Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 32).

  Retour page d'accueil        Retour page "Saint-Pol-de-Léon sous la Révolution"        Retour page "Ville de Saint-Pol-de-Léon"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

CHAPITRE XXXII.

SOMMAIRE.

Ordre de célébrer l'anniversaire de l'exécution de Louis XVI. — Inauguration de l'hospice militaire de Saint-Pol. — Discours du citoyen Gilbert. — Les derniers détenus à la maison d'arrêt sont libérés. — Plougoulm requis de fournir 150 quintaux de pur froment pour l'armée. — Des soldats y sont logés jusqu'à la fin du battage. — Certificat délivré par le commandant du détachement.

Dans le cours de cette étude sur la Révolution nous avons jugé à propos de suspendre un moment la marche de notre travail afin d'éviter des redites. Nous avons de la sorte consacré trois chapitres aux victimes de nos discortes civiles dans la partie de l'antique diocèse de Léon dont nous écrivons l'histoire. Parmi ces victimes, il s'en est trouvé de toutes les classes de la société, et toutes, on ne saurait le contester, ont été vraiment dignes. Dans cet espace de deux années (1792-1794), des crimes sans nom ont été perpétrés dans notre malheureuse Patrie, et Dieu sans doute l'a permis afin de reconstituer une nouvelle génération.

Nous allons reprendre notre récit au point où nous l'avons laissé. Les événements qui ont suivi la chute de Robespierre ne le cèdent pas en général, sous le rapport dramatique, à ceux qui ont précédé la mort du tyran. Si le régime de la Terreur fut quelque peu adouci dans la capitale, il sévit avec la même férocité dans les provinces, et le Directoire, aussi bien que le Comité de Salut public, a les mains rouges de sang. Ses victimes se comptent par milliers [Note : V. Victor Pierre. — La Terreur sous le Directoire, 1887, Retaux].

La Convention, cette assemblée de cannibales, qui « naquit, vécut et finit dans le sang », tint à montrer qu'elle entendait demeurer maîtresse jusqu'à la dernière heure. Quelques mois avant de disparaître, elle décrétait que tous les ans on solenniserait la mort du dernier roi des Français. C'était la glorification de l'assassinat juridique de Louis XVI, et un insolent défi porté à tous ceux qui auraient pu avoir, ne fût-ce qu'un moment, la velléité de rêver une restauration monarchique.

Tout ce qui venait de Paris était accepté avec une touchante docilité par les municipaux de Saint-Pol. Voici ce qui se passait dans une séance du 1er pluviose, an III (20 janvier 1795).

« Lecture prise d'un décret de la Convention nationale du 21 nivose dernier (10 janvier 1795) portant que conformément au décret du 18 floréal (8 juin 1794) — l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français sera célébré demain dans toutes les communes de la République, et par les armées de terre et de mer.

Sur quoi le conseil délibérant, ouï l'agent national, arrête que le dit décret sera lu, publié et affiché à la manière accoutumée, qu'il sera demain à dix heures du matin dans la salle décadaire célébrée une fête à la quelle tous les citoyens seront invités d'assister, et qui sera annoncée à la manière accoutumée » [Note : Reg. 25. Fol. 90 verso].

Signé Ménez, agent national, Miorcec, maire. Le Roux, off. municipal, Villeneufve, off. municipal, Conversy, Le Bihan, Le Floch, Peron, Michel Kerhorre, Labbé secrétaire greffier.

Le 17 vendémiaire, an III, — 10 octobre 1794 — le citoyen Loarer, architecte, avait été chargé par le Directoire du district de Morlaix de disposer le collège de manière à ce qu'il pût servir d'hôpital militaire. L'année suivante le 16 pluviôse — 4 février 1795 — on en fit l'inauguration sous le titre d'hospice militaire de la fraternité.

Le citoyen Gilbert, médecin, prononça, à cette occasion, « un discours analogue à la fête au milieu des applaudissements et des cris répétés de vivent la République, la Convention nationale, vivent les braves défenseurs de la Patrie ! ».

