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La ville de Saint-Malo et la seigneurie commune

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évêché de Saint-Malo

Origines de Saint-Malo. — Privilèges des habitants. — Droits féodaux de la seigneurie commune. — Edit d'Anne de Bretagne (1513). — Regaires formant la seigneurie commune.

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évêché de Bretagne : évêché de Saint-Malo

 

SAINT-MALO et LA SEIGNEURIE

évêché de Saint-Malo

L'origine de la ville de Saint-Malo est purement ecclésiastique ; saint Aaron construisit le premier un monastère, au VIème siècle, sur le rocher qui porta longtemps son nom. Ce monastère, augmenté par saint Malo, prit plus tard le nom de ce grand évêque et le donna à l'île tout entière ; mais au Xème siècle des moines et de pauvres pêcheurs habitaient seuls encore cette solitude baignée par les flots. 

Lorsque les habitants d'Aleth abandonnèrent leur ville jusqu'alors importante, une partie de cette population ravagée par les Normands se réfugia dans l'île de Saint-Malo ; quand plus tard l'évêque saint Jean-de-la-Grille transféra le siège épiscopal d'Aleth dans le monastère fondé par saint Aaron et saint Malo, l'accroissement de cette dernière localité devint promptement considérable ; on peut dire qu'à cette époque, c'est-à-dire vers 1152, la ville de Saint-Malo fut fondée. 

L'évêque et le Chapitre se partagèrent naturellement la seigneurie de cette nouvelle cité, née à l'ombre d'un monastère et prospérant sous le gouvernement de la houlette pastorale. Exagérant même un peu leurs droits, les évêques de Saint-Malo, soutenus en cela du reste par leur peuple, imaginèrent de se déclarer complètement indépendants des ducs de Bretagne ; en 1382, l'évêque Josselin de Rohan refusa de faire hommage et serment de vassal au duc Jean IV, et prétendit que la ville de Saint-Malo, bâtie sur un terrain ecclésiastique, ne devait reconnaître d'autre supérieur que le Pape. Le Souverain-Pontife Clément VII, entrant dans cet ordre d'idées, céda à Charles VI, roi de France, en 1394, tous les droits qu'il pouvait avoir sur Saint-Malo ; le roi accepta d'abord et prit, en 1397, cette ville sous sa protection, mais, en 1415, il rendit Saint-Malo au duc de Bretagne. Au reste, les Malouins voulaient encore moins de la domination française que du gouvernement breton ; ils finirent donc par accepter la suzeraineté de ce dernier, et leur vassalité fut amplement tempérée par de larges franchises qu'ils eurent soin de faire renouveler par chaque nouveau souverain. Lorsque la Bretagne perdit son indépendance, Saint-Malo fit confirmer tous ses privilèges par le roi de France Charles VIII en 1488 (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 427, 435, 626, 679, 924, 925, etc.). 

Parmi ces privilèges, notons l'exemption pour les habitants de toute imposition : « Les évesques, Chapitre, bourgeois et habitants dudit Saint-Mallo sont tenus perpétuellement francs et exempts de payer toutes impositions, gabelles, fouages, tailles, quartages, treiziesmes et tous aultres aides quelconques qui ont cours dans notre royaume » ; — la sauvegarde et la franchise pour les étrangers : « Tous marchands estrangers, de quelque nation que ce soit..., qui viendront en ladite ville de Saint-Mallo et au port d'icelle, avec leurs familles, biens et marchandises, sont en notre protection et sauvegarde, ..., et sont aussi tenus francs et exempts à toujours de payer impositions, gabelles ny aucun des aides dessus dits ayant cours en notre royaume » ; — le privilège d'arrêt, « qui est tel qu'il est loisible à un chacun de faire arrester en ladite ville de Saint-Mallo toutes personnes soit estrangères ou aultres, de quelque nation ou pays qu'elles soient, pour dette ou délit », et de les traduire devant « les juges de la juridiction dudit Saint-Mallo, comme s'ils en estoient justiciables » ; — enfin, le droit d'asile, qui rendit Saint-Malo si célèbre au moyen-âge : « Tous hommes et femmes, de quelque nation qu'ils soient, qui se retirent en ladite ville de Saint-Mallo et requèrent et demandent la franchise d'icelle, jouissent de franchise et immunité en manière que, pour quelque homicide par eux commis hors ladite ville et mettes d'icelle, ils ne peuvent estre prins, arrestés ny detenus » (Lettres de franchises des rois Charles VI (1395) et Charles VIII (1488). - Archives départementales - Déclaration du Chapitre en 1682). 

