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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 39).

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CHAPITRE XXXIX.

SOMMAIRE.

Situation générale de Saint-Pol en 1799. — Procès-verbal dressé par le citoyen Loussaut contre ceux qui n'observaient pas les Fêtes décadaires. — Le juge de paix refuse d'agir. — Recensement de la population. — Bonaparte renverse le Directoire. — Liste générale des émigrés et de leurs parents. — Constitution de l'an VIII. — Sa promulgation. — Nouveau serment prescrit aux fonctionnaires. — Cartes de sûreté délivrées aux prêtres fidèles. — Ils demandent à célébrer leur culte dans l'église principale.

La municipalité de Saint-Pol, nous l'avons vu plus haut, avait pris des mesures pour interdire toute pièce de théâtre qui n'aurait pas été commmuniquée à l'administration. Ces pièces, il est à croire, laissaient à désirer, soit sous le rapport de la morale, soit sous le rapport de l'esprit dont elles étaient pénétrées. Le 23 pluviôse, an VII, — 12 février 1799, — le citoyen Beaubois écrivait en ces termes à la municipalité : Je, Beaubois, régisseur de la société dramatique de Pol-Léon, déclare jouer les jours ci-dessus énoncés qui sont les 4, 7 et 10 de chaque décadi [Note : Lettres missives. Fol. 32]. Le citoyen commissaire du Directoire avait eu à faire un travail sur la situation générale de la commune de Saint-Pol, au commencement de l'année 1799. Voici le rapport qu'il adressa, à cette occasion, au commissaire central, à Quimper. Ce rapport est de nature à exciter la curiosité, car il donne la physionomie assez exacte des choses de cette époque. On y remarquera comment le citoyen Loussaut parle des prêtres fidèles et des émigrés.

Esprit public. — Il n'en existe aucun à la campagne. Le fanatisme est leur idole. — Trop paresseux et trop pusillanimes pour se révolter. — Tandis qu'ils auront parmi eux leurs anciens prêtres qui échappent à toutes les recherches, il sera difficile de les influencer et de leur faire embrasser la morale républicaine.

En ville, presque tous ci-devant parents d'émigrés ou tenant à eux par différentes considérations, caméléons dangereux. Le temps seul, de nouvelles victoires et la paix peuvent quelque chose sur des êtres qui, tant qu'ils auront une lueur d'espoir, resteront accroupis sur l'envie de recouvrer leurs charges et leurs parchemins.

Instruction publique. — La commune est dénuée même de sujets pour exercer les fonctions d'instituteur. Un ex-abbé dont la moralité, sans être mauvaise, n'est pas assez bonne pour influencer suivant les vues du gouvernement les jeunes élèves à qui il donne les premiers principes. D'ailleurs les pères et les mères, ennemis de la chose publique, n'envoient qu'à regret leurs enfants à l'école d'un homme vraiment républicain.

Il existe une école d'hydrographie, dirigée par un professeur d'une excellente moralité, grand travailleur, ayant beaucoup de soin de ses élèves qui sont au nombre de 27, partagés en six classes différentes et qui jusqu'ici répondent à ses soins.

Ces élèves se permettent cependant de s'absenter des écoles sans la permission du professeur et notamment pendant les jours connus, sous l'ancien régime, sous la dénomination de Fêtes et Dimanches. — Le commissaire du Directoire a écrit, à ce sujet, au professeur d'hydrographie, l'invitant à exclure de sa classe les élèves qui, à l'avenir, au mépris des lois du gouvernement, continueraient à ne point suivre les écoles, les jours fériés de l'ancien régime, les seuls jours de repos étant les quintidi et les décadi.

Police des cultes. — Il n'en existe aucun dans la commune ; toutes les églises sont fermées.

Les lois contre les prêtres réfractaires sont exécutées.

Les prêtres insermentés trouvent dans toutes les campagnes des asiles où ils exercent leurs fonctions d'autant plus paisiblement que chaque cultivateur étant pour eux une sentinelle, ces êtres sont avertis de la recherche qui les menace avant que ceux qui les poursuivent puissent seulement apercevoir le lieu qui les recèle. Même protection accordée aux émigrés.

Hospices. — La commune possède un hospice dont l'administration est on ne peut mieux confiée aux ci-devant sœurs de Saint-Thomas-de-Villeneuve qui en sont les infirmières et directrices. Elles y mettent (à part leurs opinions qui sont très douteuses) tout le zèle que l'humanité leur inspire.

