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LE CULTE DE SAINT YVES EN BRETAGNE

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saint Yves, patron des Avocats et de la Bretagne

Les deux princes qui étaient en lutte armée pour la possession du duché de Bretagne étaient aussi les plus zélés pour le culte de saint Yves. Charles de Blois, nous l'avons dit, avait fait le voyage d'Avignon pour solliciter sa canonisation. Outre qu'il fit à deux reprises différentes le pèlerinage à pied au tombeau du bienheureux, il porta constamment sur lui une épitoge qui avait appartenu au saint prêtre, et quand il fut tué à la bataille d'Auray, il fut trouvé revêtu du cilice qui peut bien avoir été celui de saint Yves. De plus, pendant sa captivité en Angleterre, dit le Frère Derrien, cordelier de Guingamp, il rédigea une vie de ce saint qu'il comparait à tous les ordres des bienheureux. Le fils de son compétiteur, le duc Jean V, doit être compté parmi les plus dévots à saint Yves. Ce prince, petit-fils de Jean de Montfort, consacra sa vie à réparer les maux infinis que l'interminable guerre de succession avait faits au pays, et son règne ne fut guère troublé que par l'attentat de Penthièvre, petit-fils de Charles de Blois, qui n'était qu'une revanche de la trahison du château de l'Hermine. Pendant sa captivité il fit des vœux qu'il accomplit religieusement. Parmi ces vœux, il faut noter celui de donner à saint, Yves son pesant d'argent destiné à lui édifier un tombeau. Pour exécuter ce vœu, Jean V entreprit, immédiatement après sa délivrance, la construction de cette magnifique chapelle, que l'on admire entre toutes à la cathédrale de Tréguier, connue sous le nom de la chapelle du duc, et qui devait abriter à la fois les reliques de saint Yves et les restes du prince lui-même. Le vœu du pieux duc représentait un poids d'argent de trois cent quatre vingt marcs, ce qui valait plus de vingt mille livres de notre monnaie à la fin du XIXème siècle. Le vœu de Jean V ne dut être exécuté que vers 1420, c'est-à-dire près d'un siècle après la mort de saint Yves, et soixante et quelques années après la canonisation du saint. L'exécution de la chapelle fut confiée aux architectes qui, à cette époque, couvraient la Bretagne de leurs plus beaux chefs-d'œuvre. Quant au tombeau, on dut appeler des ouvriers italiens qui avaient alors la spécialité de ces charmants bas-reliefs en albâtre, que nous trouvons encore dans quelques églises du XVème siècle. L'entrepreneur s'appelait Jacques de Hongrie, et la somme vouée par le duc, ne lui suffisant pas, il fallut encore, pour parfaire de couvrir la tombe en argent, lui verser deux cents marcs en outre de la somme convenue, et même un marc d'or fin, pour dorer l'argent dont la tombe était couverte. Ce splendide cénotaphe, commencé en 1442 ou à peu près, ne fut terminé qu'en 1426, et dura près de cinq ans à construire. Nous n'en connaissons aucun de semblable, si ce n'est celui de Jean XXII à Avignon, qui fut, dit-on, fait sur le môme plan. C'était, dit Albert le Grand, et après lui Dom Lobineau, « un cercueil en pierre blanche, fine et polie comme du marbre. Sur les faces on avait sculpté avec infiniment d'art les victoires de Jean IV le Conquérant, comme pour marquer la reconnaissance dont le père avait chargé le fils de laisser des témoignages publics. Sur le cercueil, la statue du saint dormait couchée. Le tout était couronné d'un dôme de la même pierre blanche, d'une exquise architecture, porté par de sveltes et élégantes colonnettes. Une grille en fer doré, montant depuis le pavé de la cathédrale jusqu'à la voûte, protégeait le chef-d'œuvre ; de longs voiles blancs pendaient à la grille ; les prêtres ne pénétraient dans l'enceinte qu'avec les marques du plus profond respect et revêtus du surplis et de l'étole. ».

