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Les Origines du diocèse de Saint-Malo (ex. Aleth ou Alet)

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évêché de Saint-Malo (Aleth)

Aleth et les Curiosolites. — Evangélisation d'Aleth. — Les premiers évêques d'Aleth auxiliaires de l'évêque de Dol. — Délimitation du diocèse d'Aleth par Nominoë. — Prétendu schisme de Saint-Malo-de-Beignon. — Translation du siège d'Aleth à Saint-Malo-de-l'Ile.

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évêché de Bretagne : évêché de Saint-Malo ou Aleth

 

LES ORIGINES DU DIOCESE DE SAINT-MALO

évêché de Bretagne : diocèse de Saint-Malo (ex. Aleth)

Parmi les peuples gaulois soumis à Rome par Jules César se trouvaient dans notre contrée les Curiosolites. Ils occupaient approximativement le territoire actuel du département des Côtes-d'Armor (anciennement Côtes-du-Nord) et d'une partie de l'Ille-et-Vilaine. Leur capitale était dans l'origine Corseul, dont les ruines apparaissent encore près du bourg de même nom, à deux lieues de Dinan. Mais la ville d'Aleth leur appartenait aussi, et grâce à son excellente situation commerciale et maritime à l'embouchure de la Rance, elle finit dans les derniers temps de l'Empire romain par devenir leur véritable capitale. Au IVème siècle, quand les pirates saxons fatiguaient la Gaule de leurs attaques incessantes, Aleth fut nécessairement un poste de première importance : on l'entoura d'une ceinture de remparts dont on voit encore les derniers restes au bord de la mer, sur le promontoire de la Cité, près de Saint-Servan ; on en fit le chef lieu d'une division militaire et la résidence d'un préfet de légion. 

Au milieu de la décadence universelle et parmi les effroyables désastres qui marquèrent la fin de l'Empire, alors que le reste de notre Armorique était réduit à l'état d'un désert sauvage, Aleth, défendue par ses murailles et soutenue par son commerce, conserva une prospérité relative. Quand tant d'autres villes autour d'elle tombaient pour ne plus jamais se relever, elle échappa à la ruine générale (M. de la Borderie, Apostolat de saint Malo – Revue de Bretagne, IX, 62). 

Il est difficile de savoir au juste à quelle époque la lumière du saint Evangile vint éclairer cette ville gallo-romaine. Selon M. de la Borderie, « après que les cités armoricaines se furent séparées de l'Empire pour former une sorte de ligue ou de république fédérative, il semble qu'Aleth devint un des derniers boulevards du druidisme. Rennes avait un évêché dès la première moitié du Vème siècle, et 140 ans plus tard (vers 575) Aleth était encore toute païenne »

Il faut avouer que cet état de choses paraît fort singulier ; aussi plusieurs auteurs ont-ils cru qu'il n'en était point ainsi et que le pays d'Aleth n'avait pas attendu le VIème siècle pour recevoir l'évangélisation chrétienne. Ainsi ont pensé Butler, les PP. Longueval et Toussaint de Saint-Luc, d'Argentré, Ogée, les abbés Déric et Manet ; telle était aussi la tradition locale conservée à Saint-Malo durant le XVIIIème siècle. 

Ce qui entretenait dans cette croyance était l'opinion reçue universellement alors, que la plupart des civitates ou villes importantes des Gallo-Romains étaient devenues des sièges épiscopaux. Pour les mêmes motifs, le savant M. Bizeul admettait encore de nos jours l'existence d'un évêché chez les Curiosolites, ayant son siège à Aleth. Mais outre qu'il y a des exceptions nombreuses à cette règle, il importe de remarquer que l'évêché d'Aleth eut certainement une origine bretonne, comme nous allons le voir à l'instant, tandis que ses commencements gallo-romains ne reposent que sur une hypothèse. 

