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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 16).

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CHAPITRE XVI.

SOMMAIRE.

Discrédit des assignats. — La municipalité sollicite l’autorisation de faire fabriquer des « billets de confiance ». — Violation de la propriété privée et protestation. — Plantation d'un arbre de la Liberté. — Le général Canclaux à Saint-Pol. — Commencement des hostilités contre la France. — Proclamation de Louis XVI. — La municipalité demande à l'Assemblée nationale un établissement d'éducation nationale pour Saint-Pol. — Le Conseil général déclare se constituer en permanence. — Demande de volontaires nationaux. — Levée générale de troupes. — Bagarre du 7 août, les paysans refusent de porter la cocarde tricolore.

Le numéraire était devenu assez rare en France depuis quelque temps. Saint-Pol souffrait surtout de la disette de la monnaie de cuivre, si nécessaire à la classe indigente. Le conseil général recevait continuellement des plaintes relativement aux assignats de cinq livres distribués aux volontaires nationaux soldés, cantonnés à Saint-Pol, le jour du prêt. D'infâmes agioteurs faisaient perdre jusqu'à vingt sols et quelquefois plus sur un assignat de cinq livres.

Le 25 avril 1792, l'An 4ème de la Liberté, le conseil général se réunit afin d'arrêter les mesures à prendre pour résoudre ces difficultés. Voici ce qui fut décidé dans cette séance :

« Considérant l'éloignement de Saint-Pol de tous dépôts de monnoyes, son défaut de commerce et d'industrie,

Considérant que la municipalité ne peut rétablir la tranquillité que par une circulation momentanée de billets de confiance,

Le dit conseil, voulant supprimer un abus aussi préjudiciable et procurer aux citoyens et aux militaires de cette municipalité la faculté de faire circuler leurs assignats de cinq livres, délibère, d'après les conclusions du sieur Le Bihan, faisant les fonctions de procureur de la Commune, de faire : 1° sous l'agrément de MM. les administrateurs du Directoire du district de Morlaix, fabriquer des billets de confiance de 5, 10, 15 et 20 sols pour la somme de 3,000 livres ; 2° que ces billets de 5, 10, 15 et 20 sols seront remboursables au porteur en assignats de 5 livres.

Après l'approbation du Directoire de Morlaix, on chargera un artiste pour donner la forme des dits billets de confiance.

Il y aurait 3,999 billets de 5 sols depuis le n° 1 jusqu'au n° 3,999 ;

2,000 billets de 10 sols depuis le n° 1 jusqu'au n° 2,000 ;

667 billets de 15 sols, depuis le n° 1 jusqu'à 667 ;

Et 500 billets de 20 sols depuis le n° 1 jusqu'à 500.

Les frais d'impression des dits billets seront payés du produit de deux sols par livre, provenant des patentes, nommant pour trésorier et changeur M. Péréault, procureur de la Commune.

Enfin, s'il se rencontrait deux billets du même nombre et valleur, l'un ou l'autre serait faux ; il serait nécessaire de les porter sur le champ à la municipalité pour être pris les mesures convenables et les moyens propres à découvrir la fausse fabrication » [Note : Reg. 24. Fol. 4 verso et 5 recto].

Les Pères conscrits de Saint-Pol se réunissaient de nouveau le 7 mai 1792. Dans la séance tenue ce jour, un membre du conseil général a dit :

« L'anarchie est le tombeau de la liberté ; il est temps de la faire cesser, si nous voulons que la Constitution s'affermisse.

Des citoyens en armes se sont permis de faire des perquisitions chez ceux qui ne s'étoient pas rendus à leur poste, et cela en contravention de la loi qui défend à la force armée de s'introduire chez les citoyens sans un mandat d'un juge, ou sans être accompagnés d'un officier civil.

M. Le Hir, avec d'autres fusiliers s'est fait ouvrir la maison du sieur Prud'homme ; il a fouillé partout, et cela de son autorité privée.

