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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 38).

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CHAPITRE XXXVIII.

SOMMAIRE.

Fête de la souveraineté du peuple. — Ordre de rédiger la liste des émigrés. — Fête de l'agriculture. — Dénonciation du citoyen Loussaut, commissaire du Directoire. — Fête des vieillards. — Echec du citoyen Loussaut. — Fête décadaire de l'an VII. — Le conseil municipal veut acquérir une statue de la Liberté. — Nativité dressée à l'hospice par les directrices. — Elles sont rappelées à l'ordre par le citoyen Jacquinot.

La Révolution s'ingéniait à allier le grotesque avec le tragique. Ce n'était sans doute pas ce que voulaient les scélérats qui étaient les maîtres de la France ; ils s'imaginaient être corrects jusque dans leurs sanglantes orgies. De par un arrêté du 28 pluviôse du Directoire, la France tout entière était conviée, pour le 30 ventôse, an VI, — 31 mars 1798, — à une joviale mascarade, à l'occasion de la fête de la Souveraineté du Peuple, fête qui devait être célébrée avec toute la pompe et la solennité possibles dans toutes les communes de la République.

En conséquence, le conseil municipal s'assemblait, le 20 ventôse, sous la présidence du citoyen Claude Ménez, assisté des citoyens administrateurs Prud'homme-Keraugon, Guillou, Kervingant et Jacquinot, afin de s'entendre au sujet des mesures à prendre dans la circonstance.

Nous tenons à reproduire intégralement le programme de la sus-dite fête ; on le lira, nous n'en doutons pas, avec plaisir.

« Le Directoire exécutif entendu,

Le conseil arrête que les citoyens vieillards, cy-après nommés, savoir :

Pierre Dalabardon, perruquier.
Michel Le Vot, tailleur.
Jean-Joseph-Jérôme Mertens, propriétaire.
Alexandre Le Joyeux, ancien notaire.
Aignan-Damien Joguet, pensionné de la République.
Jean Bochet, ex-manutentionnaire.
Jean Pen, pensionné de la République.
Jean Toularchoat, idem.
Guillaume Sévézen, instituteur.
Mathurin Crenn, couvreur.
Pierre-Mle. Déniel, homme de loi.
Mathurin Balanant, ancien hérault.
Guillaume Fissot, marchand.
Clet-Marie Le Coat, homme de loi.
Hervé Pichon, tourneur.
Nicolas Le Goff, tisserand.
Nicolas Petitmair, cordonnier.
Hervé Roué, cultivateur.
François Guillerm, cordonnier.
Guillaume Corre, cultivateur.
Nicolas Pape, id.
Le citoyen Geffroy, propriétaire.
Ollivier Le Bihan, journaillier.
Pierre Henry, cultivateur.
Claude-René Raoul, notaire.
Pierre Le Hir, cultivateur de Kervent.
François Le Gall, maçon.
Jacques Kerbiriou, cultivateur.
Jean Gaillard, marchand fruitier.
François Malgorn, tailleur.
Jacques Le Choquer, jardinier.
Joseph-Marie Guillaume, notaire.
Jean-Louis Laugée, propriétaire.
Guy Loudoux, sindic marin.
Louis-Marie Poulpiquet-Brescanvel.
Pierre Corre, tailleur.
Pierre Goarnisson, boureillier.
Bihan, mesuisier.
François Creach, journaillier.
Jean Morel.
Joseph Le Boulch, cultivateur.
Matnurin Kerouars, journaillier.

Seront invités à se rendre le 30 ventôse — 20 mars 1798 — à dix heures du matin, à la maison commune pour de là se rendre avec l'administration municipale sur la grande place de cette commune, pour y représenter le peuple dans la cérémonie de la fête.

Les vieillards seront invités à choisir quatre jeunes gens parmi ceux qui ont fréquenté avec le plus d'assiduité les écoles publiques pour porter les bannières ou écriteaux mentionnés dans l'arrêté du Directoire exécutif.

