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ŒUVRES FONDEES SOUS LE PATRONAGE DE SAINT YVES

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saint Yves, patron des Avocats et de la Bretagne

Nous avons dit qu’il y avait, au temps de saint Yves, un hôpital à Tréguier, et que le saint y allait lui-même soigner les malades, habiller les pauvres et ensevelir les morts. Ces sortes d’établissements étaient assez rares cependant à cette époque. Dès le IVème siècle, il est vrai, les empereurs devenus chrétiens ordonnèrent d’en fonder pour les malades avec des hospices pour les vieillards ; mais ces maisons abandonnées à la charité privée ne purent se répandre que bien lentement, et l’Hôtel-Dieu de Paris, fondé au IXème siècle, fut longtemps le seul de ce genre. La lèpre s’étant introduite en France à la suite des croisades, les premiers hôpitaux y furent créés par les chevaliers de Saint-Jean, et le clergé séculier prenant exemple sur ces religieux militaires, commença aussi à en fonder de ses propres deniers. Saint Yves est le premier que nous voyions prendre cette initiative à Tréguier, en bâtissant, auprès de son manoir, une maison pour loger les pauvres et les voyageurs, avec des lits pour les malades. Cet hôpital, relativement modeste, comme on peut le croire, aura servi de modèle aux autres maisons de ce genre, qui ont été fondées plus tard dans toute la Bretagne, et dont un certain nombre porte le nom de saint Yves ou invoque sa protection. Le plus célèbre de ces hôpitaux est celui de Rennes, et bien que les divers gouvernements qui se sont succédé depuis peu, lui aient donné un autre nom, le peuple continue toujours de l’appeler comme anciennement l’hôpital de Saint-Yves. Celui de Morlaix, qu’on fait remonter à une haute antiquité, n’a reçu sa forme définitive qu’au XVème siècle ; il porte le nom de Saint-Efflam et de Saint-Yves. Lannion avait un hospice et un hôpital dédié à saint Yves à l’endroit où est aujourd’hui le bel établissement scolaire tenu par les sœurs du Saint-Esprit : le peuple lui a toujours conservé son ancien nom. Saint-Pol-de-Léon conserve aussi son hôpital Saint-Yves avec une chapelle où sont des vitraux représentant le saint distribuant l’aumône. A Nantes, des particuliers en bâtirent un auprès de l’église Notre-Dame : il était sous le vocable de saint Julien, et ressemblait assez à ces asiles de nuit que l’on vient de créer, il y a peu d’années. Vitré fait remonter le sien au XIIème siècle. C’était comme celui de Tréguier, qui pouvait bien dater de la même époque, une maison où l’on recevait quelques malades de passage. L’hôpital de Saint-Brieuc, fondé pour donner asile aux malheureux atteints du mal des ardents, porta naturellement le nom de Saint-Antoine, qui passait pour guérir de ce mal affreux. Il serait inutile de nous étendre davantage sur ces sortes d’établissements, bien que nous soyons persuadé que la charité de saint Yves pour les pauvres et sa singulière tendresse pour les malades, ont exercé une grande influence sur ces pieuses fondations desservies jusqu’à nos jours par d’humbles et modestes religieuses, dont les soins admirables rappelleront toujours le zèle infatigable et dévoué du saint curé breton. Il est rare qu’il n’y ait pas au moins une salle qui porte son nom dans chacun de leurs établissements.

La souffrance corporelle est sans doute une grande épreuve pour notre pauvre humanité ; mais il y a quelque chose de plus terrible encore, c’est l’isolement et l’exil. Se voir, se parler, s’entretenir du pays, prier les saints de sa province, chanter leurs hymnes et leurs guerz en commun, c’est presque remplacer la patrie absente. Tel dut être le but des confréries ou corporations pieuses, comme on les appelait autrefois. Touchantes institutions bien propres à guérir ou à prévenir les maladies de l’âme, mille fois plus dangereuses que les souffrances du corps. Ce fut la pensée d’Anne de Bretagne, notre bonne duchesse, lorsqu’elle établit à Rome la confrérie de Saint-Yves.