Gardiens de la liberté individuelle, les magistrats du peuple ne doivent pas voir avec indifférence une pareille infraction de la loi. Cependant, comme il n'y a eu aucune autre violence commise, qu'on n'a pas commis d'autre attentat contre la propriété et la personne du sieur Prud'homme, je crois qu'il suffît de mander à la barre le sieur Le Hir pour être réprimandé par M. le président du conseil général et être rappellé à l'obéissance qu'il doit à la loi avec défense de récidiver sous plus grandes peines. Je dénonce formellement M. Le Hir et prie le conseil général de délibérer sur mes propositions ».

« M. Le Hir est invité par un héraut de se présenter immédiatement au bureau municipal et déclare que dans la journée du 6 may, il servait comme simple fusilier, et il fut commandé pour aller comme tel chez M. Prud'homme. Il a obéi sans réplique, comme le doit faire tout soldat. Du reste, ce n'est pas la première fois qu'il est accusé à faux par M. Dreppe. Il demande à l'Assemblée de voir et de juger.

M. Dreppe répond qu'il n'a dénoncé M. Le Hir que parce que MM. Robinaud et Kubler avaient déclaré n'avoir donné aucun ordre ; dans le cas où M. Le Hir prouverait avoir été commandé pour se porter chez M. Prud'homme, il demande que l'officier qui lui a donné l'ordre soit réprimandé ».

« MM. Dreppe et Le Hir, à la satisfaction du conseil, se départirent de part et d'autre de leurs dénonciations et réponses cy-dessus, déclarant le tout comme non avenu et s'être réconciliés amiablement » [Note : Reg. 24. Fol. 5-7].

M. Salaün de Kertanguy avait été signalé comme suspect à la municipalité de Saint-Pol par celle d'Alençon. Le 7 mai 1792, le bureau du conseil municipal répondit qu'il surveillerait les faits et gestes du sieur Salaün que l'on croyait venir de Coblentz.

La loi, votée par l'Assemblée sur la contribution mobilière, rencontrait partout de nombreuses difficultés pour son application.

A Saint-Pol, la presque unanimité des habitants de la ville refusait de déclarer le prix du loyer de leur habitation, ne voulant pas se soumettre à la loi précitée. A la campagne, tous s'y refusaient nettement. En face de ces embarras, la municipalité se vit dans l'obligation de nommer des commissaires pour évaluer en général les loyers. Furent chargés, le 28 mai, de cette opération MM. Corre, Godec, Bolloré, Berdelo, Ménez, tous de la ville.

Quant à ceux de la campagne, ils refusèrent carrément. Le 27 juin 1792, l'An 4 de la Liberté, date mémorable dans les fastes de la Révolution à Saint-Pol, il fut arrêté qu'un arbre de la Liberté ; pris dans le cimetière de Saint-Pierre serait planté sur la Grande Place, le vendredi, après vêpres. La cérémonie serait présidée par la municipalité ; le clergé constitutionnel serait convoqué et la garde nationale se tiendrait sous les armes. Un Te Deum serait chanté ; on tirerait les boëttes et la ville serait illuminée de neuf à dix heures du soir [Note : Reg. 23. Fol. 36-37].

Le 6 juillet, le général Canclaux passe, à Saint-Pol, la revue du bataillon des volontaires nationaux et fait connaître à la municipalité qu'il se voyait obligé de retirer tout le bataillon, à l'exception d'une compagnie qui serait partagée entre Saint-Pol et Roscoff.

« On lui fait observer que la garnison qui restera ne sera pas assez forte pour contenir le peuple égaré, par suite de l'enlèvement des prêtres réfractaires. Il n'y a pas lieu d'être étonné de voir bientôt un soulèvement général de toutes les campagnes circonvoisines. Le rôle de la contribution mobilière nouvellement établi fournira un nouveau prétexte à tous les cultivateurs de se soulever pour réclamer contre leurs taxes. Du reste ce rôle est imposé de plus du tiers ».

La municipalité sollicite en conséquence le maintien, à Saint-Pol, du premier bataillon des volontaires nationaux jusqu'à son remplacement par un autre bataillon, ou au moins un détachement de 300 hommes, faute de quoi, il sera impossible de maintenir la Constitution et de faire exécuter la loi dans le canton.