Les pauvres sont au nombre de 60. Le revenu de l'hospice est de 2,700 francs. Ce revenu était autrefois de 7,000 francs. La cause de cette réduction est la suppression des rentes existant alors sur divers établissements qui ont été supprimés ou vendus depuis par la Nation.

Fêtes. — Les fêtes nationales et décadaires se célèbrent avec toute la solennité possible. On les accompagne, vu l'insuffisance des moyens, de tout l'appareil militaire qui peut les relever.

Le peuple y prend peu de part, mais la célébration des mariages, mis aux décades, les force à assigner pour ce jour leurs divertissements publics et les formera insensiblement à cette habitude. D'ailleurs l'administration municipale emploie ses conseils et ses exemples, heureuse si elle peut parvenir à les faire suivre.

Routes. — Les grandes routes sont au nombre de deux ; celle de Morlaix et celle de Lesneven et Landivisiau ; elles ne sont pas très mauvaises.

La taxe d'entretien est très souvent frustrée, vu que les barrières sont trop rapprochées de la ville et que des chemins vicinaux permettent de les éviter.

Quelques-uns des employés de la perception de la taxe de barrière n'ont aucune moralité et l'administration municipale les croit susceptibles de détourner les produits de leurs recettes lorsqu'ils voient la possibilité de le faire impunément. 

Les chemins vicinaux sont tous impraticables.

Commerce. — Industrie. — La commune n'a jamais eu d'autre commerce que celui de ses légumes et leur expédition sur Morlaix, Brest et Landerneau.

Le pays, aujourd'hui très pauvre, jouissait autrefois d'une grande aisance par suite de la grande quantité des consommateurs.

On pourrait encore lui rendre une certaine aisance en établissant au ci-devant évêché, seule grande habitation nationale invendue, une manufacture de toile de toute espèce et particulièrement de toile à voile. Les municipalités qui se sont succédé depuis le commencement de la révolution, ont à différentes reprises demandé au Département et au Corps législatif un établissement de ce genre.

Agriculture. — La race des bons chevaux est totalement perdue dans la commune, faute d'un haras national. Il en existait autrefois un, composé de onze à douze chevaux et le canton fournissait de superbes élèves.

Maintenant les fermiers ont chez eux deux ou trois étalons, et chaque cultivateur, moyennant un écu, mène sa jument au saut. Ces paysans avides, consultant plutôt leurs intérêts que la force des produits détériorent la race de deux manières : 1° parce qu'ils les font servir trop jeunes ; — 2° parce qu'ils les font trop travailler.

Si le gouvernement rétablissait les haras, en prélevant l'écu donné au propriétaire de l'étalon, il défrayerait, sinon en tout, du moins en grande partie, les frais de son haras, améliorerait la race et par conséquent raviverait l'industrie de la race chevaline.

Rigide observateur des fêtes du calendrier républicain, le citoyen Loussaut entendait que tous les esprits se missent à l'unisson. Le 1er floréal, an VII — 20 avril 1799, — accompagné de deux gendarmes, il se transporte chez tous les marchands et artisans de la ville pour s'assurer qu'ils observent la fête décadaire. Il dresse procès-verbal contre 19 d'entre eux, pour avoir contrevenu à la loi du 17 fructidor, an VI, sur la célébration des fêtes décadaires.

Le juge de paix Sévézen refuse de mettre l'affaire en audience, attendu que : 1° le réquisitoire du commissaire est rédigé sur papier libre ; 2° que le dit commissaire assigne lui-même les prévenus, devoir qui ne lui incombait pas, mais bien au juge de paix ; 3° que les prévenus sont assignés pour un jour où il n'y a pas communément d'audience.

Loin de battre en retraite, le citoyen Loussaut dénonce la conduite du juge de paix au Directoire de Morlaix, le quel répond que le citoyen Sévézen a agi légalement.

Le citoyen Loussaut ne veut pas se rendre. L'affaire est portée devant le ministre de la justice qui renvoie son dossier à notre fougueux citoyen pour vices de forme, en l'engageant à se conformer à la loi.

Le 24 floréal, an VII, — 14 mai 1799, — séance extraordinaire de l'administration municipale de Paul-Léon, présidée par le citoyen Miorcec, assisté des citoyens Raoul, Ménez, Prud'homme-Keraugon et Jacquinot, administrateurs municipaux.

