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PERSONNAGES DEVOTS A SAINT YVES

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saint Yves, patron des Avocats et de la Bretagne

Nous n’avons fait qu’esquisser le culte tout particulier de quelques personnages historiques, pour notre grand saint Yves. Nous devons à leur piété et à la gloire du saint, de donner certains développements à ces pages de sa vie, afin de montrer que ce n’est pas seulement le peuple qui s’est chargé d’acclamer la sainteté et les vertus de notre bienheureux, mais encore les grands et les princes de la terre, en recourant à sa protection et en proclamant ses bienfaits.

Les familles qui ont eu les rapports les plus intimes avec saint Yves, de son vivant, n’ont pas sans doute été les dernières à l’honorer après sa mort ; par exemple, les Pestivien, les Tournemine, les Rostrenen, les Kerwézec, les Cabanac, les du Rumen, et tant d’autres en faveur desquels il a opéré les plus consolantes merveilles. Cependant nous ne trouvons aucune trace de leur reconnaissance dans les écrits postérieurs à sa canonisation. On n’écrivait que ce qui pouvait passer pour extraordinaire, et généralement ce qui avait rapport à des personnes étrangères à la localité ou désignées à l’attention publique, par l’importance de leur position dans le monde.

Nons avons parlé de Charles de Blois, duc de Bretagne, et de son double pèlerinage au tombeau de saint Yves. C’est ce prince qui se rendit à Avignon, près de Clément VI, pour presser le Souverain Pontife de procéder à la canonisation du saint prêtre. Il semblait pressentir sa fin prochaine et ne voulait pas cependant quitter la vie avant d’avoir vu honorer, sur les autels, son saint de prédilection. Par un effet de la Providence, les saints se connaissent et s’aiment d’un amour tout particulier dont le rayonnement est en Dieu. Qui était plus à même d’apprécier saint Yves que Charles de Blois ? C’était la même générosité pour les pauvres, avec des austérités non moins effrayantes, la piété la plus tendre et une sainteté de vie que nous admirons toujours. Comme Yves de Kermartin, Charles voyait Dieu présent partout, surtout dans ses temples où il lui rendait constamment ses hommages. Dans les pauvres, il considérait Jésus-Christ souffrant, se faisant lui-même l’objet de notre compassion et de nos aumônes. Il honorait, dans les personnes affligées, Celui qui s’y est en quelque sorte renfermé, pour recevoir nos services et les récompenser au centuple. C’est dans cette pensée de foi profonde que cet humble prince se faisait un devoir de servir les pauvres, avec le même respect et presque le même culte que si Jésus-Christ avait été présent en personne sous les haillons de leurs misères. Il leur lavait les pieds, leur baisait les mains, puis leur faisait apporter tout ce qui était servi de plus succulent à sa table. Souvent il les faisait dîner dans sa maison, et se gardait bien de prendre son repas avant de les avoir servis de ses propres mains. Si parmi eux il s’en trouvait un plus misérable ou plus malpropre que les autres, c’est à lui qu’il réservait ses plus affectueuses tendresses. On croirait, en lisant la vie de ce prince, être tombé sur quelques pages égarées de l’histoire de saint Yves, tant il y a d’intimes rapports entre ces deux saintes vies.

Plus riche que le modeste seigneur de Kermartin, Charles put le dépasser en largesses et en générosité. Il avait aussi hérité de son père d’un grand amour pour les pauvres, et dès qu’il fut duc de Bretagne, il bâtit pour eux plusieurs hôpitaux, à Guingamp et dans les villes où ils avaient le plus à souffrir. Il y visitait souvent les malades, s’approchait de leurs lits, se faisait montrer leurs plaies et les pansait souvent de ses propres mains, leur faisait apporter le repas qu’on lui avait servi, ne se réservant que des restes grossiers, encore n’en mangeait-il que juste ce qu’il fallait pour ne pas mourir. Quand il fut relevé mort sur le champ de bataille d’Auray, il avait, sur sa chair nue, un cilice de crins bruns, comme celui de saint Yves, et par dessus, l’habit de ce saint prêtre qu’il porta constamment comme pour mettre ses austérités sous les auspices de ce saint et les rendre plus méritoires aux yeux de Dieu.