Il n'est pas facile d'après cette description de se faire une idée bien exacte de l'ancien tombeau de saint Yves. Il en ressort seulement qu'il y avait un cercueil surmonté de la statue du saint couchée recouvert d'un dôme soutenu par quatre colonnes, le tout de pierre blanche albâtre ou tufeau blanc, qu'on apportait des côtes de Normandie et qui était d'un travail facile ; il était rehaussé d'ornements en argent doré d’une très grande richesse c'est ce qui tenta sans doute la rapacité du bataillon du district d’Etampes envoyé en 1794 pour réprimer les tendances d’incivisme dont les habitants de Tréguier s’étaient rendus coupables aux yeux de la Convention. Ils avaient repoussé à des reprises différentes les gardes nationales de Dinan, de Guingamp et de Pontrieux, expédiées dans le même but ; mais ils durent céder devant ces huit cents hommes d’une brutalité inouïe qui causèrent à Tréguier des dégâts irréparables. Ce bataillon commença par détruire le calvaire érigé vis-à-vis de l’église de Saint-Michel ; mais le nom est toujours resté à cette place et aux quelques maisons qui l’entourent : on les appelle encore tyer ar c’halvar, maisons du Calvaire. Caserné à l’évêché et aux Ursulines, il dévasta ces deux magnifiques établissements. Sous ses auspices, les citoyens qui les avaient appelés en aide, pour faire triompher leurs idées subversives, prirent le dessus, terrorisèrent les paisibles habitants et transformèrent en club la chapelle du séminaire ; puis la trouvant trop petite, ils décrétèrent de la remplacer par la cathédrale qui devint le Temple de la Raison. — La malheureuse jeune fille qui s’était prêtée à remplir le triste rôle de Déesse, bien revenue de tant d’erreurs, a voulu réparer la perte regrettable du testament de saint Yves, brûlé dans ces jours funestes, en faisant peindre une copie de ce document précieux, en un tableau pendu au mur de l'église de Minihy-Tréguier ! — Préalablement il fallut purger cette église des statues et autres monuments du fanatisme, pour parler le langage de l’époque. Des commissaires furent nommés, mais ils ne marchaient pas assez vite au gré de ces forcenés, et le bataillon faisant invasion dans la vieille cathédrale, au lieu d’enlever les objets précieux qu’elle renfermait, brisa et mutila tout à coups de sabre et de pioche ! Les officiers municipaux voulurent en vain s’opposer à ces actes de vandalisme brutal, les armes se tournèrent contre eux, et leurs vies furent sérieusement menacées. En peu d’heures tout fut ruiné : les autels magnifiques, le mausolée de saint Yves, l’avocat des pauvres, l’ami du peuple, le bienfaiteur de tous, le protecteur de la ville, l’orgue, pièce de toute beauté, les statues, les tableaux ; tout fut brûlé ou brisé !

La main de Dieu s’appesantit sur ces féroces étrangers qui périrent presque tous par une terrible épidémie, mais ils furent remplacés par trois cents grenadiers de Rhône-et-Loire, et Tréguier dut passer par toutes les horreurs de ces jours à jamais néfastes. Sa magnifique sonnerie, les superbes cloches Saint-Tugdual et Saint-Yves furent brisées et fondues pour faire des canons. Une seule, le Balthasar, du nom du saint évêque Grangier, fut conservée non pour appeler le peuple à la prière et aux fêtes religieuses, mais pour convoquer à leurs parodies sacrilèges et sonner l’alarme et le tocsin, qui glaçaient d’effroi le cœur des fidèles ! Une église restait à profaner, Notre-Dame de Coatcolvézou. On la choisit pour célébrer la fête de l’Être-Suprême, pour que rien ne restât pur dans la ville de saint Yves. Les reliques du saint furent au moins dérobées à ces mains impies et confiées de nouveau à la terre qui les garda précieusement, jusqu’au réveil de la nation française en proie à un délire de fureur et de haine contre Dieu et sa religion sainte. Il fallut bien du temps pour réparer de telles ruines, beaucoup de larmes et de sang pour apaiser le ciel ! Enfin, après cet orage épouvantable, Dieu fit luire encore sur notre pays dévasté quelques jours sereins. On en profita pour faire disparaître les traces de nos malheureuses discordes. La cathédrale de Tréguier, purifiée de tant d’horreurs, vit recommencer ses belles fêtes de saint Tugdual et de saint Yves, mais avec beaucoup moins d’éclat. Le trône de ses évêques était brisé et jeté aux vents.