Présent le citoyen Loussaut, commissaire du Directoire exécutif, le quel a requis que séance tenante « il soit procédé à la formation de la liste générale des individus émigrés de tout sexe qui ont eu leurs derniers domiciles sous le ressort de cette commune, quand même ils auraient été portés sur des listes précédentes, et même des prêtres qui, sujets à la déportation par la loi du 19 fructidor, an V, s'y sont soustraits par la fuite, conformément à l'arrêté du Directoire exécutif du 6 germinal dernier, référé dans la circulaire imprimée du commissaire central du Finistère, en date du 17 floréal, présent mois, lui parvenu par le courrier de ce jour, et dont il a été donné lecture,

L'administration municipale,

Le commissaire du Directoire exécutif entendu,

Arrête qu'il sera procédé sur le champ et séance tenante, à la liste demandée par la circulaire du commissaire central cy-devant datée, pour être ensuite, à la diligence du commissaire du Directoire exécutif près d'elle, adressée au dit commissaire central » [Note : Reg. 32. Fol. 28].

On ne cessait, on le voit, de traquer les prêtres, restés fidèles, ainsi que les émigrés. Comme nous avons donné par ailleurs cette liste, nous ne la reproduirons pas ici.

Quelques jours après, le 20 prairial, an VII, — 11 juin 1799, — la municipalité ordonnait une cérémonie funèbre en l'honneur des citoyens Bonnier et Roberjot, assassinés à Rastad, le 28 avril 1799.

Le cortège, composé de toutes les autorités constituées et des troupes de la garnison, se rendit du bureau de l'administration municipale au temple décadaire pour y déposer une urne sur l'autel disposé pour la recevoir. La musique joua des airs funèbres. Un discours, analogue à la fête, fut prononcé par le citoyen administrateur Jacquinot ; puis les assistants déposèrent au pied de l'urne des branches de chêne brisées.

La cérémonie se termina par des « airs et chants lugubres », et les cris répétés de « vengeance ! Guerre au tyran de l'Autriche ! » [Note : Reg. 32. Fol. 45].

Le 13 messidor, an VII, — 1er juillet 1799, — l'administration municipale prescrivit de faire un recensement de la population. Le recensement fait à la date de ce jour accuse une population de 5,038 habitants, ainsi répartis, savoir : Hommes mariés ou veufs, 997 ; — femmes mariées ou veuves, 1,082 ; — garçons de tout âge, 1,389 ; — filles de tout âge, 1,570 [Note : Reg. 32. Fol. 52].

La note suivante que nous extrayons du registre des délibérations de la municipalité de Saint-Pol porte à croire qu'on craignait qu'il ne se produisit sans tarder de graves événements.

Du 14 brumaire, an VIII — 7 novembre 1799.

« Par suite des arrêtés de l'administration centrale des 7 et 9 brumaire courant, l'administration, le commissaire du Directoire exécutif entendu, arrêtte : 1° que l'administration municipale de cette commune est en permanence ; 2° qu'un de ses membres pernoctera à tour de rôle, suivant l'ordre du tableau, dans le local de ses séances, et recevra les rapports qui lui seront faits dans le cours de la nuit et du jour sur la situation de la commune ; 3° qu'un officier de la troupe de ligne et un de la garde nationale pernocteront
également, à tour de rôle »
[Note : Reg. 32. Fol. 108].

Quatre jours après, 18 brumaire — 9 novembre, — Bonaparte renversait à Paris le Directoire, cet ignoble gouvernement composé d'ignobles bandits.

Les émigrés ne cessaient d'inspirer de grandes frayeurs à nos gouvernants qui les chargeaient gratuitement de crimes dont ils étaient fort innocents. Le jour même où tombait le Directoire, la municipalité de Saint-Pol prenait la délibération suivante que nous reproduisons textuellement.

« Lecture prise de la circulaire de l'administration centrale du Finistère, en date du onze, présent mois, portant qu'il sera, par chaque administration municipale, dressé, séance tenante et sans désemparer, état des pères, mères, fils et petits-fils, frères et beaux-frères d'émigrés et leurs alliés au même degré, désignés par la loi du 3 brumaire, an IV, des ci-devant nobles et ennoblis qui pourroient résider dans son arrondissement, le quel état contiendra des observations sur les principes de politique de ces individus et des renseignements qui pourroient être parvenus à sa connaissance particulière sur leur compte,

Considérant que la loi du 24 messidor, an VII, relative à la répression du brigandage rend cette classe de citoyens civilement et personnellement responsable des assassinats commis dans l'intérieur, en haine de la République,

