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LE CULTE DE SAINT YVES A TREGUIER

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saint Yves, patron des Avocats et de la Bretagne

Dès les premières années de ce siècle, aussitôt qu’on eut purifié les temples et relevé les autels, Tréguier songea, pour se consoler de la perte de son évêque, et montrer sa dévotion à saint Yves, à rehausser par la liturgie, l’éclat de la fête de ses patrons. Une petite brochure ou plutôt un petit manuel fut imprimé à cet effet. On y trouve une histoire abrégée de saint Yves, un office propre du saint, pour le quatrième dimanche après Pâques, avec une prose fort belle, pour exalter les merveilles de sa puissance et de ses bienfaits, un cantique de dix-huit couplets, puis ses litanies en latin et en français. Tous savaient ce cantique autrefois, récitaient ces litanies à la prière du soir en commun, et accompagnaient au chœur, le dimanche, le chant des hymnes et de cette messe si populaire que les enfants eux-mêmes l’apprenaient de bonne heure et ne l’oubliaient jamais. Ce livre, qu’on ne trouve plus aujourd’hui, portait l’approbation de Mgr Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc, destiné par la Providence à relever nos ruines. Mais il en favorisa d’autres en ordonnant la destruction des vieilles statues de nos saints bretons qui n’étaient pas à la hauteur du progrès moderne.

L’uniformité de la liturgie, exigée par le retour de nos diocèses au rite romain, fit abandonner le bel office de saint Yves, et l’on ne chanta plus à ses fêtes que l’Isle confessor, et la messe d’un confesseur non pontife. La fête de l’Elévation de son corps, au dernier dimanche d’octobre, fut abandonnée : on ne récita plus ses litanies qu’on ne trouve désormais que dans quelques familles anciennes, et l’on s’habitua à ne voir dans le grand patron de la Bretagne qu’un saint ordinaire. La fête du 19 mai, remise au quatrième dimanche après Pâques, attirait encore plusieurs pèlerins ; mais l’enthousiasme manquait ! Pas de décors, une procession des plus simples, la messe chantée dans l’église de Minihy, les reliques du saint portées par le clergé et saluées par la vieille et superbe bannière de cette paroisse, le retour à Tréguier au chant des vêpres du jour, et c’était fini.

Que l’on compare cette fête pieuse mais sans éclat, à la splendide solennité de la fête du 19 mai, il y a plusieurs années et l’on sera convaincu qu’à la prière de nos évêques, à leur dévotion pour l’humble prêtre qui a laissé une trace si lumineuse dans notre pays, la dévotion des Bretons s’est réveillée, et se manifeste avec plus de pompe que jamais. Un nouvel office de saint Yves, ses hymnes que les vieillards n’avaient pas encore oubliés, le concours empressé de toutes les paroisses du canton ; la cathédrale de Tréguier cachant les pierres rongées de ses vieux murs, sous des flots de bannières et de verdure, sa belle sonnerie annonçant à toutes les riches campagnes de Minihy et de la Presqu’île, la joie de ses habitants et l’approche de la grande fête, c’est Tréguier sortant de son long sommeil ! C’est saint Yves apparaissant plus radieux que jamais à nos jours mauvais. On se croirait au temps où l’Eglise proclamait sa sainteté, déjà honorée par les fidèles, ses reconnaissants compatriotes.