De plus, par malheur, les partisans de l'idée qui admet le christianisme implanté dans Aleth dès les premiers siècles de l'Eglise se sont eux-mêmes fait tort en prétendant qu'il existait un évêché d'Aleth régulièrement établi, ayant eu au moins treize pontifes successifs avant l'arrivée de saint Malo, au VIème siècle. C'était l'opinion du P. Le Large, auteur de Mémoires, assez intéressants d'ailleurs, sur les Evêques de Saint-Malo (Ms. de la Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris) ; il nomme même comme ayant été évêques d'Aleth : saint Cadreuc ou Cariaton, — Mansuet, — Riocat, — Adumal, — saint Lunaire — et saint Samson ; mais il n'apporte aucune preuve sérieuse à l'appui de ses assertions. L'on sait, par ailleurs, que Mansuet était un évêque breton, tandis que Aleth, d'après le P. Le Large, eût été un évêché gallo-romain ; — qu'on n'a jamais pu reconnaître un siège à saint Lunaire, évêque régionnaire dont nous avons tous les actes ; — que saint Samson a été réellement évêque de Dol et non pas d'Aleth, etc. 

Rien ne prouve donc cet établissement d'un diocèse gallo-romain chez les Curiosolites, rien n'atteste l'existence de cette succession d'évêques. Nous allons bientôt voir que le diocèse d'Aleth ne fut réellement formé d'une manière définitive qu'au IXème siècle. Si saint Malo, débarquant de Grande-Bre­tagne sur nos côtes, eût trouvé cet évêché formé, nul doute que lui et ses successeurs ne se fussent pas contentés d'y être simplement évêques auxiliaires, comme ils le furent en effet pendant deux cents ans. 

Rejetons donc parmi les pieuses mais fabuleuses légendes du moyen-âge le diocèse gallo-romain d'Aleth et ses prétendus évêques, parmi lesquels l'abbé Manet range avec plus de hardiesse que de raison un certain prêtre Alethius, « Alethium presbyterum » dont saint Jérôme vante la sainteté et le savoir (nota : Voici comme l'abbé Manet parle de cet Alethius : Dans une lettre que saint Jérôme adressa à une dame gauloise appelée Algasie, en réponse à certaines questions religieuses, vers 404 ou 406, ce docteur avoue son étonnement de ce que cette dame, de la dernière extrémité des Gaules et des rives de l'Océan, « de Oceani littore atque ultimis Galliarum finibus », eût pris la peine de lui envoyer tout exprès un messager pour avoir l'éclaircissement de ses doutes, tandis qu'elle avait dans son pays même le saint pontife d'Aleth, qu'il connaissait très-capable de la résoudre : « Habes enim istic sanctum virum Alethium presbyterum, qui viva, ut aiunt, voce, et prudenti disertoque sermone, possit solvere quæ requiris. » (Epist., 42) « Or, ajoute l'abbé Manet, par rapport à Bethléem, où se trouvait alors saint Jérôme, nul pays ne mérite mieux que le nôtre l'épithète de dernière limite de la Gaule et de rive de l'Océan ; quant au nom d'Alethius, c'est à cause des fonctions de ce personnage à Aleth que saint Jérôme l'appelle ainsi » (Grandes Recherches manuscrites sur Saint-Malo) — Ne pourrait-on pas répondre au docte abbé malouin que ce qu'il avance est précisément ce qu'il faudrait prouver). 

Quant au fait de la simple évangélisation du pays d'Aleth avant l'arrivée de saint Malo, il est impossible de ne pas l'admettre : saint Malo vint en Armorique lorsque saint Samson achevait sa glorieuse carrière, vers 575, et l'évêché de Dol était par suite fondé ; déjà saint Lunaire, saint Suliac, saint Jacut et saint Scieu avaient sanctifié les quatre localités voisines de Saint-Malo qui portent encore leurs noms maintenant [nota : Saint-Lunaire et Saint-Suliac dans l'Ille-et-Vilaine, Saint-Jacut et Lancieux (en breton Lan-Scieu, monastère de Saint-Scieu) dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), mais vers les limites de l'Ille-et-Vilaine] ; saint Aaron reçut saint Malo sur le rocher, voisin d'Aleth, où s'élève aujourd'hui la ville de Saint-Malo ; enfin, les Aléthiens avaient déjà, depuis quelque temps, vu le christianisme s'implanter parmi eux, puisqu'ils possédaient une chapelle dans laquelle saint Malo dit la messe le jour de Pâques, à son arrivée dans leur ville. 