Comme dans le reste de la Bretagne, ce droit d'asile avait pour origine le séjour de saints religieux dans l'île de Saint-Malo ; aussi l'appelait-on droit de minihy ou de la maison des moines (menec'h moines, ty maison). Dans l'origine, ce lieu d'asile comprenait l'enceinte de l'église et du monastère de l'île d'Aaron, puis il embrassa cette île tout entière. Plus tard, d'après une note que nous avons trouvée aux Blancs-Manteaux, confirmée d'ailleurs par l'abbé Manet, le minihy de Saint-Malo s'étendit bien au-delà de l'enceinte de cette ville ; il fut reculé jusqu'aux limites de la seigneurie, c'est-à-dire jusqu'au cap de la Varde, en Paramé, où se trouve un village portant encore le nom de Minihy (Bibliothèque Nationale, Mémoires de Bretagne, 22322, p. 561).

On comprend combien fut favorable au développement de Saint-Malo cette insigne prérogative d'être un abri inviolable pour les fugitifs qui pouvaient y pénétrer (« Asylum quod in ea urbe (Sancti Maclovii) est inviolatissimum » - Polydore Virgile, Hist. Ang., Lib. XXIV). On y accourait donc de toutes les contrées de l'Europe, et c'est dans cette ville que le jeune comte de Richemont, Henri de Lancastre, depuis roi d'Angleterre, prit refuge, en 1475, pour échapper aux poursuites de son ennemi et compétiteur Richard d'Yorck (Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, I, 751). 

Sur les plaintes formulées par les ducs de Bretagne au sujet des minihys, le pape Martin V ordonna une enquête dans le duché ; quelque temps après, son successeur Nicolas V restreignit, par sa bulle du 29 octobre 1453, le droit d'asile à la seule enceinte des églises et autres lieux pieux ; enfin, par son ordonnance de 1539, le roi François Ier porta aux minihys un dernier coup en les proscrivant de ses Etats. Cependant, dit l'abbé Manet, on connaissait encore en 1590, à Saint-Malo, un nommé Guillaume de La Lande, homme de petite considération, qui achevait d'y jouir du bienfait de cette immunité. 

L'évêque et le Chapitre de Saint-Malo se partageaient le gouvernement de cette ville, et c'était là ce qu'on appelait la seigneurie commune. Pendant tout le moyen-âge ils ne cédèrent aucune de leurs prérogatives; mais en 1496 les habitants cessèrent tout à coup de comparaître au Chapitre, comme ils avaient coutume de le faire, pour régler avec l'autorité ecclésiastique les affaires de la Communauté de ville. Ces bourgeois s'assemblèrent à l'abbaye Saint-Jean (nota : on appelait ainsi la maison où se réunissait les membres de la confrérie de Saint-Jean), s'attribuèrent le droit de Maison de ville, et dressèrent un Mémoire des griefs qu'ils reprochaient à l'administration du Chapitre. 

