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NOTES SUR SAINT-POL-DE-LEON (à l'ombre du KREISKER).

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CHAPITRE PREMIER.
Saint Pol Aurélien.

Ce furent, croit-on, les Romains, ces grands bâtisseurs, qui édifièrent, à l'endroit occupé aujourd'hui par Saint-Pol-de-Léon, une cité à laquelle ils donnèrent le nom d'Occismor.

Ce devait être un centre important puisque ses occupants jugèrent utile de le relier par une voie à la large chaussée qui de Nantes à Brest, passant par Carhaix, desservait toute l'Armorique. Il est permis de penser, également, qu'Occismor était surtout une ville militaire puisque, lorsque sonna le glas de l'Empire Romain, elle fut abandonnée.

La ville déserte devint alors le refuge de quelques mauvais sujets qui y trouvèrent un abri aussi discret que peu coûteux. Des animaux sauvages s'y réfugièrent aussi... Mais de tels habitants ne se soucièrent guère d'entretenir leur demeures. L'une après l'autre les murailles s'écroulèrent tandis qu'une végétation abondante envahissait les voies et s'accrochait aux portiques...

Ce fut alors qu'arriva saint Pol Aurélien.

Celui qui devait laisser son nom à la capitale religieuse du Léon était né, vers 450, dans l'île de Bretagne. Fils d'un riche seigneur il avait, dès sa toute jeunesse, manifesté la volonté de se retirer dans un monastère, et son père l'avait confié à un religieux, Hiltut, aussi réputé pour sa sainteté que pour sa science. L'enfant trouva chez ce maître des condisciples qui devaient, par la suite, s'illustrer sous les noms de saint Gildas, saint David, saint Samson et saint Magloire.

Après quelques années de sérieuses études saint Pol quitta son professeur puis, ayant reçu le sacerdoce, il s'en alla fonder un petit monastère.

Il se trouvait depuis un certain temps déjà dans cette retraite quand un souverain de Grande-Bretagne, le roi Marc, le convoqua à sa cour et le chargea d'évangéliser son peuple.

Cette mission terminée saint Pol, auquel Dieu avait donné l'ordre de passer en Armorique, décida de s'éloigner. Toutefois en faisant ses adieux à celui dont il avait été l'hôte, il lui demanda la permission d'emporter une clochette qui ornait son palais. Mais furieux de perdre un aussi précieux collaborateur le roi Marc lui refusa ce modeste souvenir.

Saint Pol, prenant alors place à bord d'un navire, quitta l'île de Bretagne et se rendit tout d'abord à Ouessant où il édifia un petit oratoire. Puis, poursuivant son voyage, il gagna le continent et débarqua à Plouguerneau où il fit la rencontre d'un serviteur du comte Withur qui lui proposa de le conduire à son maître, lequel séjournait à l'île de Batz.

En suivant une vieille voie romaine le saint arriva bientôt sous les murs d'Occismor, la cité abandonnée. Son premier soin, avant de pénétrer à l'intérieur de la ville, fut de bénir une source qui se trouvait aux portes de l'ancienne citadelle.

Cette source existe toujours. Située près d'un lavoir qu'elle alimente elle porte le nom de Lenn-ar-Gloar et jamais on ne l'a vu tarir, même par les temps de grande sécheresse. Pendant très longtemps un pardon se tint, chaque année, au 15 août, à cet endroit, mais concurrencé sans doute par une manifestation plus importante, il disparut. Malgré cela les gens du quartier conservèrent l'habitude de se rendre en pèlerinage à leur fontaine et même, à partir de 1937, on y organisa des réjouissances populaires. Il faut souhaiter que dès que les circonstances le permettront ce pardon soit repris avec le concours des autorités religieuses.

Mais revenons à notre saint que nous avons laissé à la porte d'Occismor. Pénétrant dans la ville il commença par en chasser les bandits et les animaux sauvages qui en avaient fait leur repaire puis il longea les remparts bénissant toute la cité « afin que là où avait abondé le péché là aussi surabondât la grâce... ».

D'Occismor le religieux gagna l'île de Batz où il rendit visite au comte Withur qui lui fit un accueil d'autant plus chaleureux qu'ils appartenaient tous les deux à la même famille.

Le séjour du saint à l'île de Batz devait être marqué par deux événements miraculeux.

Ce fut tout d'abord l'arrivée d'un poisson qui apportait de Grande-Bretagne la cloche que le roi Marc avait refusé d'offrir à saint Pol.

Cette cloche existe toujours. Elle est précieusement conservée à la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon et chaque année, le jour du pardon, on la fait sonner au-dessus des fidèles qui veulent se guérir ou se préserver des maux de tête et de la surdité.

Enfin le saint délivra l'île de Batz d'un dragon qui dévastait toute la contrée.

Ces événements ne furent pas sans produire une profonde émotion sur le comte Withur qui fit nommer saint Pol Aurélien évêque de Léon lui confiant ainsi la charge d'amener à Dieu tout le peuple de la région.

Pendant très longtemps ensuite — puisqu'il vécut plus que centenaire — le saint, qui avait fait d'Occismor sa ville épiscopale, exerça son ministère en multipliant les miracles et en attirant à lui une foule de fidèles.

Quand il mourut, en son monastère de l'île de Batz, son corps fut transporté sur le continent et on lui fit des obsèques grandioses en présence d'une foule considérable de chrétiens qui chantaient des hymnes et des cantiques.

Voilà, très brièvement racontée, la vie de saint Pol Aurélien. Je n'ai pas cru utile de la détailler davantage n'ayant rien à ajouter ni aux écrits de ceux qui s'en sont fait les historiens, ni aux paroles de ceux qui, du haut de la chaire de la cathédrale, ont, avec toute la grandeur de l'éloquence sacrée, prononcé le panégyrique du premier pasteur du Léon.

Mais j'ai tenu, au seuil de cet ouvrage, à rendre hommage à celui qui non seulement ramena de la vie dans une cité abandonnée mais encore en fit une véritable capitale.

Et quelle capitale !

Succédant à Occismor, Saint-Pol-de-Léon, fière aussi bien du nom de son fondateur que de celui de tout le diocèse, verra bientôt des clochers merveilleux sélever au-dessus des toits de ses demeures. Et le monde entier admirera ces flèches audacieuses que d'illustres visiteurs se plairont à décrire en termes élogieux.

Dignes successeurs de saint Pol, plus de soixante évêques vont après lui poursuivre son œuvre et l'on célèbrera autant leur piété que leurs qualités d'administrateurs. Le beau titre d'évêques — comtes qui, d'ailleurs, leur sera décerné, dira le rôle important qu'ils joueront à la tête d'un diocèse qui était en même temps un comté important.

Il faudra la Révolution, qui n'en était pas à une bêtise près, pour transformer en un simple chef-lieu de canton une ville que tout pourtant appelait à de plus hautes destinées.

Le Kreisker de la ville de Saint-Pol-de-Léon (Bretagne)

LE KREISKER

 

CHAPITRE II.
Quelques siècles d'histoire.

Ce n'est pas chose facile que d'écrire l'histoire de Saint-Pol-de-Léon depuis sa fondation jusqu'à la Révolution. Sur cette vaste période les documents que l'on possède encore sont rares et il faut feuilleter de nombreux volumes pour trouver ici un récit, là un texte quelconque...

Aussi bien, je l'ai dit au début de ces pages, je ne veux pas faire œuvre d'historien. Mon seul désir est de noter, au passage, quelques-uns des principaux événements qui jalonnèrent l'histoire de notre cité.

Fortement marquée d'une empreinte catholique par son fondateur, dotée d'un siège épiscopal, la ville allait, au cours des siècles, affirmer encore davantage sa position de capitale religieuse du Léon laissant Landerneau devenir la capitale féodale du comté et Lesneven la capitale judiciaire.

Mais cette situation comportait également des risques. Attirés par les richesses qui étaient enfermées dans ses églises, de rapaces conquérants devaient, à diverses reprises, s'élancer sur la ville. C'est ainsi qu'en 875 les Normands pillèrent la cathédrale. Beaucoup plus tard, vers 1187, les troupes d'Henri II, roi d'Angleterre, dévastèrent toute la campagne entre Morlaix et Saint-Pol-de-Léon et rasèrent les fortifications de cette dernière. En 1375, enfin, les Anglais ravagèrent une nouvelle fois la cité et incendièrent la chapelle Notre-Dame.

Malgré ces malheurs la ville faisait sans cesse de nombreux progrès sous la sage direction de ses évêques qui demeuraient beaucoup plus soucieux des intérêts de leurs diocésains que des querelles étrangères. Véritables souverains du pays ils devaient, d'ailleurs, vers 1277, recevoir le titre d'évêques-comtes de Léon, lorsque Henri V ruiné par de folles dépenses se vit dans l'obligation d'abandonner ses domaines. N'ayant même plus un cheval pour le porter, le malheureux « ex-vicomte de Léon » partit à pied pour la croisade.