Trois jours après, la Société des Amis de la Constitution qui dirigeait tous les actes de la municipalité demandait à faire la Fédération à Saint-Pol et à renouveler leur serment. Elle demandait également le renouvellement de la prestation de serment des troupes. Le bureau municipal demanda une décision au district de Morlaix afin de faire les préparatifs nécessaires, si la chose était jugée convenable.

Le district répondit le 11 juillet à la municipalité qu'elle devait agir conformément au vœu des Amis des la Constitution.

Ce qui se passait en France alarmait les puissances étrangères. Une coalition se forma contre notre patrie et des armées s'étaient mises en marche pour l'envahir. Louis XVI adressa à la Nation la proclamation suivante, à la suite du décret, rendu le 11 juillet 1792 par l'Assemblée.

« Des troupes nombreuses s'avancent vers nos frontières ; tous ceux qui ont horreur de la liberté s'arment contre notre Constitution.

Citoyens, la Patrie est en danger.

Que ceux qui vont obtenir l'honneur de marcher les premiers pour défendre ce qu'ils ont de plus cher, se souviennent toujours qu'ils sont Français et libres ; que leurs concitoyens maintiennent dans leurs foyers la sûreté des personnes et des propriétés ; que tous dans un courage calme, attribut de la véritable force, attendent pour agir le signal de la loi, et la Patrie sera sauvée.

Mandons et ordonnons à tous les corps administratifs et tribunaux que les présentes ils fassent consigner dans leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs départements et ressorts respectifs, et exécuter comme loi du royaume. En foi de quoi nous avons signé ces présentes auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat.

A Paris, le 12ème jour de juillet 1792, l'An 4ème de la Liberté, la 19ème de notre règne. Signé : Louis ».

Plus bas, de Joly et scellés du sceau de l'Etat [Note : Reg. 23. Fol. 42-43].

Le lendemain, 13 juillet, nouvelle réunion du conseil. M. le maire met sur le bureau une adresse à l'Assemblée nationale, à l'effet d'obtenir pour la ville « l'établissement d'une éducation nationale ». Voici les raisons déduites dans cette adresse.

« Saint-Pol doit être préféré à Morlaix, à Lesneven et à Landerneau qui n'ont point de bâtiments qui conviendraient à ce sujet. Ces villes d'ailleurs puisent des ressources infinies dans leur commerce, dans les administrations et dans les tribunaux judiciaires qui y sont établis.

Carhaix, du haut de ses montagnes, n'offre que des routes rocailleuses, des rues étroites et bourbeuses, une rareté de maisons insuffisantes pour loger les instituteurs et les élèves qui s'y rendraient. Il n'existe de plus aucun édifice public, propre à une éducation nationale.

Quimper, marécageux et aquatique, engloutit déjà tant d'établissements qu'on s'imaginerait avec peine qu'il eût l'impudeur d'en convoiter d'autres.

Brest, le premier port de l'Empire, trouve des richesses toujours renaissantes dans les différents armements qui s'y succèdent, dans les différentes branches d'administrations et de commerce qui y sont fixées. Les vivres y sont très cher et les loyers à un prix excessif. En y établissant l'école nationale, on ruinerait le patrimoine de la plupart des élèves avant d'avoir alimenté leurs esprits. Cette ville en outre ne renferme aucun bâtiment étendu qui ne soit déjà occupé pour le service militaire ; d'ailleurs, vous sentirez. Messieurs, les grands inconvénients qui pourraient résulter du séjour d'une jeunesse imprudente et facile dans une ville très étendue.

Aux motifs de convenance et d'économie qui parlent en faveur de Saint-Pol-de-Léon, on pourrait ajouter, Messieurs, des raisons de justice et d'humanité. Cette ville, totalement ruinée par les nombreuses pertes qu'elle a essuyées par la Révolution, n'offre déjà qu'une vaste solitude. Evêché, jurisdiction, chapitre, maisons religieuses, séminaire, elle a tout perdu. Elle présente déjà l'aspect de ces villes infortunées que les plus grands fléaux ont désolées. L'herbe croit dans les rues. La misère se traine de toutes parts en gémissant.