La lumière divine avait donc pénétré sur nos côtes avant le débarquement de saint Malo ; mais était-elle due seulement aux émigrations bretonnes, et les saints que nous venons de nommer ont-ils été les premiers apôtres du pays d'Aleth, ou bien la vérité avait-elle franchi, dès les premiers siècles de l'Eglise, les frontières des Nannètes et des Redons pour atteindre les Curiosolites ? Nous croyons qu'il est difficile de répondre positivement à cette question, mais il est au moins convenable de faire remarquer ici un rapprochement assez singulier : les quatre églises-mères des quatre diocèses de Nantes, Vannes, Rennes et Aleth ont toujours été dédiées au prince des Apôtres ; ce sont les seules cathédrales bretonnes sous le vocable de Saint-Pierre et les seules églises importantes de l'époque gallo-romaine que nous connaissions. Nous savons que saint Clair a évangélisé Nantes, Vannes et Rennes ; est-il déraisonnable de penser qu'il poussa ses courses apostoliques jusque chez les Curiosolites, et qu'il y introduisit dans Aleth ce culte du prince des Apôtres, déjà établi dans les cités gallo-romaines voisines ? Si ce fait important pouvait être prouvé, l'évangélisation du pays d'Aleth remonterait donc au moins au IIIème siècle, peut-être même au Ier de l'ère chrétienne, selon qu'on envisage l'époque où vécut saint Clair. 

Quoi qu'il en soit, il nous semble positif que le pays d'Aleth, sans former un diocèse, avait cependant reçu quelque enseignement de l'Evangile avant l'arrivée de saint Malo, et cela doit nous suffire. 

Nous avons raconté la formation du vaste diocèse de Domnonée, dont l'administration fut confiée à saint Samson par Judual, roi de ce pays, vers 555. Nous avons dit que l'étendue de ce territoire força le premier évêque de Dol de se faire aider par des évêques auxiliaires, d'abord sans siège et juridiction fixes, puis résidant ordinairement à Saint-Brieuc, à Tréguier et à Aleth. Nous allons donner de nouvelles preuves de cette assertion, en racontant les commencements de l'évêché qui porta le nom d'Aleth, puis de Saint-Malo. 

Saint Malo, qui fut le premier évêque d'Aleth, en convertit les habitants de 580 à 585 environ. Comme il avait reçu en Grande-Bretagne le caractère épiscopal, les Aléthiens voulurent avoir leur apôtre pour pasteur, et saint Malo dut céder à la volonté du peuple et du prince. Une de ses Vies latines dit positivement, en effet, que le roi de Domnonée, Judel ou Judael, « agissant du consentement des prêtres et du peuple du pays, éleva ce saint aux honneurs de l'épiscopat dans la ville d'Aleth » (« In qua urbe Aleta princeps ejusdem patriæ nomine Judelus, ex consensu sacerdotum et habitatorum illius terræ, eum (Machutum) in honorem episcopatus sublimavit » - Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 192). Malo y établit un grand monastère, qui fut appelé Lan-Aleth (église ou monastère d'Aleth), et un autre non moins considérable sur le rocher d'Aaron. 