Considérant que le brigandage et la malveillance s'efforcent de porter dans ce département leur fureur assassine et dévastatrice et y semer les dissensions civiles,

Considérant qu'il est de la sagesse et de la prudence d'activer les mesures de la surveillance la plus sévère et qu'il est de l'intérêt de la commune de prendre tous les moyens pour découvrir et signaler les individus qui pourroient exister dans son arrondissement, dans le cas de l'art. 2 de la loi précitée,

L'administration,

Le commissaire du Directoire exécutif entendu,

Arrête que séance tenante il sera procédé à la formation de l'état des pères, mères, fils, petits-fils, frères et beaux-frères d'émigrés, des ci-devant nobles et ennoblis, résidant en cette commune, lequel état contiendra les observations et renseignements demandés par la dite circulaire et adressé incessamment à l'administration centrale du Finistère.

Signé : Raoul, Prud'homme-Keraugon, Miorcec, Le Floch, Ménez, Ridar, commissaire du Directoire exécutif, Boschet, secrétaire » [Note : Reg. 32. Fol. 111-112].

C'était remettre sous une odieuse surveillance et sans aucun motif légitime toute une classe de citoyens auxquels on ne pouvait reprocher que leur blason.

Les événements désormais vont vite. On sent partout qu'un nouvel ordre de choses va surgir, et les esprits en général étaient tout disposés à l'accueillir avec faveur.

A peine le triomphe de Bonaparte était-il assuré que l'on vit paraître la Constitution de l'an VIII, rédigée par deux commissions législatives auxquelles le conseil des Cinq-Cents et celui des Anciens avaient confié leurs pouvoirs en se séparant. Cette Constitution institua le gouvernement absolu. Bonaparte reçut le titre de premier consul avec des prérogatives immenses. Les deux autres consuls, Cambacérès et Le Brun, ne furent, à vrai dire, que deux ministres, ayant seulement voix délibérative.

On proposa, pour la forme, cette Constitution à l'acceptation de la Nation.

Voici ce qui se passa, en cette circonstance, à la municipalité de Saint-Pol dans la séance du 3 nivôse, an VIII — 23 décembre 1799. — Nous la donnons intégralement.

« Séance de ce jour présidée par le citoyen Miorcec, assisté des citoyens administrateurs, Raoul, Ménez, Prud'homme-Keraugon, Le Floch.

Présent le citoyen Ridar, commissaire du gouvernement.

Le commissaire du gouvernement a déposé sur le bureau un paquet à son adresse, lui parvenu le matin de ce jour par une dépêche extraordinaire du quel paquet ouverture faite, le président a donné lecture à l'assemblée : 1° de la proclamation des consuls de la République française aux Français en datte du 24 frimaire, an VIII ; — 2° de l'arrêté des dits consuls concernant l'ouverture des registres pour l'émission des votes sur la Constitution, en datte du 24 frimaire, aussi an VIII ; — 3° de l'adresse du ministre de la police générale à ses concitoyens, aussi en datte du dit jour 24 frimaire, an VIII ; — enfin de la Constitution de la République française du 28 frimaire, dit an VIII, la dite proclamation, arrêté, adresse et Constitution contenus dans le dit paquet.

L'administration délibérant,

Considérant qu'il est instant de donner aux citoyens de cette commune connaissance de cet acte constitutionnel qui faisoit leur attente et leur impatience et qu'il importe d'apporter à sa promulgation toute la solennité, l'appareil et la pompe convenables,

Considérant que l'article 1er de l'arrêté précité des consuls porte que sitôt la réception de la Constitution, il sera, par les administrations centrales et municipales, les agents communaux, les tribunaux et les juges de paix, ouvert sur papier libre deux registres, l'un d'acceptation, l'autre de non acceptation de la Constitution,

Le commissaire du gouvernement entendu,

Arrête qu'à deux heures de relevée de ce jour, il sera fait sur la place publique et dans les carrefours de cette commune une promulgation solennelle de la Constitution de la République française et qu'à cet effet le commandant de la place sera invité de faire prendre les armes à la troupe de la garnison, la quelle se rendra à la dite heure et en grande tenue dans la cour de la maison commune pour de là escorter dans sa marche et durant la cérémonie l'administration municipale.