La commune de Saint-Pol-de-Léon ose se flatter que vous vous porterez à venir à son secours, en y fixant un établissement propre à ranimer l'industrie et le commerce » [Note : Reg. 24. Fol. 12-13].

Nous avons vu plus haut la proclamation adressée, par Louis XVI à la Nation, à l'occasion de la guerre qui avait été déclarée et qui pendant près de vingt-cinq ans devait couvrir l'Europe entière de ruines. Moins d'un mois après, le trône croulait et Louis XVI, conduit au Temple avec sa famille, n'en devait sortir que pour aller à l'échafaud.

Le 20 juillet, le conseil général se réunit. M. le maire invite le secrétaire greffier à donner lecture de la loi du 8 juillet 1792 qui fixe les mesures à prendre quand la Patrie est en danger, et celle du 12 du même mois qui proclame le danger de la Patrie. M. le maire propose à la suite au conseil de délibérer sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution de la loi du 18 de ce mois et notamment des articles 2, 3, 16 et 17 de la dite loi.

« La délibération ayant été d'abord dirigée sur la surveillance permanente prescrite par l'article 2, le conseil général déclare :

1° Qu'il se constitue dès à présent en surveillance permanente ;

2° Arrête qu'outre la tenue habituelle des séances du bureau municipal, un officier municipal et un notable siégeront tous les jours à la maison commune depuis 6 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir, à l'effet d'y veiller à la sûreté publique et au maintien du bon ordre ;

3° Que chaque jour sera divisé en deux stations égales depuis 6 heures jusqu'à 2 heures, et depuis 2 heures jusqu'à 10 heures ;

4° Charge M. le maire de faire afficher un tableau qui indique à chaque membre du conseil le jour et l'heure de la station ;

5° Que le bureau permanent pourra dans les circonstances où il le croira convenable convoquer le conseil municipal ;

6° Que le bureau permanent et le bureau municipal réunis pourront dans les cas urgents requérir la force publique et convoquer le conseil général ;

7° Qu'en vertu de l'article 3, tous les citoyens actifs et enfants de citoyens actifs en état de porter les armes depuis l'âge de 18 ans jusqu'à 60 seront tenus d'obtempérer, sous les peines prononcées par la loi, aux ordres qui pourraient leur être légalement donnés par leurs chefs ;

8° Que la garde sera régulièrement montée par les citoyens qui composent la garde nationale, en nombre déterminé ;

9° Les citoyens actifs seront tenus d'avoir leurs armes et autres effets militaires en état de service habituel ;

10° Conformément à l'article 4 de la loi, tous les citoyens sont tenus dans le délai de huit jours à compter de la publication du présent, de déclarer au bureau municipal ou permanent le nombre et la nature des armes et munitions dont ils sont pourvus, sous les peines prononcées par la loi ;

11° En vertu de l'article 16, la force militaire en activité de service sera tenue d'arrêt et de conduire à la maison commune tout citoyen ou voyageur qui n'aurait point une cocarde aux trois couleurs nationales ;

12° En cas d'alarme nocturne, signalée par la générale, tous les citoyens sont tenus d'éclairer leurs domiciles à l'extérieur et seront les contraventions au présent article punies de quarante-huit heures de détention ;

13° Le conseil général invite et sollicite les citoyens, au nom de la Patrie en danger, en vertu de l'article 17 de surveiller avec zèle et de dénoncer avec activité tout complot, machination et contravention aux lois qui tendraient à troubler la tranquillité publique » [Note : Reg. 24. Fol. 13-14].

Signé : Miorcec, maire, Péréault, procureur de la Commune, Sévézen, Trobert, etc., etc.

La municipalité de Saint-Pol était continuellement sur le qui-vive et ce qui se passait n'était guère de nature à la rassurer. Le 25 juillet, elle consignait ses craintes sur le registre de ses délibérations. La Commune, déclare-t-elle, se trouve dénuée de forces après le départ de la garnison. La très grande majorité du canton soupire après le retour de ses anciens prêtres et ne se soumet qu'à regret au nouveau régime.