On ne dit pas explicitement que l'évêque de Dol (Magloire ou Budoc) fut consulté sur l'établissement de ce siège, quoiqu'il puisse être compris parmi ces sacerdotes qui donnèrent leur consentement avant que le roi de Domnonée agît. Mais ce que l'on dit encore moins, ce que l'on ne voit nulle part, c'est que le prince ait attaché au siège d'Aleth un diocèse à limites fixes. Les trois Vies anciennes de saint Malo protestent même, chacune à sa manière, contre une telle supposition. Celle qu'a publiée dom Mabillon, après avoir raconté la conversion des habitants d'Aleth, porte : « Les ayant donc baptisés et confirmés dans la foi, saint Malo, bon gré, mal gré, fut fait évêque de la ville qu'il venait de convertir, et continua de répandre parmi les peuples de la Petite-Bretagne les semences de la foi chrétienne » (« Per populos junioris Britanniæ spargit semina doctrinæ »). Ces derniers mots ne conviennent point, assurément, à une mission enfermée dans des limites fixes. Il est vrai qu'ailleurs l'auteur appelle parochia le territoire où Malo exerce son ministère ; mais c'est précisément sous ce nom de parochia que la Vie de saint Télo désigne le district confié, en Grande-Bretagne, par un évêque principal à chacun de ses évêques auxiliaires. Les actes rédigés par Sigebert au XIème siècle, sur un original bien plus ancien qu'il fait profession de suivre pied à pied, sont à quelques égards plus explicites. A propos de la cure d'une possédée guérie par Malo, ils disent : « Dans le pays de la ville d'Aleth, dans laquelle saint Malo exerçait sa charge épiscopale, un homme très-noble avait une fille tourmentée du diable : in pago urbis Alethæ, in qua antistabat Maclovius, etc. » Notez l'insistance mise par l'auteur à bien marquer que Malo était évêque (antistabat) dans la ville et non dans le pays d'Aleth (in pago urbis in qua et non in quo). Plus loin, Sigebert dit encore : « Un jour que saint Malo parcourait le pays de Bretagne (Britannicam regionem) pour y répandre la semence de la parole divine, il rencontra un pâtre dans un champ, etc. » — Ici, le territoire où saint Malo exerce son ministère n'est désigné que par ces mots : regio Britannica ; impossible de trouver une expression plus vague. 

« La légende éditée par dom Morice (nota :  « D. Morice attribue, on ne sait pourquoi, ces actes à un certain Bili, du IXème siècle, dont l'existence n'est même pas parfaitement prouvée. Toutefois ces actes sont anciens » - Annuaire de Bretagne, 1862, p. 161), nous donne un renseignement d'un autre genre : on y voit Malo édifier un monastère en un lieu appelé Raux (« S. Machutus ædificans monasterium construxit quod vocatur Raux »), aujourd'hui Roz-sur-Couesnon ou Roz-Landrieux, deux localités qui, depuis la délimitation définitive des diocèses bretons au IXème siècle, ont toujours fait partie de celui de Dol, et qui a fortiori en faisaient partie auparavant, puisque ce débornement ne s'opéra qu'en restreignant le territoire propre de Dol. D'autre part, nous voyons dans la Vie de saint Samson que les premiers évêques dolois embrassaient dans leur juridiction le canton où s'établit saint Suliac, lequel, au contraire, après la délimitation définitive introduite au IXème siècle, passa dans le diocèse d'Aleth. Voilà donc, à l'origine, les évêques d'Aleth qui font leurs fonctions dans un territoire relevant certainement de l'évêché de Dol, tandis que ceux de Dol exercent leur juridiction sur des lieux qui plus tard dépendirent exclusivement d'Aleth : donc à cette époque il n'existait point encore de limite séparative entre le territoire épiscopal d'Aleth et le ressort juridictionnel des prélats de Dol. Mais nous avons vu pourtant que ceux-ci avaient un diocèse à limites fixes, constitué par le roi domnonéen Judual, et embrassant la Domnonée tout entière. Rien ne montre, au contraire, que le roi fondateur du siège d'Aleth lui ait attribué un territoire propre et séparé. D'où il faut conclure que saint Malo et ses premiers successeurs jusqu'au IXème siècle n'avaient pas, du moins en dehors de leur ville, de juridiction propre, mais qu'ils exerçaient leur ministère dans une partie de l'immense territoire donné par Judual aux prélats de Dol, par délégation de ces derniers et à titre d'auxiliaires, ayant pour siège fixe la ville d'Aleth » (M. de la Borderie, Annuaire de Bretagne, 1862, p. 163, 164). 