Les citoyens Michel Kerhorre, Le Hir, Miorcec, Raoul et Trobert seront invités à se charger des mesures relatives à la dite fête, à la quelle seront invités de se trouver tous les fonctionnaires publics, les instituteurs avec leurs élèves, ainsi que tous les musiciens et amateurs de musique, pour lui donner tout l'intérêt qu'elle doit avoir par la mémorable circonstance qu'elle rappelle » [Note : Reg. 31. Fol. 4 verso].

Cinq jours après — 25 ventôse, — nouvelle séance dans laquelle le programme de la fête est définitivement arrêté.

« La veille, à 6 heures du soir, on tirera cinq coups de canon, on sonnera les cloches pendant un quart d'heure, les musiciens seront invités à se trouver à la même heure sur la place d'armes aux pieds de l'arbre de la Liberté pour y exécuter des airs patriotiques. Le 30, au lever du soleil, on tirera sept coups de canon sans intervalle ; les cloches sonneront comme la veille, la musique se réunira sur la place pour annoncer au peuple que la fête est commencée.

A 8 heures, la générale battera, tous les tambours de la garnison et de la garde nationale se rendront ensemble sur la place ; à 8 h. 1/2, l'assemblée.

A 9 heures du matin, toute la force armée de la commune, la garde nationale, les vieillards, les instituteurs et leurs élèves, les quatre jeunes gens portant les bannières, les fonctionnaires publics se rendront à la maison commune pour défiler dans l'ordre suivant :

Passant par la place au Lin, la rue des Os, la Grande Rue, la rue Verderel, les Minimes, rue des Prêtres et arriver sur la Grande Place, où il sera élevé un autel cerné et proprement décoré.

La marche s'ouvrira par la gendarmerie et les hussards, suivis des compagnies de canoniers, traînant après eux une pièce d'artillerie décorée de verdure, la garde nationale marchera après, puis les tambours et la musique.

Quatre jeunes gens de la commune choisis par les vieillards marcheront devant, portant chacun un écriteau où bannière, conformément à l'article 5 de l'arrêté du Directoire exécutif du 26 pluviôse.

Sur la 1ère on lira : La souveraineté réside essentiellement dans l'universalité des citoyens.

Sur la 2ème. — L'universalité des citoyens français est le souverain.

Sur la 3ème. — Nul ne peut sans une délégation légale exercer aucune autorité, ni remplir aucune fonction publique.

Sur la 4ème. — Les citoyens se rappelleront sans cesse que c'est de la sagesse des choix dans les assemblées primaires et électorales que dépendent principalement la durée, la conservation et la prospérité de la République.

Chacun des vieillards aura à la main une baguette blanche ; après eux marcheront ceux des fonctionnaires publics qui sont élus immédiatement par le peuple dans les assemblées primaires et électorales.

Les instituteurs publics et leurs élèves marcheront ensuite, puis les militaires non employés.

Des détachemens des défenseurs de la patrie suivront le corthége et fermeront la marche. Lorsque le corthége sera arrivé sur la Place, il défilera trois fois autour de l'enceinte ; les jeunes gens qui porteront les ecritaux ou bannières iront ensuite les planter aux deux côtés de l'autel, et chacun prendra alors sa place, conformément à l'art. 6 de l'arrêté du Directoire exécutif.

Les articles suivants du dit arrêté seront littéralement suivis.

Pendant la cérémonie il sera tiré 21 coups de canon, sept en sortant de la municipalité, sept, dès que le corthége sera rendu sur la place, et sept autres, quand il s'en retournera à la municipalité.

Lorsque le corthége retournera à la maison commune, les jeunes gens qui portaient les inscriptions, porteront, au retour, sur un brancard, le livre de la Constitution et le faisseau des baguettes des vieillards, et marcheront devant les magistrats qui marcheront eux-mêmes devant les vieillards ; les autres conserveront pour le retour les mêmes places qu'ils avaient à leur sortie de la maison commune.

Il y aura à Kerénéec une fête champêtre ; on y exécutera des courses à pied, des danses et une partie de balon. Le rendez-vous général sera sur la place d'armes, à trois heures de l'après diner.