En déblayant l’église, on enleva même ce qui restait du tombeau de notre grand saint, et ses reliques, heureusement retrouvées, durent être reléguées dans une armoire de la sacristie ! Monseigneur de Quélen, pour réparer ces outrages faits à Saint Yves, fit confectionner à Paris un très beau reliquaire en bronze doré pour renfermer ses restes vénérés. M. l’abbé Tresvaux qui, comme Monseigneur de Quélen, avait été vicaire à Tréguier, devenu chanoine de la métropole de Paris, a fait élever à ses frais un sarcophage en terre cuite, bien modeste, sans doute, mais précieux hommage aussi de sa piété pour saint Yves. Pendant un grand nombre d’années, ce monument placé sur le lieu de la sépulture du grand thaumaturge breton, a seul représenté la dévotion de nos pères à son tombeau : et c’était la pieuse offrande d’un prêtre étranger à la Basse-Bretagne ! Tout à côté, une pierre blanche, empruntée à la tombe d’un chanoine, cachait l’endroit où était assis le mausolée de Jean V, et une inscription récente la désignait à la vénération des fidèles. Le temps était arrivé où la Bretagne, réveillée elle aussi à la voix de Monseigneur Bouché, son illustre enfant et son évêque vénéré, devait réparer cet oubli d’un siècle, et venir, à la suite de son duc Jean V, payer un tribut de tardif hommage au plus grand de ses saints. Un mausolée plus beau que celui du duc se prépare, et, dans quelques mois, il sera inauguré en présence du pays tout entier !

Note : L’Evêque de Saint-Yves étant mort avant l’inauguration de cette œuvre de piété filiale et nationale tout à la fois, l’honneur en est revenu à Monseigneur Fallières, son vaillant successeur. Le digne prélat y a convoqué tous les évêques de la Bretagne avec Monseigneur Freppel, l’infatigable défenseur de l’Eglise, et l’Evêque de Jéricho, breton lui aussi et d’un ordre toujours cher à saint Yves. Tréguier a donc pu admirer à côté du successeur de ses Evêques, l’illustrissime Cardinal Place, l’éminent métropolitain de la nouvelle province de Bretagne ; son sympathique et éloquent coadjuteur, Monseigneur Gonindard archevêque de Sébaste ; le vénéré doyen des évêques bretons, Monseigneur Bécel, de Vannes, que Rome vient de décorer du Pallium, et l’ancien aumônier des soldats bretons, Monseigneur du Marhallac’h, qui représentait l’Evêque de Quimper. L’inauguration s’est terminée par la splendide procession du 8 septembre. Nulle fête n’avait encore eu cet éclat, au pays de saint Yves.

Tréguier ne fut pas la seule ville bretonne à se montrer dévote à saint Yves, et l'on peut même affirmer qu’il n’y a pas une seule église paroissiale, si modeste qu’elle soit, qui n’ait un autel ou du moins une image consacrée à la mémoire de ce grand saint, et un grand nombre de chapelles s’élevèrent bientôt en son honneur. Il y a peu de familles en Bretagne où son nom ne soit pas transmis de génération en génération, comme un héritage sacré, à l’un de ses nombreux enfants ; et, dans toutes les villes, une place publique, une rue au moins garde cette dénomination patriotique. Il y a sans doute des exceptions, et Lannion, autour de laquelle saint Yves a vécu pendant près de vingt ans, n’a ni rue ni place qui rappelle son nom. Je regrette infiniment d’avoir à le constater. On l’invoque du moins dans la chapelle de la Providence, et sa statue se voit à l’un des piliers de l’église du Bally où elle est toujours accompagnée de fleurs et entourée d’ex-voto. Tréguier d’ailleurs est dans le même cas.