Pendant sa captivité en Angleterre, le bon duc s’était appliqué à composer un ouvrage de piété, en l’honneur de saint Yves. Il y passait en revue les principaux saints, et les comparait un à un avec son héros. C’était, disait-il, un saint Denys en sublimité de contemplation ; un saint Athanase en constance ; un saint Basile en austérités ; un saint Cyprien en générosité ; un saint Grégoire en vigilance et en sollicitude ; un saint Augustin en douceur ; un saint Ambroise en majesté ; un saint Jean Chrysostôme en éloquence ; un saint Bernard en dévotion à Marie. L’ouvrage était sans doute composé en guerz, ou prose-rimée, assez en usage à cette époque, pour être chanté le soir à la veillée ou sur la place publique les jours de foires et de pardons. Cette composition infiniment précieuse d’un Saint écrivant la vie d’un saint, n’est pas parvenue jusqu’à nous, soit que le pieux auteur n’ait pas pu la terminer, ou que la main du temps l’ait anéantie pour jamais, comme beaucoup d’autres documents dont nous déplorerons toujours la perte irréparable. Le prince captif, qui n’était pas seulement poète, mais encore musicien, y avait adapté un chant si mélodieux, dit Albert le Grand, que plusieurs en prirent copie, et fut chanté en divers lieux de Bretaigne.

Un jour viendra peut-être où les Bretons prieront le Pontife suprême de reprendre la procédure de la canonisation du bienheureux Charles de Blois, afin qu’ils puissent le prier et voir sa statue sur nos autels, à côté de celle de saint Yves qu’il avait pris pour modèle et dont il fut le plus zélé serviteur !

Le successeur de Charles de Blois sur le trône ducal, Jean V, fils du Conquérant, ne se montra pas moins dévot à saint Yves que les autres princes de sa famille. Surpris à Chantonceaux par la trahison des Penthièvre, il se vit traîné de prison en prison, pendant que ses ennemis ravageaient ses Etats et s’emparaient des principales villes de son duché. Ne sachant à quels saints se vouer pour faire cesser une captivité dont on lui faisait, à dessein, sentir tout le poids et l’amertume, le pauvre captif songea au bienheureux Yves de Kermartin que l’Eglise venait de placer solennellement sur ses autels. Il promit donc, entre autres choses, son pesant d’argent au tombeau du saint, s’il était délivré avant la fin de l’année, et sa demande ayant été exaucée, il accomplit loyalement son vœu. Il se fit placer tout armé dans le plateau d’une balance, et il fallut plus de trois cents vingt marcs d’argent pour équilibrer son poids, ce qui représentait une somme de vingt mille livres. Jean entreprit aussitôt la construction de cette belle chapelle qui porte encore son nom, ainsi que le tombeau monumental du saint prêtre. Pour finir cette œuvre admirable, le duc fut encore obligé d’ajouter deux cents marcs d’argent, et un marc d’or. Tout a disparu, excepté la chapelle ducale qui semblait destinée à devenir le sanctuaire du magnifique monument qui a été érigé pour expier le vandalisme et l’ingratitude du XVIIIème siècle.

L’autel pourrait être placé entre les deux verrières qui serviront de chevet et cette disposition, laissant libres les deux extrémités de la chapelle, on pourra y peindre les principaux traits de la vie de saint Yves. Plus d’un artiste sera heureux de saisir au vif quelques scènes de cette vie admirable pour les y reproduire en fresque, avec les riches et pittoresques costumes de l’époque. Déjà Lamothe, un des premiers élèves de Flandrin, sur la demande d’un de ses amis, M. Hyacinthe Duportal du Goasmeur, a représenté sur les trois panneaux de l’abside de la cathédrale, le Christ consolateur avec la Sainte famille, travail généralement admiré et qui n’a rien perdu de sa fraîcheur. Il aura, il faut l’espérer, des imitateurs, et quand il s’agira de saint Yves, les cœurs trécorrois ne manqueront jamais de générosité !