Les cultivateurs ne paient leurs contributions qu'en présence d'une force imposante ; refusent de donner des renseignements pour l'assiette de la contribution mobilière et menacent d'assommer ceux qui répondraient aux invitations du maire.

Actuellement il n'y a à Saint-Pol qu'une compagnie de volontaires nationaux ; il faudrait doubler ce contingent. Morlaix, qui possède deux bataillons de garde nationale, remplis de zèle pour le bien du service public, devrait envoyer une compagnie à Saint-Pol qui n'a que deux compagnies de garde nationale, composées de pauvres ouvriers ou artisans qui ne peuvent interrompre leur travail sans manquer de pain : quel service peut-on par suite en attendre ?

Quelques prêtres constitutionnels indisposent la population par leur humeur acariâtre et par de mauvais procédés ; mais la municipalité n'y est pour rien.

Pour tous ces motifs, elle demande au Département une des compagnies de volontaires nationaux qui se trouvent à Morlaix.

Le 4 août, le sieur Inizan, prêtre, désirant venir demeurer à Saint-Pol dans une maison appartenant à Mme de Kerlizien, présente au maire ses certificats revêtus de l'approbation des administrateurs du district de Lesneven. Le tout est envoyé au Directoire de Morlaix qui ordonne l'arrestation du dit sieur Inizan. Les certificats qu'il a présentés sont loin d'être suffisants pour le mettre à l'abri de l'arrêté du Département, et les signatures apposées sur ces pièces sont connues pour n'être pas les adorateurs de la Constitution.

Voilà comment on interprétait alors la liberté...

Sur la réquisition de Roscoff, autorisée par le Directoire du district de Morlaix, 20 hommes des 50 composant la garnison de Saint-Pol, étaient allés à Roscoff pour garder les poudres, ce qui indisposa fortement Saint-Pol. La municipalité ne put en effet se dispenser de faire observer au district que le peu de zèle de Roscoff à faire exécuter la loi, la met dans le cas de requérir un détachement pour garder les poudres. Si elle avait eu soin d'organiser sa garde nationale, elle aurait pu remplir cette mission et sans secours étrangers. Elle laisse tout languir et n'a pas même ouvert un registre pour y inscrire les citoyens qui veulent servir dans la garde nationale. Ces Messieurs, comptant sur un prochain changement ne daignent pas s'occuper de l'exécution des lois actuelles.

Ce même jour, 5 août 1792, M. Le Hir, directeur des postes de Saint-Pol, introduit au conseil, donne connaissance à l'Assemblée de la commission à lui adressée par le conseil général du département à l'effet de procéder dans le canton de Saint-Pol aux différentes levées militaires, prescrites et décrétées par l'Assemblée législative. M. Le Hir, du consentement du conseil, choisit pour l'aider dans sa mission le sieur Olivier Grall, juge de paix des campagnes de ce canton et membre du conseil de cette commune. Le sieur Grall accepte à la grande satisfaction de l'Assemblée.

1° Le conseil municipal fera dresser une liste de tous les citoyens de la commune qui ont les conditions requises pour servir dans les différentes armes ;

2° Il sera dressé un état de toutes les armes et munitions existantes dans le ressort, tant de celles appartenant à la commune que de celles qui ont été déclarées par les particuliers en vertu de la loi du 8 juillet.

Une expédition du présent sera délivrée à M. le commissaire pour ce qui le concerne.

Dans cette même séance un membre demande, attendu que l'esprit patriotique n'est pas l'esprit dominant pour les enrôlements prescrits, il soit ouvert un registre pour recevoir les souscriptions des citoyens, qui ne peuvent payer de leurs personnes sur les frontières, voudront signaler leur zèle par des sacrifices conformes à leurs facultés et à leur position.

L'objet de cette souscription civique serait d'assurer l'existence des enfants, femmes et parents des généreux pères de famille qui s'enrôleraient dans les nouvelles levées.

