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LES DERNIERS CORSAIRES MALOUINS : LES RÈGLEMENTS DE COMPTES

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Décompte des Intéressés.

Les deux tiers du bénéfice net de la course restent aux actionnaires du bâtiment. Il est impossible de donner le chiffre exact des gains, réalisés durant ces 20 années par les armateurs malouins. Une impression se dégage pourtant très nette des documents consultés : C'est que les frais d'armement, relâches, désarmement, procès, etc., en absorbant la plus grande partie. On pourra d'ailleurs le constater en examinant le tableau suivant. Sur 64 campagnes dont les ventes dépassent 200.000 francs on trouve :

Les corsaires malouins : 64 campagnes dont les ventes dépassent 200.000 francs 
on trouve plusieurs corsaires.

Robert Surcouf fut sans doute plus heureux comme capitaine ou actionnaire que comme armateur de corsaires. Durant la période an XII-1814, il équipa 15 navires pour la course. Les résultats furents les suivants :

Durant la période an XII-1814, 
Surcouf équipa 15 navires pour la course. Les résultats furents les suivants.

Les renseignements empruntés aux statistiques officielles et les tableaux publiés aux pièces justificatives permettent d'évaluer d'une manière encore plus exacte les gains réalisés par les négociants malouins durant les guerres de la Révolution et de l'Empire :

L'année 1793 est de beaucoup la meilleure. Le bénéfice net des actionnaires dans sept armements liquidés — sans parler du Duguay-Trouin le plus heureux de tous (4.500.000 francs de ventes). — atteint la jolie somme de 2.760.085 francs. On ne devait plus revoir de chiffres semblables dans la suite.

En l'an IV les cinq petits corsaires armés furent tous capturés avant d'avoir terri une seule prise [Note : Pourtant C. CUNAT dans OGÉE, Dictionnaire hist. de Bretagne, II, 818, écrit « qu'ils se signalèrent par leur audace et leur succès »].

Une lettre du commissaire Bleschamps au Ministre de la marine en date du 29 pluviôse an VIII nous renseigne sur les résultats généraux des quatre années suivantes. « La course, écrit-il, a rempli les espérances des armateurs dans les années V et VI ; mais le peu de fruits qu'ils en ont retiré depuis deux ans les a sensiblement refroidis... L'ennemi est parvenu à enlever en peu de temps la plus grande partie de nos faibles corsaires et ceux qui lui ont échappé sont rentrés sans avoir fait aucune capture ou les prises qu'ils ont amené ont été si peu conséquentes, qu'à peine ont-elles couvert les frais-d'armement » [Note : P. j. n° 21. Lettre du Commissaire, 29 pluviôse an VIII]. La campagne de l'an IX devait être plus désastreuse encore. Durant les trois années qui précédèrent la paix d'Amiens on trouve seulement sept bâtiments ayant rapporté aux actionnaires un bénéfice net supérieur à 100.000 francs.

Les guerres de l’an XI commencent très mal pour les Malouins. Le 22 messidor le Ministre écrit au Commissaire : « Je sais que jusqu'à présent la plupart des corsaires sortis des ports de la République et particulièrement de Saint-Malo ont été capturés, sans qu'il soit entré aucune des prises qu'ils peuvent avoir faites » [Note : P. j. n° 5]. Deux bâtiments pourtant se distinguent avant 1806 : La Sorcière qui dans quatre campagnes rapporte aux intéressés (Le Même et Gaultier armateurs) 799.667 francs et le Général Pérignon d'Augustin Thomas dont trois liquidations successives donnent en bénéfice net la somme de 1.044.331 francs.

A partir de 1806, Napoléon veut se rendre compte personnellement des résultats généraux de la course. Il se fait donc adresser chaque année de tous les ports où les armements ont lieu un Tableau indiquant la balance des gains et pertes en argent et en hommes [Note : P. j. n° 87]. L'original de ces tableaux existe aux archives de la marine à Saint-Servan, sauf pour l’année 1809-1810. Malheureusement ils sont incomplets [Note : Plusieurs armements sont omis chaque année] et faits avec le désir évident d'augmenter le bénéfice de la place [Note : Les estimations des marchandises non vendues sont presque toujours supérieures au produit réel des Liquidations particulières]. La balance repose d'ailleurs sur des données fort différentes de la réalité [Note : On le constate en consultant les Liquidations] et une partie des frais (relâches, désarmement) n'a pu entrer en ligne de compte. Malgré tout ces tableaux fournissent un élément précieux pour juger des bénéfices réalisés durant les dernières années de l'empire par les négociants de Saint-Malo.

Tableau sur les Corsaires, 
demandé par Napoléon à partir de 1806, indiquant la balance des gains et pertes en argent et en hommes.