On sait que par la suite les ducs de Rohan devaient revendiquer ce titre de comtes de Léon comme en fait foi tout particulièrement une protestation rédigée par l'un d'eux à Landerneau, le 23 juin 1696. Cette protestation fut signifiée le 26 août suivant à Mgr le Neboux de la Brosse qui ne dut pas beaucoup s'en formaliser car lui et ses successeurs continuèrent comme par le passé, à porter le titre auquel ils avaient droit.

La situation des évêques de Léon était, d'ailleurs, telle que dès leur entrée dans leur ville épiscopale ils étaient reçus en souverains.

L'on possède le récit — rédigé en latin — de la réception qui fut faite, le 13 mai 1520, à Mgr Guy Le Clerc, cinquante-quatrième évêque du diocèse. Ce récit, mieux que tous les commentaires donne une idée exacte de la situation. En voici un résumé.

Reçu à l'entrée du cimetière, sur la route de la Madeleine, le nouvel évêque vit se présenter à lui Charles de Kermavan qui, prenant la bride de sa mule, la conduisit respectueusement jusqu'au portail de l'église Saint-Pierre où il l'aida à descendre de sa monture.

Puis avant de laisser le Prélat pénétrer à l'intérieur du sanctuaire, il lui enleva sen manteau, ses chaussures et sa coiffure.

En échange de ce service, de Kermavan s'empara, ainsi que le voulait un vieil usage, non seulement de ces vêtements mais aussi de la mule.

L'évêque s'étant alors avancé jusqu'au maître-autel, réunit autour de lui plusieurs seigneurs et leur signifia qu'en leur qualité de vassals-nobles ils devaient le défendre dans la mesure du possible. Ce à quoi ils s'engagèrent.

Mgr Guy Le Clerc ayant ensuite pris place sur une chaise à porteurs, quatre seigneurs, désignés à cet effet, le portèrent jusqu'à la rue Verderel.

Là, avant de pénétrer dans la cité, le prélat jura, en présence du peuple, de maintenir intactes ses anciennes libertés et franchises, puis toujours porté par ses chevaliers servants, il gagna la cathédrale où se déroula une cérémonie religieuse.

A l'issue de cet office, Mgr Guy Le Clerc se rendit à son palais où il ordonna la mise en liberté d'un certain nombre de prisonniers.

Un grand repas fut ensuite offert à toutes les personnalités présentes. Cette fois encore c'étaient de nobles seigneurs qui devaient servir le prélat, lui laver les mains, lui découper sa viande, lui verser à boire... Ils s'occupaient également, aidés par leurs propres serviteurs, de la préparation des plats et du service de la table. En échange ils pouvaient emporter non seulement la vaisselle d'argent mais encore les couteaux, les tasses, le linge et jusqu'aux vivres qui restaient.

C'est ainsi que, ce jour-là, le Seigneur de Kerguern, qui remplissait les fonctions d'échanson, reçut pour sa part plusieurs pièces de vin. Il en fit aussitôt porter une dans la rue afin que les passants puissent se rafraîchir. Délicate attention à laquelle le peuple fut certainement très sensible.

On ne peut étudier l'histoire de Saint-Pol-de-Léon sans être surpris de l'importance qu'eut autrefois le petit port de Pempoul dont les quais aujourd'hui ne voient accoster que des barques de pêche.

Pendant fort longtemps pourtant, surtout avant le XVIème siècle, époque à laquelle il faut situer le début de son déclin, ce port reçut des navires de gros tonnage. Il y régnait même une grande activité quand les escadres ducales venaient s'y abriter, quand aussi des corsaires s'y réfugiaient pour échapper à un adversaire ou bien quand avaient lieu les départs des pêcheurs de Terreneuve ou de ces aventuriers qui s'en allaient chercher fortune dans les pays aussi lointains qu'inconnus de l'Amérique du Sud.

C'est à Pempoul qu'aimait à se tenir, avec sa Cordelière, ce fier capitaine qui, en 1513, plutôt que de se rendre, se fit sauter, au large du cap Saint-Mathieu avec un vaisseau anglais.

C'est de Pempoul que partirent, en 1527, ces trois navires armés par des négociants de la ville et qui furent, quelque temps après, capturés par les Portugais dans la baie de Tous-les-Saints. Comme les matelots qui composaient leurs équipages avaient été sauvagement massacrés, les armateurs adressèrent au roi une supplique en lui faisant remarquer qu'ils revendiquaient pour les Léonards l'honneur d'avoir été les premiers européens à commercer au Brésil.

C'est également sans doute à Pempoul que devait venir accoster le capitaine Tanguy de Saint-Georges, originaire de Plouescat, qui offrit à la chapelle des Ursulines cette Vierge Noire à laquelle il devait la vie. Les historiens racontent, en effet, qu'en 1636, Tanguy de Saint-Georges assistait à l'occupation de l'île de Sainte-Marguerite quand il vit un officier huguenot jeter à terre une petite statue de la Vierge. Se précipitant le marin breton la ramassa pour lui rendre les honneurs qu'elle méritait et il allait s'éloigner quand soudain un coup de canon fut tiré dans leur direction. L'officier huguenot qui se trouvait à ses côtés eut la tête emportée alors que lui échappait miraculeusement à la mort.

Notons encore qu'en 1726, quand un nouveau règlement divisa la Bretagne en vingt-neuf capitaineries garde-côtes, Saint-Pol-de-Léon fut, choisie comme siège de la dixième.

Mais le port de Pempoul perdit rapidement de son importance. Peu à peu, par suite de l'ensablement de la baie, les navires ne purent plus y accéder et ils durent chercher un refuge soit à Morlaix soit surtout à Roscoff qui étaient mieux aménagés pour les recevoir.

En même temps que les navigateurs délaissaient Pempoul, de nombreuses familles d'armateurs se voyaient dans l'obligation soit d'abandonner leur négoce, soit de changer de résidence. Parmi les familles dont les noms furent liés à l'histoire de ce port citons les suivantes : Bertho, Bocher, Bricher, Coatanlem, Forget, du Penhoat, Kerrer, Le Duc, Le Hir, Lossouarn, Lucas, Nicolas, Olivier, Pouliquen, Tournemouche, Trogoff, etc...

Je viens d'évoquer tout d'abord, en Saint-Pol-de-Léon une capitale religieuse, fière de son siège épiscopal, puis ensuite une cité maritime aussi riche de son trafic que des exploits de ses navigateurs.

Saint-Pol-de-Léon est aussi, grâce à ses monuments, grâce surtout à sa cathédrale et à sa flèche du Kreisker une véritable ville-musée. Tant d'illustres visiteurs ont décrit ces merveilles qu'il est inutile d'ajouter de nouveaux qualificatifs à ceux qui ont déjà été employés... Je vais seulement me contenter de rappeler que la cathédrale fut construite du XIIIème au XVIème siècle tandis que le Kreisker date du XIVème et du XVème siècle.

De tels monuments ne pouvaient qu'inspirer des vocations artistiques. Qu'il soit né à Saint-Pol-de-Léon comme le prétendent les uns ou à Plougoulm comme l'affirment les autres, le sculpteur Michel Colomb est bien un pur Léonard. Ce fut à lui qu'Anne de Bretagne confia l'exécution du tombeau de son père le duc François II. Michel Colomb dut également participer à la décoration de l'église du Folgoët.

Dans un autre genre il faut encore citer l'orfèvre Saint-Politain Robert Daniel, qui, en 1643, réalisa une magnifique croix processionnelle pour la paroisse de Plougoulm. Cette croix, qui fut payée par le corps politique de la commune, fut bénie le 29 mars 1643 par le recteur de la paroisse, M. Jean de Kerlec'h.

Pour les cités comme pour les hommes les années s'écoulent bien vite. Pour les unes comme pour les autres la fuite des jours s'effectue avec une telle rapidité que les événements se succèdent sans qu'il soit souvent possible soit de les éviter, soit de les prévoir.

Saint-Pol-de-Léon qui avait été épargnée aux heures pénibles des guerres de la Religion — alors que pourtant ligueurs et protestants se battaient au château de Kerouzeré, en Sibiril — allait connaître, avec la Révolution, des journées douloureuses et voir s'écrouler, sous les coups des persécuteurs, tout ce qui jusque-là avait fait sa prospérité.

CHAPITRE III.
La Révolution.