Nous verrons dans le catalogue des évêques d'Aleth que la vie du petit nombre de prélats, ses successeurs immédiats, parvenus à notre connaissance confirme tout ce qui précède : saint Gurval se démit de son siège pour aller vivre en ermite dans les bois du Poutrecoët, au lieu où s'éleva depuis le bourg de Guer ; — du temps de saint Judicaël, roi de Domnonée, vers 650, saint Maëlmon, qualifié episcopus Aletis civitatis, fonda un hospice dans une localité nommée Talrédau, qui ne devait pas être fort éloignée de l'abbaye de Saint-Méen ; — à la fin du VIIIème siècle ou au commencement du siècle suivant, nous rencontrons Hélocar, appelé episcopus Aletensis dans un diplôme authentique de Louis-le-Débonnaire, par lequel ce prince accorde le droit d'immunité à toutes les possessions des évêques d'Aleth, spécialement à leur maison de Saint-Méen et Saint-Judicaël à Gaël, et à celle qu'ils avaient dans l'île de Saint-Malo. — De son côté, le Cartulaire de Redon nous montre, en 833 et 834, un Ermor évêque dans le Poutrecoët, episcopus in Poutrecoët, faisant ses fonctions épiscopales en Augan et Guillac ; en 835, 836 et 837, Jarnwalt, évêque dans la cité d'Aleth, episcopus in Aleta civitate, exerçant les mêmes fonctions en Guillac et en Guer ; et enfin Main, successeur de Jarnwalt, reconnu pour évêque, de 840 à 846, en Guer et Campénéac (Cartulaire de l'abbaye de Redon, p. 6, 89, 139, 104 et 151). De tous ces faits, M. de la Borderie conclut avec raison ce qui suit : « Les lieux où nous voyons, dit-il, ces derniers prélats faire leurs fonctions, le titre d'episcopus in Poutrecoët, l'existence d'une maison épiscopale à Gaël sous Hélocar, la résidence de Maëlmon à Talrédau, etc., tout tend à nous démontrer que le district confié dès le principe aux soins des évêques d'Aleth par les prélats de Dol s'étendit considérablement vers le Sud, dans cette immense région forestière et encore à peine peuplée du Poutrecoët. Notez aussi, continue-t-il, la diversité du titre donné à ces évêques, ce qui n'indique point dans leur pouvoir une fixité bien constante. Dans un autre document du VIIIème ou IXème siècle, on les voit s'intituler eux-mêmes évêques du monastère de Lan-Aleth : Divinitatis suffragio Lan-Aletensis monasterii episcopus (Pontificat d'Aleth, ms. de la Bibliothèque de Rouen, f° 181), ce qui marque une juridiction enclose dans le monastère et tout au plus dans la ville de Lan-Aleth. Si donc, hors de cette cité et hors de leur monastère, on les voit exercer le pouvoir épiscopal, ce ne peut être que par délégation des prélats de Dol » (Annuaire de Bretagne, 1862, p. 168). 

Telle fut la position des évêques d'Aleth jusqu'au milieu du IXème siècle : ils n'avaient pas de diocèse délimité, mais seulement une juridiction d'exception restreinte à leurs abbayes d'Aleth et de Saint-Malo et à leurs dépendances immédiates ; ils étaient toutefois regardés par l'évêque de Dol comme étant ses auxiliaires, et à ce titre ils exerçaient les fonctions épiscopales sur une vaste partie de la Domnonée ; à cause de leur double juridiction, d'exception dans leurs monastères et de délégation dans le diocèse de Dol, on les appelle des abbés-évêques. 