(4) Gaude écrit au Ministre de la Marine, le 8 septembre 1808 : « La Balance des valeurs présente à notre avantage un excédent de 2.706.132 fr. 84. Elle serait moins forte si au prix des corsaires capturés on avait ajouté celui des relâches qui ne sont pas encore fixés ». Selon Ch. CUNAT dans OGÉE, Dict. hist. de Bret., p. 823 : Le 1er juin 1808 fut dressé l'état des prises faites depuis le 1er juin 1807 par les corsaires de Saint-Malo. 25 prises avaient donné 3.509.566 francs. Les 26 armements sortis du port pendant cette période avaient coûté 1.434.234 francs. Les Malouins avaient donc réalisé un bénéfice net de 2.075.332 francs.
(5) Ce chiffre indique la valeur présumée des prises en Angleterre.
(6) Ce chiffre indique la valeur de l'armement complet.
(7) Le tableau de cette même année évalue la perte des ennemis à 3.165.000 fr.
(8) Valeur de l'armement complet moins les corsaires existants. — Voir aux Arch. nat., AFIV, 1197, un rapport donnant la balance pour tout l'empire, du 1er mai 1808 au 1er mai 1809. — Le bénéfice total est estimé à 15.294.628 francs.

D'après les Liquidations générales les campagnes les plus productives pour les armateurs furent, durant cette période (1806-1814), celles :

Du Marsouin, armateur Robert Surcouf : bénéfice net 280.384 fr.
De l'Incomparable, armateur Coste et Fontan : bénéfice net 1.032.211 fr.
Du San Joseph, armateur Augustin Thomas : bénéfice net 1.120.219.fr.
De La Confiance, armateur J. Gautier et fils : bénéfice net 526.164 fr.
Du Jean-Bart, armateur Delorme-Villedaulé : bénéfice net 563.778 fr.
De l'Auguste, armateur Godfroy : bénéfice net 831.856fr.
De la Junon, armateur Amiel et Thomazeau : bénéfice net 678.491 fr.
De la Miquelonnaise, armateur Fauchon-Amiel : bénéfice net 532.374 fr.

Il semble qu'en estimant le bénéfice total des commerçants malouins durant ces vingt années à la somme de 15 à 20 millions, on ne s'éloignerait pas beaucoup de la réalité.

Le profit des armateurs est sensiblement augmenté par le bénéfice qu'ils font sur les fournitures d'armement et sur les achats de marchandises de prises [Note : P. j. n° 6. Les actionnaires ont le droit de faire des achats au prorata de leurs mises]. Ils ont d'ailleurs des intérêts dans plusieurs bâtiments à la fois. On aurait donc tort de juger des profits réalisés par telle ou telle maison uniquement sur le résultat donné par les navires plus spécialement confiés à ses soins.

Pourtant les risques sont si grands dans les campagnes de course, que les fortunes les mieux assises peuvent y sombrer. C'est ce que fait remarquer à chaque instant la marine chargée de recouvrer la taxe due aux Invalides et d'assurer le paiement intégral des marins. Les faillites furent nombreuses, surtout durant la période révolutionnaire [Note : Corr. min., 6 flor. an VII, St-S.]. Les héritiers de B. Dubois, l’armateur du Bougainville, hésitent longtemps avant d'accepter sa succession.

En l’an XIII Sainton écrit : « Les pertes énormes que j'ai éprouvées durant les derniers armements ne me permettent pas de me libérer en argent liquide vis-à-vis de la Caisse des Invalides ». Le 26 août 1806, le Commissaire est obligé de tranquilliser le Ministre relativement à la solvabilité de Duchesne et Pintedevin, les heureux armateurs de l'Ambitieux, du Courageux et des Quinola durant les années VI et VII. « Ils ont de très grands biens fonds, mais depuis quelques années ils ont fait des pertes considérables dans leur commerce maritime et en particulier dans leurs armements en course. Ils peuvent être momentanément très gênés ». En 1813 l'Administration prend d'importantes inscriptions hypothécaires sur leurs propriétés foncières et sur celles de Lesnard, Duhamel, Le Même et Fortin.

Parmi les armateurs les plus favorisés de la fortune on peut citer : Augustin Thomas, Gaultier, Gautier jeune et Fontan. Mais il faut faire une place à part semble-t-il à Thomazeau el à Robert Surcouf,. quoique ce dernier ait fait, nous l'avons déjà dit, dans les mers de l'Inde et comme capitaine ses plus beaux bénéfices.

On raconte à ce sujet l'anecdote suivante : Thomazeau causant un jour avec Surcouf lui demanda à brûle-pourpoint :
— Combien la course t'a-t-elle rapportée ?
— De six à sept millions.
— Ah ! Mes armements à moi m'en ont donné jusqu'ici plus de dix.
— Alors, répliqua Surcouf, je vais reprendre la mer et ne reviendrai que le jour où ma fortune égalera au moins la tienne.

C'est à la suite de cette conversation qu'il aurait fait construire le Revenant [Note : Napoléon GALLOIS, op. cit., p. 380].