Parmi les paroisses qui se sont érigées sous le vocable de saint Yves, il faut citer, en première ligne, celle de Louannec où, comme on le comprend, tout est rempli de son souvenir et embaumé de ses vertus. Sa fête y est chômée par la volonté des habitants, et, bien qu’elle se célèbre le même jour qu’à Tréguier, l’affluence y est considérable. La procession se fait autour du bourg et devant la belle propriété de la Villeneuve qui ce jour-là s’enguirlande de fleurs et de verdure sur tout le parcours. On y chante les hymnes et les cantiques composés en l’honneur du saint : et le discours du pardonneur, — ainsi s’appelle celui qui préside à la fête — a pour sujet quelqu’une des vertus du saint pasteur qui a évangélisé ce pays. Ce jour, on ne parle que de saint Yves, on ne prie que lui, et chacun des habitants en rentrant le soir dans son foyer, est heureux de pouvoir dire qu’il est sous la garde de ce grand patron. On doit à M. l’abbé Le Moine, le zélé recteur de Louannec, d’avoir fait revivre, d’une manière plus solennelle, le culte de saint Yves dans sa paroisse. Trédrez tient à honneur de célébrer la fête du 19 mai, avec une grande dévotion, mais cette église a gardé la Sainte Vierge pour patronne. Saint Yves ne vient qu’en second lieu. Il en est de même de Minihy-Tréguier, où l’on a respecté également la volonté du saint qui, en fondant cette chapelle, désira qu’elle fût consacrée à la Sainte Vierge. C’est donc Notre-Dame de Coatcolvézou, conservée à la place d’honneur dans cette église, qui en est aussi la patronne. A la fête et durant tout le mois de mai, c’est cependant saint Yves qui est invoqué par les pèlerins, mais le mois de Marie sert en quelque sorte à lui prêter tout l’éclat de ses fleurs, et aussi la protection de la Mère de Dieu.

Quand la ville de Pontrieux se fut assise sur les deux bords de sa belle rivière, elle avait deux chapelles, l’une très belle, dédiée à saint Yves, sur la rive gauche, et l’autre plus modeste, mais plus ancienne encore, sous le vocable de Notre-Dame des Fontaines, sur la rive droite. Après le Concordat, on voulut en faire une paroisse. Le recteur qui desservait alternativement les deux chapelles, avait eu le malheur de prêter le serment à la Constitution civile du clergé, mais il était rentré dans le giron de l’Eglise. On lui laissa le choix de l’une des deux chapelles pour église paroissiale, mais l’autre devait être démolie pour empêcher toute scission ultérieure. C’était une bien dure épreuve imposée au pauvre curé ! Il vénérait saint Yves qui était son patron ; et comme il avait un peu erré dans la foi, ce n’était pas trop d’avoir un bon avocat, quand viendrait le jour suprême. Mais la Sainte Vierge est la Mère de Dieu, le refuge des pécheurs et une avocate non moins puissante et plus tendre encore, puisqu’elle est notre mère. Il pria donc toute la nuit, et le lendemain il opta pour Notre-Dame des Fontaines. C’est aujourd’hui la patronne de cette jeune paroisse qui célèbre son pardon avec un éclat tout particulier et une merveilleuse solennité. Saint Yves n’en aura pas voulu à ce curé, et, au besoin, il sera venu en aide à la Sainte Vierge, pour gagner sa cause auprès de Dieu ; mais les bretons reprocheront toujours aux habitants de la nouvelle ville, de s’être crus obligés d’obéir à ce vœu Jephtéen, et d’avoir détruit une des plus belles chapelles du XVème siècle, dédiée à notre saint. La place du moins a toujours conservé son nom, et sa statue semble protéger l’église bien modeste, mais très ornée, qui a remplacé les deux chapelles en question. Pour ne pas perdre les anciens souvenirs, la Sainte Vierge est restée la patronne de la paroisse, et saint Yves le patron de la ville de Pontrieux.