Plusieurs jours d’avance, tout le monde est sur pied : des ateliers de guirlandes et de décors s’établissent dans chaque rue, le travail est activé par une noble émulation ; puis la veille, tous ces chefs-d’œuvre de zèle et de patience s’étalent dans l’intérieur de l’église, le long de ses galeries extérieures ; les rues se tapissent de mousse et de fleurs, les maisons sont toutes pavoisées ; pas d’exception pour saint Yves, les rues se transforment sous des réseaux de riches guirlandes et les arcs de triomphe signalent chaque passage. Heureusement il y a beaucoup de jardins à Tréguier ; on aime les fleurs au pays de saint Yves, et les châteaux voisins fournissent avec bonheur tout ce qu’il faut de verdure, pour cette grande manifestation nationale. Le 19, dès l’aurore, toutes les cloches de la ville annoncent la fête, et les paroisses voisines préparent leurs belles processions !. A une heure convenue d’avance, la procession de la cathédrale sort pour les recevoir et elles arrivent par toutes les rues, au chant d’un cantique breton : les croix et les bannières saluent celles de saint Tugdual et de saint Yves, puis se donnent l’accolade traditionnelle et entrent dans la grande église, où chacune a sa place réservée. Le clergé est nombreux, Monseigneur préside la grande fête, et l’office pontifical commence avec plus de majesté peut-être que du temps de Geffroy de Tournemine, d’Yves de Boisboissel et des autres évêques du temps de notre saint. A la fin de la messe, après le sermon d’usage, la procession se met en marche pour l’église de saint Yves ; mais il faut du temps pour que cette foule compacte, pieuse et recueillie, puisse se former en rang. Chaque paroisse prend la place qui lui est désignée ; les pèlerins qui sont venus isolément ou ensemble, des pays de Goëllo et de la Presqu’île, se mêlent à ces groupes, mais tous voudraient rester autour des reliques pour les vénérer. La musique du Petit-Séminaire alterne ses chants avec les plus beaux morceaux préparés pour la circonstance : les curieux qui ont déjà fait leur pèlerinage s’échelonnent sur les fossés, le long du parcours, et les pauvres qui ne sont pas moins nombreux, font sur tous les tons, un appel touchant à la charité des passants. On arrive à l’église, autrefois la chapelle de Kermartin. Les reliques du bienheureux reposent près de cet autel, pendant la messe qui se dit à l’endroit où lui-même avait si souvent célébré le saint sacrifice en versant d’abondantes larmes !. Quel rapprochement entre près de six siècles ! Bien des événements ont remué depuis ce bon pays de Tréguier, mais la foi y est toujours restée intacte, grâce aux vertus de saint Yves, à ses prédications, à l’exemple qu’il a laissé et à sa protection du haut du ciel. La procession rentre à Tréguier, par un autre chemin : elle passe devant l’avenue de Kermartin, sur la colline de Saint-Michel, et la ville peut à peine suffire pour recevoir et héberger cette foule innombrable de pèlerins et d’étrangers.

Pendant toute l’octave, les processions de plusieurs paroisses étrangères au canton, choisissent une heure convenable et viennent chanter la messe dans l’église de saint Yves, puis continuent jusqu’à son tombeau. C’est partout le même entrain, la même piété. Le jour de l’octave, c’est le tour du canton de Pleumeur-Gauthier, qu’on appelle ordinairement la Presqu’île, à cause de sa position entre le Trieux et le Jaudy. Ces processions se rendent en masses compactes, sans éclat si l’on veut, mais avec une foi profonde et une touchante piété. C’est la clôture pour l’année, des belles fêtes de saint Yves ; mais les pèlerins continuent d’accourir par petits groupes, pendant tout le mois de mai qui, dans le pays, est appelé avec tant de raison aussi, le mois de saint Yves.

Le 29 octobre se célèbre une autre fête d’une nature tout intime, dans la cathédrale de Tréguier : c’est l’anniversaire de la Translation des reliques de saint Yves. Bien que l’office soit chanté pendant le jour, comme aux grands dimanches, on réserve pour la nuit, les dernières vêpres et le sermon. La procession parcourt toutes les nefs de la vaste église splendidement illuminée, puis passe dans l’intérieur et sous la colonnade de son beau cloître. Ici les lampions suivent les mille dentelures de granit de ses arceaux. Une immense couronne de lumières, suspendue on ne sait comment dans le parterre, abrite quelque temps les reliques vénérées, pendant qu’on chante le cantique si populaire : Na n’eus ket en Breiz… Au même instant s’allument, dans la tour d’Hastings, des feux de bengale de toutes les couleurs, qui projettent leurs éblouissants reflets sur tout le vieux cloître, et les nombreux assistants apparaissent rayonnants de mille nuances diverses. C’est encore une belle fête pour l’antique cité, et saint Yves en est toujours l’objet principal.