Jean V ne se contenta pas de ce magnifique ex-voto. Il voulut encore, par son testament, perpétuer d’une autre manière sa dévotion pour son saint protecteur. « Par la singulière dévotion que nous portons à saint Yves qui repose en la cathédrale de Tréguier, nous avons, dit-il, choisi nous-même cette église pour lieu de notre sépulture. En conséquence avons ordonné et ordonnons par ces présentes, de faire une fondation d’office divin, à dotation de rentes ci-après désignées, pour célébrer en la dite église, des messes, processions et anniversaires.... ». Pour l’entretien de ces offices et services religieux, le duc donne cinq cents livres de rentes annuelles, à prendre sur les devoirs du hâvre ou port de la Roche-Derrien. Cet acte donné à Vannes est daté du 7 octobre 1420.

Jean mourut deux ans après, en son manoir de la Touche près de Nantes. Son cœur est resté dans la cathédrale de cette ville, et son corps, après neuf ans de procès, a été rendu à sa chapelle de Tréguier, et placé près du tombeau de saint Yves. Il fallut toute la science et l’habileté du chanoine Jean de Lantillac, archidiacre de Plougastel, pour obliger les chanoines de Nantes à nous rendre ce précieux dépôt. Le bon prince a reposé en paix dans cette sépulture, jusqu’à la tourmente révolutionnaire. Sa tombe fut fouillée et profanée, comme toutes celles de la cathédrale, par des gens avides d’or et d’argent, et plus encore, semble-t-il, de destruction.

Le sol de la chapelle du duc ayant été remué, en 1868, pour préparer un caveau aux restes de Mgr Le Mintier de Saint-André, dernier évêque de Tréguier, ramené de l’exil où l’avait jeté cette même tourmente, on découvrit un crâne qu’on a supposé être celui du duc. Un de nos amis, M. R. Villeneufve, le fit renfermer dans une urne de terre grossière et le déposa dans sa tombe séculaire.

Note : On vient de découvrir ce caveau aussi fraîchement conservé qu’au premier jour. Deux chevalets en fer avec quelques restes de planches et deux ou trois esquilles, qui tombent en poussière, c’est tout ce qui s’y trouvait. Une pierre blanche, celle qui recouvrait la tombe de saint Yves, vient d’y être placée avec une inscription qui résume les titres et la vie du duc Jean V.

La translation des restes de Jean V à Tréguier amena, au tombeau de saint Yves, le nouveau duc, Pierre II, avec sa sainte épouse, la bienheureuse Françoise d’Amboise. Il n’est pas impossible que, pendant son séjour au château de Guingamp, la pieuse duchesse se soit rendue, une année ou l’autre, à la fête de Tréguier. Elle avait cependant une dévotion, plus prononcée encore, pour un autre saint apôtre qui, un demi-siècle auparavant, avait aussi évangélisé la Bretagne, saint Vincent Ferrier.

Vincent, dans le cours de ses missions, voulut lui-même prier sur le tombeau de saint Yves. C’est en 1418 qu’il se rendit à Tréguier. Dès que son arrivée fut annoncée, l’évêque, Mathias du Cosquer, vint au devant de lui, jusqu’à Crec’h-Mikel, accompagné de ses chanoines et de tout le clergé de la ville. Le pieux missionnaire fut conduit par ce cortège imposant jusqu’à l’église, et après s’être prosterné sur le tombeau du saint, il chanta la grand’messe et prêcha avec cette éloquence du cœur et cette onction qui sont restées populaires dans les paroisses qu’il a évangélisées. Vincent mourut l’année suivante, à Vannes, comme s’il ne lui manquait que de voir saint Yves sur la terre pour aller le rejoindre au ciel !