Les tambours de la garnison, de la garde nationale et la musique s'y réuniront pour conduire le corthége à Kerénéec qui marchera dans l'ordre suivant :

Les tambours.
La musique.
L'administration municipale décorée.
Les jeunes gens qui devront exécuter des courses et autres jeux.
Les vieillards.
Grouppe de danseurs et danseuses.
Les fonctionnaires publics élûs par le peuple.
Les instituteurs et leurs élèves.
Grouppe de peuple.
La municipalité donnera quelques prix pour la course.
Il sera tiré, au moment de la retraite, le nombre de sept coups de canon.
La musique, à la retraite, comme la veille.
Le soir, illumination.

Arrêté le 25 ventôse, an VI de la République Française une et indivisible, par nous soussignés commissaires, nommés par arrêté de l'administration municipale de Saint-Pol-de-Léon du 20 de ce mois.

Signé : Miorcec, Raoul, Habert, Couad (?), Le Hir, Amand Godefroy ».

« L'administration arrête de plus de nommer et nomme le citoyen Jacquinot, administrateur municipal, à l'effet de proclamer la loi du 13 pluviôse dernier et l'arrêté du Directoire exécutif du 23 du dit mois, relatifs à la fête.

Arrête enfin de décerner des prix aux vainqueurs des jeux qui auront lieu à Kerénéec le 30 ventôse, à trois heures de l'après diner (vieux stile).

Fait et arrêté les dits jour, mois et an que devant.

Ménez, président, Prudhomme-Kéraugon, Jacquinot, Kervingant, Guillou, G. Varsavaux, secrétaire greffier » [Note : Reg. 31. Fol. 7-8-9].

Comme on le voit, rien ne devait manquer à cette ridicule parade qui fut une contrefaçon des antiques théories de la Grèce.

Quelques semaines après, le 5 floréal, an VI, — 25 avril 1798, — l'administration municipale se réunissait sous la présidence du citoyen Miorcec, assisté des citoyens Raoul, Jacquinot, Prud'homme-Keraugon et Ménez, administrateurs municipaux.

Présent, le citoyen Loussaut, commissaire du Directoire exécutif.

« Le secrétaire ayant mis sur le bureau une lettre sous la date du 2 germinal, adressée à l'administration municipale, de la part de l'Administration centrale du département du Finistère, reçue le 10 du dit mois, — 31 mars 1798, — prescrite par la loi du 23 brumaire, an III, art. 2, section 1ère, titre III, — tendante à rédiger la liste des émigrés et celle des prêtres sujets à la déportation en vertu de la loi du 19 fructidor dernier, l'administration municipale, — ouï, le commissaire du Directoire exécutif, — arrête qu'il sera procédé sur le champ à la liste demandée par l'Administration centrale, et qu'un double d'icelle lui sera adressée par le courrier de demain, conforme à celle-ci, ci-après transcrite ».

La liste en question fut, en effet, envoyée le lendemain au département. Comme nous l'avons reproduite plus haut, nous ne la donnerons pas ici [Note : Reg. 31. Fol. 27]

8 floréal, an VI, — 28 avril 1798. — Dans la séance, tenue ce jour, le citoyen Loussaut, commissaire du Directoire exécutif, déclare à l'Assemblée que la Fête des Epoux sera célébrée le 10 du présent mois, en vertu de l'arrêté du Directoire du 27 germinal, an IV, et de la lettre du ministre de l'intérieur du 20 germinal, an VI.

En conséquence, l'administration arrête « de se conformer aux articles 3, 4, 5 et 7 du dit arrêté du Directoire exécutif, ce faisant d'inviter tous les corps constitués, la force armée et la garde nationale d'assister en grande tenue à la célébration de cette fête qui aura lieu le dit jour dix du courant environ les 4 heures du matin et de convoquer à la dite fête les époux mariés en germinal dernier et dans le courant de ce mois — mars et avril. — Le secrétaire greffier est chargé de publier demain dans tous les carrefours de cette cité l'arrêté sus-daté et la lettre du ministre de l'intérieur, à son de caisse ».

Au jour indiqué, aucun des nouveau-mariés ne parut à cette bouffonne cérémonie.