« Au retour, l'assemblée dans sa séance, sur le réquisitoire de l'agent national, arrêta la transcription du discours que nous reproduisons intégralement ».

« Citoyens,
Après l'honneur de combattre, de mourir ou de vaincre pour la Patrie, il n'est pas sans doute de fonction plus honorable et plus nécessaire, d'occupation plus douce et plus touchante pour des citoiens que celle de consacrer leurs soins et leurs vies au secours des défenseurs de la Liberté, de cicatriser leurs glorieuses blessures, de réparer leurs forces épuisées par l'effet d'une trop bouillante ardeur, de rétablir leur santé altérée par les dangers de toute espèce qui environnent la carrière de la Gloire, de les rendre à la Nature, à l'Amour, à la Patrie. D'après cette sublime idée que nous nous faisons de notre état et de nos devoirs, vous pouvez croire que nous saurons les remplir avec toute l'assiduité, toute l'application dont nous sommes capables, vous pouvez espérer que, si l'excès de zèle peut supléer à ce qui nous manque du côté du talent, nos frères d'armes sortiront bientôt de cet hospice pour voler à de nouvelles victoires ou pour aller gouter dans leurs foyers les fruits de la Liberté qu'ils auront conquise. Tels sont nos premiers vœux, tels sont nos premiers serments ; nous les proferons avec transport devant des magistrats du peuple qui sacrifient tous les jours leur intérêt individuel à l'intérêt général, leur fortune et leur état à la Révolution, leur repos personnel à la tranquillité publique.

Citoïens, l'instant est arrivé où cet azile va s'ouvrir aux braves défenseurs de la République. Le moment est venu d'en consacrer l'inauguration par une cérémonie légale et par une fête républicaine. Eh quel moment plus propice pouvons-nous choisir que celui ou la République triomphante ajoute à ses nombreuses victoires la conquette de la Hollande, et rend aux descendants des Bataves la liberté que leurs fameux ancêtres avaient conquise au prix de tant de sang et qui leur avait été arrachée par les efforts coalisés de deux ou trois tyrants ! Nous déposons donc dans vos mains le drapeau tricolore, nous allons le planter ensemble sur la cime de ce temple de la Santé. Unique emblème de la Liberté et de l'Egalité, les rois de l'Europe ne fixeront plus les yeux sur ce signe éclatant de nos victoires sans trembler sur leurs trônes chancelans ; les peuples asservis sous leur joug n'y attacheront plus leurs regards, sans éprouver le désir de le voir planté sur leur territoire. Il sera sur cet édifice national le gage de l'intrépidité de nos frères d'armes en même temps qu'il leur annoncera l'azile temporaire que la patrie reconnaissante leur a préparé pour y recevoir tous les secours que leur situation exigera.

Magistrats du peuple, fonctionnaires civils et militaires, citoyens qui assistez à cette consécration solennelle, si nous avons couvert le bonnet rouge de l’écharpe nationale, c'est que nous avons voulu effacer s'il se peut de la mémoire des français cette année à jamais exécrable de proscription et de carnage dont il sembla être l'épouvantable signal. Revêtu du ruban tricolore le bonnet de la Liberté n'en sera que plus cher à tous les cœurs, c'est que nous avons voulu rendre un hommage éclatant aux principes qui dirigent la Convention nationale depuis la bienfaisante révolution du neuf thermidor. Périsse le mortel ambitieux qui oserait jamais usurper la souveraineté du peuple, proposer aux Français un chef, ou attenter à l'unité, à l'indivisibilité de la République. Périsse le vil aristocrate dont la conduite publique ou privée insultant aux lois, aux usages, aux fêtes de la République, tendrait a altérer le principe qui peut seul affermir le gouvernement, la confiance du peuple ! — Périsse l'égoiste infâme qui ne voit dans la Révolution qu'un moyen de fortune, et qui trafique sans pudeur de l'aisance et même du nécessaire de ces concitoïens ! Périsse le fanatique audacieux qui mentant à l'être suprême et à son propre cœur prêche la haine et le mépris des lois, au nom d'un Dieu d'ordre et de paix ! Liberté illimitée des cultes et point de religion exclusive ! Protection et bienveillance à tous ceux qui trop longtems instrumens et victimes des préjugés politiques et religieux viennent au milieu de nous abjurer de bonne foi leurs erreurs passées, se rallier autour des principes, faire le serment d'allégeance à la République française, donner l'exemple de l'obéissance aux lois, et des vertus publiques et privées.