En 848, lorsque Nominoë créa le royaume de Bretagne, réunissant sous son sceptre les différents petits Etats fondés précédemment par les Bretons émigrés, il trouva donc l'évêque de Dol ayant trois évêques auxiliaires, qui résidaient habituellement dans les monastères d'Aleth, de Tréguier et de Saint-Brieuc. A chacun de ces auxiliaires ce prélat avait affecté un arrondissement séparé, dont la délimitation ne changea guère ; lui-même en avait retenu un quatrième pour l'administrer directement. 

Nominoë saisit les choses en cet état quand il voulut soustraire les évêques bretons à la suprématie française de l'archevêque de Tours. Nous avons raconté précédemment comment ce roi, assisté des principaux de la nation bretonne, prélats, prêtres et seigneurs, réunis en assemblée à Redon, en 848, fonda l'Eglise métropolitaine de Dol. Il suffit de rappeler maintenant que « de chacun des quatre arrondissements ou subdivisions administratives du vaste évêché dolois il fit un diocèse fixe et indépendant, en ayant bien soin de mettre ou de laisser sous la juridiction propre à chacun des quatre prélats tout ce dont celui-ci avait eu jusqu'à présent l'administration directe » (Annuaire de Bretagne, 1862, p. 186). 

Ainsi furent délimités, d'une façon qui dura jusqu'à la Révolution française, les quatre évêchés de Dol, Aleth, Tréguier et Saint-Brieuc ; Nominoë fit, en outre, de Dol la métropole de son royaume. 

Le diocèse d'Aleth avait pour limites : au Nord la mer, depuis Saint-Benoît-des-Ondes jusqu'à Saint-Jacut exclusivement ; — à l'Est, les évêchés de Dol et de Rennes : il contournait d'abord le premier en suivant une ligne depuis Saint-Benoît-des-Ondes jusqu'au Port-Saint-Jean, en Saint-Suliac, puis à peu près le cours de la Rance jusqu'à Evran, et de là gagnait Saint-Léger ; puis il descendait, côtoyant celui de Rennes, jusqu'à Talensac, où il prenait le Meu, qui le bornait jusqu'à gon embouchure dans la Vilaine à Blossac ; il suivait enfin cette dernière rivière jusqu'à Saint-Ganton ; — au Sud, l'évêché de Vannes, depuis Saint-Ganton jusqu'à la Nouée inclusivement, suivant en partie le cours de l'Oult ; — à l'Ouest, il remontait le long de l'évêché de Saint-Brieuc et rejoignait la mer avec l'Arguenon, dont le cours inférieur lui servait de frontière. C'était un diocèse d'une belle étendue, mais assez singulièrement conformé en manière de langue de terre resserrée par les diocèses voisins. 