La fête de la Translation se nomme, dans le pays Saint-Yves d’hiver. Quelques chapelles ont continué à la célébrer encore, entre autres celle de Trohubert, dans la commune de Merzer. Bien qu’elle dépende du château de ce nom, cette chapelle sert pour la paroisse. C’est une famille de Tréguier qui l’a érigée au XVIème siècle : mais le propriétaire actuel tient à honneur de continuer les anciennes traditions du pays, et le dernier dimanche avant d’entrer dans le cœur de l’hiver on aime encore à saluer saint Yves dans cette petite localité, au milieu d’un bosquet d’arbres verts, d’où il bénit le pays de Goudelin qui fut si cher à nos premières années et y conservera toujours, je l’espère, la foi et la piété profonde qui le distinguent.

Il nous resterait bien des choses encore à dire sur le grand saint Yves ; mais nous avons dû nous borner et ne sortir que le moins possible du cadre que nous nous étions tracé : la Bretagne et principalement le pays où le saint prêtre s’est sanctifié en faisant le bien, comme son divin Maître. Il y aurait une lacune dans ce travail, si nous ne disions un mot, avant de finir, de la Chapelle de Saint Yves de Vérité, et du culte superstitieux, dit-on, qu’on y rendait au bon saint. En face de la principale rue de Tréguier, de l’autre côté de son port où le bac passait autrefois les voyageurs pour la presqu’île, s’élevait du temps de saint Yves probablement, une modeste chapelle dédiée à saint Sul, qui peut bien être le même que saint Suliac ou saint Suliau, abbé du VIème siècle, honoré dans plusieurs églises de Bretagne, et principalement à Saint-Suliac près de Saint-Malo, où l’on voit son tombeau. Cette chapelle dépendait du château du Verger et attirait beaucoup de pèlerins. Les seigneurs du Verger, de la famille de Clisson, érigèrent à côté, au XVIIème siècle, un bel ossuaire, sur des colonnes de granit, pour y être enterrés. La chapelle tomba en ruines ; ses pierres furent employées à bâtir des maisons tout à côté ; le calvaire de granit disparut à son tour, à l’exception d’une base à huit pans qu’on y voit encore. Seul, l’ossuaire resta debout et l’on y entassa, sans beaucoup d’ordre, les statues de la chapelle de saint Sul, Notre-Dame de Pitié, saint Sul. Notre-Dame de Bon-Secours, saint Loup, saint Antoine, saint Etienne, saint Claude et deux statues de saint Yves, dont l’une très ancienne. L’autel de la chapelle y fut aussi transporté, mais jamais on n’y a dit la messe. A gauche de l’autel, dans une petite cassette vitrée, l’on voyait un crâne et quelques ossements. C’étaient, dit-on, les restes du dernier des Clisson, mort cordelier au couvent de Saint-François, en Plouguiel. Au-dessous était une espèce de monument avec un écusson de neuf pièces peint de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, sans aucune connaissance de l’art héraldique, par le premier venu. Cet étrange écusson est soutenu par deux lions, et aux deux extrémités de la pierre tumulaire, se voient la Sainte-Vierge et l’Enfant-Jésus, puis saint Yves en mosette avec son aumônière.

