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LES DERNIERS CORSAIRES MALOUINS : LES RÈGLEMENTS DE COMPTES

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Liquidations générales.

Note : Il y a aux Archives du Tribunal de commerce de Saint-Malo 177 minutes de Liquidations générales de corsaires entre 1793-1814. Les 2/3 appartiennent à la période an XI-1814. Dans ce nombre une douzaine de supplémentaires. On trouve aux Archives de la Marine, à Saint-Servan, un grand nombre d'imprimés donnant parfois en plusieurs exemplaires le résultat de ces liquidations et qui font connaître de plus les 13 faites avant l'an VIII par les soins du juge de paix (8 en an V, 5 en an VI).

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Tous les armements ne sont pas nécessairement l'objet d'une Liquidation générale. Quelques-uns, en effet, n'ont rien produit ou du moins les frais dépassent de beaucoup les sommes réalisées par la vente des prises. Dans ce cas, il y a simplement Règlement de compte entre l'armateur et ses actionnaires. D'ordinaire [Note : Ce cas est prévu par l'arrêté du 2 prairial an XI] ces derniers sont tenus de participer aux dépenses supplémentaires d'armement et de relâches non prévues par le Répartiteur. Ainsi pour le Triton an V ils doivent rapporter 29 livres 6 sous par action de 100 livres [Note : P. j. n° 88. Compte des intéressés du Triton, an V].

D'après la loi, chaque campagne heureuse d'un corsaire donne lieu à une Liquidation spéciale. Les armateurs auraient bien préféré agir autrement et faire ainsi retomber sur une croisière fructueuse les pertes subies dans une autre. Mais l'autorité s'opposa toujours à cette procédure afin de sauvegarder les intérêts des équipages et de la Caisse des Invalides. Parfois pourtant, les Tribunaux de commerce acceptent de légères modifications à la règle commune quand il est possible de considérer la seconde campagne comme la suite naturelle de la première [Note : Par exemple pour le Coursier, 3ème course]. Dans ce but l'armateur demande à l'occasion une prolongation de sa Lettre de Marque plutôt qu'une nouvelle autorisation.

Dès le début de la campagne, tandis que le corsaire s'en va de relâche en relâche rejoindre son point de croisière, l'armateur s'occupe de réunir les « bons » des différents fournisseurs. Ce sont autant de pièces comptables qui lui serviront pour fixer le montant des frais d'armement, du Répartiteur comme on l'appelle [Note : On trouve aux Archives du Tribunal de commerce, à Saint-Malo, 64 liasses contenant des comptes d'armement très détaillés avec pièces à l'appui. Ils sont très intéressants pour fixer le prix des denrées et de la main-d'œuvre pendant la Révolution et au début du XIXème siècle. — Ces comptes se rapportent pour la plupart à des corsaires dont la Liquidation générale n'a pas eu lieu]. Il arrive parfois que les Tribunaux de commerce rejettent les dépenses non justifiées ou extraordinaires. Ainsi pour le Général Pérignon 3ème course (1806), Augustin Thomas se voit débouter sur différents chapitres d'une somme de 10.857 fr. 18 [Note : Voir Liquidation générale, 22 décembre 1806].

Lorsque le désarmement du corsaire est achevé et que l'armateur a reçu de ses correspondants tous les comptes de relâches et les produits des Liquidations particulières, le Tribunal de commerce de Saint-Malo doit aussitôt procéder à la Liquidation Générale de la campagne. Comme nous l'avons déjà dit, les juges de paix de Port-Malo et de Port-Solidor étaient également à l'origine qualifiés pour cette opération. Ils en firent une quinzaine en tout jusqu'en l'an VII.

Toutes ces Liquidations sont établies sur le même modèle ou à peu près. Elles comprennent cinq chapitres.

1° Produit des Liquidations particulières.
2° Dépenses communes.
3° Décompte de l'équipage.
4° Décompte des intéressés.
5° Décompte des Invalides de la marine.

Elles fournissent des renseignements précis sur les résultats de la course au point de vue économique, car il est souvent facile de contrôler les chiffres les uns par les autres.

PRODUIT DES LIQUIDATIONS PARTICULIÈRES

C'est le résumé des différentes Liquidations particulières qui rentrent dans la même course. Les rançons non payées, les prises encore en procès, les gratifications pour canons et prisonniers de guerre entrent pour mémoire seulement dans ce chapitre et donneront lieu, si leur produit en vaut la peine, à des Liquidations supplémentaires. Le chiffre des ventes ainsi obtenu est intéressant, car il montre mieux que tout autre le tort causé par la course au commerce ennemi [Note : Il faudrait pouvoir y joindre les bâtiments coulés, désarmés ou mis dans l'impossibilité de poursuivre leur route. Mais on ne saurait sur ce point établir, une statistique exacte. — Voir P. j. n° 89. Tablea des Ventes ayant dépassé 200.000 francs].