De leur côté les chanoines, en l'absence du cardinal Briçonnet, évêque de Saint-Malo, se défendirent devant le Parlement et devant le Conseil du roi et présentèrent à leur tour un Mémoire renfermant en trente-neuf articles les diverses attributions, droits et coutumes de la seigneurie de Saint-Malo ; voici, d'après l'abbé Manet, le résumé des principaux privilèges de l'évêque et du Chapitre mentionnés par les chanoines et alors en usage à Saint-Malo : Droit de ville close et murée avec tours et pont-levis ; — droit de voirie (villicatio), consistant dans le pouvoir de faire des ordonnances pour l'alignement des édifices, le pavage et nettoiement des rues et places publiques, pour le bon état des chemins, etc. ; — droit de guet et de garde, confirmé en 1374 et 1594, par suite duquel les officiers de la milice bourgeoise s'établirent dans l'usage de porter l'épée intra muros (usage qui leur fut vainement contesté en 1767) ; en conséquence de ce même droit, aucune garnison étrangère ne pouvait être régulièrement admise à Saint-Malo, et les habitants de cette ville ne contribuaient point au logement des troupes ducales et royales et étaient exempts du ban et arrière-ban convoqués par le prince ; la raison en était qu'ils concouraient essentiellement au salut commun en veillant à la sûreté de leur place ; — droit d'assise et règlement : l'assise était à l'origine une séance extraordinaire que tenaient les seigneurs pour s'assurer de la conduite des officiers de leur juridiction, pour recevoir les plaintes portées contre eux et les appels qui avaient été interjetés de leurs sentences ; — droit de bris sur les côtes dépendant de Saint-Malo, c'est-à-dire droit de s'approprier tous les restes des vaisseaux qui y naufrageaient, lorsque les patrons de ces vaisseaux n'étaient pas munis d'un brevet de sûreté ; — droit d'aide et de taille, par lequel les roturiers habitant sous la juridiction du Chapitre devaient contribuer, par argent ou par corvées, aux travaux d'utilité publique faits dans la seigneurie ; — droit de fortune, permettant de s'approprier une part des trésors enfouis dans la terre ; — droit de bâtardise, c'est-à-dire d'hériter des bâtards qui ne laissaient ni femmes ni enfants ; en retour de ce droit, le Chapitre était chargé de pourvoir à la subsistance des enfants exposés dans l'étendue de sa juridiction ; — droit d'aubaine, ou de recueillir la succession des étrangers qui ne s'étaient pas fait naturaliser à Saint-Malo ; — droit de déshérence, c'est-à-dire de se mettre en possession des biens d'un défunt dont les héritiers n'apparaissaient point ; — droit d'oblations et de sépulture dans toutes les églises de Saint-Malo ; — droit de champart ou de dîmes dans les marais de la mouvance du Chapitre susceptibles d'être desséchés ; — droit de pâturage dans les autres marais restés communs ; droit de truages ou d'impositions sur tous les navires étrangers qui, sans être forcés par la tempête, venaient mouiller à Saint-Malo ; — droit de transit ou de passe-portes sur toutes les marchandises qui ne faisaient qu'entrer dans la ville pour en ressortir au-delà de deux lieues ; — droit de coutumes sur les grosses et menues denrées introduites dans l'enceinte des murs pour la consommation des habitants ; — droits d'étalage, d'échoppe et de tonlieu sur tous les marchands drapiers, merciers, etc., qui avaient boutiques ouvertes à Saint-Malo ; — droit de cohuage dans les cohues ou halles à blé, à pain, à toile, à viande et à poisson ; — droits de poids publics, d'aulnage, étalonnage, minage et mesurage ; — droit de pêcheries et de sécheries, de fours et moulins banaux ; ce droit de fournage, borné à l'enceinte de la ville, fut aboli par Mgr de Pressigny en 1787 (nota : Voici en quoi consistait, en 1667, le droit de four banal qui suscita de nombreux procès au siècle suivant : « Droit et devoir de four à ban, auquel four tous les manans et habitans de la ville sont tenus d'aller cuire leurs pastes et, en deffault, y sont contraints ; sinon que chaque particulier peut faire en sa maison un four pour cuire le pain de sa famille ». Il était donc seulement défendu aux particuliers de vendre du pain cuit à leur four et aux boulangers de s'établir sans payer une taxe annuelle à la seigneurie) ; — droits de pipage et bouteillage, c'est-à-dire levée de deniers sur les boissons tant en pipes qu'en bouteilles ; au moyen-âge, on récoltait du vin dans le pays de Saint-Malo comme dans le reste de la Haute-Bretagne ; les coteaux de la Rance étaient couverts de vignes depuis son embouchure jusqu'à Dinan, et en 1174 la dîme des vins de Plouër rapportait au Chapitre 30 livres de rente ; — droits de passage, batelage et pontonage, levés pour l'entretien des ponts établis sur les grèves ; — droit d'épaves, varechs et autres choses rejetées naturellement par la mer ; — droit de poissons royaux, c'est-à-dire de s'approprier les dauphins, esturgeons, saumons, truites et autres poissons délicats échoués sur les grèves ; — droit de fuie, colombier, garenne et chasse dans toute l'étendue de la seigneurie commune ; — droit de lods et ventes au sixième denier sur toutes les mutations d'héritages (ce droit fut confirmé au Chapitre en 1560) ; — droit d'amortissement sur les biens-fonds qu'on retirait du commerce ordinaire pour en gratifier à perpétuité les lieux pieux et les gens de mainmorte ; — droit de rachapt et de retrait lorsque la propriété vendue pouvait convenir à la seigneurie ; — droit de mortuage sur les biens-meubles des défunts ; en 1572, le Chapitre, sede vacante, renonça à ce droit moyennant une rente de 300 livres que la Communauté de ville lui constitua ; — droits de juridiction, haute justice, création d'officiers, supplices, etc. 