Arrête en outre qu'en conformité de l'article 2 du dit arrêté il sera dans le jour envoyé au juge de paix et à chaque notaire de cette commune deux registres sur papier libre, l'un d'acceptation, l'autre de non acceptation de la Constitution.

Ainsi fait et arrêté les dits jour, mois et an que devant » [Note : Reg. 32. Fol. 125-126]. Suivent les signatures.

Quelques jours après, pour se conformer à la loi du 21 nivôse, an VIII, qui exigeait de tous les fonctionnaires publics la promesse de fidélité à la Constitution de l'an VIII, les administrateurs de la commune se rendirent à la salle décadaire et y firent individuellement le serment exigé en ces termes : « Je promets d'être fidèle à la Constitution » [Note : Reg. 32. Fol. 145-146].

A la chute du Directoire, les prêtres fidèles commencèrent à respirer ; ils ne furent plus traqués et traités comme des bêtes fauves. Le nouveau gouvernement délivrait assez volontiers des cartes de sûreté aux prêtres qui en demandaient. Ces cartes leur permettaient d'exercer librement leur culte. Aussi, vit-on bientôt une foule d'ecclésiastiques qui s'étaient cachés pendant la Terreur et sous le Directoire, quitter leurs sombres retraites.

A Saint-Pol, les citoyens Nicolas-Marie Moal, Elle-Joseph Corre, Yves Kerébel, Jean Péron, Jacques-Marie Joseph, prêtres, se présentent, le 13 floréal, an VIII — 3 mai 1800 ; — Hervé Grall et Yves Nédélec, le 5 et le 15 prairial — 25 mai et 5 juin, — au bureau municipal et déclarent que, reparaissant aujourd'hui dans la société, après être restés sans se montrer pendant que les lois dont on a reconnu l'injustice les exposaient à la déportation, si on avait eu connaissance de leur asile, ils entendent fixer leur domicile à Saint-Pol-de-Léon, le tout afin que l'administration puissent user à leur égard de toute surveillance, persuadés qu'ils n'en auront pas à craindre l'effet [Note : Reg. des délib. de la municipalité de Saint-Pol du 10 ventôse, an VIII au 14 frimaire, an IX. Fol. 19-20-21].

Le 26 floréal, an VIII — 16 mai 1800, — la municipalité de Saint-Pol se réunissait, sous la présidence du citoyen Prud'homme-Keraugon, assisté des citoyens Raoul, Ménez, Miorcec, administrateurs municipaux ; présent, le citoyen Ridar, commissaire du gouvernement.

Dans cette séance, le président donne connaissance au conseil d'une circulaire du préfet du département, en date du 23, adressée aux administrations municipales de l'arrondissement, laquelle circulaire, arrivée par le courrier de ce même jour 26, enjoignait aux dites administrations municipales de cesser sur le champ leurs fonctions, conformément à l'article 5 de l'arrêté des consuls du 17 ventôse dernier.

Le président et les administrateurs exercent provisoirement les fonctions d'agent et adjoints provisoires [Note : Reg. des délib. de la municipalité de Saint-Pol du 10 ventôse, an VIII au 14 frimaire, an IX. Fol. 23-24].

Quelques semaines après, le 20 messidor — 9 juillet 1800, — le préfet du département nommait le citoyen Michel Kerhorre, maire de Saint-Pol, et les citoyens Conversy et Chef du Bois, adjoints de la commune. Après avoir prononcé le serment conformément à la loi du 21 nivôse dernier, ils furent installés par le citoyen Prud'homme-Keraugon, ex-président de l'administration [Note : Reg. des délib. de la municipalité de Saint-Pol du 10 ventôse, an VIII au 14 frimaire, an IX. Fol. 34-35].

Une pétition, conçue en ces termes, était déposée sur le bureau municipal le 21 thermidor, an VIII — 9 août 1800 — pour être remise aux citoyens maire et adjoint de la commune.

« Les pétitionnaires soussignés, organes fidèles du vœu général des habitants de cette commune demandent qu'il soit permis aux ministres de leur culte de célébrer en l'église principale.

Déjà autorisés à cet égard par une proclamation du général commandant l'aile gauche de l'armée de l'Ouest, en date du 22 messidor, an VIII, la quelle proclamation vient d'être affichée au lieu même des séances municipales de cette commune, les pétitionnaires soussignés ont cru, pour plus grande sûreté, de venir s'adresser à vous.

Il est notoire, citoyens maire et adjoint, que nos prêtres ont jusqu'ici entretenu la paix, l'union et la concorde parmi leurs concitoyens, et nous nous flattons que telle sera toujours leur conduite.