Le duc de Penthièvre, qui avait reçu de Charles de Blois de si belles reliques, pour sa chapelle de Lamballe, voulut, quelque temps après, bâtir une église dans la lande de la Poterie, en la paroisse de Maroué. Il y avait là une assez grande agglomération d’ouvriers travaillant à cette industrie modeste, mais bien ancienne et très utile au pays. Cette église s’éleva auprès de la lande où ils prenaient leur argile, au centre d’un bosquet d’arbres, non loin d’une belle allée couverte, appelée la grotte aux fées, et saint Yves en fut le patron. Devenue paroisse, elle s’est appelée, et c’est la seule, Saint-Yves de la Poterie. Ayant eu, il y a quelques années un long procès avec un puissant voisin qui revendiquait la propriété de la lande, les industriels de la Poterie se sont rappelés que ce n’est pas en vain qu’ils avaient choisi un saint avocat pour patron. Malgré donc l’éloquence des célébrités du barreau de Paris, les habitants ont invoqué saint Yves et gagné leur cause.

Il serait trop long et peut-être inutile, ou au moins fastidieux, de rechercher l’origine des nombreuses chapelles édifiées en l’honneur de saint Yves dans toute la Bretagne. M. Gaultier du Mottay, dans son iconographie bretonne, en a compté plus de cinquante, et il a sans doute fait bien des oublis ou n’a pas toujours été assez bien renseigné. Il en est de même des quinze églises qui ont notre saint pour patron. Comme il y a peu de paroisses fondées à partir du XIIème siècle, on comprend qu’on n’ait pas voulu mettre le saint breton à la place des saints patrons qui étaient déjà en possession de leurs églises, et lorsque ces bienheureux, peu connus quelquefois en dehors des pays où ils avaient vécu et s’étaient sanctifiés, ont été écartés par je ne sais quel zèle pharisaïque du XVIIème siècle, c’est par les saints Apôtres qu’on les a remplacés, tant on redoutait la critique des prétendus savants de l’époque sur les saints de la pieuse Bretagne. Heureusement, un courant dans le sens opposé s’est produit de nos jours, et l’éminent évêque qui a rendu à saint Yves toute son auréole primitive, vient de prescrire à son clergé, dans les conférences ecclésiastiques, de faire une étude spéciale des modestes saints bretons trop oubliés et relégués dans les cadres des légendes par une critique exagérée, pour ne pas dire autre chose ! Monstrelet déjà un siècle auparavant, faisait de notre pieuse héroïne Jeanne d’Arc, « une fille d’hôtellerie accoutumée à monter à cheval et à faire beaucoup d’autres choses qui ne sont pas ordinaires à son sexe, et parvint à faire lever le siège d’Orléans et à conduire le roi à Reims pour être sacré ! ».

Saint Yves, continue M. Gaultier du Mottay, a des statues ou des autels dans plus de quarante autres églises. On pourrait dire, sans se tromper, qu’il y a peu de paroisses où il ne soit honoré. Tantôt il est représenté en prêtre, allant célébrer les saints mystères ; tantôt, revêtu d’un simple surplis et de sa barrette traditionnelle, prêchant la parole de Dieu ; quelquefois il porte l’aumusse et est assis pour rendre la justice. A Pontivy même, on lui donne une mître et le cordon de saint François. Le plus souvent on le représente assis ou debout, entre le pauvre et le riche, toujours tourné du côté de ce dernier, pour ne point l’intimider dans l’exposé de sa cause. Il serait impossible de compter tous les bas-reliefs et autels ou vitraux qui reproduisent cette scène touchante de charité. Dans l’antique et vénérable collégiale de Rostrenen, notre bienheureux est représenté en costume de sénéchal du XVIIIème siècle. La cathédrale de Tréguier a reproduit, dans une splendide statue adossée au maitre-autel, le soi-disant portrait de saint Yves, peint sur une antique bannière, portée autrefois par les congréganistes, et qui était copié sur une miniature conservée dans la Bibliothèque nationale, à Paris.

