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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 35). |
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CHAPITRE XXXV.
SOMMAIRE.
Saint-Pol en état de siège. — Départ du citoyen Dumay. — Le conseil expose au ministre de l'intérieur la triste situation de l'hospice. — Le général Hoche ordonne de lever l'état de siège. — Délibération du conseil au sujet de l'église des Minimes. — Rétablissement de l'état de siège. — Délibération au sujet des prêtres fidèles, mis de nouveau en suspicion. — Pétition adressée à la municipalité par la veuve Du Breignou. — Fêtes des victoires et des époux. — M. Poulpiquet de Brescanvel, père se présente à la municipalité. — Les soldats s'insurgent à cause du manque de vivres. — Le conseil demande le retrait des troupes. — Vente des effets de la cathédrale.
Des bruits alarmants avaient couru, paraît-il, qu'une levée de boucliers allait s'effectuer dans le Finistère. Le Directoire s'en émut, et il n'y a pas lieu d'en être surpris, quand on considère les bandits qui gouvernaient notre pays. Ils n'inspiraient que le mépris. Le 13 ventôse, an IV — 2 mars 1796 — le commandant du 2ème bataillon du 111ème régiment se présente à la municipalité et donne lecture d'une lettre en date du 12 ventôse, portant qu'en conséquence de l'arrêté du Directoire exécutif en date du 16 nivôse de l'instruction du général commandant la grande division de l'Ouest, des ordres du général, commandant la subdivision, la commune de Pol-Léon est déclarée en état de siège, la dite lettre adressée au citoyen de Lage, chef du 111ème régiment et signée par le chef de brigade, commandant l'arrondissement de Morlaix, Aruspach ; qu'en conséquence toute l'autorité pour le maintien de l'ordre et de la police intérieure passe entre les mains de l'autorité militaire.
« Sur quoi le conseil délibérant, ouï le citoyen Le Sann, faisant les fonctions de commissaire provisoire du Directoire exécutif, a arrêté que la dite lettre serait transcrite à la suite de la délibération pour y avoir recours au besoin.
Arrête aussi de faire battre la générale dans l’après-midi de ce jour, V. S., pour que la garde nationale, les volontaires soldés (?), les autorités constituées se trouvent sur la Grande Place, à 2 heures de relevée de ce jour, pour être donnée connaissance de la dite lettre, ainsi que du règlement y annexé » [Note : Reg. 29. Fol. 59].
Le 20 ventôse — 10 mars 1796 — le citoyen Dumay adressait au citoyen Loussaut, notaire public, une lettre que celui-ci devait remettre à la municipalité. Dans cette lettre notre Jureur déclarait qu'il quittait Saint-Pol. Il ajoutait : « Vous trouverez la clef de la sacristie chez moi ; vous y trouverez également les articles qu'on devra demander ».
Au bas de cette lettre le citoyen Loussaut transmet ses pouvoirs au citoyen Maurice Prigent pour et par lui agir et la déposer à l'administration municipale, en demande reconnaissance et acte.
« Le citoyen D'Arbo, faisant les fonctions de commissaire provisoire du Directoire exécutif entendu,
L'administration arrête et charge les citoyens Le Roux, Louis Bolloré et Le Bihan, commissaires nommés par le cy-devant conseil général et municipal de cette commune pour remettre les effets demandés par le dit citoyen Dumay, en vertu d'un arrêté du cy-devant district de Morlaix, de descendre incessamment en la sacristie de la cy-devant église cathédrale pour faire le recensement de tous les effets qui ont été délivrés au citoyen Dumay, en vertu de l'inventaire du 23 brumaire dernier et les déposer en lieu sûr au cas qu'ils ne le soyent dans ce moment ».
Le commissaire provisoire du Directoire exécutif près l'administration de Pol-Léon informe le district de Morlaix que le citoyen Dumay vient de quitter la localité pour se rendre à Lannion et y fixer son domicile.