La grande tourmente révolutionnaire ne devait pas épargner Saint-Pol-de-Léon. Mais ici, comme d'ailleurs dans un grand nombre de villes bretonnes, il devait se trouver des braves gens pour protester — et non pas seulement du bout des lèvres — contre les lois qui, tout en privant les Bretons de leurs libertés, voulaient leur imposer une religion nouvelle et prétendaient les obliger à quitter leur foyer pour endosser l'uniforme.

Groupés autour de leurs prêtres, les Saint-Politains, sans éclat peut-être, mais néanmoins avec beaucoup de fermeté, firent face au malheur qui les frappait et refusèrent de suivre les offices du curé constitutionnel que l'on venait de leur envoyer.

Ce curé, un certain M. Dumay, était un fanatique beaucoup plus habitué à se griser de paroles creuses qu'à faire le bien autour de lui. On le vit, en effet, partir en guerre contre les armoiries et les écussons qui ornaient encore certaines demeures. Puis, furieux sans doute de constater que les fidèles le traitaient en indésirable, il dénonça aux pouvoirs publics tous ceux qui, à ses yeux, étaient coupables de tiédeur républicaine. Il alla même jusqu'à exiger le départ des Religieuses Hospitalières, ces saintes femmes qui exerçaient à l'Hospice leur charitable ministère.

Soucieux de son bien-être, ne négligeant jamais les avantages matériels de sa charge, M. Dumay ne pouvait songer à faire un long séjour au milieu d'une population qui ne lui cachait pas son hostilité. Son attitude était d'ailleurs telle qu'il était même arrivé à indisposer les personnages officiels. C'est alors qu'il décida de se retirer à Lannion où, sans doute, il devait être moins connu. Il ne revint par la suite qu'une seule fois à Saint-Pol-de-Léon mais son séjour y fut de courte durée car ayant été reconnu par ses anciens paroissiens il dut s'enfuir afin d'échapper à la population qui voulait lui infliger une correction publique.

Par contre, les habitants de Saint-Pol-de-Léon témoignèrent toujours le plus grand attachement aux membres du clergé qui avaient refusé de reconnaître la nouvelle constitution.

Ces prêtres n'eurent pas besoin de s'éloigner pour trouver un asile, car nombreuses furent les portes qui s'ouvrirent pour les accueillir. C'est ainsi que presque tous purent échapper aux républicains qui les recherchaient et qu'ils purent continuer, en se cachant, à administrer les sacrements à leurs fidèles. Demeurés sur place ils reprirent leurs fonctions dès que les circonstances leur en donnèrent la possibilité.

Moins heureux que ses confrères fut l'abbé Branellec qui fut arrêté sur l'ordre du comité de surveillance de Saint-Pol-de-Léon et conduit à Brest où il fut condamné à mort et exécuté. La brave femme qui lui avait donné asile, la veuve Le Guen, fut arrêtée également et condamnée à la déportation.

Ce comité de surveillance ne se contenta pas de faire procéder à ces deux arrestations. Présidé par le citoyen Loussaut il était composé d'individus assez peureux qui craignaient à chaque instant un soulèvement de leurs compatriotes, aussi ordonnèrent-ils de nombreux internements afin de diminuer d'autant le nombre de leurs adversaires. Ce comité déploya même un tel zèle que le Tribunal Révolutionnaire de Brest, dont il dépendait, dut à diverses reprises lui demander des explications tellement les motifs invoqués contre tel ou tel inculpé étaient ridicules.

Voici, au hasard, quelques noms relevés sur une liste des victimes de ce comité de surveillance : J.-F. Scouarnec, Jeanne Cren, Marie Kerjean, Marie-Anne Rannou, Claudine Le Gall, Yves Derrien, François-Marie de Kermenguy, C. Le Hir, Louis Le Floch, etc...

De quoi accusait-on ces malheureux ?

Quels forfaits avaient-ils pu commettre ?

On ne peut s'empêcher de s'indigner quand on constate que ces braves gens ne furent arrêtés que parce qu'ils ne « marquaient aucun attachement à la Révolution » ou encore parce qu'ils appartenaient à des familles coupables de compter des prêtres parmi leurs membres...

Les Républicains, en effet, n'admettaient pas que l'on puisse conserver un lien quelconque avec tout ce qui pouvait évoquer la religion.

Leur sectarisme devait également les pousser à s'offusquer du nom que portait leur ville, « ce nom qui choquait l'oreille de tous les bons républicains en rappelant un prélat mitré ».

La première, la Société des Amis de la République, proposa que le nom de Saint-Pol fut remplacé par celui d'Auximi.

Quelques mois plus tard un exalté, doublé d'un ivrogne, demanda au Conseil de donner à la ville le nom de Léon-sur-Mer.

Il est inutile de dire que toutes ces propositions étaient accueillies avec ironie par la population qui ne manquait jamais une occasion de se moquer de ses révolutionnaires. Ceux-ci d'ailleurs prêtaient volontiers le flanc aux critiques de la foule et il suffisait d'un rien pour les mettre en émoi.

S'ils apercevaient au large un navire étranger ils craignaient un débarquement et ils réclamaient, à grands cris, des canons et des munitions...

Si l'on touchait à leur arbre de la liberté ils criaient au scandale...

Mais les Saint-Politains ne se contentèrent pas de se moquer de leurs tyranneaux. Ils n'hésitèrent pas, non plus, quand il le fallut, à employer des moyens un peu plus frappants.

C'est ainsi, par exemple, qu'ils prirent les armes pour protester contre le tirage au sort que l'on voulait imposer aux jeunes gens. Accourus de tous les coins de la campagne voisine les paysans envahirent la ville et attaquèrent les troupes républicaines. La fusillade fut nourrie des deux côtés et déjà un bataillon de bleus, s'enfuyait en désordre quand les gardes nationaux de Morlaix placèrent un canon devant le portail de la cathédrale et tirèrent sur les insurgés qui occupaient le quartier de la Croix-au-Lin.

Repoussés les paysans devaient se regrouper le samedi suivant et livrer aux troupes républicaines un nouveau combat, mais cette fois sur le territoire de la paroisse de Plougoulm, au pont de Kerguiduff.

Quand le glas des années tragiques eut cessé de sonner Saint-Pol-de-Léon retrouva le calme qui lui permit de renaître à la vie. Ses monuments religieux furent rendus au culte. De précieux objets — comme la cloche miraculeuse de Saint-Pol qui avait été cachée chez de braves cultivateurs de Plouvorn — reprirent leur place dans les sanctuaires...

Mais la cité, privée désormais de son évêché, que la Révolution avait supprimé pour le réunir à celui de Quimper, avait reçu un rude coup.

Aussi il lui fallut attendre de longues années avant de retrouver la prospérité que méritait pourtant sa population aussi paisible que laborieuse...

CHAPITRE IV.
Monseigneur de la Marche.

Certains de mes lecteurs ont été certainement surpris de n'avoir pas trouvé au cours des pages qui précèdent un nom qui pourtant est associé à toute l'histoire de Saint-Pol-de-Léon autant pendant les années qui précédèrent la Révolution que pendant celle-ci.

C'est celui de Mgr de la Marche, dernier évêque-comte de Léon.

Il ne s'agit nullement d'un oubli de ma part. Mais j'ai tenu à consacrer un chapitre spécial à celui qui a joué un rôle si important non seulement à la tête de son diocèse mais, encore à l'étranger quand les circonstances l'obligèrent à s'exiler.

Jean-François de la Marche naquit le 4 juillet 1729 à Ergué-Gabéric, petite commune des environs de Quimper. Après avoir pendant quelques années servi dans l'armée en qualité de lieutenant il donna sa démission pour entrer dans les ordres.

Ses grandes qualités en même temps que sa piété le firent tout de suite remarquer et à trente ans il occupait déjà les importantes fonctions de vicaire-général dans le diocèse de Tréguier. A partir de 1764 il siégeait aux Etats de Bretagne en qualité de commandataire de l'abbaye de Saint-Aubin-des-Bois.

Quelques années plus tard, en 1772, il était placé à la tête du diocèse de Léon.

Sacré le 27 septembre de la même année le nouvel évêque fit, peu après, une entrée triomphale dans sa ville épiscopale où de belles fêtes furent organisées en son honneur.

A peine installé Mgr de la Marche se mit au travail et son premier soin fut d'entreprendre une vaste tournée pastorale afin de prendre contact avec ses prêtres et ses fidèles.

Puis il chercha à réaliser d'utiles réformes dans son diocèse. La question de l'enseignement, tout particulièrement, retint son attention. En même temps, il s'intéressait à toutes les œuvres créées pour venir en aide aux malheureux et il fondait un prix destiné à récompenser les jeunes filles les plus vertueuses.

Ces nombreuses occupations n'empêchèrent pas l'évêque de chercher à améliorer la situation matérielle de ses administrés. Comme l'élevage de chevaux constituait une source importante de revenus pour la région de Saint-Pol-de-Léon il demanda et obtint la création de deux haras dont l'inspection fut confiée à MM. de Kermenguy et de Kersauson.