Aleth continuait d'être le chef-lieu de ce diocèse définitivement constitué, car le rocher d'Aaron, qu'on appelait déjà l'île de Saint-Malo, n'était encore habité que par les moines du monastère de ce nom. Cependant, les évêques d'Aleth y séjournaient parfois, mais ils acquirent bientôt une nouvelle résidence, Saint-Malo-de-Beignon, où ils construisirent un château au centre même de leur diocèse, et qu'ils affectionnèrent toujours. Renaud, l'un d'entre eux, prit même le titre d'évêque de Saint-Malo-de-Beignon, en 1062, « episcopus de Masloo de Bidainono » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 419). Cette dénomination a excité l'étonnement de quelques historiens bretons, qui ont prétendu qu'un schisme s'était élevé dans l'Eglise d'Aleth, à la suite d'une excommunication lancée vers 1050 par le pape Léon IX contre des évêques simoniaques de Bretagne. Mais rien ne prouve cette assertion, soutenue en partie cependant par le P. Le Large, D. Morice [nota : La guerre civile désolait à cette époque notre pays, par suite de la révolte du comte Eudon contre le duc Alain : « Le siège d'Aleth, dit Dom Morice, vaqua pendant ces funestes divisions, et Eudon eut assez de crédit pour y mettre un homme qui lui était dévoué et pour le faire ordonner par l'archevêque de Dol. Le duc, prévoyant les suites de cette élection, s'y opposa et nomma un autre sujet, qu'il fit sacrer par l'archevêque de Tours. Pour concilier les deux partis, on ne trouva point d'autre expédient que d'établir un nouveau siège à Saint-Malo-de-Beignon » (Catalogue des Evêques de Bretagne). Malheureusement Dom Morice n'apporte aucune preuve à l'appui de son dire] et l'auteur du nouveau Gallia christiana. Nous verrons dans la chronologie des évêques d'Aleth que pendant ce prétendu schisme d'une soixantaine d'années les prélats prenaient indifféremment le nom d'évêque d'Aleth ou d'évêque de Saint-Malo, episcopus Alethensis, episcopus  Sancti Machuti, et qu'un seul, Renaud, se qualifia évêque de Saint-Malo-de-Beignon une seule fois en 1062, alors qu'ailleurs il se faisait appeler lui-même évêque d'Aleth et évêque de Saint-Malo. Est-il sérieux de faire reposer un évènement aussi important que l'est le schisme d'une Eglise sur une simple qualification prise par un évêque appelé manifestement de trois manières différentes. Vers 1062 : « Rainaldo episc. de Masloo de Bidainono » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 419) — Vers 1070 : « Reginaldo episcopo qui tunc temporis episcopium Sancti Maclovii regebat » (Ibidem, I, 434 ) — « MLXXXI. (Obiit) Renaldus Sancti Machuti (episcopus) » (Ibidem, 151) — « MLXXXI. Obiit Renaldus episcopus Atethensis » (Ibidem, 4.) — « Au surplus, ajoute l'abbé Manet, l'usage de signer ainsi de plusieurs manières n'était point privatif aux évêques aléthiens : dans le Concile d'Agde, en 506, Pierre, évêque de Poitiers, prend le titre d'évêque du Pallet, méchante bourgade près de Nantes ; au Concile de Châlons, en 650, Licerius, évêque de Carpentras, signe évêque de Vénasque ; enfin, les évêques de Coutances prenaient parfois le nom d'évêques de Saint-Lô, quoique ni le Pallet, ni Vénasque, ni Saint-Lô n'eussent été des sièges d'évêché, mais parce que les prélats de Poitiers, de Carpentras et de Coutances résidaient en ces localités » (Grandes recherches historiques ms. sur Saint-Malo). 