La municipalité et le commissaire du Directoire exécutif « se flattent d'être débarrassés du sujet ».
Nous le croyons sans peine. Ce misérable fit plus tard une apparition à Saint-Pol et faillit être écharpé par la population [Note : Reg. 29. Fol. 61].
Deux jours après l'administration municipale de Pol-Léon soumet à la justice du ministre de l'intérieur plusieurs réclamations qui lui déchirent l'âme, se voyant hors d'état de secourir l'humanité souffrante. Il lui est impossible en effet de procurer aucun soulagement à 50 malheureux vieillards et infirmes qui se trouvaient à l'hôpital, faute de pain.
« Cet hôpital avait en possession, depuis un temps immémorial, des biens fonds que le district de Morlaix a vendus ; après ce dépouillement, l'hôpital se trouve totalement dénué de ressources.
Le département a refusé de délivrer le moindre mandat de secours et a renvoyé la commune vers le ministre de l'intérieur ».
Quelle naïveté de la part de la municipalité de Saint-Pol de recourir au Directoire pour en obtenir des subventions ! Les hommes tarés qui le composaient avaient bien autre chose à faire. Plus tard, mais sans succès, la municipalité fera de nouvelles instances.
La caisse municipale à Saint-Pol n'est pas en meilleure posture que l'hospice ; elle est complètement vide. Le secrétaire et le concierge de la mairie n'ont pas été payés depuis six mois. Nous avons vu plus haut que la commune de Saint-Pol avait été mise en état de siège. Cet état toutefois ne dura que quelques jours du 13 au 24 ventôse. Et, en effet, ce même jour 24, — 15 mars 1796, — le commandant du 2ème bataillon du 111ème régiment se présentait au conseil et déposait sur le bureau une lettre du général Hoche, en date du 22 courant qui faisait cesser l'état de siège pour le département du Finistère, également une lettre du général en chef de la division du Finistère y relative.
« Lecture prise des deux pièces, le conseil administratif, ouï le citoyen Le Sann, faisant les fonctions de commissaire du Directoire exécutif, en ayant pris connaissance, arrête que sur le champ la publication en sera faite à son de caisse, et à la manière accoutumée sur la Grande Place, en présence de la troupe et de la garde nationale pour en avoir connaissance et se conformer strictement aux arrêtés précités ».
Nous reproduisons ici intégralement les lettres en question.
« Les administrateurs du Département du Finistère ont maintenu jusqu'à ce moment la tranquillité dans les communes de cet excellent département.
Veuillez donc ne pas le regarder comme insurgé, lever l’état de siège prononcé pour toutes les villes et suspendre l'exécution des autres mesures indiquées par l'arrêté du Directoire du 7 nivôse.
Veuillez bien faire part de ma lettre aux administrateurs du département
et les assurer que j'emploierai toujours les moyens propres à attacher tous les Français au
Gouvernement Républicain.
Signé : L. Hoche.
Pour copie conforme : Le Général commandant la 2ème subdivision, signé : MEUNIER.
Pour copie conforme ; Le Chef de brigade, commandant la place et l'arrondissement de Morlaix, signé : Aruspach ».
On ne saurait trop louer cette lettre du général Hoche [Note : Reg. 29. Fol. 62].
La seconde lettre est conçue dans ces termes :
Le Chef de brigade Aruspach, commandant l'arrondissement de Morlaix, au citoyen de Lage, chef du 2ème bataillon du 111ème régiment, commandant la place de Pol-Léon.
« En conséquence des ordres du général Hoche vous notifierez de suite, citoyen, aux autorités civiles et aux commandants militaires des communes en état de siège dans l'étendue de votre commandement que l'état de siège est levé » [Note : Reg. 29. Fol. 62].
Le 28 ventôse, le citoyen Le Bourguays est nommé par l'administration du département du Finistère commissaire provisoire du Directoire exécutif près l'administration municipale de Saint-Pol. Peu de jours après, le 12 germinal, — 1er avril 1796, — le conseil s'assemblait pour délibérer au sujet de l'église des Minimes. Nous tenons à reproduire cette séance.