La municipalité qui venait de se réorganiser fut installée, ainsi qu'il suit, le 1er mai. — Président, le citoyen Miorcec ; administrateurs, les citoyens Raoul, Jacquinot, Prud'homme-Keraugon, Ménez ; commissaire du Directoire exécutif, Loussaut.

Justice de paix. — Juge, Sévézen fils ; assesseurs, Gélébart, Rageul, Conversy, Péréault, Kervingant et Sabatier ; huissier, Laot.

Peu de jours après, les employés de l'administration auxquels il était dû sept mois d'appointements et qui n'avaient aucune ressource pour faire subsister leurs familles déclarent qu'ils sont décidés à abandonner leur travail si on ne les paie pas dans les premiers jours, le retard de leur paiement leur occasionnant des privations de tout genre.

Une scène n'est pas plus tôt terminée à Saint-Pol qu'une autre est organisée. Le 9 messidor, an VI — 28 juin 1798 — la municipalité fait faire de grands préparatifs pour célébrer le lendemain la Fête de l'Agriculture, conformément à l'arrêté du 20 prairial, an IV.

Ce même jour, en effet, les membres de l'administration municipale et le commissaire du Directoire exécutif s'assemblent au lieu ordinaire de leurs séances. De là ils se transportent, revêtus de leurs écharpes, sur la Grande Place, au pied de l'arbre de la Liberté, accompagnés du juge de paix, de son greffier et de ses assesseurs, de la garde nationale, des officiers et volontaires de la troupe et de l'artillerie, enfin de tous les citoyens et citoyennes convoqués au son du tambour et des fanfares, où étant rendus sur les 10 heures du matin (vieux stile), le président donne lecture par son secrétaire greffier : 1° de l'arrêté du Directoire exécutif qui détermine la manière dont la fête doit être célébrée ; 2° de la délibération de l'administration municipale relative à cette fête ; 3° des lois et arrêtés transmis par le Département dans la dernière décade ; 4° d'un discours analogue à la fête, rédigé par le citoyen Saintoux, lieutenant de la 2ème compagnie d'artillerie et l'un des directeurs de la société dramatique.

Tout quoi a été suivi de chants patriotiques et de cris de vive la République par le peuple assemblé, les corps constitués, la garde nationale et la troupe en garnison.

La fête s'est terminée au son d'une musique instrumentale, entremêlée d'hymnes et de chants patriotiques.

Le discours du citoyen Saintoux, vrai fatras de paroles incohérentes et d'une longueur démesurée, est reproduit in extenso dans le registre 31. Fol. 63, des délibérations de la municipalité.

Le tout, paraît-il, ne se passa pas au gré du citoyen Loussaut, commissaire du Directoire exécutif. Le lendemain de la fête, 11 messidor, il s'adressait en effet en ces termes aux membres de la municipalité :

« Citoyens administrateurs,

Je vous dénonce les auteurs, fauteurs et complices du rassemblement, non armé à la vérité qui a eu lieu la veille aux dépendances de Pen-an-Rue, en cette ville. Cette assemblée s'est tenue au détriment de la fête de l'Agriculture que nous avons célébrée et était composée de plus de cent individus, tant de cette commune que de Morlaix et autres villes circonvoisines, tandis qu'à la fête civique il s'est trouvé peu de monde ; l'assemblée, tenue à Pen-an-Rue, est une injure aux institutions républicaines.

Mon obligation est d'en instruire les autorités supérieures et celles qui vous incombent sont la recherche des coupables, et les mesures à prendre pour que ces sortes de rassemblements anti républicains ne se renouvellent plus sur leur territoire ».

« Deux jours après, dans la séance tenue le 13 messidor, le citoyen Philippe-Louis-Marie Miorcec, président de l'administration municipale de Pol-Léon, ayant pris connaissance du réquisitoire du citoyen Loussaut, en date du 29 juin dernier, dénonçant un rassemblement qui a eu lieu dans une maison particulière, répond au citoyen commissaire que lui, Miorcec, a fait partie de ce rassemblement, que c'était une assemblée de citoyens paisibles réunis à 2 heures après midi pour un goûter et des danses, et qu'il ne s'y ait rien fait de contraire aux lois.