On lui doit également, affirment certains de ses historiens, l'introduction de la pomme de terre dans son pays. En réalité, d'après Goulven Mazéas, auteur d'une remarquable Histoire bretonne de la pomme de terre, le véritable introducteur de ce produit dans le Léon fut M. Barbier de Lescoët. Maïs le prélat, qui était en relations avec M. Barbier, fut le zélé propagateur d'une culture nouvelle destinée à enrichir ses concitoyens.

Tout en administrant ainsi son diocèse, Mgr de la Marche continuait à jouer un rôle important aux Etats de Bretagne. Sa loyauté à l'égard du gouvernement royal ne lui fit jamais négliger l'indépendance bretonne dont il se fit souvent le défenseur, et si on le vit parfois se rendre à Versailles ce ne fut jamais en courtisan mais toujours en avocat des libertés et des droits de la Bretagne.

L'évêque de Léon fit preuve de la même énergie quand, au milieu du bouleversement général, le gouvernement publia les décrets qui prétendaient régler la constitution civile du clergé. Tout de suite il se dressa en protestataire et il refusa de quitter son siège que l'on venait de supprimer.

Avec esprit il retourna aux dirigeants du district de Morlaix le pli que ceux-ci lui avaient envoyé pour lui notifier la nouvelle constitution. Comme ce pli était adressé à « Monsieur l'ancien évêque de Léon » il ne pouvait, disait-il, le recevoir puisqu'il n'était pas « ancien, mais actuel évêque de Léon ».

Cette spirituelle réponse irrita les révolutionnaires qui chargèrent trois commissaires de Brest de se rendre à Saint-Pol-de-Léon pour y faire appliquer les nouveaux décrets. C'est alors qu'en présence de trois mille fidèles réunis à la cathédrale M. l'abbé Moal monta en chaire et fit, en breton, un courageux sermon au cours duquel il dénonça la nouvelle constitution.

Déçus, craignant même pour leurs personnes, les commissaires durent regagner Brest sans avoir réussi à accomplir leur mission.

Tout le clergé pour ainsi dire du diocèse suivait d'ailleurs Mgr de la Marche dans sa résistance. On ne compta, en effet, dans le Léon, que vingt-sept assermentés contre deux cent quatre-vingt-deux prêtres non assermentés.

Mais subitement les événements devaient se précipiter.

Furieux de leurs échecs, les « patriotes » réclamèrent des sanctions contre l'évêque rebelle et décidèrent de s'emparer de sa personne par la force.

Des gendarmes se présentèrent alors chez Mme du Laz, où devait se trouver le prélat, mais celui-ci s'échappant alla se réfugier au château de Kernevez. De là, trois jeunes gens guidés par Nicolas de Kermenguy le conduisirent, en passant par Pempoul et en longeant les grèves, jusqu'à Sainte-Barbe, en Roscoff, où il monta à bord d'un bateau de contrebandiers qui, tout aussitôt, prit la mer en direction de l'Angleterre où il arriva après une longue et pénible traversée.

De Londres, où il s'était réfugié, Mgr de la Marche continua à diriger son diocèse, recevant même dans son exil des séminaristes qui traversaient la Manche pour venir se faire ordonner par lui.

En même temps, il se dépensait pour venir en aide aux émigrés, ses compagnons d'infortune, dont il fut le grand chef spirituel.

C'est là, sur cette terre étrangère, qu'en 1806, devait mourir le dernier évêque-comte de Léon. Il offrit à tous ceux qui l'entouraient le spectacle d'une fin édifiante.

Inhumé au cimetière Saint-Pancrace de Londres, le corps du défunt fut, en 1866, transporté en France. De Paris, il fut ensuite conduit à Saint-Pol-de-Léon où, en présence d'une foule considérable, Mgr Sergent, évêque des diocèses réunis de Quimper et de Léon, prononça son éloge funèbre.

Puis la dépouille mortelle de l'illustre prélat fut déposée dans un tombeau creusé près du chœur de la cathédrale, tombeau sur lequel se dresse aujourd'hui le monument sculpté par l'artiste Cugnot.

CHAPITRE V.
De la révolution à nos jours.

Jusqu'à la Révolution Saint-Pol-de-Léon groupait, sous le nom de Minihy-de-Léon les territoires des trois communes actuelles de Saint-Pol, de Roscoff et de Santec.

Roscoff, fière de son port qui était beaucoup plus important que celui de Pempoul, profita de la Révolution pour revendiquer son indépendance.

Santec ne suivit son exemple que beaucoup plus tard et n'obtint son autonomie qu'en 1920. Le premier maire de cette nouvelle commune fut M. Le Morvan auquel succéda M. Bernard. Ce dernier, qui a donné sa démission, a été remplacé par M. Henry qui administre la commune en qualité de président de la délégation spéciale.

A Saint-Pol-de-Léon, au lendemain de la tourmente révolutionnaire, le premier soin des municipaux fut de demander au gouvernement le rétablissement du siège épiscopal. Un mémoire fut rédigé à cet effet et signé par le maire, Michel de Kerhorre. Les pouvoirs publics qui se souciaient fort peu des intérêts de cette ville bretonne ne donnèrent pas satisfaction à cette légitime revendication.

Bien que je n'aime pas les sèches énumérations je crois utile de donner la liste des maires qui, de 1817 à nos jours, se succédèrent à la tête de la cité :
Michel de Kerhorre : ...... à 1817
de Rodellec du Porzic : 1817 à 1821
Michel de Kerhorre : 1821 à 1823
Jégou du Laz : 1823 à 1826
Michel de Kerhorre : 1826 à 1832
Pierre Miorcec : 1832 à 1847
Alfred de Kerhorre : 1847 à 1867
Casimir Huon de Kermadec : 1867 à 1880
Claude Créach : 1880 à 1882
H. Drouillard : 1882 à 1888
Alain Budes de Guébriant : 1888 à 1931

Ici l'on me permettra d'ouvrir une large parenthèse. Tous ceux qui ont connu le comte de Guébriant, tous ceux qui savent les grands services que lui et les siens ont rendus à la ville, estimeront qu'il est de mon devoir de lui rendre l'hommage qu'il a mérité.

Né le 12 janvier 1852, Alain de Guébriant appartenait à une vielle famille de la Bretagne.

Élève tout d'abord au collège Stanislas puis à l'école préparatoire de la rue des Postes, le jeune homme était reçu à Saint-Cyr en 1872 et il y entrait dans les rangs de la première promotion qui suivit la guerre. Il passa ensuite à Saumur puis ayant gagné son premier galon il était affecté comme sous-lieutenant au 1er Hussard à Melun. Sa carrière s'annonçait brillante et il était déjà officier d'ordonnance du général commandant l'Ecole Militaire, à Paris, quand, en 1881, il donna sa démission pour des raisons de famille.

Mais en quittant l'armée le comte de Guébriant n'entendait pas demeurer inactif. En 1886 les électeurs du canton de Saint-Pol l'envoyaient siéger au Conseil général et, peu après, il était élu conseiller municipal puis maire de sa ville.

Depuis ce moment jusqu'à sa mort il devait être sans cesse réélu tellement il avait su s'attirer la sympathie de ses concitoyens. A chaque élection il obtenait un nombre considérable de voix groupant même sur son nom les suffrages de ceux qui ne partageaient pas toujours ses opinions mais qui appréciaient ses qualités et sa droiture.

Comme maire et comme conseiller général, M. de Guébriant fit preuve d'une grande activité. Il contribua à faire de sa cité ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire une ville dont l'activité économique peut être donnée en exemple à beaucoup d'autres.

Très charitable, il s'intéressa aux œuvres sociales et c'est ainsi qu'il devint le président du Comité départemental d'hygiène sociale et de défense antituberculeuse. En même temps il prenait une part active à la fondation d'établissements de haute altitude en Haute-Savoie...

Malgré Ses nombreuses charges il aimait à faire de longs séjours à Saint-Pol-de-Léon où il n'avait que des amis. Quand, chaque jour, il se rendait soit à pied, soit en voiture de son château de Kernevez à son bureau de l'Hôtel de Ville il était salué avec autant de respect que d'affection par tous ceux qui le croisaient.

M. de Guébriant fut également, il faut le dire, un grand catholique. Mais il ne se contentait pas de manifester sa foi en suivant, au premier rang, les processions et les cérémonies religieuses. Il tint surtout à faire le bien autour de lui et il s'intéressa tout particulièrement aux œuvres d'enseignement, se dérangeant même fort souvent pour visiter les élèves des écoles chrétiennes.