« Séance de l'administration municipale, présidée par le citoyen Salaün, aîné, assisté des citoyens Radermarcher et Varsavaux, administrateurs municipaux, — Présent le citoyen Bourguays, commissaire provisoire du Directoire exécutif ;
L'administration municipale de Pol-Léon venant d'avoir connoissance que la cy-devant église des Minimes se trouve dans ce moment sur le point d'écrouler et que même la charpente de la dite église étoit déjà assolée, que les pignons cotiers tant au midi qu'au nord menacoient ruine à chaque instant ;
L'administration voulant préserver ses administrés et tous autres individus des dangers aux quels ils se trouvent tous les jours exposés, arrête de nommer et nomme trois experts aux fins de se transporter sur les lieux pour contrôler par un procès-verbal en forme à l'état où se trouve les objets sus-mentionnés, en présence de deux administrateurs de cette commune, les citoyens Berdelo, Jean Morgant et Jacques Le Brun.
L'administration arrête aussi d'écrire à l'administration départementale pour l'instruire de cet assolement et lui indique les moyens de conserver de toute rapine les matériaux consistant, tant en vieux bois qu'en pierres d'ardoises, et lui représenter que les transports des objets précités couteroient infiniment plus à la République qu'ils ne valent, si on prenoit le parti de les transporter en un lieu de dépôt ; qu'en conséquence elle ait à autoriser l'administration municipale de Pol-Léon à en faire la vente pure et simple et à verser les fonds de cette vente dans la caisse du receveur des domaines nationaux » [Note : Reg. 29. Fol. 73-74].
Le couvent des Minimes avait été fondé à Saint-Pol, le 12 septembre 1622, par messire Prigent Le Ny, seigneur de Coatélez, recteur de Plougoulm, à la suite d'une apparition de « Sainct François de Paule qui le luy enjoignit, » d'après le P. François de La Noë, en son Histoire générale de l'ordre des Minimes.
Que s'était-il passé dans le pays, du 22 ventôse au 13 germinal, — 2 avril 1796, — pour nécessiter le rétablissement de l'état de siège à Saint-Pol et à Roscoff ? Nous l'ignorons, n'ayant rien découvert, à ce sujet, dans les archives. L'état de siège fut néanmons rétabli, comme le prouve la proclamation suivante :
« En conséquence des nouveaux ordres que j'ai reçus du général Meunier, veuillez bien rétablir de suite l'état de siège dans les communes de Pol-Léon et Roscoff. Suivez et faites exécuter à cet effet les ordres qui vous ont été précédemment donnés et transmis par le citoyen Aruspach.
Etendez une surveillance exacte et severe sur les lieux de Pol-Léon, Roscoff et environs.
Recommandez surtout aux commandants qui sont sous vos ordres de n'exercer aucun acte arbitraire et qu'ils n'ayent qu'à se concilier pour opérer le bien, les administrations civiles, les commissaires du Directoire executif et tous autres officiers publics.
Que le bon ordre se maintienne et que les lois s'exécutent sans secousse et sans la moindre inquiétude pour les citoyens.
Salut et fraternité.
Signé : Robinet ».
Le lendemain 14 le citoyen de Lage notifiait la chose au conseil [Note : Reg. 29. Fol. 73-74].
La garde nationale est réorganisée par le citoyen Radermacher, ancien général de brigade et membre de l'administration municipale. Elle est composée de quatre compagnies de 77 hommes chacune.
Les prêtres fidèles, rentrés en France ou sortis de leurs cachettes, causaient de sérieuses préoccupations à nos gouvernants.
Ils demandaient aux différentes municipalités des renseignements précis, sur la conduite des ecclésiastiques qui pouvaient se trouver dans leur ressort. Le 29 germinal, an IV — 18 avril 1796 — l'administration municipale de Saint-Pol tenait, à ce sujet, une séance que présidait le citoyen Salaün, assisté des citoyens Radermacher et Varsavaux. Etait présent le citoyen Le Bourguays, commissaire provisoire du Directoire exécutif.