Note : Dans la chapelle du Corre en Loquivy-Plougras, un bas-relief curieux représente notre saint en aube, distribuant du blé à une foule de pauvres habillés à la Henri IV. On les voit arriver avec leurs sacs vides et repartir ayant peine à porter leurs charges. A côté du saint le coffre est encore plein, mais le Père éternel qui paraît sur un nuage, lui montre qu’au ciel tous les sacs sont vidés !. Que de fois n’avons-nous pas vu sa statue en granit, plus ou moins bien faite, autour des nombreux calvaires historiés que l’on rencontrait naguère encore, sur les cimetières ou dans les carrefours de notre pays ! Dernièrement nous voyions un pauvre peintre occupé à reproduire, sur la muraille blanchie d’une bien modeste chaumière, le portrait de saint Yves. Quelque peu de terre de couleur, délayée dans de l’eau, lui suffisait pour cette pieuse besogne, qui ne lui rapportait pas une demi-livre ! Qu’importe que les règles de l’art fussent plus ou moins observées, l’image se reconnaissait et il n’était pas besoin d’ajouter au-dessous du piédestal les initiales : S. Y. P. P. N., ce à quoi cependant il ne manquait jamais !. Malgré le grand nombre de peintures du saint qu’il avait déjà faites, son talent ne semblait guère perfectionné ; mais il aura contribué à le faire connaître à sa manière. C’est sa pierre apportée à l’édifice qui se prépare pour la glorification de saint Yves. Il n’est pas jusqu’à ces imageries d’Epinal qui n’aient servi à rendre familier le culte du saint prêtre, et dans les chaumines les plus enfumées, on trouve encore son image en couleurs voyantes avec un de ces guerz qui rapportent les les principaux traits de sa vie. On le chante le soir au foyer et les pâtres le répètent ensuite dans les landes et les lisières des champs, en gardant leurs troupeaux.

Ces guerz n’ont pas tous l’entrain et la poésie de ceux que produit chaque année un barde dévot et bien inspiré. Tout le monde le connaît, bien qu’il ne dise point son nom. M. l’abbé Le Pon a fait chanter saint Yves sur tous les chemins de Tréguier et de Goëllo, le long du rivage et à travers les plaines de l’Arvor. Il ne fera pas oublier cependant, et telle n’est point son intention du reste, ces autres guerz déjà anciens, où l’on rapporte tout au long, soit la vie, soit quelques miracles éclatants ou des bienfaits reçus par l’entremise du saint, et qui gravent dans la mémoire notre saint compatriote, tel que nos ancêtres l’ont connu. Souvent il ne s’agit que d’un fait tout à fait local, dont s’empare un barde de village et qu’il sait rendre intéressant, par tous les charmes dont il l’entoure. Quelquefois c’est une fête qui aura été célébrée avec plus d’éclat que de coutume, et qu’un chant bien rimé transmettra désormais à la postérité ; car chez nous, on ne retient guère que ce qui se chante ! Honneur à la pléiade des bardes qui se réunissent autour du tombeau de saint Yves pour célébrer sa gloire, comme les Pifferari, ces musiciens ambulants, qui s’arrêtent à Rome, devant chaque madone, pour jouer en son honneur les plus beaux airs de leur modeste répertoire !.

J’ai dit plus haut combien les sculpteurs bretons se sont exercés à reproduire les traits de notre bienheureux sur la pierre et le bois. Dans leurs compositions, bien simples et bien primitives quelquefois, ils ont voulu représenter le saint tel qu’ils le concevaient dans l’idéal de leur pensée. C’est toujours le prêtre humble, charitable et savant à la fois : un livre, une bourse, un maintien recueilli, cela suffisait, et ils l’ont rarement manqué ! Qu’on visite nos églises, les plus riches comme les plus pauvres, ces dernières surtout, et l’on trouvera, dans quelque niche d’un beau rétable ou un coin quelconque peut-être isolé, une statue plus ou moins bien sculptée, revêtue de plusieurs couches de couleurs heurtées, mais toujours reconnaissable, du grand saint de la Bretagne.

(France).

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