Le président estime, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la dénonciation du citoyen Loussaut et signe.

Les citoyens Jacquinot, Prud'homme-Keraugon et Ménez partagent la manière de voir du citoyen Miorcec.

Le citoyen Raoul est d'avis que la dénonciation du commissaire du Directoire exécutif soit déférée à l'administration départementale pour y être statué ce que de raison.

A la majorité des voix, l'assemblée a été d'avis qu'il n'y avait pas lieu à délibérer » [Note : Reg. 31. Fol. 64].

Ce citoyen Loussaut prenait assez souvent des airs de despote. Le 17 thermidor, — 5 août 1798, — l'administration municipale signalait au département sa conduite autoritaire.

7 fructidor, an VI, — 25 août 1798. — Nouveau réquisitoire du citoyen Loussaut. Voici ce qu'il intimait à cette date à l'administration municipale.

« Citoyens administrateurs,

Je vous invite à vous occuper des préparatifs pour la Fête des Vieillards, fixée au 10 courant. — Signé : Loussaut, commissaire du Directoire exécutif ».

Deux pères de famille et deux mères de famille seront choisis au scrutin tenu pour la circonstance, et deux corbeilles de fleurs et de fruits seront présentées aux vieillards. Après dîner danses et autres divertissements.

Les citoyens administrateurs arrêtent leur choix sur les citoyennes épouses Fraser, Guillou, Laurent, Kertanguy, aîné, et à chacune des quelles ils font l'invitation suivante :

« Citoyenne, vous êtes invitée à la fête des Vieillards, qui se célébrera demain, à 10 heures du matin.

Vous voudrez bien vous trouver à la maison commune. Vous avez ci-joint l'extrait de notre délibération de ce jour :

Extrait,

Les jeunes épouses désignées pour présenter aux Vieillards des corbeilles ornées de fleurs et pleines de fruit sont les citoyennes épouses Fraser, Guillou, Laurent et Kertanguy-Salaün.

Signé : Jacquinot, Prud'homme-Keraugon, Loussaut, commissaire du Directoire exécutif, Boschot, secrétaire ».

Les citoyennes invitées crurent ne devoir pas se prêter à cette ridicule comédie.

Au bas de l'invitation qui lui était adressée, la citoyenne Fraser écrivit :

« La citoyenne Fraser prévient l'administration qu'il lui est survenu des affaires qui ne lui permettent pas de se rendre à l'invitation de l'administration ».

La citoyenne Guillou refuse en ces termes :

« C'est avec le regret le plus profond que je vous prie d'agréer le refus motivé que j'ai l'honneur de faire à votre obligeante invitation de ce jour ; l'état maladif de ma faible santé ne me permet pas de figurer aussi honorablement à la fête des Vieillards. Veuillez donc, je vous prie, porter votre choix sur une autre citoyenne et recevoir l'hommage de ma reconnaissance ».

Les citoyennes Salaun de Kertanguy et Laurent ne daignèrent même pas répondre à l'administration.

Le pauvre commissaire du Directoire en fut courroucé. Le lendemain il inscrivit sur le registre de la municipalité le réquisitoire dont la teneur suit :

« Ne pas faire ce que la loi commande est un délit ; c'est pourquoi je demande qu'il soit fait état dans le procès-verbal de la Fête des Vieillards du refus des citoyennes Fraser, Guillou, Laurent et Kertanguy-Salaün aîné, d'assister à la dite fête et qu'il en soit fait part à l'administration supérieure ».

Le citoyen Prud'homme-Keraugon fait observer au citoyen Loussaut que faire plus que la loi ne commande est un délit. La loi, ou pour mieux dire, l'arrêté du Directoire exécutif du 27 thermidor, an IV, ne fixe aucune peine, pas même l'inscription au procès-verbal pour les citoyennes qui, invitées à coopérer à une fête, ne se seraient pas rendues à cette invitation. En conséquence, il n'y a pas lieu à délibérer [Note : Reg. 31. Fol. 88-94].

Le réquisitoire suivant avait été également adressé le 7 fructidor par le citoyen Loussaut à l'administration municipale.