Quand, au terme d'une vie admirable, il mourut, le 25 décembre 1931, la population de Saint-Pol-de-Léon tint à conserver sa confiance à une famille à laquelle elle devait tant. Elle choisit, pour remplacer le maire qu'elle venait de perdre, son petit-fils. Celui-ci, M. Alain de Guébriant, administre depuis 1931 sa cité avec dévouement, s'efforçant toujours de suivre l'exemple de son grand-père à la mémoire duquel il demeure fidèle.

On sait quelles sont, surtout depuis 1939, les lourdes charges d'un maire. Malgré toutes ces difficultés, malgré tous ses soucis administratifs, M. de Guébriant consacre tous ses instants à la direction de sa ville, négligeant une tranquillité à laquelle pourtant sa fortune pourrait lui permettre de prétendre.

Dans cette tâche, M. Alain de Guébriant est aidé par ses adjoints et conseillers municipaux : MM. Henri Senneville, A. Bizard, F.-M. Jacq, Joseph Prigent, Yves Le Morvan, Yves Olier, Jean Fichot, A. Simon, F. Baron, F. Messager, A. Rousseau, F. Quéré, F. Castel, E. Bellec, Laurent Roué, Pierre Quélennec, F. Le Rest. La conseillère municipale est une religieuse très aimée des Saint-Politains, Sœur Saint-Joseph du Bon-Pasteur.

Riche d'un sol particulièrement fertile, riche aussi du travail de ses habitants et du dévouement de ses administrateurs, Saint-Pol-de-Léon ne devait pas tarder à occuper une place importante dans la vie économique du pays.

La culture des primeurs, choux-fleurs, artichauts, oignons, pommes de terre, etc... prit une telle extension que bientôt il fallut songer à organiser la vente de ces produits qui, à chaque saison, encombraient les marchés de Saint-Pol-de-Léon et de Roscoff. Tandis que le premier de ces centres était plutôt orienté vers l'expédition à l'intérieur du pays, le second, pendant très longtemps, se laissait tenter par l'exportation. Mais l'expédition l'emportant bientôt sur l'exportation Saint-Pol-de-Léon connut, chaque jour, une telle affluence de charrettes que l'on se vit dans l'obligation d'abattre les beaux arbres du jardin public de l'évêché pour en faire un champ de foire. En même temps de nombreux négociants ouvraient leurs magasins tandis qu'également des cultivateurs se groupaient en coopératives. Le début du XXème siècle, tout particulièrement, fut propice à cet essor économique.

Bientôt également la ville fut desservie par une ligne de chemin de fer qui, à Morlaix, assurait la correspondance avec la grande voie Paris-Brest. Plus tard, une ligne de moindre importance était construite pour unir Saint-Pol-de-Léon à Lesneven en passant par Plougoulm, Sibiril, Cléder, Plouescat... Ce dernier trafic est, en ce moment, suspendu, le service des voyageurs étant maintenant assuré par des cars.

Il faut enfin signaler que Saint-Pol-de-Léon fut une des premières villes, non seulement en Bretagne mais aussi en France, à être éclairée à l'électricité.

Enfin, le développement du tourisme attirait de nombreux visiteurs qui, de fort loin, s'en venaient soit visiter les admirables monuments religieux de la cité, soit se reposer sur ses plages de Pempoul ou de Sainte-Anne.

Mais, hélas ! il n'y a pas que des jours heureux sur terre. Comme tant d'autres villes, mais dans une proportion peut-être plus forte, Saint-Pol-de-Léon fut endeuillée par les deux guerres qui, en quelques années, fauchèrent une partie de sa jeunesse.

En effet, deux cent soixante-sept de ses enfants tombèrent de 1914 à 1918. Si la guerre de 1939 lui fit moins de victimes — vingt-sept tués — elle eut toutefois la grande douleur, de compter un grand nombre de prisonniers. Quatre cent dix jeunes hommes de Saint-Pol-de-Léon, payèrent de leur captivité les fautes des politiciens qui n'avaient su ni prévoir ni éviter le conflit.

Un monument, très émouvant dans sa sobriété, qui a été élevé au pied du calvaire du cimetière évoque la mémoire des disparus de 1914-1918 parmi lesquels les hommes de ma génération comptent tant de camarades [Note : Au nombre de ces morts de la Grande Guerre figure mon ami d’enfance, Louis Lozac’h, fils du notaire de la rue Verderel. Tué en 1917].

Enfin Saint-Pol-de-Léon connut, en juin 1940, les heures graves de la déroute puis de l'occupation. C'est le 19 juin qu'eut lieu le premier passage des troupes allemandes. Quelques jours plus tard, le 2 juillet, des éléments de l'armée d'occupation s'installèrent dans la ville...

CHAPITRE VI.
Une capitale religieuse.

Privée de son évêché par la Révolution, Saint-Pol-de-Léon n'en est pas moins demeurée une véritable capitale religieuse avec sa cathédrale, son Kreisker, ses chapelles de Saint-Perre et Saint-Joseph, avec également son collège et ses communautés religieuses.

Ces monuments comme aussi ces établissements méritent mieux qu'une simple citation. Certains, d'ailleurs, ont déjà eu leurs historiens et les ouvrages que ceux-ci ont publiés dépassent de beaucoup en intérêt ce que je puis écrire.

Pourtant au début de ce chapitre plus spécialement consacré à la vie religieuse de la cité, je tiens à dire quelques mots de deux Maisons dont l'histoire est étroitement liée à celle de la ville. Je veux parler du collège et de la communauté des Ursulines.

Le collège de Saint-Pol-de-Léon eut des origines modestes. Il naquit au lendemain de la publication de l'Ordonnance d'Orléans qui prévoyait que chaque cathédrale devrait entretenir un précepteur chargé d'instruire gratuitement les enfants. En 1580, Mgr de Neufville chargeait le sieur Jean Prigent de remplir ces fonctions...

Ce maître ne put exercer seul cette mission tellement le nombre de ses élèves était élevé. On dut bientôt porter à trois le nombre des professeurs.

Par la suite, Mgr de la Marche devait, en faisant construire un bel établissement, donner un nouvel essor au collège. Ce fut lui également qui mit le Kreisker à la disposition des élèves afin qu'ils puissent y suivre les offices religieux.

Le collège occupait alors de vastes locaux situés rue Verderel, locaux qui, par la suite, après la fermeture de l'établissement en 1910, devaient être transformés en école de filles, en marché couvert, en bureau des P. T. T. ainsi qu'en logements à l'usage des fonctionnaires municipaux.

Au lendemain de la Révolution le collège, un instant bouleversé par la grande tourmente, reprit, sous la direction de M. Perron, une grande activité. On lui annexa l'Hôtel de Keroulas, où fut installée une pension pour les petits séminaristes.

Quelques années plus tard, le gouvernement voulut le laïciser mais les parents ayant retiré leurs enfants il fallut rétablir le personnel ecclésiastique.

A partir de 1850 le collège vécut sous un régime un peu particulier, sa direction était toujours confiée à un prêtre mais une partie des professeurs étaient des laïcs nommés par le ministre de l'Instruction publique.

Cette situation ne devait d'ailleurs pas donner satisfaction aux anti-cléricaux qui, surtout après 1901, commencèrent une violente campagne contre cette « forteresse intellectuelle de la chouannerie ».

C'est en vain que MM. de Guébriant et de Mun s'efforcèrent d'obtenir des apaisements de la part de l'Etat. Celui-ci ne cachait pas son intention de se priver des services des professeurs prêtres. Dans ces conditions une rupture devenait inévitable...

En 1910 le collège de Léon disparaissait.

Mais tandis que l'Etat se voyait incapable de maintenir un établissement purement laïc le clergé, soutenu par de nombreux fidèles, décidait de poursuivre l'œuvre entreprise par les évêques de Léon en fondant une maison nouvelle.

En janvier 1911 les élèves faisaient leur entrée dans les locaux de l'Institution Notre-Dame du Kreisker qui venait s'installer dans l'ancien couvent des religieuses Ursulines. Le premier supérieur de l'Institution fut M. le chanoine Floch auquel succéda, en 1920, M. le chanoine Mesguen, l'actuel évêque de Poitiers.

Depuis 1932, c'est M. le chanoine Méar qui préside avec autorité aux destinées de la maison aidé dans sa tâche par de dévoués professeurs parmi lesquels il m'est particulièrement agréable de citer trois prêtres originaires de Saint-Pol-de-Léon, MM. Hervé Tanguy, Quillivéré et Joseph Autret.

Si la fondation du collège remonte à 1580, celle du couvent des Ursulines n'est guère plus récente. C'est, en effet, en septembre 1629 que la Révérende Mère Louise Guays, originaire de Laval, s'en vint étudier les possibilités d'installer un monastère de son ordre à Saint-Pol-de-Léon.