Citoïens, telle est notre profession de foi politique, nous demandons que sur le réquisitoire de l'agent national le conseil municipal veuille bien nous en décerner acte.

Vive la République française une et indivisible, vive la Convention nationale , vivent les braves défenseurs de la Liberté ». [Note : Reg. 25. Fol. 96-97].

Au 6 germinal, an III (26 mars 1795), il n'y avait que six détenus à la maison d'arrêt de Saint-Pol, à savoir, cinq religieuses et un jeune homme de 23 ans, Emilien-Claude-Marie Poulpiquet. Ce même jour ils recouvrèrent leur liberté. En conséquence, « le conseil municipal, ouï l'agent national, arrête de notifier au gardien de la maison d'arrêt qu'il ne doit plus compter sur le salaire qui lui a été attribué jusqu'à ce jour, et qu'on donnera connaissance de la sortie des détenus de la dite maison au citoyen Fidière, receveur des domaines nationaux, pour qu'il prenne les moyens les plus prompts, les moins dispendieux et les plus convenables pour la conservation du bâtiment national, ci-devant maison d'arrêt » [Note : Reg. 25. Fol. 112-113].

En vertu d'un réquisitoire du 26 nivôse pris par les administrateurs du district de Morlaix, la commune de Plougoulm devait livrer pour les subsistances militaires 150 quintaux de froment pur et non mélangé. C'était beaucoup ; c'était même trop pour Plougoulm. Taine a comparé la Révolution à un hideux crocodile, la gueule béante, prêt à dévorer les victimes qu'on lui jetait en pâture. C'est, croyons-nous, la note juste du gouvernement et des hommes de cette néfaste époque.

Devant l'impossibilité de fournir une aussi forte quantité de grains, la municipalité s'était contentée d'expédier quarante quintaux à Morlaix avec promesse de donner le reste dans le courant de germinal.

A l'époque indiquée, le Directoire du district de Morlaix se souvint de Plougoulm.

Le 3 germinal, an III (23 mars 1795), les citoyens Henry-François Villeneufve, officier municipal et Louis Bolloré de la commune de Pol-Léon se présentaient devant la municipalité de Plougoulm avec une lettre du district de Morlaix, leur enjoignant de se concerter avec les officiers municipaux « pour accélérer le versement du contingent en grains assigné dans la dite commune dans le magasin militaire à Pol-Léon ».

En conséquence, « le conseil ouï l'agent national, arrête qu’il sera donné acte aux dits Villeneufve et Bolloré des dépôts des pièces sus mentionnées, arrête de plus que les citoyens Guillaume Le Glas et Pierre Bohic accompagneront demain les dits Villeneufve et Bolloré pour faire la vérification du dit grain dans les sections de Trégor et de Keraëret, qu'après demain ils seront accompagnés des citoyens Jean Grall, Gabriel L'aminot, officiers municipaux et de chacune un notable pour la dite vérification du grain dans les sections de Trégalan et de Poullesqué, et ensuite des citoyens Jean Marc et Jean Grall dans celle de Gorreploné » [Note : Reg. de Plougoulm, pp. 165-166].

Voici quel fut le résultat de cette vérification. A l'honneur des citoyens Villeneufve et Bolloré, nous reproduisons intégralement le procès verbal qu'ils rédigèrent dans cette circonstance.

« Du 5 germinal, an III.