« Citoyens administrateurs,

En exécution de l'arrêté du Directoire exécutif, en date du 18 thermidor, an VI — 6 août 1798, — bulletin n° 216, je demande la proclamation solennelle et l'affiche dans cette commune de la loi concernant les mesures pour coordonner
les jours de repos avec le calendrier républicain et que pour donner plus d'éclat à cette proclamation la force armée soit requise d'y assister »
[Note : Reg. 31. Fol. 88-94].

Le citoyen Loussaut, il faut le reconnaître, était un fort dévot révolutionnaire. C'est à l'hospice qu'il s'attaque maintenant. Il demande à l'administration municipale d'inviter :

« 1° La commission administrative à rendre ses comptes ;

2° Les directrices et autres individus de l'hospice à lui faire connaître les motifs qui les ont empêchés de célébrer et d'assister aux fêtes décadaires et aux fêtes nationales ».

Le citoyen Prud'homme-Keraugon invite à son tour le citoyen commissaire du Directoire exécutif « à rechercher l'époque à laquelle la commission administrative de l'hospice doit rendre ses comptes, et la loi qui fixe cette époque. — Quant aux directrices, comme la fête se faisait entre les dix et onze heures du matin et que c'est l'heure du dîner des pauvres et des malades, elles étaient occupées, n'étant qu'au nombre de deux. D'ailleurs cette affaire est de la compétence du bureau de l'hospice ».

« Le citoyen Loussaut requiert le secrétaire greffier de l'administration municipale de lui faire dans la décade un relevé par double de ses réquisitoires depuis le 8 février dernier jusqu'à ce jour.

Le citoyen Prud'homme-Keraugon lui répond : le commissaire du Directoire exécutif, ayant un traitement particulier pour ses écritures, peut en faire faire sauf à le certifier conforme aux registres par l'administration ».

Autant de soufflets administrés au citoyen commissaire.

Peu de jours après, l'administration municipale signale de nouveau au Département la conduite inqualifiable du citoyen Loussaut. Il perçoit de son chef les contributions, envoie des garnisaires chez les contribuables en retard et même chez ceux qui ont déjà payé. Il fait payer enfin aux contribuables plus que le montant de leur cote, ce qui est une véritable concussion.

Le percepteur se plaint également de sa façon d'agir et prétend qu'il ne lui rend pas un compte exact de ses opérations.

La Révolution avait divisé l'année en douze mois égaux, de trente jours chacun, et le mois en trois parties de dix jours. Chacune de ces parties fut appelée décade. Les dix jours de chaque décade avaient pour nom primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi. Ce décadi devait remplacer le dimanche.

Dans le principe on déclara qu'on le chômerait ou non, comme on voudrait. Bientôt, néanmoins, ceux ou celles qui avaient le malheur d'être un peu proprement vêtus, les jours correspondant à l'ancien dimanche ou de travailler le décadi, furent déclarés suspects, c'est-à-dire pillés, emprisonnés, avec beaucoup de chance d'être guillotinés.

La Révolution avait voulu apprendre au Christianisme et au bon Dieu la régularité mathématique, en coupant les mois en trente jours égaux. Force lui fut de troubler cette belle régularité en ajoutant cinq jours, appelés sans-culottides, la Fête des Sans-Culottes ! Comme cela devait arriver quand il faisait chaud, en été, vers la mi-septembre, on n'y vit pas grand inconvénient. Il fallut toutefois apporter encore un petit supplément, le soleil et la lune n'ayant pas consenti à se soumettre aux lois de la Convention. Il restait donc, outre les cinq jours, de quoi former tous les quatre ans une sixième sans-culottide qui fut appelée Jour de la Révolution. L'année où elle arrivait se nommait sextile. Enfin la période des quatre années avait pour nom Franciade, afin d'apprendre à l'Univers qu'il y avait quatre ans de 1789 à 1792, du commencement de la Révolution à la proclamation de la République.

Nous reproduisons ici les noms des douze mois du calendrier républicain. On suit plus facilement les événements.