Les confréries, en substance, remontent à une haute origine, bien que, comme association, elles aient souvent changé de nom. Dans l’ancienne Scandinavie, dit M. Augustin Thierry, ceux qui se réunissaient aux époques solennelles, pour sacrifier ensemble, terminaient la cérémonie par un festin religieux. On y vidait à la ronde trois coupes de bière, l’une en l’honneur de la divinité, une autre pour les braves du vieux temps, et la troisième pour les parents et les amis, dont les tombes, marquées par des monticules de gazon, se voyaient cà et là dans la plaine. C’était la coupe de l’amitié, et le nom de ghilde qui fut donné à l’association elle-même, signifie réellement confrérie, parce que tous les participants juraient de se défendre l’un l’autre, et de s’entr’aider comme des frères, dans tous les périls et grands accidents de la vie. Chacune de ces associations était mise sous la garde d’un dieu ou d’un héros, et son nom servait à la désigner. Chaque confrérie avait un chef choisi dans son sein, un trésor commun et des statuts obligatoires pour tous ses membres.

Partout dans leurs migrations, les peuples du nord portaient avec eux le touchant usage de se réunir en confréries : ils le conservèrent même après leur conversion au christianisme, en substituant l’invocation des saints à celle des dieux et des héros, et en remplaçant les coupes de bière par certaines œuvres pies. Les confréries trouvèrent de fortes oppositions dans l’origine ; mais la religion ayant fait disparaître ce qu’il y avait de dangereux dans leur puissante organisation, l’Eglise les encouragea, les bénit, approuva leurs règlements, et d’ordinaire les enrichit de faveurs considérables et de nombreuses indulgences. Elles avaient toujours pour centre une église ou une chapelle, et étaient très répandues au moyen-âge. Nous en trouvons des traces dans nos campagnes bretonnes, autour de quelques modestes sanctuaires, très souvent en ruine ou du moins abandonnés, parce que l’on ne savait plus à quoi ces chapelles étaient destinées, et qu’on ne s’est même pas donné la peine de se le demander. Souvent tout a disparu, même ces ruines vénérées ; mais il reste encore la statue du saint, ordinairement breton, que l’on conserve précieusement dans la plus importante maison du centre de la confrérie. C’est la cloche de la chapelle qui annonçait les joies ou les tristesses du village, car c’est le nom qui lui a été donné depuis peu ; elle sonnait pour les naissances, tintait pour les glas funèbres. L'Angelus du matin, l’Ave Maria du soir et la prière en commun, tout se réglait sur l’heure de la chapelle. Les enfants ne la passaient jamais sans y dire une prière, et quelque vieille grand’mère les y réunissait souvent pour leur apprendre le catéchisme et le chant des cantiques. Quelques villages se sont cotisés pour relever ces ruines ; cette idée mérite de faire son chemin, et les Bretons sont trop attachés à leurs vieux usages pour négliger ce moyen d’honorer les saints de notre pays et de raviver la foi de leurs ancêtres, qui n’avaient pas élevé ces pieux sanctuaires sans de grands motifs de piété, et des raisons d’ordre moral de la plus haute importance.

Nous sommes loin de prétendre que saint Yves ait été le seul inspirateur de ces confréries, qui nous rappellent un âge déjà loin de nous. Ce qui frappe cependant dans les documents de cette vie admirable, c’est de voir que les plus célèbres confréries de notre pays ont été fondées sous son auspice. La confrérie des Bretons fut établie dès l’an 1348, à Paris, par Foulques, évêque de cette ville, en faveur de quelques fidèles chrétiens habitant Paris et originaires, dit le pieux évêque, de la province ecclésiastique de Tours et du duché de Bretagne, en l’honneur de saint Yves canonisé par le Pape régnant. Les rois de France la prirent sous leur protection, et se firent un honneur d’être représentés dans les vitraux de sa chapelle qui était le centre de la confrérie.

A Rome, c’est naturellement autour de l’église de Saint-Yves que s’établit, la confrérie érigée par la duchesse Anne, en faveur des Bretons qui habitaient cette ville ou y arrivaient tous les jours en pèlerinage. Léon X en fit l’institution canonique par une bulle datée de 1513. Elle contenait de nombreux privilèges : pour les prêtres, ils pouvaient dire la messe partout, même dans un lieu frappé d’interdit ; pour les laïques, ils avaient le droit de se choisir leurs confesseurs et de les investir, pour ainsi dire, de pouvoirs spéciaux ; enfin, pour tous, c’était le privilège d’être enterrés dans le cimetière de la chapelle, et plus tard dans la chapelle elle-même. Une foule d’inscriptions funéraires, bien touchantes, ont été relevées sur les dalles, aujourd’hui disparues, de cette église, par Forcella, dans son précieux recueil : Les inscriptions des églises, à partir du XIème siècle.