De 1793 à la paix d'Amiens le total s'élève à plus de 22 millions de livres ; de l'an VI à la fin de l'empire il atteint également à peu près la même somme.. Le tableau suivant montre comment les ventes se répartissent par années :

Les corsaires malouins : Produit par années des ventes de prises.

Les corsaires malouins : Produit par années des ventes de prises.

(2) Dans cette somme on a fait entrer le Duguay-Trouin pour 4.500.000 francs. Les chiffres exacts manquent, mais il a payé à la caisse des Invalides, pour le sou du franc, 218.078 francs.

DÉPENSES COMMUNES

Ce chapitre comprend en premier lieu les parts des morts pendant ou après la prise, soit durant le combat, soit par suite d'accidents dans le service. Ces parts sont naturellement payées à leurs ayants droit. D'ordinaire aussi ie Tribunal accorde des gratifications aux blessés.

Puis viennent tous les frais relatifs à la prise et qui n'ont pu entrer dans les Liquidations particulières ; par exemple le fret des neutres dont une partie seulement de la cargaison a été confisquée comme propriété ennemie, les honoraires d'avocats qui ont soutenu devant les tribunaux les intérêts des capteurs, la nourriture des otages [Note : Liquidation de la Minerve (21 brumaire an VI) 913 francs pour William Allisan, otage de la Jumina, pour frais d'entretien jusqu'au jour où il s'évada de Dinan], le salaire du juge de paix et de son greffier et surtout les commissions accordées aux armateurs et capitaines du corsaire.

La loi accorde aux armateurs 2 % sur le produit brut des prises administrées par leurs soins et 1/2 % pour frais de traites et avances d'argent. A différentes reprises ils essayèrent d'augmenter le taux de cette commission [Note : P. j. n° 6. Les armateurs des Quatre-Amis réclament 5 % sur l'armement, 3 % sur les ventes de prises et leurs frais de voyage. Voir aussi St-S., Corr. Min. (7 sept. 1806) à propos de Thomas qui, pour la Liquidation du Général Pérignon, demande 1/2 % d'augmentation. Le Commissaire serait d'avis qu'on laisse faire]. Mais le Ministre tout en déclarant que les intéressés peuvent faire entre eux toutes les stipulations jugées convenables défend d'augmenter le tarif dans les Liquidations. Il ne peut cependant empêcher dans bien des cas l'introduction de frais supplémentaires, voyages, perte sur traites, etc… que les Tribunaux acceptent assez souvent [Note : P. j. n° 82. Corr. min., 21 sept. 1812].

Jusqu'au milieu du XVIIIème siècle le capitaine et l'équipage du corsaire avaient, d'après la coutume, le droit de s'emparer des coffres des officiers et marins du navire capturé. Valin raconte que de son temps ils allaient jusqu'à changer de vêtements avec les prisonniers, prenant leurs bons habits pour les remplacer par des haillons [Note : DE PISTOYE, op. cit., II, 388]. Un journal anglais relatant la prise du Kent affirme que des faits semblables eurent lieu pendant le pillage d'une heure promis et autorisé par Robert Surcouf après l'action [Note : SURCOUF, op. cit., p. 243]. Pour remplacer ces coffres, la législation actuellement en vigueur (loi de 1778 art. 29 et arrêté du 2 prairial an XI art. 23) accorde aux capitaines des corsaires 2 % sur le produit brut des prises. Mais les matelots n'ont rien et se partagent encore à l'occasion de part et d'autre la garde-robe des prisonniers [Note : Mémoires d'Angenard, Annales de Bretagne. P. j. n° 103].

Les conducteurs de prises reçoivent également 1/2 % sur les ventes ou des gratifications proportionnées à l'importance des bâtiments capturés et confiés à leurs soins.

Enfin il faut ajouter à toutes ces dépenses les frais d'enregistrement et de dépôt aux greffes des différentes pièces comptables, et les indemnités auxquelles les capteurs sont parfois condamnés quand l'une des prises n'a pas été jugée bonne par les Tribunaux. L'impression du texte de la Liquidation Générale se fait ordinairement chez Hovius et coûte elle-même de 20 à 30 francs.

En déduisant les dépenses communes du produit brut des prises on obtient la somme à partager entre l'équipage et les actionnaires du bâtiment.