Avec l'aide de plusieurs personnes de la ville, elle ouvrit une école qui fut tout de suite fréquentée par de nombreuses élèves, car les meilleures familles de la région tenaient à confier leurs enfants aux Ursulines qui avaient la réputation d'être excellentes éducatrices.

Il fallut la Révolution, cette grande destructrice, pour anéantir une œuvre qui, pourtant, rendait de réels services. Chassées, les malheureuses religieuses durent quitter leur maison et se disperser.

Le calme revenu, les Ursulines regagnèrent Saint-Pol-de-Léon en 1802, mais elles ne purent s'installer dans leur couvent. L'ancien grand séminaire du diocèse ayant alors été mis à leur disposition elles y reprirent leurs œuvres d'enseignement.

Hélas ! environ une centaine d'années après les religieuses devaient une fois de plus, être les innocentes victimes d'une nouvelle persécution anti-religieuse. Un matin de décembre 1907 un détachement d'infanterie coloniale entourait leur couvent tandis qu'un commissaire de police donnait l'ordre à des crocheteurs de briser les portes du monastère. Tandis qu'ainsi les agents du gouvernement faisaient leur triste métier la foule, groupée dans toutes les rues voisines, manifestait son indignation...

Odieusement jetées sur le pavé, n'ayant plus un toit pour les abriter, les Ursulines trouvèrent un asile chez Mlle Thomas et chez M. de Kervenoël. Peu après elles se réfugièrent en Belgique où quelques-unes de leurs élèves les suivirent.

La guerre de 1914 devait leur permettre, quelques années plus tard, de revenir à Saint-Pol-de-Léon où, dans de nouveaux locaux, elles se remirent courageusement au travail.

Les Saint-Politains qui avaient assisté en 1907 à l'expulsion des religieuses devaient à la même époque connaître d'autres heures aussi douloureuses.

Quelques mois auparavant, en novembre 1906, la cathédrale avait été véritablement assiégée par des détachements de cavalerie et d'infanterie. Enfermés à l'intérieur de l'église, de nombreux fidèles avaient organisé la résistance en élevant de hautes barricades à toutes les entrées.

Les assiégeants tentèrent tout d'abord d'enfoncer la porte située sur le côté droit du transept, sous la grande rosace, mais ils ne purent y parvenir.

Ils s'attaquèrent alors à une petite porte qui donnait sur une cour, du côté de la gendarmerie, et ils réussirent à percer une ouverture par laquelle ils se glissèrent. Le premier soldat qui pénétra à l'intérieur de la cathédrale fut un homme qui avait le visage si bronzé que les fidèles ne purent s'empêcher de le comparer au diable.

Brutalement toutes les personnes qui se trouvaient dans l'église furent expulsées tandis qu'en dehors la foule ramassait les débris de la porte afin d'en faire faire de petites croix que dans bien des familles l'on conserve encore en souvenir de cette triste journée.

Un an plus tard, en octobre 1907, le clergé paroissial était chassé de son presbytère.

Saint-Pol-de-Léon, fort heureusement, n'a pas connu que des jours de deuil. Au cours de son existence la ville a vu aussi se dérouler dans ses murs de glorieuses et brillantes manifestations religieuses. En voici quelques-unes parmi les plus récentes :

Le 5 septembre 1897, eurent lieu, sous la présidence de S. E. le cardinal Labouré, archevêque de Rennes, les grandes fêtes de la Translation solennelle des Saintes Reliques.

En 1901, du 16 juin au 17 juillet, se déroulèrent les exercices d'une grande Mission. Ce fut à cette occasion que l'on édifia le grand calvaire de granit du Champ-de-la-Rive. Placée sur une énorme civière drapée de rouge, cette croix fut portée de la ville au Champ-de-la-Rive par cent hommes, tandis qu'une foule de douze mille personnes suivait en chantant des cantiques. Cette cérémonie se déroula le dimanche 7 juillet.

Quelques semaines plus tard, le 1er septembre 1901, en présence du Nonce Apostolique, Mgr Lorenzelli, qu'entouraient dix prélats, avaient lieu les fêtes de l'érection de l'église-cathédrale en basilique mineure. Près de vingt cinq mille personnes y assistèrent. La veille, une grande procession aux flambeaux s'était déroulée à travers la ville, procession à l'issue de laquelle la foule réunie devant la cathédrale avait entonné le Credo.

Enfin, le jeudi 26 mars 1908, Saint-Pol-de-Léon recevait le nouvel évêque du diocèse. De la gare de Plouénan, où il était descendu, Mgr Duparc fut conduit en ville par un long cortège de cavaliers, de cyclistes, etc... Reçu officiellement par la municipalité, l'évêque fut longuement acclamé tandis qu'il pénétrait dans une cité dont toutes les maisons étaient pavoisées et dont les rues s'ornaient d'arcs de triomphe.

On ne peut évoquer toutes ces manifestations religieuses sans rendre hommage aux curés qui surent entretenir chez leurs fidèles les plus nobles sentiments. Voici la liste des pasteurs qui, depuis la Révolution, se succédèrent à la tête de la paroisse.

Elie Corre, né à Saint-Pol-de-Léon, curé de 1775 à 1815.
François Le Goff, né à Plouénan, curé de 1815 à 1846.
Salomon Pouliquen, né à Landerneau, curé de 1846 à 1872.
François Ollivier, né à Saint-Pol-de-Léon, curé de 1872 à 1879.
Jean-Marie Messager, né à Pleyber-Christ, curé de 1879 à 1898.
Louis Le Goff, né à Châteauneuf-du-Faou, curé de 1898 à 1905.
Louis Treussier, né en 1854, à Locronan, successivement vicaire aux Carmes de Brest, professeur au Grand Séminaire, recteur de Saint-Marc, curé de Saint-Pol-de-Léon en avril 1905. Décédé le 16 novembre 1937.
Son successeur, le curé actuel, est M. Jean né à Pleyber-Christ en 1881. Successivement vicaire de Saint-Pierre-Quilbignon, de Saint-Martin de Brest, recteur de Saint-Melaine de Morlaix, il fut nommé curé de Saint-Pol-de-Léon le 23 novembre 1937. Lors de son arrivée à Saint-Pol-de-Léon, M. Sibiril fut l'objet d'une réception triomphale. Un cortège composé d'automobiles, de cyclistes, de cavaliers, se rendit à sa rencontre et le précéda à travers les rues de la ville qui avaient été décorées en son honneur.

Quatre vicaires aident M. Sibiril dans sa tâche et se dépensent à ses côtés. Ce sont : MM. les abbés Abguillerm, B. Egaret, Joseph Tanguy et Michel Gorrec.

Saint-Pol possède également une maison de retraite pour le clergé ainsi que des écoles libres que fréquentent de nombreux élèves.

CHAPITRE VII.
Vieille rues, vieilles familles
.

Il est toujours intéressant de rechercher les origines des noms de rues. C'est là un petit jeu qui réserve des surprises ; et qui parfois aussi soulève d'âpres discussions...

Voici, en ce qui concerne Saint-Pol, quelques-uns des renseignements que j'ai pu recueillir. Je les donne en faisant toutes les réserves qui s'imposent quand on pénètre dans le domaine de l'hypothèse...

Rue Rozière. — Cette rue rappelle que Mgr de la Marche institua un prix de vertu. Sans doute la première bénéficiaire de ce don devait habiter à cet endroit.
Rue Vezen-Dan. — Ce nom évoque un chêne autour duquel on procédait à des cérémonies païennes.
Rue au Lin. — On exerçait autrefois à Saint-Pol et à Roscoff le commerce du lin et l'industrie de la toile.
Rue Sara-Goz (ou Saragosse). — D'après certains, cette rue doit son nom à l'occupation de Saint-Pol par des troupes espagnoles pendant la guerre de la Ligue. D'après d'autres, c'est là que devaient habiter les courtiers espagnols qui s'en venaient à Saint-Pol faire le commerce de la toile.
Rue aux Eaux. — En réalité rue aux Os, à cause du commerce de la boucherie qui s'y exerçait.
Rue Corre. — J'ai recueilli à son sujet deux versions bien différentes. D'après la première, le mot Corre ne serait qu'une déformation du mot breton Gorre et signifierait rue Haute, nom que lui donnent encore certains vieux habitants.
D'après la seconde version, le mot Corre évoquerait plutôt les Korrigans qui, d'après la légende, s'assemblaient autrefois sur une colline toute proche.

Parmi les autres noms de rues de Saint-Pol, il en est qui ne présentent aucun intérêt. D'autres se passent d'explications. D'autres enfin ont une signification inconnue.