1er mois. — Vendémiaire : du 22 septembre au 22 octobre.
2ème mois. — Brumaire : du 22 octobre au 21 novembre.
3ème mois. — Frimaire : du 21 novembre au 21 décembre.
4ème mois. — Nivôse : du 21 décembre au 20 janvier.
5ème mois. — Pluviôse : du 20 janvier au 19 février.
6ème mois. — Ventôse : du 19 février au 21 mars.
7ème mois. — Germinal : du 21 mars au 20 avril.
8ème mois. — Floréal : du 20 avril au 20 mai.
9ème mois. — Prairial : du 20 mai au 19 juin.
10ème mois. — Messidor : du 19 juin au 19 juillet.
11ème mois. — Thermidor : du 19 juillet au 18 août.
12ème mois. — Fructidor : du 18 août au 16 septembre.
Les cinq ou six sans-culottides sont du 17ème au 21ème ou 22ème jour de septembre inclusivement.

Les fêtes décadiaires se célébraient au jour fixé, et elles se ressemblaient généralement. Nous reproduisons ici le procès-verbal d'une de ces fêtes civiles. Peut-être le lira-t-on avec un certain intérêt :

« L'an VII de la République française, une et indivisible, ce jour, décadi, 30 vendémiaire — 21 octobre 1798,

Nous, président, administrateurs municipaux et commissaire du Directoire exécutif de la commune de Pol-Léon, département du Finistère, certifions et rapportons qu'en conformité de la loi du 13 fructidor, an VI, relative à la célébration des décadis, nous nous sommes transportés en corps, accompagnés du sieur Germain Varsavaux, notre secrétaire greffier jusques et dans le lieu destiné à la célébration des fêtes décadaires, où étant rendus avec la musique et suivis des fonctionnaires publics de cette commune, et après avoir fait jouer différents airs patriotiques, nous avons fait donner lecture, par notre secrétaire greffier, en présence des citoyens militaires et des militaires citoyens, réunis au dit temple décadaire :

1° De la déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen et du titre XIV des dispositions générales de l'acte constitutionnel ;

2° De la notice des naissances et décès survenus pendant la décade ;

3° De la proclamation du général Michaud aux habitants des départements de l'Ouest, datée de Pontivy du 7 vendémiaire présent mois ;

4° De l'adresse du corps législatif aux Français sur la levée de 200,000 défenseurs conscrits, ainsi que des différentes lois contenues dans le bulletin 229, notamment de l'arrêté du Directoire exécutif du 2 courant, contenant des mesures pour assurer la remise des minutes après la démission ou le décès d'un notaire public, et de la loi du 7 du même mois relatives aux demandes en décharge ou réduction des contributions personnelle, mobiliaires des années V et VI.

Cette lecture a été terminée par celle de la notice des actions héroïques, insérée dans le Bulletin décadaire n° 2 dans l'article du département du Finistère.

L'Assemblée a entendu avec le plus vif intérêt le récit du trait de courage et d'humanité accompli dans le courant du mois de fructidor dernier par le jeune Guillet, fils du citoyen Guillet, gendarme à la résidence de Pol-Léon, en sauvant deux enfants qui se noyaient.

Les battements de mains et les applaudissements universels qui se sont fait entendre à l'issue de ce récit, ont fait connaître les sentiments d'attendrissement et de reconnaissance dont tous les auditeurs étaient pénétrés.

La musique s'est fait entendre, et le jeune Guillet, se trouvant présent à l'assemblée, le président de l'administration municipale l'a fait monter sur son siège et lui a donné l'accolade fraternelle en signe de reconnaissance, en lui posant sur la tête une couronne civique.

Le dit Guillet, ayant reçu des autres administrateurs le baiser de reconnaissance, a été placé, ainsi couronné, à côté du président.

Pendant cette cérémonie, la salle n'a cessé de retentir des plus vives acclamations jointes aux airs les plus touchants de la musique. Ce courageux enfant attirait sur lui tous les regards, et chacun eût désiré le presser sur son sein.

De tout quoi nous avons fait et rapporté le présent procès-verbal au temple décadaire, sous nos seings, les jour, mois et an que dessus.