On aimait, en descendant la grand’rue, à voir cet élégant reliquaire, au milieu d’une touffe d’arbres verts, et c’était d’ordinaire le but de la promenade des mères et des enfants dans l’après-midi, aux beaux jours de l’été. De là on a une magnifique vue de Tréguier, penché en amphithéâtre jusqu’au beau port qui termine ce paysage. Mais hélas, c’était l’occasion d’un culte superstitieux, auquel se prêtait le quartier du voisinage, avec une complaisance trop coupable, « culte parasite, dit M. Ropartz, enté sur la sainte pratique d’un culte vrai ». Le chrétien instruit, au moment où se discutent devant les tribunaux son honneur, sa fortune et sa vie, invoque saint Yves avec confiance et attend avec plus de calme les décisions de la justice. L’homme du peuple qui n’a pas oublié les épreuves du moyen-âge, où les parties contestantes s’en remettaient directement au jugement de Dieu lui-même, se croyant victime de quelque injustice, sans avoir les moyens de se défendre, ajourne son adversaire connu ou inconnu, devant le tribunal suprême où siège saint Yves-de-Vérité, et il demeure convaincu que celui qui a trahi la vérité, qui a forfait à son devoir, qui n’a pas respecté la justice humaine, mourra dans l’année, frappé par ce justicier implacable, qu’un vœu homicide vient de lui donner pour juge. Telle est la croyance superstitieuse qui s’est perpétuée dans quelques campagnes bretonnes, et certains faits survenus par hasard ou non, semblent leur avoir donné raison. Il y a loin de là à ce qu’un célèbre romancier a appelé Notre-Dame de la Haine, qui, d’après lui, aurait un sanctuaire au pays de Tréguier. Nous ne pouvons que condamner cette déplorable pratique de vouer à saint Yves-de-Vérité. Pour couper court à cette superstition qui déparait le culte si pur et si dévot rendu universellement à saint Yves, dans notre bon pays, M. le recteur de Trédarzec a prié le propriétaire du Verger d’enlever cet ossuaire qui fournissait le prétexte de cet abus criminel, et la soi-disant chapelle de Saint-Yves-de-Vérité n’existe plus sur cette rive droite du Jaudy. Mais peut-on assurer que l’odieuse pratique aura disparu avec ce modeste monument ? Nous n’osons l’espérer, car l’homme a une tendance à s’attacher avec plus de force à l’erreur qu’à la vérité, comme le dit Notre-Seigneur lui-même. Sachant très bien qu’ils commettent le mal, ces hommes, dit-il, détournent les yeux de la lumière qui a brillé dans le monde.

Pour vouer quelqu’un à saint Yves-de-Vérité, on suit une sorte de rituel inventé par la mauvaise foi et la crédulité. Entre autres choses, il fallait visiter sa chapelle, en faire sept fois le tour et y brûler un cierge d’une certaine longueur. Comme la chapelle n’était ouverte que le dimanche, les voisins se chargeaient de cette dernière partie du cérémonial, et en percevaient le prix ; puis le pauvre malheureux s’en retournait, ne se doutant pas peut-être qu’il avait accompli un acte superstitieux et coupable. C’est ainsi que le cordelier qui avait confessé Gilles de Bretagne, à travers les barreaux de sa prison du Guildo, rencontrant le duc son frère et son meurtrier, l’assigna de sa part à comparaître dans quarante jours au tribunal du juge suprême, ce qui arriva en effet, nous dit l’histoire.

Le clergé du moins a toujours combattu ces superstitions, et si les prêtres se sont prêtés à ce culte vicieux, c’est par surprise. On vient en effet demander une messe à saint Yves, se gardant bien d’ajouter pour quels motifs. Le prêtre dit la messe, ne demandant à Dieu, bien entendu, que ce qui est utile pour le salut de leur âme, et non la mort de leurs ennemis. Si quelquefois cependant il s’en est trouvé qui ont déclaré leurs intentions criminelles, le prêtre les a instruits de leurs devoirs, de la charité qu’ils devaient à leur prochain et du soin que l’on doit laisser à Dieu de faire connaître la vérité. Presque toujours ces pauvres gens s’en retournent tout consolés, en remerciant saint Yves de leur avoir obtenu la grâce de ne pas succomber à leurs mauvais désirs.

(France).

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