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MIRACLES DE SAINT MAGLOIRE

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Ce caractère maritime de l'existence de Magloire, qui fait de lui dans nos parages, dans le canal de la Manche et sur les côtes de Bretagne, le protecteur attitré des gens de mer, des îlois et des hommes du littoral, s'accentue encore dans les nouveaux textes que nous publions ci-dessus sous le titre de Miracles de saint Magloire.

Au chapitre III, nous le voyons appelé dans l'île de Jersey (Angia), la délivrer d'un cruel fléau, un de ces dragons énigmatiques si nombreux dans nos légendes, où ils figurent d'ordinaire l'esprit du mal, le règne de l'antique serpent, le paganisme. En retour de ce bienfait, les Jersiais offrirent le domaine de toute leur île au saint, qui se contenta de la septième partie, où bientôt s'établit un monastère, colonie de l'abbaye de Serk, perpétuée à travers le moyen-âge, sous le titre de prieuré ou chapelle de Saint-Mannelier, nom qui subsiste encore aujourd'hui et qui n'est qu'une altération de saint Magloire [Voir Gerville, Recherches sur les îles du Cotentin et sur la mission de saint Magloire (Valognes, 1846), p. 12].

Au chapitre II, il défend victorieusement son île de Serk contre une attaque des pirates saxons (Note : Les Saxons sont appelés là Normanni ; il n'y a point lieu de s'en étonner, puisque au temps où cette partie (840 à 850) de la Vie de saint Magloire a été, on qualifiait de Normands tous les pirates]. Evénement d'un caractère très historique : car ces forbans ne se contentèrent pas aux Vème et VIème siècles d'envahir l'île de Bretagne, d'en chasser les indigènes et de les jeter en Armorique ; ils insultèrent fréquemment l'Armorique elle-même, ses côtes, ses îles. Sous le roi Childebert Ier, on avait vu de même Jersey ou Jersei (Angia) attaquée par une flotte portant trois mille Saxons, et les indigènes valides, capables de porter les armes, bien qu'en très petit nombre, poussés par un pieux ermite, saint Marcouf, jeter ces brigands dans la mer. Excités, dirigés par leur abbé-évêque, autant en firent les Serkains.

La puissance de saint Magloire, même de son vivant, n'était point bornée aux îles, à l'Océan, si vaste qu'il soit ; comme l'Océan, elle pénétrait dans les terres et remontait les fleuves avec le flot.

Sur la rive droite de la Rance, au bord d'une grande plaine d'eau, un disciple de saint Samson, appelé Sulin, Sulian ou Suliau, avait fondé, dans la seconde moitié du VIème siècle, un grand monastère au lieu marqué par l'église qui garde encore aujourd'hui son nom un peu altéré — Saint-Suliac. C'est ce que nous apprend le chap. Ier des Miracles de saint Magloire (Dans Mabillon, A. SS. O. S. B. Saec. I, p. 132), qui est aujourd'hui le plus ancien document relatif à ce saint. Ce texte ne nous dit pas si ce Sulin ou Sulian d'Armorique (Sulinus) doit, ou non, être identifié avec le saint Sulio, Silio ou Tissilio de l'île de Bretagne ; mais il nous montre l'importance de son établissement monastique, puisque l'alimentation du nombreux personnel exigeait l'emploi, non d'un simple cuisinier (magirus), mais de tout un service dirigé par un chef supérieur (archimagirus), nous dirions aujourd'hui un maître-queux. Ce haut serviteur, un laïque, investi de toute la confiance de Sulian [Note : « Qui Sulinus quemdam habebat archimagirum, cui prae ceteris, speciali familiaritate, omnes suae culinae commiserat impensas »], devait avoir des distractions dans son office, car il aimait une jeune fille qui habitait de l'autre côté de la Rance, et souvent, à l'insu de tous, à la nage, il passait le fleuve large en ce lieu comme un bras de mer.

