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LES DERNIERS CORSAIRES MALOUINS : LA SORTIE

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Pendant que ces dernières formalités s'accomplissent, on transporte à bord du corsaire l'eau et les vivres frais. Bon nombre de marins font à la terre un dernier et bruyant adieu. Il y a des rixes nombreuses au sortir des cabarets et souvent l'armateur doit payer des frais de geôle pour la nuit qui précède l'embarquement. Personne n'est sûr de revenir au pays natal et si jamais l'on revient ce sera sans doute avec des parts de prises !

Enfin les canons du bâtiment se font entendre. Le tambour bat le rassemblement dans les rues de la ville. Jusqu'au dernier moment les officiers cherchent leurs hommes. Presque toujours plus d'un manque à l'appel ! La revue en présence du Commissaire et des gendarmes demande à peine quelques heures.

« Le corsaire porte à ses mâts le signal du départ. Les amarres du port le retiennent toujours aux corps-morts de la rade. La proue est évitée au large. Il raidit ses grelins sous la puissance des rafales. Les matelots montent sur les vergues et les voiles tombent au commandement de l'officier de manœuvre. Lorsqu'elles sont bien établies, le pilote fait filer les aussières. Aussitôt le navire prend son aire. Les bonnettes sous la force du vent font ployer les espars » [Note : Vigie de l'Ouest, 27 août 1838].

Parfois aussi une brise de l'ouest ou la présence de croiseurs ennemis au large de Cézembre arrêtent plusieurs jours la sortie du navire.

Il y a chaque année deux grands départs de corsaires, l'un pour la campagne d'hiver, l'autre pour celle d'été.

Pour la première, les armements sont d'ordinaire achevés durant les deux derniers mois de l'année. Les sorties s'échelonnent pendant toute la mauvaise saison et jusqu'en avril. C'est de beaucoup la plus importante par le nombre et par la force des bâtiments [Note : Sur les 149 armements contrôlés de 1793 à l'an IX, 125 sont enregistrés d'octobre à avril. Les 26 autres se partagent ainsi : an IV, 4 ; an V, 18 ; an VIII, 4]. C'est aussi presque toujours la plus féconde en résultats. Le mauvais temps, la grosse mer, les nuits longues et obscures sont en effet les meilleurs auxiliaires d'un capitaine hardi et courageux, prêt à tout risquer pour faire de riches captures et ne pas tomber lui-même au pouvoir de l'ennemi.

La course d'été commence avec la belle saison. Elle comprend surtout des navires d'un faible tonnage qui ne s'écartent guère des côtes françaises. Les îles anglo-normandes sont les parages préférés pour ce genre de croisière dont les marins redoutent fort les dangers. L'équipage du Furet refuse en 1812 de continuer la course en cette saison [Note : P. j. n° 28. Mutinerie à bord de l'Aventurier]. La Manche est alors couverte de croiseurs ennemis. La longue durée des jours rend la fuite bien difficile. La plupart des prises faites retombent elles-mêmes avant le terrissage entre les mains des Anglais. Le Commissaire de marine ne s'illusionne guère sur les chances de succès de ces sorties d'été. Pourtant il ne croit pas pouvoir refuser de temps en temps sa recommandation pour quelques petits bâtiments destinés presque toujours à réparer les pertes subies durant une campagne d'hiver [Note : P. j. n° 53. Lettre du Commissaire, 15 janv. 1808].

L'importance des armements varie chaque année d'une manière assez sensible. Le tableau suivant permettra d'établir une comparaison entre le nombre, la valeur et l'équipage des corsaires sortis du port pendant ces vingt années de guerres presque ininterrompues. Quelques erreurs de détail ont pu s'y glisser car les chiffres manquent sur les Etats pour certains bâtiments. Il a fallu les rétablir par comparaison. De 1806 à 1814, ils ont été copiés sur les Rapports exigés chaque année par Napoléon et fournis par tous les ports de l'empire [Note : Ces documents officiels sont eux-mêmes parfois incomplets. Ainsi, trois armements, de 1807-1808, dont les Liquidations se trouvent aux Archives, manquent sur le Tableau correspondant. (Le Spéculateur, la Confiance et la Clarisse)]. Ce tableau suffira pour donner une idée assez exacte de l'activité des négociants malouins durant la période qui s'étend de 1793 à la Restauration.

 

Corsaires malouins armés - Valeur des armements - Effectif des équipages.