Nous allons jusqu'à solliciter ici sur nous, comme sur les ministres de notre culte, votre surveillance immédiate et la plus assidue. Avec cette garantie de l'esprit public et à vous connue, les pétitionnaires se flattent du plus heureux succès de leurs demandes.

Ainsi signé : Palierne, Poulpiquet-Brescanvel, Livolant, Gélébart, Miorcec, Péréault, Prud'homme-Keraugon, Le Roux, Bolloré, Cadiou, Le Floch, Fraser, Ménez, Grall, Kervingant, Derrien, Geffroy du Rochglas, Le Boulch, Le Lan, Gourvil, Cocaign, Kéruzec, etc., etc.

Nous, maire et adjoint, certifions la vérité contenue dans la pétition et invitons le citoyen sous-préfet de Morlaix de la prendre, d'après le vœu exprimé des habitants de la commune, en la plus grande considération, l'exercice public du culte catholique ne pouvant que resserrer l'union entre les citoyens et cimenter de plus en plus la tranquillité publique.

Nous invitons au surplus les dits ministres du culte catholique, résidant en cette commune à se transporter de suite à la mairie pour y représenter les cartes de sûreté qui leur ont été accordées par le général Bernadotte, conseiller d'Etat, général en chef et par le général Brune, aussi général en chef. Signé pour les dits généraux en chef : Tilly. Vues en sous-préfecture à Morlaix le 14 messidor, an VIII. — Signé : Duquesne.

Et conformément à l'ordre du jour de l'aile gauche du 22 messidor, an VIII, signé : Debelle, lieutenant de l'armée, approuvé pour être publié et affiché, et les dispositions, rendues applicables aux habitants du département du Finistère. Signé : C. h. Didelot, préfet, et à nous transmis pour être affiché.

Signé : Hervé Chef du Bois, adjoint, Michel Kerhorre, maire, Boschet, secrétaire.

Ce même jour se sont présentés à la municipalité les soussignés ministres du culte catholique de la commune de Saint-Paul-de-Léon, lesquels après avoir fait exhibition des cartes de sûreté dont ils sont porteurs, en ont requis la transcription sur le présent registre pour plus grande authenticité, et afin de pouvoir librement exercer leur culte conformément à l'arrêté et ont signé : — Elie Corre, prêtre, N.-M. Le Moal, prêtre, de Mathézou, prêtre, Yves Kerébel, prêtre.

CARTE DE SÛRETÉ du Citoyen Corre, prêtre.

RÉPUBLIQUE FRANCAISE - Armée de l'Ouest.

Brune,
Conseiller d'Etat, général en chef,

A toutes les autorités constituées et administrations civiles et militaires.

Le citoyen Elie-Joseph Corre, prêtre, ex-recteur du Minihy, commune de Saint-Paul-de-Léon, peut librement exercer dans les villes et les campagnes le culte de la religion catholique. Je l'exhorte à concourir par les voies de son ministère, au maintien de la paix, de l'ordre et de la soumission aux lois.

Fait au quartier général à Rennes, le 17 floréal, an VIII.

 Pour le général en chef, le général chef d'état-major, général de l'armée, signé : Tilly.

Vu en sous-préfecture de Morlaix, ce 14 messidor, an VIII — 2 juillet 1800. — Signé : Duquesne ».

Les cartes de sûreté, délivrées à MM. de Mathézou, Moal, etc., étant conçues dans les mêmes termes, nous ne les reproduirons pas [Note : Reg. des délib. de la municipalité de Saint-Pol du 10 ventôse, an VIII au 14 frimaire, an IX. Fol. 47-48].

« En transmettant le lendemain au sous-préfet de Morlaix la pétition précitée, le citoyen maire de Saint-Pol lui fait connaître que par prudence il n'a pas cru mettre obstacle en ce moment à l'entrée des ministres dans l'église, d'après le vœu général émis de la commune. Ce même jour, cinq messes ont été célébrées à voix basse dans la cy-devant cathédrale. Le peuple témoigne la plus vive satisfaction du retour de ses ministres, et quoique son affluence ait été immense, tout s'est passé dans le plus grand ordre. Il demande par le retour de l'exprès quelle conduite tenir ultérieurement, si besoin est » [Note : Lettres missives du 20 messidor, du 6 au 18 germinal, an IX. Fol 115-116].

(abbé J. Tanguy).

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