Une nuit d'orage, au cours de ce trajet, un congre énorme, vengeur de tous ses frères immolés dans la cuisine des moines, saisit, étreignit à l'étouffer le hardi nageur, qui appela à son aide tous les saints. Un seul entendit sa voix, montra sur les flots sa radieuse figure et le tira de ce mauvais pas ; ce fut Magloire, qui pourtant vivait encore, mais déjà tout enveloppé d'une sublime auréole de sainteté, dans son monastère de Serk. Sulian, instruit du fait, très reconnaissant du grand service rendu à l'un des siens, à toute sa communauté, par Magloire, envoya à Serk l'archimagirus lui porter ses hommages, ses actions de grâce, et lui offrir, au nom des moines de la Rance, de riches présents. Le saint fort humblement les refusa ; mais à cette occasion fut conclu entre les deux monastères l'échange des deux domaines dont il est question au § Ier du présent Commentaire historique [Note : Dans les livraisons de septembre et octobre 1889 de la Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou (1889, 2ème semestre, p. 220-225 et 297-302), sous le titre : Héro et Léandre dans la Rance ou le Cuisinier de saint Suliac, et sous un pseudonyme très transparent (Jean de Kermalo), j'ai publié en français un récit de ce miracle de saint Magloire, avec indication du ms. contenant le texte latin, citation de plusieurs passages de ce texte avec le folio, et enfin traduction de l'épisode en vers français du XIVème siècle (1319) extraite de la Vie rimée de saint Magloire, ms. 5122 de l'Arsenal. — Dans le 4ème fascicule des Analecta Bollandiana de 1889, distribué au mois de décembre, le R. P. dom Plaine a imprimé le texte latin de ce miracle (Anal. Boll. t. VIII, p. 379-381), sans faire la moindre allusion aux deux articles de la Revue de Bretagne. Il n'était pas tenu d'en parler, je le reconnais. Mais j'ai dû signaler le fait pour bien établir qu'en publiant ici ce texte. je me borne à reprendre mon bien].

Magloire devait être alors fort avancé en âge. Dans les derniers temps de sa vie, il ne pouvait même plus se rendre à l'église, sans être soutenu ou plutôt porté par deux diacres choisis parmi les moines les plus robustes de sa communauté. Un jour, un de ces diacres pris d'une faiblesse soudaine, fut obligé de cesser son office. A cette époque, les femmes entraient encore, sinon dans le monastère de Serk, du moins dans l'église. A la porte de cette église, le diacre en avait vu une dont la beauté provocante l'avait frappé comme d'un coup de foudre, brisant à la fois sa force physique et son énergie morale. A la suite de cette aventure, et pour éviter le retour d'un pareil scandale, Magloire ferma définitivement son église aux femmes (voir chap. IV, ci-dessus p. 12-235, n. 10).

Quant au reste du monastère, elles n'y avaient sans doute jamais mis le pied, car un curieux document, écrit au commencement du VIIIème siècle, et qui exprime, dans leurs principaux traits, les différents états de l'église scoto-bretonne aux trois siècles précédents, lui donne pour caractère, au Vème siècle et au VIème jusque vers 530, la prédominance du clergé séculier et l'admission des femmes à certaines fonctions religieuses [Note : Ce document, intitulé « Catalogus Sanctorum. Hiberniœ secundum diversa tempora », a été publié par Usher dans ses Britannicarum ecclesiarum antiquitates (1687), p. 473-474, et tout récemment par Haddan et Stubbs, Councils and Ecclesiastical documents relating Great Britain and Ireland, t. II (1878), p. 292-293. En voici le début : « Primus ordo catholicorum sanctorum erat in tempore Patricii. Et tunc erant episcopi omnes... Mulierum administrationem et consortia non respuebant... ». Cf. lettre de saint Melaine à Louocat et Cathiern, publiée par M. l'abbé Duchesne dans Revue de Bretagne, année 1884/1885, 1er semestre] ; au VIème siècle au contraire, surtout depuis 530, le monachisme du clergé, l'exclusion absolue des femmes de toute fonction religieuse et de l'enceinte des monastères [Note : « Secundus ordo sanctorum talis erat. In hoc enim ordine pauci erant episcopi... Abnegabant mulierum administrationem, separantes eas à monasteriis (Var.) Mulierurn consortia ac administrationem fugiebant, atque monasteriis suis eas excludebant ». (Haddan and Stubbs, Councils, etc. II, 292). Sur la durée des périodes qualifiées ici Primus et Secundus ordo sanctorum, voir Haddan and Stubbs, Ibid., et William Skene, Celtic Scotland, II, p. 13].