Voici ce qui se passa dans cette séance :
« L'administration, vu l'extrait des registres de l'administration du Département du Finistère du 23 germinal, an IV, arrête :
1° que la liste des prêtres restés ou rentrés en France en vertu de leurs déclarations du 27 juin 1795 (V. S,) ou 9 messidor, an III de la République française, sera envoyée à l'administration départementale ainsi que l'arrêté du conseil municipal de cette commune, pris le 9 messidor, an III ;
2° L'administration déclare formellement que la déclaration de ces prêtres ne lui paroit pas pure et simple, comme le demandoit la loi du 3 brumaire, même année, mais bien une restriction échapatoire à la dite loi.
Parmi eux il se trouve des séculiers et des réguliers, il ne se trouve aucun frère lai ou convers, ceux-ci ayant quitté la commune depuis plus de deux ans.
Les prêtres qui avaient fait leur déclaration le 27 juin 1795 n'en ont fait aucune autre purement et simplement, et le lendemain de la cy-devant fête de la Toussaint, ils ont disparu de cette commune après la publication de la loi du 7 vendémiaire dernier ».
A la suite de sa délibération, chaque membre de l'administration municipale de Saint-Pol inscrit sur le registre la déclaration suivante avec sa signature.
« Je déclare comme membre de l'administration de Pol-Léon n'avoir aucune connoissance du domicile des prêtres réfractaires, mais je déclare qu'il peut en exister momentanément dans la commune ».
Le citoyen Le Bourguays, commissaire provisoire du Directoire exécutif, est plus positif. Il déclare qu'il est persuadé qu'il existe des prêtres réfractaires cachés dans la commune, mais qu'il ignore le lieu de leur retraite [Note : Reg. 29. Fol. 83].
Ce Bourguays était un vrai sectaire. Nous avons eu l'occasion de flétrir en 1794, sa conduite en mainte circonstance.
Le 15 ventôse précédent, — 5 mars 1796 — était venue au bureau municipal la citoyenne Calherine-Marie-Josèphe-Emmanuel Le Grand, veuve du Breignou, la quelle présentait à l'administration municipale la pétition dont la teneur suit :
« Pol-Léon, 15 ventôse, L'an IV de la République,
Citoyens, lorsqu'on n'a ni
père, ni mère, et qu'on se trouve avec une fortune médiocre, le seul parti qui
reste pour se procurer ses besoins, c'est de travailler.
C'est en conséquence ce motif qui m'a déterminée à placer dans le commerce Pierre-Marie-Ange-Louis Kersaint-Gilly, natif de Morlaix, mon neveu, âgé de 16 ans et dont je suis tutrice.
Le commerce se trouvant anéanti en France, je suis forcée de faire passer mon neveu en Espagne, dans l'espoir qu'il trouvera à s'y occuper plus facilement, il a déjà de la famille dans ce pays et ce motif a fini de m'y décider.
Je vous prie en conséquence, citoyens municipaux, de vouloir bien y donner votre approbation afin de me mettre à même d'obtenir par suite du Directoire exécutif le passe-port que je réclame en sa faveur ».
L'administration municipale, ayant égard à l'exposé ci-dessus, en reconnaît et atteste la sincérité, mais ne pouvant en vertu de la loi accorder un passe-port au dit citoyen Kersaint-Gilly, le renvoie pour l'obtenir devant le citoyen Ch. de La Croix, ministre des relations extérieures.
Signalement du jeune Kersaint-Gilly, donné par sa tante : « Taille de 4 pieds, onze pouces, cheveux et sourcils châtains, yeux bleus, nez épaté, bouche moyenne, menton rond, front petit, visage rond » [Note : Reg. 29. Fol. 60 et Fol. 88].