Signé : Loussaut, Miorcec, Raoul, Prud'homme-Keraugon, Jacquinot, Varsavaux, secrétaire greffier » [Note : Reg. 31. Fol. 118-119].

Les Pères conscrits de Saint-Pol, croyant qu'il était de leur dignité de doter leur vieille cité d'une statue de la Liberté, « cette Déesse si chère aux Français », ainsi que l'avait proclamé un de ses magistrats dans une chaude harangue, le 25 messidor, an V — 14 juillet 1797 — ouvrirent une souscription volontaire pour l'achat de la dite statue. La population, paraît-il, ne montra guère d'enthousiasme, en la circonstance, car les fonds recueillis furent insuffisants pour couvrir les dépenses. Dans sa séance du 3 brumaire, an VII — 25 octobre 1798, — le conseil autorisa le citoyen Loussaut, sur sa proposition, à faire l'avance de cent francs qui lui seraient remboursés sur les contributions de l'an VI [Note : Reg. 31. Fol. 119].

Tôt après l'administration mettait en demeure le même citoyen Loussaut de présenter à la séance du 30 courant un double de ses comptes qu'il disait avoir rendus.

Le 24 brumaire défense était faite au citoyen Vazel et à sa femme, qui donnaient des représentations théâtrales, de faire jouer chez eux aucune pièce sans l'avoir préalablement communiquée à l'administration municipale et au commissaire du Directoire exécutif, s'ils ne voulaient encourir les peines prononcées par la loi [Note : Lettres missives du 20 messidor, an VII au 18 germinal, an IX. Fol. 19].

Quelques jours après, le 14 frimaire, an VII — 4 décembre 1798, — l'administration centrale de Quimper annonçait à la municipalité de Saint-Pol que, n'ayant pas fourni l'état des jeunes gens de la réquisition qu'on lui avait demandé, elle envoyait sur les lieux deux commissaires du ci-devant district de Morlaix, les citoyens Riou et Veller, pour hâter ce travail, et que le président, les administrateurs et le commissaire du Directoire exécutif de Saint-Pol seraient tenus de donner à chacun des dits commissaires du district une indemnité journalière de 15 fr. jusqu'à la production de l'état de la réquisition.

L'administration municipale répond au Département « que neuf états sur quinze sont terminés et que le reste le sera dans peu de jours ». Le passage à Saint-Pol de quatre bataillons destinés à l'expédition d'Irlande et qui ont repassé par la commune pour se rendre à leurs anciennes garnisons avait forcé le bureau municipal à interrompre son travail sur la conscription.

« Quant à l'amende, le Département peut condamner le président et les administrateurs de Saint-Pol à la payer, mais les forcer à payer est impossible.

D'ailleurs, les administrateurs font remarquer qu'ils ont demandé des fonds au Département pour les salaires des secrétaires et du concierge ; que le Département n'a pas répondu, et qu'il n'y a ni papier, ni encre, ni plume, ni lumière, ni bois, ni crédits pour en avoir.

Ils déclarent donc à l'administration centrale qu'ils vont être forcés de rester chez eux, manquant absolument de tout, si on ne leur accorde des fonds pour se procurer les objets nécessaires pour le bureau, étant obligés de porter du papier de chez eux pour faire le service du bureau municipal » [Note : Reg. 31. Fol. 135].

Les directrices de l'hospice civil de Saint-Pol, croyant que désormais elles pouvaient se permettre un peu plus de latitude dans l'accomplissement des exercices de dévotion, avaient le projet de faire une « Nativité ».Elles furent bientôt rappelées à l'ordre. Voici la mercuriale que leur adressa le citoyen Jacquinot, au nom de la municipalité :

« 2 nivôse, an VII — 22 décembre 1798. — Nous sommes instruits, citoyennes, qu'au mépris des lois concernant les cultes, vous affectez de faire une Nativité dans le dit hospice, d'y recevoir des étrangers. Nous vous défendons très sérieusement de ne pas vous permettre une pareille infraction à la loi, autrement nous serons forcés de vous faire traduire à la police correctionnelle. [Note : Lettres missives. Fol. 28].

Jacquinot ».

(abbé J. Tanguy).

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