(2) Les chiffres manquent sur les Tableaux à partir de l'an VIII pour fixer la valeur de l'armement.
(3) Ce chiffre est certainement au-dessous de la réalité. Plusieurs corsaires armés manquent sur le Tableau adressé au Ministre.
(4) Le Tableau manque pour l'année 1809.

Comme on le voit, les armements font absolument défaut en l'an III. Sur une proposition de Barrère à la Convention un embargo général avait été mis le 22 juin 1793 sur tous les navires français. Cet embargo destiné à favoriser le recrutement des marins de l'Etat ne fut levé que le 23 thermidor an III (11. juillet 1794) grâce à l'intervention du député de Rennes, Defermon.

Cinq petits bâtiments seulement quittent le port durant les six premiers mois de 1795 (an IV). La Terreur avait causé à Saint-Malo comme partout ailleurs d'effrayants ravages. Les armateurs fortunés se cachent, encore. L'assignat jette le trouble dans les spéculations commerciales. En attribuant à certains équipages des parts de prises trop fortes, Le Carpentier décourage les armateurs. Enfin plusieurs navires ont été confisqués par l'Etat [Note : L'Etat confisque plusieurs corsaires. — Voir A. N.,, BB3 Marine, 92, p. 40 et suiv. : Il est de notoriété publique que les citoyens Mennais-Robert frères, pour se soustraire au sort d'un grand nombre de leurs malheureux concitoyens morts sur l'échafaud, furent obligés de donner leur bâtiment à l'Etat. — La plupart de ces navires sont rendus an V].

Après l'établissement du Directoire, sous l'administration bienfaisante et réparatrice de Boursault, le calme renaît peu à peu dans la cité malouine. Les armements en course prennent un nouvel essor. Mais on risque le moins possible. L'an V (1796-1797) est par excellence la période des faibles tonnages et des croisières d'été. Un nouvel embargo du 8 ventôse an VI ne fut maintenu que pendant une décade. Le résultat plutôt médiocre des campagnes suivantes (ans VII et VIII — 1799-1800) ralentit un peu le zèle des négociants, mais la moyenne des bâtiments sortis du port reste toujours aux environs de 20. Le dernier enregistrement de cette période est celui de la Laure à la date du 29 ventôse an IX (mars 1801). Napoléon ayant engagé des pourparlers avec l'Angleterre dès le mois de juillet de cette même année, il n'y eut point d'armement à Saint-Malo, l'hiver suivant (an X).

La paix d'Amiens dura fort peu (25 mars 1802-8 mai 1803). Mais les préparatifs réels ou feints d'une descente en Angleterre exigeaient tous les marins disponibles. De plus Napoléon semble au début médiocrement disposé pour la course [Note : Voir SURCOUF, op. cit., p. 280, le récit d'une conversation de l'Empereur avec R. Surcouf]. Le 22 messidor an XI, le Ministre de la marine écrit au Commissaire : « Chaque armement contribue à diminuer le nombre des marins sans espoir de remplacement, car je sais que jusqu'à présent la plupart des corsaires sortis des ports de la République et particulièrement de Saint-Malo ont été capturés sans qu'il soit entré aucune des prises qu'ils peuvent avoir faites » [Note : P. j. n° 5]. Des conditions plus sévères sont imposées aux armateurs relativement au tonnage des bâtiments, à la force des équipages et de l'artillerie [Note : P. j. n° 4]. Aussi durant les années XII et XIII (1804-1805), neuf corsaires seulement quittent la rade. Mais à partir de 1806 et surtout après le désarmement de la flottille de Boulogne et la proclamation du Blocus continental on revit les beaux jours de la course. Une vingtaine de navires sont encore expédiés chaque année contre l'anglais. Leur équipage dépasse ordinairement un millier d'hommes. Napoléon se désintéressant de plus en plus des choses de la marine, on retrouve quelques bateaux nains avec un effectif de matelots vraiment dérisoire. A partir de 1810 où la course d'été fut particulièrement désastreuse, le nombre des armements diminue continuellement. Il n'y en eut que 12 en 1813.

Le dernier corsaire malouin sorti du port fut le Renard, armateur Robert Surcouf. Son capitaine Jean Michel, relâchant à Bréhat le 14 avril 1814, reçut l'ordre d'amener le pavillon tricolore et de le remplacer par les fleurs de lys [Note : Rapports des capitaines, St-S., 24 avril 1814].

(abbé F. Robidou).

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