Les faits dont nous venons de parler, relatés aux quatre premiers chapitres des Miracles de saint Magloire, sont donnés comme antérieurs à la mort du saint ; ceux qui suivent, au contraire, sont postérieurs.

Le chapitre V raconte une descente de pirates, qui au nombre de neuf cents environ, pillèrent l'île de Serk, le monastère, violèrent même le tombeau du saint et — sans doute sous l'influence de libations trop copieuses, accompagnement ordinaire de ces expéditions — finirent par se prendre de querelle et par se détruire entre eux presque jusqu'au dernier. Ici il s'agit bien des Normands, ce doit être un épisode de leurs premières attaques contre la Bretagne en 836, mentionnées comme suit par Pierre Le Baud, d'après d'anciennes chroniques bretonnes aujourd'hui perdues :

« Dit Sigebert que, l'an 836, les pyrites de Norwegue et de Dannemarche gasterent Bretagne et autres terres... Contre lesquels Norwegiens, ainsi qu'ils degastoient Bretagne, le duc Nemenoius, qui encore lors par la permission de l'empereur Loys (Louis le Débonnaire) la gouvernoit, assembla les Bretons et se combattit à eux près la cité de Lexoviense (Leonense, ou Léon, selon D. Lobineau et D. Morice), qu'ils avoient prinse et destruite. Si fut en celle bataille occise multitude d'hommes, tant des Bretons que des Norwegiens, sans ce que nulle des parties eust victoire » (Le Baud, Histoire de Bretagne, p. 98. Cf. Lobineau, Histoire de Bretagne, I, p. 35 ; D. Morice I. p. 31).

Enfin le chapitre VI des Miracles présente en plein relief, sous une forme bien vivante, quelques scènes de moeurs du IXème siècle.

Nous avons vu plus haut l'histoire de Nivo, seigneur de l'île Bissargia ou Guernesei (Guernesey) au temps de saint Magloire. Cette île, au IXème siècle, était encore possédée par un seul tiern breton, dont on ne nous dit pas le nom, mais dont on vante la richesse et l'importance [Note : « Quidam home satis opulentus Bissargiam insulam, Sargiae vicinam. hereditario jure tenebat ». Et plus loin on l'appelle « tantus vif » : « Ne tanti viri filius vel ad modicum tristaretur »]. Ce seigneur, dans sa dernière maladie, avait commandé qu'on l'enterrât dans le monastère de Serk ; pour avoir l'autorisation des moines et obtenir leurs prières, il leur avait laissé de riches présents, qui furent remis en effet au monastère, le jour des funérailles, par ses frères et ses amis, entre autres : son coursier tout caparaçonné, son baudrier d'or, ses éperons d'or, son glaive et ses bijoux.

Son fils, qui guerroyait ou tout au moins voyageait au loin, ne revint qu'après l'enterrement. Il manifesta le désir de reprendre, en les bien payant, les pièces d'armure et de parure données aux moines par son père. Ceux-ci, pour ne pas mécontenter cet homme puissant, y consentirent. Il vint au monastère, bien accompagné. On lui remit la riche offrande paternelle ; aussitôt il s'en saisit, la fit enlever par ses serviteurs, puis détala au triple galop sans rien payer, riant de grand coeur du bon tour qu'il venait de jouer aux moines. Ceux-ci firent sonner leurs cloches et coururent à la tombe de saint Magloire, le suppliant de punir le brigand. Le saint n'y manqua pas ; et tandis que le drôle poussait son cheval à fond de train, il lui lança, dit notre texte, un coup de sa crosse au beau milieu du front, qui nécessairement renversa le cavalier, et les suites de cette chute le mirent bientôt à l'article de la mort. Il rendit alors, ainsi châtié, tout ce qu'il avait pris, y ajouta même d'autres présents. Mais l'hagiographe, qui semble avoir vu cette scène et garde encore rancune au voleur, n'est pas sûr qu'il obtint miséricorde (extrait des notes d'Arthur de la Borderie).  

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