Le 19 floréal, an IV, — 8 mai 1796, le citoyen Lucas, commandant le 2ème bataillon de la 197ème demi-brigade proclame la levée de l'état de siège qui avait été rétabli quelques semaines auparavant.
Le 10 prairial, an IV, — 30 mai 1796, — Saint-Pol était en liesse. On y célébrait en effet la fête des Victoires et de la Jeunesse, cette dernière, paraît-il, ayant été omise le 10 germinal. Nous donnons ici la relation qu'en a faite l'administration municipale.
« Fête des Victoires,
L'administration entourée des autorités constituées, d'un cortège nombreux de personnes de différents sexes, marchant avec pompe au milieu des gardes nationales sous les armes, ainsi que du 2ème bataillon de la 197ème demi-brigade, des canonniers de Versailles, la gendarmerie, précédée d'une musique mélodieuse d'amateurs, ayant à leur tête le spectacle le plus touchant et en même temps le plus attendrissant pour des âmes sensibles ; un jeune homme de 14 ans, nommé Yves Le Bihan, ayant perdu le bras gauche au service de la République.
Ce jeune homme marchait avec gravité et fixait sur lui tous les regards de l'assemblée en criant avec enthousiasme : Vive la République et ses défenseurs, et en demandant avec instance à l'administration la grâce d'employer le bras qui lui restait à mettre le feu aux canons de quelque batterie où l'on voulût le placer.
Ce spectacle, qui faisait verser des pleurs à tous les auditeurs, fut ainsi prolongé jusqu'au pied de l'arbre de la Liberté auprès du quel un autel de la patrie, dégagé de toute vaine parure et nu comme la nature était placé, et sur le quel autel ce jeune homme, porteur de couronnes civiques, déposa ce gage immortel des vertus guerrières et morales.
Là, le commissaire provisoire du Directoire exécutif, dans une tribune, placée vis-à-vis de l'arbre de la Liberté a prononcé un discours analogue à la fête, après avoir couronné les vieillards, jeunes gens et blessés au service de la République.
L'administration municipale, de retour dans le lieu de ses séances, a arrêté à l'unanimité de faire imprimer, aux frais de la commune, le discours prononcé par le citoyen Le Bourguays, commissaire du Directoire exécutif, arrêtant au surplus que le procès-verbal de la fête des Victoires serait envoyé à l'administration départementale. [Note : Reg. 29. Fol. 107].
Signé : Le Bourguays, commissaire provisoire du Directoire exécutif, Villeneufve, Jean-Marie Salaün, président ».
Le Directoire avait un goût très prononcé pour les mascarades. Aussi bien se complaisait-il dans ces burlesques exhibitions dans l'espoir de ranimer dans l'esprit du peuple l'amour de la République qui s'affaiblissait chaque jour. Les lois des 27 germinal et 18 floréal, an IV, ordonnaient de célébrer la fête des Epoux avec la plus grande solennité au 1er messidor.
Dans la séance de ce jour, le conseil municipal de Saint-Pol arrête que les vieillards et les jeunes époux seront invités à se rendre à la dite fête pour recevoir de la main du président de l'administration des couronnes civiques dues aux mérites et aux vertus conjugales.
« Le lendemain, 2 messidor, grande affluence de monde sur la Grande Place. Le citoyen Le Bourguays, commissaire provisoire du Directoire exécutif prononce un discours analogue à la fête. Chacun dépose sur l'autel de la Patrie le vœu le plus sincère de faire reigner dans son ménage les vertus conjugales et sociales et fait le serment de prêcher sans cesse à ses enfants les vertus républicaines et de leur inspirer les bonnes mœurs » [Note : Reg. 29. Fol. 114-117].
La bonne entente, semble-t-il, laissait à désirer entre les anciens et les nouveaux municipaux. Et en effet le 8 thermidor, an IV, les citoyens Rageul, Le Hir, Prud'homme-Keraugon, anciens officiers municipaux, Loussaut, notaire, accusent de malversations l'administration municipale et la somment par ministère d'huissier de leur communiquer sa correspondance secrète.