Mais il n'y a pas dans une cité que d'anciennes ou d'antiques demeures. Il y a aussi ces vieilles familles qui forment la véritable armature de la cité. Ce sont celles dont on retrouve les noms aussi bien sur les vieux papiers que gravés dans la pierre, sur les tombes du cimetière.

Pendant fort longtemps les familles aristocratiques de la région possédèrent presque toutes une demeure à Saint-Pol-de-Léon et c'est ainsi qu'il y a quarante ou cinquante ans on pouvait signaler la présence dans cette ville de familles de Lescoat, du Rumain, du Laz, de Rodellec, de Coatgoureden, de Parcevaux, du Beaudiez, de Courcy, de Roincé, du Penhoat, de Kermenguy, de Kervenoël, de Kermadec, de Guébriant, de Kerdrel, de Kermoysan, d'Herbais, etc...

Ces familles habitaient soit la ville, soit également les environs. Presque toutes ont quitté Saint-Pol. Par contre, quelques autres sont venues s'y fixer au cours de ces dernières années. Ce sont les du Halgouët, les de Roquefeuil, les de Kersauson, etc...

Plus solidement ancrées sur le sol de leurs ancêtres sont certaines familles de commerçants et d'artisans qui, de générations en générations, se succédèrent au magasin ou à l'atelier.

Je crois utile de fixer ici les noms de quelques-unes de ces familles qui, toutes, sont de vieilles lignées Saint-Politaines. Les voici cueillies un peu au hasard.
Stéphan, tailleurs, Grande-Rue ; Nicolas, coiffeur, Grande-Rue ; Iliou, articles de pêche en mer, rue Croix-au-Lin ; Creignou, cordonnier, rue Sara-Goz ; Paugam, sabotier, Pen-ar-Liorzou ; Coursin, mercier, Grande-Rue ; Morvan, vins en gros, rue du Colombier ; Bozellec, vins en gros, Grande-Place ; Créac'h, charcutier, rue au Lin ; Cocaign, libraire, Grande-Place ; Nicolas, Forgeron, route de Morlaix ; Le Rest, épicerie, Grande-Rue ; Dagorn, débitant, Pempoul ; Riouallon, tabac, rue Corre ; Péron, meubles, rue Croix-en-Lin ; Le Guillou, pâtissier, Grande-Rue ; Daniélou, horloger, Grande-Rue ; Quélennec, entrepreneur de bâtiments, rue du Pont-Neuf ; Penven, tailleur, rue Sara-Goz ; Menez, débitant, rue du Colombier ; Cueff, peintre, rue des Minimes ; Riou, toiles, rue Sara-Goz ; Menez, tissus, rue au Lin ; Celton, menuisier, rue Rosière ; Le Rest, débitant, rue Corre ; Mallegol, horticulteur, rue du Colombier ; Godec, horloger, rue Cadiou ; Hameury, vannier, rue aux Eaux ; Boutouiller, boulanger, rue Cadiou ; Séïté, expéditeur de légumes, à la gare ; Caroff, couvreur, rue Verderel, etc...

Cette liste est certainement incomplète et je m'en excuse. Mais je crois tout de même qu'elle constitue en quelque sorte un véritable palmarès du commerce et de l'artisanat local. L'historien qui se pencherait sur le passé de ces familles recueillerait, j'en suis persuadé, des renseignements intéressants qui compléteraient ceux que l'on possède déjà sur la ville. Il lui faudrait aussi suivre au loin certains de leurs descendants car fort souvent, si l'un des enfants succédait aux parents, les autres devaient s'expatrier...

CHAPITRE VIII.
Quelques manifestations.

Avec ses églises, ses clochers, ses vieilles demeures, avec aussi sa campagne léonaise si riche en souvenirs historiques, St-Pol-de-Léon devait, bien souvent, servir de cadre à d'intéressantes manifestations. Sans chercher à les citer toutes, je vais me contenter d'en évoquer trois, choisies un peu au hasard...

Voici, tout d'abord, se réunissant dans l'ancienne cité épiscopale, en septembre 1888, les membres de l'Association Bretonne, cette Société qui, fondée en 1844, avait été dissoute par la police du Second Empire et n'avait pu se reformer qu'au début de la IIIème République. Ils venaient y tenir leur trente et unième congrès sous le patronage d'un comité où l'on trouvait M. Soubigou, sénateur ; M. de Kermenguy, député ; M. A. de Guébriant, maire ; M. Fallague, maire de Roscoff ; M. de Kerdrel, M. l'abbé Quidellur, principal du collège, M. Eugène d'Herbais, M. Cail, maire de Plouzévédé, M. Paul du Laz, M. Yves Pouliquen, etc...

Le discours d'ouverture fut prononcé par M. de la Villemarqué, membre de l'Institut, et ce fut M. Pol de Courcy qui souhaita la bienvenue aux congressistes.

Pendant plusieurs jours ceux-ci, réunis en commissions, étudièrent avec autant de gravité que de talent les questions les plus diverses. M. Trévédy lut un mémoire concernant l'Histoire du commerce, de la marine et de l'industrie en Bretagne avant 1789 ; M. Félix Robiou, professeur à la Faculté des Lettres de Rennes, présenta un intéressant travail sur la Science Ethnographique ; M. Oheix communiqua à l'assemblée le texte d'une étude de M. Le Grand sur le collège de la ville ; M. de la Borderie évoqua les origines des évêchés de Léon et de Cornouaille, etc...

Enfin M. de la Villemarqué, dont l'érudition en la matière était connue et appréciée, parla des anciens poètes du Léon, de ce Léon qui avait vu naître les chansons de la Table Ronde. Cette causerie donna également l'occasion de rappeler le souvenir d'Yves Quillevéré et de Tanguy Guéguen, ces deux Saint-Politains qui, en 1530 et en 1622 se firent les éditeurs du Grand Mystère de Jésus.

Autant que les écoliers, les savants ont besoin de distractions et de promenades. Les organisateurs du Congrès ne l'ignoraient pas, car ils avaient eu l'excellente idée de prévoir une excursion qui permit à leurs collègues non seulement d'admirer les châteaux de Kerouzéré, de Maillé, de Kerjean et de Keruzoret, mais encore de faire honneur aux menus que deux de leurs hôtes, MM. de Guébriant et de Kerdrel avaient fait préparer à leur intention.

Fondée à Ploujean, en 1898, l'Union Régionaliste Bretonne était encore toute jeune quand elle s'en vint à son tour, en septembre 1906, tenir son huitième congrès à Saint-Pol-de-Léon.

Sous les halles, qui avaient reçu pour la circonstance une décoration appropriée, on remarquait au milieu d'une nombreuse assistance : M. de l'Estourbeillon. A. de Guébriant, Raoul de Kerdrel, Jaffrennou, Loeiz Herrieu, Jean Choleau, Léon Le Berre, Even, d'Herbais, de Kermenguy, Albert de Mun, de Nettancourt, l'abbé Perrot, Lajat, Vallée, Le Moal, Prat, etc...

On applaudit tout d'abord les traditionnels discours d'ouverture puis, pendant plusieurs jours, le programme du congrès se déroula avec ses séances de travail et ses réjouissances.

Parmi les intéressants rapports qui furent discutés, faut citer celui de M. Guédon, sur le placement des ouvriers bretons émigrés à Paris, ceux de M. Jean Choleau sur la situation des ouvriers bretons à Jersey et en Seine-et-Oise et sur la protection des industries bretonnes, celui de M. l'abbé Brossard sur les origines des noms de lieux en Bretagne, celui de Mme de Lécluse sur l'industrie de la dentelle, etc...

Si, comme on le voit, le programme des réunions d'études était chargé, celui des fêtes ne l'était pas moins.

Le dimanche 10 septembre, en présence de plus de dix mille personnes groupées devant la cathédrale, une chorale de cent cinquante exécutants chanta le Bro-goz ma Zadou de Jaffrennou. Le même jour, une troupe d'artistes de la région de Morlaix donna une représentation d'une pièce de Léon Le Berre.

Le mardi suivant, les congressistes, entassés dans des véhicules do toutes sortes, s'en allèrent visiter Kerouzéré, Plouescat, puis Kerjean. Là, dans le décor admirable de la cour du château, une importante manifestation spectaculaire fut donnée devant mille cinq cents personnes. L'animateur de cette séance fut l'abbé Perrot, alors vicaire à Saint-Vougay, qui se fit applaudir autant comme organisateur que comme auteur.

Nos congressistes se rendirent le jour suivant à Roscoff. Là, ils se divisèrent en deux groupes. Tandis que les uns visitaient la ville dont le maire, M. d'Herbais, leur faisait les honneurs, les autres, réunis à la presqu'île de Kerroc'h, tenaient une assemblée du Gorsedd.