Une curieuse légende montre bien l'idée que les vieilles gens se faisaient encore il y a quelques années des richesses fabuleuses amassées par le « roi des corsaires ». Ne sachant plus que faire de son or, il eut l'idée de paver en napoléons le grand salon de son hôtel. L'empereur averti lui fit dire : « Tu ne marcheras pas sur ma figure. Mais je t'autorise à mettre les pièces sur le côté ». La somme était tout de même trop forte et Surcouf renonça à une fantaisie aussi coûteuse [Note : Cette histoire m'a été contée à Plerguer il y a une vingtaine d'années].

DÉCOMPTE DES INVALIDES

Sous l'Ancien Régime, pour alimenter la Caisse des Invalides, on retenait six deniers pour livre sur le produit net des prises.

Les lois du 13 mars 1791 et 9 messidor an III portent cette retenue à un sou par livre autrement dit 5 %. Elle est perçue.

1° Sur la commission des armateurs pour toutes les prises administrées directement ou par commissionnaires.

2° Sur les gratifications accordées aux capitaines des corsaires et conducteurs de prises.

3° Sur la somme nette revenant à l'équipage et aux actionnaires.

Elle porte ainsi en réalité sur le bénéfice total résultant de chaque course et s'élève à la somme de 900.920 francs pour la période 1793-an IX [Note : Calcul fait sur un état des Archives de la Marine, St-S., intitulé : Produit de la course pendant la Révolution et divers compléments] et à 804.624 francs pour celle de an XI-1814 [Note : Cette somme est un peu inférieure à la réalité car elle ne comprend pas en général la retenue faite sur les avances données à l'équipage].

Un arrêté du 14 brumaire an VIII établit de plus une autre retenue de 10 % destinée à la nourriture et à l’entretien des prisonniers de guerre français détenus en Angleterre. Elle devait avoir dans certains cas un effet rétroactif et porter sur les prises antérieures à la loi mais dont la Liquidation n'était pas encore faite par la faute de l'armateur.

Les intéressés se refusèrent tout d'abord avec opiniâtreté à la perception de ce droit. Quelques tribunaux de commerce trouvèrent ce refus fondé en droit et plusieurs liquidations furent ainsi retardées (1). Mais le Ministre insista et fit engager des poursuites. Les armateurs finirent par se soumettre.

La loi du 2 prairial an XI supprima d'ailleurs le décime pour franc, chacun des états belligérants ayant pris à son compte l'entretien des prisonniers ennemis.

LIQUIDATIONS SUPPLÉMENTAIRES

On en trouve une quinzaine pour la période an XI-1814 [Note : Il n'y en a que 5 pour la période 1793-an XI]. Toutes portent sur des sommes assez peu importantes. D'autres ont pour but de répartir entre l’Etat-major et l'équipage les gratifications accordées pour les prisonniers et canons capturés par les corsaires.

L'arrêté du 2 prairial an XI déclare en effet art. 26 : Les gratifications suivantes seront payées pour les prises faites par les corsaires particuliers, savoir :

a) Navires de commerce chargés de marchandises : 40 fr. pour chaque prisonnier amené dans les ports.

b) Bâtiments dits Lettres de marque armés en guerre et marchandises. 110 fr. par chaque canon du calibre de 4 et au-dessus jusqu'à 12 ; 160 fr. pour celui de 12 et au-dessus ; 45 fr. pour chaque prisonnier amené dans les ports.

c) Corsaires particuliers armés en guerre seulement et petits bâtiments de l'Etat tels que bricks, cutters, lougres, etc. : 160 fr. pour chaque canon du calibre 4 à 12 ; 240 fr. pour celui de 12 et au-dessus ; 50 fr. par prisonnier amené dans les ports.

Quatre états nous renseignent exactement sur les primes versées aux corsaires de Saint-Malo en exécution de cet arrêté. Ils sont de 1808-1809-1815-1818 et donnent un total de 108.885 francs pour 59 campagnes [Note : P. j. n° 90]. Le montant de chaque part dépasse rarement 10 francs. Ces gratifications sont prélevées sur la caisse des Invalides de la marine.

En joignant au produit des ventes de prises les sommes déboursées chaque année pour l'armement des corsaires, on arrive au total d'environ 60 millions pour la période 1793 à 1814. La plus grande, partie de cet argent reste évidemment dans le pays malouin et constitue de beaucoup la principale source de prospérité pour le commerce local surtout à cette époque où toute autre transaction avec l'étranger est à peu près impossible [Note : Tout le commerce maritime de Saint-Malo en dehors de la course se réduit à quelques caboteurs et aux licences données par le Gouvernement impérial de porter des grains en Angleterre. Il y en eut 3 en 1810, 2 en 1811 (CUNAT dans OGÉE, op. cit., 84-822). MM. LE FER DE LA SAULDRE et LA CHAMBRE profitent souvent de ces licences. Voir aux A. N., F7. 8048, tout un dossier de police les concernant. — Le Préfet de Police leur recommande de rapatrier les Français évadés des cautionnements (A. N., F7, 3643, mai 1812) et d'apporter des journaux anglais].

(abbé F. Robidou).

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