L'administration de la commune, composée des citoyens Jean-Marie Salaün, président, Le Roy, Villeneufve, Berdelo, Le Bourguays, refuse par devant les témoins Livolant, Hamon, Le Foll, Lucas, René Caroff d'obtempérer à la sommation des citoyens Rageul et consorts [Note : Reg. 29. Fol. 126].
Le 27 thermidor, an IV, — 15 août 1796, — l'administration municipale se réunissait sous la présidence du citoyen Salaün, aîné, assisté des citoyens Le Roy, Berdelo et Le Sann, administrateurs municipaux.
Présent : le citoyen Le Bourguays, commissaire provisoire du Directoire exécutif.
Nous donnons ici un extrait de cette séance, qu'on lira, croyons-nous avec un certain intérêt. Ce qui s'y est passé mettra en pleine lumière les procédés des gouvernants de l'époque.
« En l'endroit s'est présenté au bureau municipal le citoyen Poulpiquet-Brescanvel père, le quel y a déposé un arrêté de l'administration centrale du 20 thermidor courant, constituant le citoyen Emilien-Marie-Claude Poulpiquet, son fils, héritier d'autre Jean-Marie-Dominique Poulpiquet, prêtre déporté en vertu des 20 et 22 fructidor, l'an III, et a demandé en conséquence le dit Poulpiquet, père, à l'administration municipale qu'elle voulût bien procéder au tirage par la voie du sort de trois lots égaux revenants, savoir deux à la nation et l'autre au dit Emilien-Marie Poulpiquet, fils, héritier de son frère, déporté aux termes de l'arrêté précité du département du Finistère ; sur quoi l'administration délibérant, le commissaire du pouvoir exécutif entendu, arrête qu'il sera sur le champ par la voie du sort procédé au tirage des lots dont est cas. Trois billets ont été faits. Sur l'un on a inscrit 1er lotie ; sur l'autre 2ème lotie, et sur le dernier 3ème lotie. Les trois billets ont été déposés ensuite dans un vase et le citoyen Villeneufve, en ayant ensuite fait le tirage, la seconde lotie est échue par le sort au citoyen Emilien-Marie-Claude Poulpiquet fils et les deux autres loties à la nation. Arrête au surplus qu'un extrait du présent acte sera délivré au citoyen Emilien-Marie-Claude Poulpiquet fils pour lui servir et valoir ce que de raison ».
Le Directoire, comme le gouvernement qu'il avait remplacé, quand il ne confisquait pas le tout, s'adjugeait la part du lion dans les dépouilles de ses victimes. L'acte que nous avons rapporté en est la preuve évidente [Note : Reg. 29. Fol. 135].
A Saint-Pol, la situation devenait critique pour la ville et pour la campagne. Depuis plusieurs jours les soldats manquaient de viande.
Le 25 fructidor, an IV, — 10 septembre 1796, — les chefs des troupes de ligne casernées à Saint-Pol et des canonniers du 14ème bataillon de la Charente se rendent auprès de la municipalité et l'invitant à prendre les moyens les plus prompts pour procurer des subsistances à la troupe, afin d'éviter une insurrection qui pourrait se manifester d'un moment à l'autre.
L'événement ne tarda pas à vérifier la prédiction.
Une partie de la garnison s'insurge et se porte en masse à la maison commune, où, d'après le secrétaire, « elle profère les propos les plus déplacés pour des militaires républicains ».
Les administrateurs municipaux, qui avaient été un moment en danger, avouèrent que ce qui avait porté les militaires à de tels excès, c'était le besoin de tout genre où ils se trouvaient, « la faim en effet faisant sortir le loup du bois ».
On avait écrit déjà — 23 fructidor — au citoyen Robinot, commandant l'arrondissement de Morlaix pour lui représenter que la commune de Saint-Pol ne pouvait suffire à la subsistance et au logement du grand nombre de troupes arrivées en cette commune et de les repartir ailleurs.