A côté de cette confrérie s’en forma une autre, créée par les avocats eux-mêmes, toujours sous le patronage de saint Yves, à Rome d’abord, puis dans plusieurs autres villes. Elle avait pour objet de défendre, sans rétribution pécuniaire, les causes des pauvres, des veuves et des orphelins sans ressource. Les confrères assistaient tous les ans à la solennité de la fête du saint, au XIXème jour de mai. Cette cérémonie, dit Franzini, était fort pompeuse, et l’éclat en était encore relevé par la présence d’un grand nombre de cardinaux. Un humaniste prononçait une oraison en latin sur les mérites du saint ; puis un élève du séminaire romain en faisait un chaleureux commentaire à la portée de tout le monde, devant une nombreuse assistance. Le pape Jules II établit, près de l’église de Saint-Yves, un hôpital qui rendit les plus grands services aux malades et aux pèlerins bretons. (Congrès archéol. de France, 1887). La confrérie des avocats existe toujours à Rome, et compte dans ses rangs d’illustres personnages. Benoît XIV en fit partie pendant qu’il n’était encore que l’avocat Lambertini. C’est elle qui donne l’impulsion aux travaux de restauration de l’église de Saint-Yves, que les Bretons attendent avec impatience.

Au commencement du dernier siècle, un célèbre jésuite, le P. de la Rue, fit un très beau panégyrique de notre saint dans son église à Paris, devant une imposante assemblée d’avocats et de jurisconsultes distingués. Il le leur proposait comme le modèle des avocats et des juges. Yves, dit-il, consacra tout son travail à la charité ; il ne lui faut pas d’autre récompense que le mérite de l’avoir pratiquée, surtout à l’égard des pauvres. Il s’en déclara le tuteur et l’avocat, et sans rien attendre d’eux, mais leur remettant tout ce qu’il aurait pu en exiger, il s’estime assez payé de ses soins, par le seul plaisir de relever les faibles qu’on opprime, et d’en être la ressource. Prenez garde, ajouta-t-il, en se tournant vers les juges, que saint Yves, au lieu d’être votre patron, ne soit un jour votre accusateur ; car si c’est par prédilection, par prévention, par crainte, par ménagements, par des vues mercenaires, que vous jugez, vos jugements ne peuvent être conformes à ceux du ciel, et Dieu les fera retomber sur vous-mêmes : Quodcumque judicaveritis in vos redundabit. (II paral. XIX).

A Tréguier il a été fondé depuis quelques années une sorte de confrérie sous le nom de saint Yves pour réunir dans un même centre, et sous la même inspiration, plusieurs œuvres charitables qui existaient déjà. C’est tout à la fois ce que sont devenus depuis les Cercles catholiques, et ce qu’était déjà la Société de Saint-Vincent de Paul ; c’est la Société ou Confrérie de saint Yves. Elle se compose des ouvriers de la ville, à quelque corporation qu’ils appartienent, et le lieu de réunion est le palais épiscopal, avec ses magnifiques dépendances. Dans ces domaines de nos anciens évêques, ils se livrent, le dimanche, à des récréations honnêtes qui les tiennent éloignés des cabarets, où s’engouffrent le plus souvent les ressources de la famille, et s’abrutit notre belle race bretonne, qui, sans le vice de l’intempérance, serait la première du monde. Il y a même une bibliothèque assez variée et l’on peut y lire ou emporter les ouvrages chez soi. Les familles des sociétaires sont visitées tous les mois par les patrons, et un bureau de charité pourvoit à leurs plus pressants besoins. Un ouvroir y est annexé ; les jeunes filles y trouvent de l’ouvrage, et les vieillards ont un atelier pour teiller le lin qu’on livre pour être filé à domicile, et les pauvres de l’hôpital font jouer leurs métiers de bon matin, pour en faire de belles pièces de toile. Les enfants sont nourris à l’asile, des restes qu’on y apporte de tous les ménages de la ville. La Société a prévu tous les besoins : une caisse des loyers reçoit le superflu accidentel de l’épargne du pauvre, qui voit sans inquiétude approcher le terme fatal où il devra payer son modeste logis. Un prêtre zélé et charitable, M. l’abbé Guichet, mort curé de la ville, a fondé cette œuvre de Saint-Yves, avec l’aide d’une religieuse du Saint-Esprit, d’une grande capacité. Leur mémoire est toujours vénérée à Tréguier. M. le Goff, le sympathique archiprêtre de la ville, et les Sœurs de la Providence, ont trop à cœur tout ce qui regarde le culte de Saint-Yves, pour ne pas continuer ou étendre encore davantage une œuvre qui répond si bien à la grande charité de leur illustre patron.