DÉCOMPTE DE L'EQUIPAGE

Le tiers du produit net des prises revient à l'équipage du corsaire [Note : Le 1/5ème seulement dans les expéditions guerre et marchandises (Règlement du 2 prairial an XI). — Voir Arch. nat. FF2, cart. 7, n° 1160, un jugement intéressant du Conseil des Prises à cet égard]. Ce tiers, déduction faite de quelques frais accessoires et du sou ou décime par franc prélevé au profit de la Caisse des Invalides, doit être distribué aux ayants droit dans la proportion fixée par le Règlement des parts de prises.

Sur 327 armements [Note : Voir supra, p. 41] ayant donné lieu à 147 Liquidations générales le montant de chaque parts établit de la façon suivante dans les 110 cas où il est supérieur à 100 francs [Note : Voir les Tableaux d'armement I et II] :

Les corsaires malouins : 
les deux tiers des armements ne donnent rien ou presque rien à l'équipage.

Pour toutes les autres courses, c'est-à-dire plus de 200 [Note : Le montant de la part n’a pu être fixé dans trois ou quatre cas où il devait atteindre une somme assez élevée, par exemple le Duguay-Trouin (1793), le Jean-Bart (an IV)] les parts sont nulles ou ne couvrent pas les avances faites par l'armateur au moment du départ.

Comme on le voit par ce tableau, les deux tiers des armements ne donnent rien ou presque rien à l'équipage. Sauf un petit nombre d'heureuses chances, les profits qu'il retire des autres ne sont pas comparables aux dangers de ces expéditions hasardeuses. Les beaux jours de la course semblent donc finis pour le marin avant même qu'elle ne soit officiellement abolie. Mais il reste un aléa de gain qui toujours a tenté les gens de la côte. Que feraient-ils d'ailleurs durant ces guerres interminables à moins de s'embarquer sur les corsaires ?

Grâce au nombre de parts qui lui sont accordées (12), le capitaine peut cependant réaliser des bénéfices assez considérables surtout, si l'on y joint son 2 % sur le produit brut des prises. Cette commission est même souvent augmentée par l'usage jusqu'à 5 et 6 % [Note : Corresp. Min., 7 sept. 1806, St-S. Dans ce cas, le capitaine fait lui-même quelques remises à ses officiers supérieurs]. Une soixantaine de campagnes donnent au commandant du corsaire des sommes voisines de 10.000 francs ou supérieures à ce chiffre.

Les officiers de l’Etat-major ont aussi parfois d'heureuses aubaines. Le chirurgien Broussais aurait ainsi touché pour une seule course du Bougainville 14.000 francs, ce qui lui permit de continuer ses études [Note : Vigie de l'Ouest (7 mai 1839)], Angenard, lieutenant à bord de la Miquelonnaise, gagna 34.000 francs en 25, jours de mer [Note : Voir supra, p. 33]. Souvent l’Etat-major charge l'armateur d'acquérir avec ses parts de prises un lot plus ou moins considérable de marchandises capturées. Cette opération a le double avantage de maintenir les prix de vente et d'augmenter les bénéfices du corps des officiers [Note : P. j. n° 83. Lettre du Commissaire, 29 juin 1810].

Tout ce qui n'a point été versé à l'équipage, soit comme avances, soit comme acomptes, doit être déposé entre les mains du Commissaire de marine qui se charge lui-même de la Répartition. Elle a lieu dans les jours qui suivent la Liquidation générale. Mais ordinairement il reste fort peu à toucher. Ainsi pour le Furet dont la part se monte à 338 fr. 39 le reliquat total n'est que de 823 fr. 28 [Note : Liquidation générale (9 ventôse an X). Voir aussi P. j. n° 10, le Dinannais]. Les prisonniers d'Angleterre qui. réclament un secours reçoivent presque toujours la même réponse : « L'armateur ne vous doit plus rien ».

Après un délai de quelques années, les sommes non réclamées sont définitivement versées à la Caisse des Invalides. Le cas arrive fréquemment, étant donnée la proportion d'étrangers qui s'embarquent sur les corsaires et disparaissent avant le Règlement définitif.

L'agiotage sur les parts de prises se rencontre encore de temps en temps au cours de cette période [Note : P. j. n° 86. Billet souscrit par Boisivon à sa logeuse]. Après tout, il suffit d'une chance heureuse pour que le matelot paie ses dettes intérêt et capital ! Aussi le Ministre de la marine recommande à ses subordonnés l'observation rigoureuse de la loi sur ce point : Tous les versements seront faits à l'intéressé lui-même ou à un membre de sa famille en présence du Commissaire de l'Inscription maritime. Il est défendu d'admettre les billets et procurations des fournisseurs.

(abbé F. Robidou).

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