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LES DERNIERS CORSAIRES MALOUINS : LA CAMPAGNE

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Relâches. — Désarmement.

Chaque sortie des corsaires dure ordinairement fort peu. On est inquiet sur leur sort quand ils restent plus d'un mois en mer sans donner de leurs nouvelles. La tempête, la poursuite de l'ennemi, le manque de vivres ou la diminution de l'équipage les forcent à relâcher fréquemment dans un port ou dans l'autre [Note : Les ports choisis pour les relâches sont à peu près les mêmes que ceux du terrissage des prises].

Ils y attendent, en réparant leurs avaries, une occasion et un temps favorables pour une nouvelle croisière. La construction d'un « tambour » au pied du grand mât fatigué par une chasse mouvementée peut suffire pour tenir la mer durant quelques jours [Note : P. j. n° 41. Campagne de La Confiance]. Mais il serait souverainement imprudent de s'y fier trop longtemps. Les navires malouins portent à bord ou trouvent lors des relâches toutes les pièces de rechange les plus indispensables. Tous les jours le correspondant de l'armateur fait transporter à bord des vivres frais : pain, viande, légumes et boissons. Il se charge également à l'occasion de la correspondance des officiers et des matelots [Note : P. j. n° 62. Comptes de relâche du Tigre]. Les conducteurs et les marins des prises heureusement terries rejoignent leur poste. Le capitaine enrôle au besoin de nouvelles recrues pour combler les vides de l'équipage [Note : Les autorités profitent souvent des relâches pour rechercher les déserteurs à bord des corsaires. P. j. n° 11, et n° 12].

Des renseignements précieux sont parfois donnés au cours de ces relâches, soit par les prisonniers français revenant d'Angleterre, soit par les étrangers embauchés dès leur sortie des prises. Le corsaire informé de la présence de bâtiments du commerce ou de navires de guerre sur tel ou tel point de la côte en tire toujours quelque profit. Les sémaphores lui transmettent les dernières instructions de l'armateur et de nouveau le capitaine donne à ses hommes le signal du départ, avec l'espoir d'une croisière plus productive encore sans doute que la première.

La durée des relâches est souvent égale sinon supérieure à celle du temps réellement consacré à la course. Il n'est pas rare d'en trouver trois et quatre durant la même campagne. Les armateurs ne les aiment guère et font naturellement tous leurs efforts pour les réduire au minimum.

Quelquefois, après une riche capture heureusement terrie, les marins du corsaire reçoivent de légers acomptes sur les parts de prises auxquelles ils ont désormais un droit strict. Le plus souvent ces acomptes sont directement versés à leurs familles [Note : P. j. n° 10. Etat de Répartition du Dinannais]. Les matelots eux-mêmes n'ont pas besoin d'argent car le capitaine ne se hasarde guère à les laisser débarquer pour faire la fête à terre avant que la campagne ne soit terminée.

Enfin l'engagement de l'équipage touche à son terme. Les plus heureux ont hâte de jouir d'une richesse si promptement acquise. Les autres découragés par plusieurs sorties inutiles et toujours dangereuses renoncent à tenter de nouveau la fortune. D'ailleurs la saison favorable pour la course est finie et le bâtiment fatigué réclame d'urgentes et longues réparations. Dès lors il faut songer à désarmer.

L'immense majorité des corsaires malouins rejoignent après chaque campagne leur port d'armement. Quelques-uns cependant restent là où ils se trouvent au moment où la course finit [Note : Le Bougainville, an VI, et le Juste, 3 c, an VIII, désarment à Lorient ; l'Alliance, an VIII, à Santander (Espagne)] ; La surveillance des croiseurs ennemis rend en effet le retour à Saint-Malo tout particulièrement, difficile.

Durant toute la période révolutionnaire et même au début de l'empire, les bâtiments qui reviennent dans un port de France doivent subir une visite. Cette mesure principalement destinée à empêcher la rentrée clandestine des émigrés est naturellement appliquée aux corsaires [Note : Arrêté de Fouché, P. j. n° 102, et Loi du 22 niv. an XIII]. Ensuite des employés de la douane s'assurent qu'il ne possède à bord, aucune marchandise prohibée.

Ces formalités sont vite accomplies et le navire est amené soit en Belle Grève, soit en Solidor où les marins le halent sur le sable. Les poudres restant à bord doivent être déposées à la Cité ou au Talard. La plupart des matelots se dispersent en attendant le règlement définitif des parts de prises s'il y a lieu. Les plus nécessiteux ou les plus exigeants touchent encore une avance et l'armateur paie une conduite à ceux qui sont originaires d'un quartier éloigné. Un petit nombre d'hommes seulement reste à bord pour garder le bâtiment et le dégréer [Note : Compte de désarmement du Tigre. P. j. n° 63].

Il n'y a plus guère, comme aux siècles précédents, de ces fêtes où l'argent coule à flots et où tous les excès sont excusés après une course heureuse. Sauf quelques rares exceptions les sommes à partager ne permettent pas de telles bombances. Tout au plus, avant d'aller déposer son rapport au Commissariat de marine, le capitaine du corsaire régale-t-il parfois à sa table les officiers ennemis capturés durant la campagne. On en trouve un curieux exemple dans la correspondance ministérielle à la date du 24 frimaire an XIII. Un irlandais ayant porté un toast à Bonaparte, le « libérateur de son pays » il fallut aussitôt par crainte de représailles le séparer de ses compagnons de captivité, tous bons et loyaux anglais [Note : Corr. min., 24 fr. an XIII, St-S.]. A l'occasion pourtant, après une heureuse prise, on célèbre joyeusement la Saint-Servais (13 mai). C'est chez Proder-Niquet, le capitaine du Spéculateur, que les joyeux convives font frire des pièces de cinq francs et les jettent, ensuite par la fenêtre pour rire des gamins qui se brûlent les doigts en les ramassant [Note : FABRE, op. cit., p. 449].

(abbé F. Robidou).

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