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LES DERNIERS CORSAIRES MALOUINS : LES RÈGLEMENTS DE COMPTES |
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Tribunaux chargés du Règlement.
La course même en tant qu'opération commerciale est soumise au contrôle officiel de l'Etat, défenseur naturel des intérêts de l'équipage et de la Caisse des Invalides.
Il y eut au début, de la période révolutionnaire conflit de juridiction entre le juge de paix et le Tribunal de commerce. Il s'agissait en effet de savoir laquelle de ces deux autorités devait procéder à l'examen et à l'épuration des comptes d'armement et au règlement des liquidations. Durant plusieurs années elles agirent conjointement tantôt l'une, tantôt l'autre, au gré de chaque armateur. Ainsi nous voyons en l'an VI le juge de paix de Port-Malo, Cudenet, et son greffier Lamarre signer les liquidations de l’Espérance, du Jean-Bart, de l’Audacieux, du Castor, de la Jeune-Emilie, du Vengeur, de la Minerve et du Pichegru. Les autres sont confiées au Tribunal de commerce. Enfin, par la loi du 25 ventôse an VII, ce dernier reçut seule et complète juridiction sur tous les règlements, de comptes concernant la course. La validité des opérations faites antérieurement par l'officier de paix demeurait d'ailleurs pleinement reconnue. Le Commissaire des relations commerciales en Galicie procède aux liquidations particulières du petit nombre de prises vendues dans les ports d'Espagne au cours de cette période [Note : P. J. n° 76. Liquidation du Duc d'York].
A différentes reprises, on formula des plaintes sur la lenteur et la mauvaise volonté de ces commerçants non rétribués pour un travail long et pénible. Souvent ils sont forcés « de prendre sur leurs propres affaires le temps nécessaire pour régler celles des autres ». Un décret impérial du 6 octobre 1809 dut même fixer les audiences du Tribunal de commerce de Saint-Malo au mercredi de chaque semaine [Note : CUNAT dans OGÉE, op. cit., p. 821].
Cependant on ne pouvait guère trouver de meilleurs juges. Ils sont eux-mêmes intéressés pour la plupart dans les entreprises de course. S'ils se montrent parfois trop favorables aux armateurs, ils finissent toujours par suivre les instructions du Ministre de la Justice dont ils dépendent et dont ils reçoivent les ordres quand il y a conflit d'opinions ou d'intérêts. Ils accordent ainsi sans trop de peine les 10 % réclamés pendant deux années par le Gouvernement au profit de la Caisse des Invalides [Note : Voir Infra, p. 128].
L'ordonnance du 24 juin 1778 règle de la manière suivante la procédure à suivre pour obtenir une prompte liquidation des courses :
Art. 17. — Les comptes d'armement doivent être déposés dans le mois qui suit le départ du corsaire.
Art. 54. — Quinze jours après les ventes, il faut déposer les comptes nécessaires pour procéder à la liquidation particulière de chaque campagne.
Art. 55. — Dans le mois suivant, il sera procédé à cette Liquidation particulière, les articles non réglés étant laissés pour mémoire et devant prendre place dans la Liquidation générale.
Art. 57. — Dans le mois qui suit la course ou la prise du corsaire, aura lieu le dépôt des comptes de relâche, et de désarmement. La Liquidation générale elle-même suivra immédiatement et devra être terminée au plus tard 60 jours après la remise des dernières pièces.
L'arrêté du 2 prairial an XI ne modifia guère cette législation qui resta en vigueur jusqu'à la fin de l'empire. Les rappels à l'ordre et à la promptitude sont du reste fréquents et tiennent durant toute cette période une large place dans la correspondance ministérielle. Presque un tiers des lettres officielles y ont trait. Un tableau du 24 floréal an X donne la liste des prises faites au cours de la dernière guerre et qui ne sont point encore liquidées. On y trouve dix noms de corsaires dont les armateurs sont en retard pour une cause ou pour une autre [Note : P. j. n° 66. Tableau des Liquidations en retard]. Ce retard s'explique souvent surtout durant l'époque révolutionnaire par l'intérêt des propriétaires du bâtiment capteur : ils s'ont naturellement peu pressés de se démunir de sommes importantes [Note : C'était le club Jacobin de Brest]. Il peut venir aussi des circonstances étrangères à leur volonté. Les prises donnent lieu parfois à de longs procès. MM. Duchesne et Pintedevin attendent aussi pendant trois années les comptes de leur représentant à Lorient, M. Cudeville, emprisonné sous la Terreur. Ils ne parviennent pas malgré tous leurs efforts à faire liquider une prise faite en commun par leur navire l'Ambitieux et le Patriote de Brest dont les propriétaires ont disparu [Note : P. j. n° 64. Une Liquidation sous la Terreur]. De plus, jusqu'en l'an VII, les armateurs restent chargés de l'entretien en Angleterre des prisonniers provenant des corsaires. Plusieurs s'autorisent de ce fait pour reculer la remise de leurs comptes. A partir du Consulat, les choses marchèrent beaucoup plus régulièrement et l'autorité se chargea d'appliquer les sanctions pour tout retard non justifié. Ainsi les négociants qui avaient différé leurs règlements depuis l'an VII furent condamnés à payer aux Invalides de la marine 10 %, même pour les courses antérieures à la loi qui fixait ce versement. Les articles non liquidés, redressements, erreurs ou omissions prirent place dans les Liquidations supplémentaires dont plusieurs eurent lieu longtemps après la chute de l'empire. On trouve la dernière en 1825 [Note : P. j. n° 68. Liquidation du Courageux, 4e c. — L « Etat » conservé aux Archives du Magasin central de la Marine, 64, quai Debilly, à Paris, mentionne depuis l'an XI, 28 armements dont les Liquidations ne sont pas encore terminées le 1er octobre 1813. Les raisons alléguées sont toujours : rançons, procès en cours, prehendés non payés].
L'ensemble des opérations qui constituent le règlement d'une course se divise en deux parties. Les unes rentrent dans la Liquidation particulière et donnent le produit net des ventes pour chaque prise terrie. Les autres appartiennent à la Liquidation générale qui résume et balance tous les comptes antérieurs. Elle fixe de plus la proportion dans laquelle le bénéfice d'une campagne entière doit être partagé entre les différents intéressés. Nous étudierons successivement ces deux points.
(abbé F. Robidou).
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