Un évènement bien plus intéressant eut lieu dans le diocèse moins d'un siècle plus tard : ce fut la translation du siège épiscopal d'Aleth dans l'île de Saint-Malo. Jusqu'alors les évêques d'Aleth avaient bien séjourné quelquefois dans le monastère fondé par saint Malo sur le rocher d'Aaron, mais leur cathédrale était toujours l'église Saint-Pierre d'Aleth, desservie par leur Chapitre ; en 1152, l'évêque Jean de Châtillon, plus connu sous le nom de saint Jean-de-la-Grille, voyant l'état de ruine dans lequel se trouvait Aleth dévastée parles invasions des Normands, considérant aussi que les habitants de cette ville s'établissaient volontiers à Saint-Malo-de-l'Ile, résolut d'y transférer d'une façon permanente et définitive son siège épiscopal. Ce ne fut pas sans difficulté qu'il put accomplir son dessein. Un de ses prédécesseurs, Judicaël, surnommé Benoît, avait en effet donné, vers 1108, à l'abbaye de Marmoutiers l'église de Saint-Malo en l'île d'Aaron avec toutes ses dépendances ; aussi les Bénédictins qui l'occupaient ne manquèrent-ils pas de faire aux prétentions de Jean de Châtillon l'opposition la plus vive. Ils obtinrent d'abord gain de cause devant le pape Luce II, et les évêques nommés par ce Souverain-Pontife pour juger l'affaire prononcèrent contre le bienheureux Jean, « non-seulement une sentence de déboutement, mais, de plus, un acte de suspense et d'interdit ». L'évêque d'Aleth condamné de la sorte par le pape, — qui refusa de le recevoir lorsqu'il se présenta lui-même à Rome, — trouva heureusement des appuis dans saint Bernard et dans le successeur de Luce II, le pape Eugène III, qui avait été moine de Clairvaux. Ce pontife fit paraître devant lui les deux parties et examina leurs raisons avec une scrupuleuse attention, puis il les renvoya devant l'archevêque de Bordeaux et les évêques de Chartres et d'Angoulême, qui appelèrent à Périgueux l'évêque d'Aleth et Garnier, abbé de Marmoutiers. Ces commissaires du Souverain-Pontife y reçurent les dépositions des témoins de Jean de Châtillon : il fut prouvé que l'église de Saint-Malo avait été anciennement siège épiscopal, c'est-à-dire avait fait partie du domaine épiscopal d'Aleth, et qu'en conséquence l'évêque Benoît n'avait pas eu le droit d'aliéner cette église ; Jean-de-la-Grille démontra même que Rivallon et Donoald, successeurs de Benoît, n'avaient pas voulu ratifier cette aliénation. « Sur quoi les juges délégués ne purent se refuser à investir l'évêque d'Aleth tant de cette église de Saint-Malo que de toutes les dépendances qu'elle avait dans le temps où les moines s'en étaient saisis. Le Pape, ayant été informé de cette sentence, la confirma par une bulle donnée à Viterbe le 16 août 1152, dans laquelle il imposait là-dessus aux religieux (de Marmoutiers) un silence perpétuel » [nota : Vie de saint Jean-de-la-Grille, par l'abbé Manet, p. 39. — Ce silence ne fut guère observé par les moines de Marmoutiers, qui voulurent encore poursuivre l'évêque de Saint-Malo, sous le pontificat des successeurs d'Eugène III. Saint Jean-de-la-Grille retourna à Rome pour la troisième fois, et il fallut de nouvelles bulles d'Anastase IV, en 1154, d'Adrien IV, en 1157, et d'Alexandre III, en 1159, pour faire taire définitivement les réclamations de ces religieux. (Voir Vie de saint Jean-de-la-Grille, p. 46, 47)]. 

Lorsque les Bénédictins eurent quitté l'île de Saint-Malo, Jean de Châtillon fit de leur église sa cathédrale, et y installa un nouveau Chapitre, formé de chanoines réguliers de Saint-Augustin de l'observance de Saint-Victor de Paris. 

Ainsi fut définitivement abandonnée l'antique cité d'Aleth ; aux ravages causés par les invasions normandes se joignit le départ de ses habitants ; devenus peu nombreux et toujours effrayés par les terribles pirates, ils suivirent avec empressement leur évêque dans l'île de Saint-Malo, asile plus sûr contre leurs ennemis. Peu à peu les antiques fortifications construites par les Curiosolites disparurent, et il n'en resta plus que de minces vestiges, encore apparents aujourd'hui ; les habitations, brûlées en partie par les barbares, s'écroulèrent également ; une portion de la cathédrale Saint-Pierre disparut, et bientôt il ne resta plus d'Aleth que le nom de la Cité conservé au promontoire qui domine l'embouchure de la Rance, un débris de muraille gallo-romaine et l'une des absides de l'ancienne cathédrale transformée en chapelle. En face de ces ruines et de cette terre désolée s'éleva promptement la ville de Saint-Malo, et lorsque les murailles de cette dernière ne purent plus contenir ses nombreux habitants, ceux-ci retournèrent vers la Cité et construisirent à côté de ses ruines, dans un de ses anciens faubourgs, une ville nouvelle, sous le nom de Saint-Servan. 

Quant au diocèse de Saint-Malo, il n'éprouva plus d'autres changements notables et resta constitué comme nous venons de le dire jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.

(extrait du Pouillé de Rennes)

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