Cette deuxième excursion terminée, les membres de l'U. R. B. regagnèrent Saint-Pol-de-Léon. Ce fut pour clôturer dignement leur congrès en prenant part au banquet qui fut servi à l'hôtel Menez.

Comme on le voit, cette manifestation bretonne avait remporté le succès qu'elle méritait. Il n'y eut qu'une seule fausse note. Ce fut celle que donnèrent deux ou trois douzaines d'individus qui crurent utile de protester — contre qui et contre quoi ? — au chant de l'Internationale.

A l'époque où les Mystères étaient en honneur et attiraient les grandes foules toujours avides de ce genre de spectacles, Saint-Pol-de-Léon vit certainement sa cathédrale servir de théâtre aux pieux acteurs qui aimaient à reconstituer des drames religieux pour le plus grand plaisir de leurs concitoyens.

L'on raconte même que lors du passage dans cette ville d'Anne de Bretagne l'on donna une représentation d'une Passion qui ne devait être que ce Grand Mystère de Jésus dont quelques temps plus tard Yves Quillevéré devait se faire l'éditeur.

Plusieurs siècles se sont écoulés et voici qu'il y a quelques années seulement les Saint-Politains ont repris la tradition si chère à leurs ancêtres.

En 1924, dans la belle salle Sainte-Thérèse que l'on venait de construire rue de la Rive, furent données, en effet, huit représentations d'une Passion écrite par M. l'abbé Léon. Il fallut pour monter cette oeuvre quatre cents acteurs ou musiciens et l'interprétation fut telle que l'on accourut de fort loin pour applaudir les artistes Saint-Politains. C'est ainsi que l'on vit un dimanche plus de cinquante camions amener des spectateurs de tous les coins de la région et que l'on dut, un jour, entasser mille huit cents auditeurs dans une salle qui ne comptait que mille cent places.

Ce spectacle d'ailleurs méritait cet empressement autant pour lui-même que pour la façon dont il était présenté. Certains tableaux comme ceux de l'entrée à Jérusalem, de la Cène, du Jardin des Oliviers, de la Résurrection étaient particulièrement remarquables. D'autres scènes — comme, par exemple, celle au cours de laquelle Marie-Magdeleine supplie Judas de revenir vers son Maître — produisirent sur les spectateurs une profonde émotion.

Parmi les artistes qui furent les interprètes de ce drame sacré il faut citer : Mlle Anna Mazéas (la Vierge) ; Mlle Moal, aujourd'hui Mme Jacques Chapalain (Marie-Magdeleine) ; Mlle F. Stéphan, aujourd'hui Mme Mauduit (Claudia Prokula) ; MM. René Creignou (le Christ) ; F. Stéphan (Judas) ; J.-M. Le Rest, décédé en 1925 (Hérode) ; J. Malgorn (Anne) ; Y. Méar (Un vendeur du temple) ; L. Le Disses (Saint-Pierre) ; F. Picard (Caïphe) ; J. Pleyber, décédé en 1942 (Joseph d'Admathie) ; P. Elard, décédé en 1934 (Satan), etc...

L'accompagnement musical était exécuté par un orchestre que dirigeait M. Robert, l'organiste de la cathédrale, tandis qu'une chorale interprétait des chants d'allégresse, de douleur ou de victoire...

Il y a déjà près de vingt ans que, pour la dernière fois, le rideau s'est baissé sur ce spectacle mais les Saint-Politains n'ont pas oublié les belles heures qu'ils ont pu vivre, à cette occasion, dans la salle du patronage. Et bien souvent, encore, il leur arrive d'évoquer les brillantes représentations de la Passion de Saint-Pol.

CHAPITRE IX.
Une ville moderne.

Quand on revoit Saint-Pol-de-Léon après plusieurs années d'absence l'on est surpris de constater que la ville est demeurée la même et que ses habitants ont eu la sagesse de respecter tout ce qui en fait le charme. Une seule rue peut-être choque l'arrivant ; c'est celle que l'on a percée pour relier directement la gare à la rue Verderel. On y trouve, en effet, des habitations qui ne semblent pas à leur place dans le décor léonais.

A part cela rien pour ainsi dire n'est changé...

Rien et pourtant il n'est pas beaucoup de villes qui soient plus modernes que Saint-Pol, mais bien rares sont celles qui ont su demeurer fidèles à leur passé tout en s'adaptant à la vie actuelle. Sur le plan économique on sait la situation qu'occupent dans cette région la culture et le négoce des primeurs. Pourtant ce n'est pas sans mal que les expéditeurs ont réussi à assurer la prospérité dont ils jouissent maintenant. Ils ont connu des jours difficiles et elle n'est pas encore éloignée l'époque où ils voyaient le protectionnisme leur fermer tous les principaux marchés d'Europe...

De son côté, le tourisme a, lui aussi, contribué à enrichir Saint-Pol. Attirés et retenus par les plages de la côte comme également par les monuments religieux de la ville de nombreux étrangers ont, au cours de ces dernières années, visité la cité des clochers à jour. Ils y trouvaient d'ailleurs d'excellents hôtels comme l'Hôtel Central, l'Hôtel de France que dirige Mme Denis ou encore l'Hôtel des Voyageurs dont les sympathiques propriétaires M. et Mme Stéphan ont fait une maison de premier ordre.

Le développement du tourisme dans la région est également l'œuvre d'un médecin de Saint-Pol, M. le Dr Bagot, qui a eu le mérite d'attirer l'attention du grand public sur le climat particulièrement tempéré de la côte. Saint-Pol-de-Léon possède d'ailleurs d'excellents médecins qui savent exercer leur profession avec tout le dévouement qu'elle doit comporter. Ce sont : MM. les Drs Meudic, René Bagot, Louis Bagot, Le Bigot et G. Leclair.

Depuis quelques années, les sports occupent une place importante dans la vie des cités. Là encore les Saint-Politains ne sont pas demeurés en retard et ils possèdent deux sociétés qui portent avec autant de courage que d'honneur leurs couleurs.

Fondée en 1908, l'Etoile Sportive du Kreisker exerce son activité sous la direction d'un comité que préside M. Louis Febvre et dont font partie MM. Marcel Guillerm, Pierre Boissel, A. Guéguen, Jérôme Le Rest, Emile Queinnec, Joseph Paugam, Emile Bellec, Jean Malgorn, Joseph Henry, Yves Saliou, Louis Rohou, Yves Bihan, François Le Porz. Le directeur de la société est M. l'abbé Joseph Tanguy, vicaire à la cathédrale.

L'Etoile Sportive du Kreisker compte plus de deux cent cinquante membres, effectif qui lui permet de pouvoir aligner sur le terraïn non seulement une société de gymnastique et de nombreux athlètes mais encore plusieurs équipes de football et de basket-ball...

Elle dispose pour ses diverses réunions du Parc des Sports de Kernevez, route de Pempoul, et, à son siège social de la rue de la Rive, d'un grand local avec salle de théâtre et de cinéma, salles de jeux, etc... Enfin, une harmonie de quarante-cinq exécutants lui permet de corser ses principales manifestations de belles auditions musicales.

De fondation plus récente le Stade Léonard pratique le football et l'athlétisme. Il a, il y a quelques années, remporté de brillants succès qui vinrent récompenser les efforts de ses dirigeants et de ses joueurs. Son premier président fut M. Yves Quéméner qui a maintenant pour successeur M. Eugène Bérest. A la veille de la guerre de 1939, le comité de direction comportait les noms de MM. Bérest, Lucien Le Rumeur, F.-M. Jacq, F. Guivarch, Yves Le Morvan, Séïté, H. Piriou, J. Nicolas, A. Boulloch, Auguste Caroff, L. Cocaign, S. Combot, F. Daniélou, Eugène Le Guillou, F. Kéremoal, L. Le Men, Claude Moysan, L. Penven, J. Sévère, Alexis Urien, Joseph Urien.

Parmi les autres sociétés qui existent à Saint-Pol-de-Léon signalons le Tennis-Club de Pempoul, présidé par M. Lazennec, le Ping-Pong Saint-Politain dont l'animateur est M. J.-L. Sévère, la Société des Pêcheurs à la Ligne qui a comme président M. Alexandre Bozellec, le Syndicat d'Initiative dirigé par M. Joseph Trividic, la Société Hippique [Note : Les vieux Saints Politains n'ont pas oublié le temps où les courses de chevaux se courraient sur la plage, à marée basse. Aujourd'hui, ces réunions se déroulent sur un véritable hippodrome] aux destinées de laquelle préside M. Hervé de Guébriant.

Depuis 1940, un Comité d'Assistance aux Prisonniers fonctionne au mieux des intérêts des malheureuses victimes do la guerre. Ce comité qui a rendu et rend encore d'appréciables services est présidé par M. Alain de Guébriant.

(Job de Roincé).

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