A tous ces privilèges, ajoutons, avec Dom Morice, que « les chanoines de Saint-Malo donnaient des lettres de naturalisation et de bourgeoisie, accordaient des rémissions en matière criminelle, et donnaient des attestations ou déclarations de noblesse » (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 24). 

Tels étaient les grands et nombreux droits de la seigneurie commune ; on voit facilement quelle importance ils donnaient à l'évêque et au Chapitre de Saint-Malo, véritables souverains dans leur île ; mais on comprend aussi les réclamations des bourgeois, chez lesquels perçait déjà l'esprit d'indépendance moderne. 

A la suite de la discussion éclatée entre le Chapitre et les habitants de Saint-Malo, la reine-duchesse Anne de Bretagne rendit un édit en 1513 réglant définitivement leurs rapports entre eux, enlevant certains droits à la seigneurie commune et affermissant l'établissement de la Communauté de ville. 

L'évêque et le Chapitre, nous apprend cet édit, conserveront la totale juridiction de Saint-Malo avec ses revenus, ses mouvances et ses officiers, mais ils ne pourront plus exercer le droit de grâce et rémission, réservé désormais au roi ; — les étrangers venant à Saint-Malo avec des navires demanderont au gouverneur de la ville et non plus à l'évêque et au Chapitre le droit d'entrer dans le port ; — les assemblées de ville se feront doresnavant à la Maison de ville ou ailleurs, par la convocation du gouverneur, et y seront appelés les gens d'église pour y assister, s'ils le veulent ; — les tenues de compte des deniers de la ville se tiendront à l'avenir en ladite Maison de ville, et les gens d'église y pourront venir s'il leur plaît ; — le serment de conserver les libertés de l'Eglise de Saint-Malo continuera d'être fait par le capitaine ou gouverneur de cette ville à l'évêque et à son Chapitre, après le serment prêté d'abord au roi (nota : on trouve la formule de ce serment, prêté en 1433 par Bertrand de Tréal, dans D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, II, 1257) ; — l'institution des portiers et le choix des chiens dogues destinés à la garde de la ville sera désormais réservé au roi (nota : la tradition a conservé souvenir des chiens de garde de Saint-Malo mentionnés, comme l'on voit, dès 1513, et qui donnèrent lieu, au XVIIIème siècle, à la chanson populaire : Bon voyage, monsieur du Mollet, A Saint-Malo débarquez sans naufrage) ; — l'inventaire des biens des navires ne sera plus fait par le Chapitre, etc. (Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, III, 909. — La charte originale de cet édit, magnifique parchemin, existe encore aux Archives municipales de Saint-Malo). 

Cet édit réglait aussi les autres droits en litige, tels que droits de sceau, de coutumes, de four banal, etc. ; mais ce qui précède suffit pour nous faire maintenant bien comprendre la Déclaration que firent au roi l'évêque et le Chapitre de Saint-Malo, en 1679 et 1682, pour leur seigneurie commune. 