Liberté, Egalité, Humanité, Justice.
Ce jour cinq germinal, nous soussignés François-Henry Villeneufve, officier municipal et Louis Bolloré notable nommés par délibération du conseil général de la commune de Pol-Léon en vertu du 3 de ce mois suivant autorisation du Directoire du district de Morlaix par lettre adressée aux officiers municipaux de la dite commune de Pol-Léon en date du 2 du présent mois, et le tout enregistré sur le présent registre à l'effet de descendre sur la commune de Plougoulm certifions et rapportons nous être transportés sur la dite commune, et y avoir de concert avec les officiers municipaux et notables d'y celle soussigné, fait toutes les recherches et perquisitions dans les fermes et habitations de la dite commune, d'après le résultat des quelles recherches nous nous sommes assurés qu'il n'y existait que très peu de grain que la municipalité nous a observé n'être pas suffisant pour faire subsister jusqu'à la nouvelle récolte les habitants de la dite commune, y ayant beaucoup de pauvres qui en manquaient et qu'il y avait beaucoup de terrains qui n'était pas encore ensemencées, ce que nous avons vu et vérifié par nous-mêmes. La municipalité de Plougoulm nous a donné néanmoins la douce consolation qu'elle prendrait des mesures impératives pour faire battre sans délai les mulons de bled qu'il y avait sur leur commune, pour d'après le battage venir au secours des défenseurs de la Patrie.

Fait et arrêté le présent procès-verbal que nous certifions sincère et véritaple en la maison commune de Plougoulm les dits jour et an.

Signé : Villeneufve, commissaire, Louis Bolloré, Bohic, Ollivier, Grall, Aminot, Marc, officiers municipaux, Roualec, agent national » [Note : Reg. de Plougoulm, pp. 167-168].

Les observations si justes contenues dans ce procès-verbal ne furent pas écoutées ; c'est ce qui ressort des délibérations des 10, 24, 26, 30 germinal consignées dans le registre de la municipalité de Plougoulm, aussi bien que des délibérations du 27 germinal, 9, 12, 13, 15, 23 et 24 floréal du conseil général de Saint-Pol de Léon [Note : Reg. 25. Fol. 121-129]. Par deux fois le Directoire du district de Morlaix nomma des commissaires qu'il prit dans le conseil de Saint-Pol et qui durent se rendre à Plougoulm. Il y fit même venir des soldats qui furent logés deux à deux dans les fermes jusqu'à la fin du battage qui commença le 15 floréal — 5 mai 1795 — à cinq heures du matin. On requit tous les hommes disponibles, et les propriétaires du blé durent payer les batteurs à raison de trois livres par jour. La même mesure fut prise à l'égard de Roscoff et de Plouénan. Conformément à l'arrêté du 4 germinal du Comité de Salut public, le 10ème des grains fut versé à Saint-Pol avec le 10ème des farines et des légumes secs. Les commissaires qui avaient suivi la troupe à Plougoulm sont les citoyens Sabatier et Poulpiquet Kermen, membres du conseil général de Saint-Pol. Le commandant du 11ème bataillon de la Manche avait été invité à faire entrer dans la composition du détachement un chef éclairé, prudent et sage pour maintenir la plus grande discipline.

Les soldats, paraît-il, n'eurent pas lieu de se plaindre des habitants de Plougoulm pendant le séjour qu'ils y firent, du 13 au 24 floréal, car voici un certificat de civisme que le commandant du détachement, composé de 58 hommes, délivra, avant son départ à la municipalité.

« Du 25 floréal, an III.
Je puis assuré à qui conque soit que la municipalité de Plougoulm ces comporter envers ma troupe d'une magnière digne de républicains.
Signé F. Le Fèvre, commandant la division »
.

Le même témoignage flatteur avait été rendu aux municipaux de Plougoulm par les citoyens Poulpiquet et Sabatier dans le compte rendu de leur mission au conseil général de Saint-Pol-de-Léon.

(abbé J. Tanguy).

© Copyright - Tous droits réservés.