Le 13 septembre, la municipalité fait de nouvelles insistances auprès du général Bataut, commandant le département pour le retrait des troupes ou leur éloignement dans les communes voisines. Dans le cas où il ne serait pas possible d'exécuter cette mesure, elle prie le général de vouloir bien « la défaire » des grenadiers du 1er bataillon de l'Allier, attendu le peu de respect que montrent ces militaires pour les autorités constituées. Ils ont failli, trois jours auparavant, jeter par la fenêtre du bureau municipal un administrateur en écharpe, parce que ce dernier ne voulait pas leur donner des réquisitoires pour prendre, à leur volonté, des bestiaux dans les campagnes.
« Le lendemain de cette démarche auprès du général Bataut — 14 septembre, — les administrateurs prient le département de vouloir bien faire partir le 1er bataillon de la demi-brigade (de l’Allier) arrivé dernièrement. Au moment où le président de l'administration municipale écrit, des cultivateurs arrivent à son bureau, réclamant des secours ; 15 à 16 soldats armés étaient dans un champ et emportaient toutes les patates ; la femme du propriétaire de ce champ a reçu des coups de plat de sabre ; un coup de fusil a été tiré sur un paysan qui a eu le chapeau percé d'une balle ».
Sur l'ordre du général Bataut, une partie du 1er bataillon de la demi-brigade (de l'Allier) est envoyée dans les campagnes circonvoisines. Ces soldats se livraient fréquemment à des vols et à des déprédations, et un cultivateur de Plougoulm, Jean Grall, fut assassiné par eux [Note : Reg 29. Fol. 150-153].
14 brumaire, an V, — 4 novembre 1796, — réquisition de 150 lits pour la troupe : Plougoulm doit en fournir 25 ; Cléder 50 ; Tréflaouénan 25 ; Plouzévédé 25 et Plouénan 25.
Quelques jours après, le 3 frimaire, an V, — 24 novembre, — la municipalité qui venait de recevoir le même jour de l'Administration centrale du Finistère une lettre datée du 27 brumaire, après en avoir pris lecture, ouï le commissaire provisoire du Directoire exécutif, arrête : « En premier lieu que la dite lettre sera lue et publiée à la manière accoutumée, pour lui donner la plus grande publicité ;
En second lieu, qu'il sera fait connoitre par une affiche qu'il y a dans ce moment six bourses vacantes au Collège Egalité, à Paris, dont la nomination est évolue en vertu de la loi du 5 mai 1793 à l'Administration centrale du Finistère ; et que la même affiche mentionnera que deux des bourses sont de la fondation de Kerambert et affectées aux anciens diocèses de Léon, et que les quatre autres bourses sont fondées pour des enfants de l'ancien diocèse de Quimper ; qu'il sera ouvert sur le champ un registre où les parents, tuteurs ou curateurs des enfants dont les pères ont pris les armes pour la deffense de la Patrie, feront inscrire le nom et l'âge de ceux pour lesquels ils solliciteront ces places ; qu'un relevé au dit registre sera envoyé dans le délai prescrit par la dite lettre à l'Administration centrale, avec les observations de l'administration municipale à cet égard [Note : Reg 29. Fol. 183-184].
L'administration municipale de Saint-Pol décide, le 28 septembre 1796, que les effets de la cy-devant église cathédrale, dont le citoyen Jean Julien Le Roux avait eu jusqu'alors la garde, seraient vendus avec l'autorisation de l'autorité supérieure. Ce qui fut fait. Le 6 décembre en effet les ornements et linges des ci-devants églises et chapelles de Saint-Pol furent vendus moyennant la somme de 1.939 fr. 10. C'était la manière d'acquérir à cette époque.
La plus grande partie de cette somme fut employée à rembourser le citoyen Grolleau, marchand sellier à Brest, qui avait fourni, sur réquisitoires, aux magasins militaires de Saint-Pol, la quantité de 65 cordes de bois ».
(abbé J. Tanguy).
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