Les limites de ce regaire, dont saint Jean-de-la-Grille avait donné les deux tiers et l'évêque Raoul les trois quarts au Chapitre, s'étendaient non-seulement à toute l'enceinte de la ville, sauf le manoir épiscopal, mais encore aux îles et rochers adjacents, depuis les pierres de la Porte et Césambre inclusivement jusqu'à la pointe de la Varde ; elles renfermaient, en outre, le Sillon, les Talards et toutes les grèves et marais, tant couverts que découverts, depuis la Varde jusqu'à la Flourie, en Saint-Servan. « Confessent lesdits évesque, doyen, chanoines et Chapitre tenir en franc regaire et fief amorty le rang des rochers nommés les Portes par lesquels les vaisseaux, venant de la mer, entrent pour venir dans la rivière de Rance et au port dudit Saint-Malo, avec l'isle de Cezambre, et rochers adjacents des Boyers, autrement dits le Grand et le Petit Bé et l'isle Rebours (aujourd'hui l'île Harbourg), et depuis iceux environ le lieu nommé la Hoguette du costé vers la mer et en ladite rivière de Rance jusqu'au port et hâvre nommé le Port Saint-Pierre, iceluy compris, jusqu'à l'endroit du lieu appelé la Flourie qui est entre l'ancienne cité de Quidalet [nota : Quidalet (guic, bourg), ancien nom d'Aleth, considérée comme ville, par opposition au Pou-Alet ou Poulet (pagus Alethi)]  et le port de Jouvente du costé vers Poulet, et de laize en ladite rivière jusqu'aux rochers nommés Bizeul, la Mercière et la Pierre de Rance, iceux compris, et depuis lesdits lieux autour de ladite ville, les desports et estendues jusqu'aux lieux de la Hoguette, les Talards et les Maretz adjacents jusqu'aux moulins de Routoüan inclusivement » (Déclaration du Chapitre en 1677 — Il n'existe pas de déclaration particulière pour la seigneurie commune ; nous extrayons ce qui la concerne des Déclarations du Chapitre et de celles de l'évêque). 

Voici comment est décrite en 1677 la ville de Saint-Malo : L'évêque et le Chapitre reconnaissent tenir en franc regaire « la ville et cité de Saint-Malo ; la clôture et ceinture de laquelle, ensemble le chasteau, forteresse et fortifications, garde et guets appartiennent au roy notre souverain seigneur et duc dudit pays et duché de Bretagne, lequel y peut mettre et establir tels capitaines, connestables, compagnies de soldats et morte-paye que bon lui semble pour la défense et garde d'icelle ville et cité ; lesquels capitaines et connestables après le serment fait et presté audit seigneur roy et duc, sont tenus de faire, en second lieu, le serment à l'évesque, doyen, chanoines et Chapitre de ladite Eglise de Saint-Malo, dans la grande chambre capitulaire, de garder et défendre les droits et privilèges de ladite Eglise ». Quant au château qu'avaient bâti le duc François II et Anne de Bretagne, sa fille, sur les terrains appartenant à l'Eglise, le Chapitre déclare qu'il se contente d'avoir la promesse du roi « de récompenser ladite Eglise en assiette de la vraie valeur d'iceux terrains »

Le Chapitre entre ensuite dans la nomenclature des maisons sur lesquelles il perçoit des rentes dans la ville de Saint-Malo ; il suffit de noter que ces rentes montaient ordinairement, « tant pour les termes de Saint-Gilles que Noël et Pasques, par deniers à la somme de 143 livres 14 sols 4 deniers monnoye, et, par froment, à 4 boisseaux »

Dès cette époque, les moulins à vent du Sillon existaient, car il était dû « de rente auxdits évesque, doyen, chanoines et Chapitre, sur les moulins à vent tant en la ville que sur le Sillon, le Talart et le Nest, 4 mines 1 boisseau 2 godets de froment »

L'évêque et le Chapitre possédaient aussi un devoir appelé « cens ancien qui se paie par chacun an, au terme de Pasques, sur les maisons, place et jardins de la ville, à raison de 8 deniers par place »

De la seigneurie commune dépendaient tous les droits, revenus et émoluments casuels conservés en 1513, tels que « successions de bastards, déshérences, débris de navires, espaves, gallois, poissons royaux, pescheries, lods et ventes, droit de sceaux, taux, amendes et aultres adventures ». N'oublions pas encore « quelques autres droits et debvoirs accoustumés, entrepris et levés en ladite ville et cité de Saint-Malo, comme les menues coustumes, le bouteillage, la boucherie, l'aulne à toile, la boulangerie, boisseaux à mesurer le bled, poids public, la poissonnerie, les fours à ban, la cohue et les étaux en icelle avec les greniers au dessus (nota : « La boucherie, composée de trois allées où les bouchers estalent la viande, au bout de laquelle sont un grand cellier et deux étages de greniers à mettre le blé des dixmes de l'Eglise... ladite boucherie joignant vers le Nord à la rue de la Victoire » - Déclaration de 1679), la halle aux toiles et les celliers et boutiques au-dessous (nota : « La halle aux toiles consiste par le bas en un grand cellier et huit boutiques, ledit cellier appelé Enfer, et dans un premier étage et un grenier en ravalement qui servent à loger les toiles » - Déclaration de 1679), les ouvroirs des drappiers et merciers, la foire de la Mi-Carême, les marchés ordinaires aux mardi et vendredi de chaque semaine, etc. » (Déclaration de l'Evêque en 1682 – Archives départementales). 