Cette proposition fut adoptée à l'unanimité et le conseil arrêta qu'un registre de souscription serait ouvert et qu'une copie du présent procès-verbal serait publiée et affichée partout au besoin.

Un membre, en la même séance, dénonça au conseil que le bruit public annonçait la mort d'une cy-devant religieuse Ursuline, dite mère Sainte-Renée que l’on connaissait être malade chez le sieur Kermenguy, de cette ville.

Les citoyens Le Roux, Goëz, Rageul et Le Penn furent députés, séance tenante pour aller aux informations. Etant entrés chez M. Kermenguy, ils constatèrent que la demoiselle Ollivier, connue en religion sous le nom de mère Sainte-Renée se portait très bien [Note : Reg. 24. Fol. 16].

Deux jours après, le sang faillit couler à Saint-Pol, et voici à quelle occasion :

Le mardi 7 août, vers les dix heures du matin, au plus fort cours du marché, une patrouille de volontaires nationaux avait conduit à la maison commune plusieurs cultivateurs qui ne voulaient pas se décorer du ruban tricolore. Comme on se disposait à la municipalité à leur faire subir un interrogatoire, intervinrent M. Miorcec, maire, et M. Péréault, procureur de la Commune.

Mais au même moment, un grand concours de peuple s'étant assemblé devant la maison commune, le bureau permanent, le maire et le procureur jugèrent qu'à cause du peu de forces actuellement en ville et consistant seulement en 25 hommes de volontaires nationaux, il leur était impossible de faire exécuter la loi, à la rigueur. Cette exécution, en effet, paraissant des plus dangereuses, ils prirent le parti de pacifier, parti d'autant plus prudent que les dispositions de plus de 500 attroupés ne présageaient qu'une révolte complète. Renvoyer les cultivateurs qu'on avait conduits à la maison commune avec injonction de se conformer à la loi parut au maire et au procureur de la Commune le moyen le plus sage ; les conseillers présents les approuvèrent.

Cette mesure, de fait, était fort prudente. La plupart de ceux qui formaient l'attroupement portaient des décorations et des couleurs contre-révolutionnaires, et il était certainement à craindre qu'un terrible conflit ne se produisit si on essayait d'user de la force. En présence de ces difficultés, et ne sachant guère comment se tirer de ce mauvais pas, le conseil arrêta que MM. Goëz et Péréault iraient au district de Morlaix et au conseil général du Finistère réclamer pour la commune de Saint-Pol une force armée, capable d'en imposer aux séditieux et de protéger les poursuites légales que les circonstances pourraient provoquer contre les agitateurs.

Cette force armée, les dits députés devaient en solliciter l'arrivée à Saint-Pol avant le mardi, 14 août, cette date étant désignée par les séditieux comme devant être celle de leurs vengeances. Ces mêmes députés étaient autorisés à se rendre à Brest ou dans toute autre ville où serait prise la force destinée à Saint-Pol, où, d'après la municipalité, la presque totalité des habitants, même de la ville, conspirait avec les ennemis de l'extérieur [Note : Reg. 24. Fol. 18].

Cet aveu est une nouvelle preuve de l'horreur qu'inspiraient les faits et gestes des hommes criminels, devenus les maîtres de la France. Dans le cours de ce travail, nous aurons l'occasion de le constater maintes fois.

Un détachement de 220 hommes arrivait de Brest, le 13 août, à Saint-Pol, à la plus grande joie de la municipalité. Rassurée dès lors, elle donne l'ordre aux gendarmes d'arrêter et de conduire au bureau permanent tout homme qui ne porterait pas la cocarde nationale, qui aurait sur lui des signes de rébellion ou qui tiendrait des discours tendant à troubler l'ordre public et à compromettre le respect dû aux autorités constituées.

Abhamond, de Bégavel, en Plougoulm, accusé d'avoir provoqué la sédition du 7 août, est arrêté. Sont également saisis, comme complices Maurice Caroff, de Kérisnel, et Yves Philippe, de Roc'higou, en Saint-Pol [Note : Reg. 24. Fol. 47-48].

(abbé J. Tanguy).

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