Parmi les œuvres les plus touchantes qui se soient fondées sous le doux nom de Saint-Yves, il faut placer L'Œuvre de la Cléricature que Monseigneur Bouché, l’évêque si sympathique aux bretons, a eu la bonne pensée d’établir dans son diocèse. A qui pouvait-on confier plus utilement ces jeunes Cloarecs bretons qui ont eu leurs légendes et leurs guerz dans notre littérature nationale, et dont le caractère n’a guère changé depuis trois siècles ? Nous les trouvons encore, suspendant un moment le travail du champ, pour repasser furtivement la leçon donnée par le bon prêtre qui en fera rendre compte à la veillée de son presbytère, ou encore quittant, aux heures du repos, l’atelier ou le bureau, pour aller prendre un devoir à la hâte, à son curé qui l’attend dans sa sacristie. Deux ou trois ans après, ils se coudoieront dans le même petit-séminaire, pour y achever des études péniblement commencées, entretenues par la charité des bonnes âmes qui ont à cœur le recrutement du sacerdoce. Saint Yves avait lui-même été à l’école presbytérale de Kerbors, et s’il aimait à ramasser, sur les rues de Tréguier et dans les chemins de Minihy, les petits enfants souffreteux, pour les réchauffer sous sa robe de bure blanche et les nourrir ensuite à Kermartin, si ses principaux miracles ont été opérés en faveur des enfants, quelquefois même avant leur naissance, il ne peut se trouver rien de plus convenable que de placer sous son auspice la vocation de ces enfants du peuple, destinés aussi un jour à devenir ses successeurs dans le ministère paroissial. Ils se transformeront en missionnaires pour évangéliser nos campagnes bretonnes, en se rappelant le zèle de ce saint patron et son ardente charité. Que faut-il davantage pour opérer encore des prodiges au pays de saint Yves ! En ressuscitant son culte, on fait revivre ses plus nobles vertus, et l’on perpétue dans la Bretagne la mission que Dieu lui avait confiée sur la terre, et qu’il protégera du haut du ciel !

Si l’on n’avait pas eu à rattacher l’œuvre des militaires à cette grande organisation française qui a choisi la Sainte-Vierge pour protectrice, c’est encore saint Yves qu’on aurait chargé de protéger nos soldats bretons. Autrefois nos ancêtres l’invoquaient sur le champ de bataille, et au Combat des Trente, cet exploit héroïque que les nations nous envient, les chevaliers bretons invoquaient saint Yves, après Jésus et Marie ! Beaumanoir qui buvait son sang, pour apaiser sa soif, promet de frapper fort sur les Anglais et de les vaincre, s’il plaît au Roi de gloire, à sainte Marie et à saint Yves le bon en qui moult il se confie. — A donc, en avant, s’écrie Charles de Blois à la bataille d’Auray, au nom de Dieu, et de Monseigneur saint Yves !

C’est ainsi qu’en tout temps les Bretons se sont voués à saint Yves, et le qualificatif de Saint-Yves-des-Bretons, lui est resté à Rome, à Paris et partout ailleurs où nos pères se sont établis, pour montrer que les Bretons c’est son peuple à lui, et que c’est à lui que Dieu les a confiés. De là aussi, de leur côté, une confiance sans borne, une foi presque aveugle, et au fond de quelque campagne, on entend encore répéter avec une extrême naïveté, que saint Yves aurait été le bon Dieu, s’il l’avait voulu !

(France).

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