Cette foire de la Mi-Carême, appelée anciennement « la foire ès sublets », à cause des sifflets et autres objets de bimbeloterie qu'on y vendait, fut fondée vers 1194 ; elle durait huit jours et se tenait dans la Grand'Rue et aux environs de la Grand'Porte. Le marché du vendredi fut établi en 1192 par la duchesse Constance ; celui du mardi a une origine inconnue, mais il en est fait mention dès 1382 (l'abbé Manet, Grandes recherches ms.). 

Les divers droits et devoirs dont nous venons de faire en dernier lieu l'énumération s'affermaient « communes années 3.500 livres, de laquelle somme la quarte partie appartient aux évesques et le surplus auxdits doyen, chanoines et Chapitre, et sur le surplus ledit seigneur évesque prend sa part comme chanoine outre ladite quarte partie » (Déclaration de 1682). 

Par le concordat passé en 1219 entre l'évêque Raoul et son Chapitre, il avait été convenu que, l'évêque de Saint-Malo se trouvant dans sa ville épiscopale, l'exercice de la juridiction de la seigneurie commune lui serait dévolu à lui et à ses officiers ; dans ce cas, le doyen du Chapitre ou son représentant pourrait toutefois assister à la discussion des causes, s'il le voulait. Mais pendant l'absence de l'évêque, c'est-à-dire dès que le prélat aurait franchi le pont situé entre Saint-Malo et Saint-Servan, et appelé Pont-l'Evêque, il appartiendrait au doyen ou à son représentant de tenir les plaids de la juridiction commune. 

Cet état de choses persista jusqu'à la Révolution, comme le prouve ce qui suit : « Touchant la juridiction de ladite ville et cité de Saint-Malo, plaids généraux, délivrance ordinaire et autres exploits de justice... ledit évesque, lorsqu'il est présent, tient et exerce la totale juridiction temporelle ou la fait exercer en son auditoire situé au pourpris de son manoir épiscopal, par ses officiers sur les bourgeois, manants et habitants et délinquants tant de ladite ville et cité que dudit château, fors en ce qui est des habitants, garnison et morte-paye dudit chasteau de ce qu'ils auraient commis et malversé en la garde dudit chasteau et ville et autres cas que pourraient commettre les subjects de ladite juridiction contre les droits souverains du seigneur roy et duc... Mais en l'absence dudit évesque, ladite juridiction et justice est gardée, exercée et administrée sur lesdits bourgeois, manants et habitants desdits ville et chasteau par lesdits doyen, chanoines et Chapitre ou par leurs officiers, et lors ledit évesque ne prend que la quarte partie des proffits, revenus et émoluments d'icelle juridiction » (Déclaration de 1682). 

A cause de leur seigneurie commune, l'évêque et le Chapitre avaient les « droits d'auditoire et de prison, de sceau et papier de greffe, de création d'officiers pour l'exercice de la justice et de la police dans toute l'étendue de leur ressort »

Ces officiers étaient un sénéchal, un alloué et un lieutenant, formant le tribunal de la juridiction seigneuriale ; puis, au-dessous, des greffiers, notaires, procureurs, sergents, geôliers, etc. Tous étaient ordinairement nommés à vie (sauf le cas de forfaiture) par l'évêque et le Chapitre réunis en assemblée capitulaire. La juridiction commune connaissait en général de toutes sortes de causes (nota : « Lesdits évesque, chanoines et Chapitre ont connaissance de tous cas de crimes, fors des crimes de leze-majesté et cas privilégiés, et l'appel des sentences de leurs sénéchaux et autres juges ressort directement en Parlement de ce pays et duché de Bretagne » - Déclaration du Chapitre en 1677), même, dans l'origine, de celles qui emportaient peine capitale ; de là les pilori, ceps et collier, l'échelle et les fourches patibulaires à quatre poteaux dépendant de la seigneurie ecclésiastique de Saint-Malo. 

