l'étude et la prière. Voir passer les barques d'émigrants venant de la Grande-Bretagne, qui devenaient de plus en plus nombreux à mesure que le Vème siècle approchait de sa fin, était sans doute la plus grande distraction des habitants de Lavré. Dans leurs petites cellules rondes, mesurant environ trois mètres de diamètre et dont les substructions de quelques-unes subsistent toujours, les solitaires pouvaient méditer à leur aise : l'éternel murmure des flots troublait seul le silence de leur retraite.

Par une relation latine du XIIème siècle, pour la rédaction de laquelle son auteur anonyme prétend avoir utilisé des documents anciens, nous savons combien furent rapides dans les sciences divines et humaines les progrès des deux aînés de Fracan, « à tel point, écrit leur biographe, que, si bien doués fussent-ils, par la Providence, il était manifeste qu'ils devaient plus leurs succès à une illumination d'En-Haut qu'à leurs talents naturels ». Leurs progrès dans la vertu dépassaient encore leurs succès dans leurs études et valaient à saint Jacut aussi bien qu'à Guethenoc, avec la confiance spéciale de leurs maîtres, l'affection de leurs condisciples.

Cependant la réputation des deux adolescents n'avait pas encore franchi les limites de leur monastère. Seuls, Dieu et ses anges connaissaient tout le prix de ces trésors cachés. Mais cette existence paisible et heureuse allait bientôt prendre fin : l'Eternelle sagesse qui sait, quand il Lui plaît, manifester au monde la sainteté de ses serviteurs, avait résolu, dans ses insondables décrets, de glorifier à jamais le nom de Jacut et de Guethenoc, en les favorisant dès leur jeunesse, du précieux pouvoir de faire des miracles. Parmi les multiples guérisons [Note : La relation que nous utilisons, cite aussi la guérison d'un aveugle, ainsi que celle d'un jeune homme mordu par un serpent venimeux ; mais ces guérisons étant également attribuées à saint Gwennolé par son biographe Wrdisten, nous préférons en omettre ici le récit. (Voir Bibliothèque Nationale. Manuscrit latin 5296)] que leur pieux biographe du moyen-âge attribue aux deux frères, en voici une accomplie par Jacut en personne et que nous relatons ici d'après le manuscrit latin déjà cité plus haut.

Un malheureux lépreux [Note : Le genre de la maladie ne doit pas faire regarder ce miracle comme apocryphe. car la lèpre fut apportée d'Orient en Europe, par les armées romaines, longtemps avant les croisades], dans le secret espoir de trouver à l'île Lavré la délivrance de ses rebutantes infirmités, était parvenu, après bien des efforts, à aborder ce lieu.

Or, un jour que saint Jacut s'était écarté des bâtiments monastiques, voilà que ce misérable s'approcha de lui et lui demanda humblement l'aumône. Plein de compassion pour les pauvres, ces membres souffrants de Jésus-Christ, notre aimable adolescent n'avait, en les soulageant, qu'un regret, celui de ne pas pouvoir les secourir suffisamment à son gré. Aussi, tout en remettant au mendiant l'argent qu'il portait sur lui, Jacut, tel un malfaiteur, regarde s'il n'aperçoit nul témoin de l'acte que son ardente charité le presse d'accomplir, puis, ne voyant personne, il baise la main couverte de plaies affreuses, qui se tend vers lui suppliante. Mais, ô merveille admirable ! à l'instant même où les lèvres du jeune saint se posent sur les horribles cicatrices, celles-ci se ferment immédiatement et la lèpre disparaît pour toujours.

Malgré les adjurations de Jacut qui craignait d'être découvert comme s'il eût commis quelque mauvaise action, l'on conçoit sans peine que le miraculé ne tînt pas la chose secrète et s'en fut publier partout avec sa guérison le nom de son bienfaiteur. Plusieurs autres miracles aussi remarquables, accomplis à peu d'intervalle par Jacut et Guethenoc, portèrent au comble la réputation des deux frères et leur valurent une renommée qui chaque jour s'étendait davantage. (abbé Lemasson).

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