Le pilori (pilaricium) était un pilier mobile, ayant en haut l'écusson seigneurial et garni de chaînes et d'un collier de fer ; ou y attachait le coupable par les pieds et par les mains avec les ceps, on lui enlaçait le cou avec le carcan ou collier, et on le faisait tourner sur lui-même, de façon à le donner en spectacle à la foule. Le pilori se trouvait à Saint-Malo au milieu d'une place appelée Martroy, du vieux latin martyretum, qui signifie supplice. 

Sur cette même place se trouvait l'échelle, que le peuple malouin appelait la chaire ; sur une estrade élevée de quelques degrés en forme d'échelons était placé le criminel, et, derrière le siège qu'il y occupait, « estaient cinq pertuis ronds pour y enserrer le chef, les deux bras et les deux pieds du condamné et exposer son infamie et vergogne aux yeux de tous les regardans ». Comme l'on voit, l'échelle était un vrai pilori fixe. 

Dans l'Islet, appelé aujourd'hui l'île du Fort-Royal, se dressaient les poteaux de la justice seigneuriale de Saint-Malo. C'était primitivement deux pièces de bois fichées en terre, chacune d'elles formant par le haut une fourche sur laquelle reposait une poutre transversale ; de là le nom de fourches patibulaires donné à ce gibet, à la poutre duquel on pendait les condamnés à mort. Plus tard ces fourches furent remplacées par quatre piliers de pierre nommés « pots ou posteaux » ; à ces piliers étaient attachés des licols destinés au même usage que la poutre dont nous venons de parler. En face de la justice s'élevait dans l'Islet une croix devant laquelle les patients faisaient leurs dernières prières. 

Outre tous ces droits, rentes et privilèges de la seigneurie commune dans l'enceinte même de Saint-Malo, l'évêque et le Chapitre possédaient également en commun, dans la campagne, un certain nombre de dîmes, dont voici l'énumération : « Dans l'archidiaconé de Dinan : les dîmes de Saint-Jouan-des-Guérets, — de la Croix-de-Pierre, du Val-ès-Cerfs et de la Cité, en Saint-Servan, — de Paramé, du Val de Paramé et de Rotesneuf, en Paramé, — de Saint-Père-Marc-en-Poulet, — de Saint-Suliac, — de Limonnay, en Saint-Méloir, la Gouesnière et Saint-Benoît-des-Ondes, — de la Ruaudaye, en Saint-Jouan-des-Guérets, Saint-Père et Saint-Méloir, — de la Bellière, d'Entre-deux-Douets, des Fretais, de Créhen, de Capiltais, etc., en Pleurtuit (nota : En 1287, Raoul de Dinan, vicomte de la Bellière, donna au Chapitre les dîmes qu'il possédait en Pleurtuit « pour cent sols de monnoye courante ». - Dom Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, I, 1081), — du Pont­briand, en Saint-Lunaire, — de Saint-Ydeuc, — de Bonaban, — de la Québriochais, en Saint-Coulomb. Dans l'archidiaconé de Porhoët : les dîmes de Beignon, comprenant quatre traits, — celles de Lohéac, — les huit traits de Guipry, — les quatre traits de Saint-Malo-de-Phily » (Déclarations précitées). 

On voit par les détails précédents quelle physionomie toute particulière offrait Saint-Malo avant la Révolution. Sa seigneurie, partagée entre l'évêque et le Chapitre, lui donnait un cachet religieux qu'on retrouvait rarement ailleurs dans les mêmes conditions. Cette ville prouvait une fois de plus la vérité de l'adage du moyen-âge, « il fait bon vivre sous la crosse », car son régime politique ecclésiastique ne l'empêcha pas de prendre de grands développements et de devenir célèbre par ses expéditions maritimes, par les richesses de ses habitants et par la pittoresque et formidable enceinte de ses murailles. Le gouvernement paternel des évêques et du Chapitre de Saint-Malo produisit d'assez beaux fruits pour faire taire les frivoles ou coupables détracteurs de nos vieilles institutions religieuses.

(extrait du Pouillé de Rennes)

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