Vincent Ferrier avait été à Nantes le directeur spirituel de Jeanne de France, mère du duc Pierre II. C’est pour cette raison et à cause de son éminente sainteté, que la bonne duchesse Françoise d’Amboise avait toujours eu pour lui la plus grande vénération. Jean V, son aïeul, avait fait commencer la procédure de la canonisation du saint missionnaire ; mais sa mort en interrompit le cours, et la duchesse, en se prosternant sur le tombeau de saint Yves, le pria d’aider son mari à reprendre cette cause qui lui tenait tant à cœur. Sa prière fut exaucée, car le duc eut aussi la même pensée, et demanda de son côté cette grâce, par l’entremise du saint prêtre de Tréguier. Dès qu’il fut de retour à Nantes, il écrivit au général des Frères-Prêcheurs, pour le prier de l’accompagner auprès du Souverain Pontife, et de solliciter avec lui la canonisation de saint Vincent Ferrier. Callixte III, successeur du pape Nicolas, chargea le cardinal de Coëtivy, encore un breton, de faire un rapport sur les miracles et la sainteté de cet autre émule de saint Yves, et saint Vincent Ferrier reçut l’année suivante les honneurs de la canonisation (1455).

On ne sait par quel dessein providentiel, une partie importante des reliques de saint Vincent ont été transportées à Pleubian, près de Tréguier. Il n’y a pas d’authentique, il est vrai, mais la tradition et l’analyse des ossements conservés de temps immémorial dans cette église, semblent une preuve péremptoire. Ces reliques sont conservées dans la base en bois recouverte de lames d’argent, d’une statue de saint Vincent qui a disparu. Le reliquaire est partagé en neuf parties par des cloisons, et chaque ossement porte imprimé le nom de saint Vincent Ferrier. L’analyse a démontré que ces ossements appartiennent à un homme d’une soixantaine d’années, qui devait être boîteux. On se demande si Mgr Hamon, frère de l’abbesse de Saint-Georges, n’aurait pas donné ces reliques à cette abbaye, qui les aurait fait parvenir à Pleubian, où existait un des plus célèbres prieurés de cette communauté, et cela pour les dérober aux Espagnols qui cherchaient à enlever ce trésor à la Bretagne. Ou bien saint Vincent et saint Yves auront-ils voulu reposer l’un auprès de l’autre, dans cette terre si hospitalière du pays de Tréguier. Nous l’ignorons et n’osons hasarder aucune conjecture, nous bornant seulement à signaler ce fait à la discussion de nos confrères dont les travaux sur la Bretagne méritent les plus grands éloges.

Quelques années après, Charles, duc de Berri, frère de Louis XI, roi de France, vint aussi en pèlerinage au tombeau de saint Yves (1469). Il était très lié avec François II, le nouveau duc de Bretagne, qu’il avait attiré, avec quelques autres seigneurs, dans la Ligue du Bien public. Quand la paix fut faite, Louis XI voulut s’attacher les Bretons, croyant que leur duc aurait accepté le collier de l’ordre de Saint-Michel qu’il venait de créer pour les souverains. Son frère, chargé de cette mission, voulut passer par Tréguier où il resta trois jours. Le premier jour, il déposa un réal d’or sur le chef de saint Yves, le second jour, deux écus d’argent, l’un sur le tombeau, l’autre dans le chœur du duc. Avant de partir il tint à passer une nuit tout entière pour faire la veillée sur la tombe du bienheureux, auquel il adressa les plus ferventes prières.

Le 14 du mois de septembre de l’année 1484, un autre prince de la famille de Lancastre, Henri Tudor, qui régna plus tard en Angleterre sous le nom de Henri VII, voulut aussi visiter le tombeau de saint Yves. Il avait été exilé pendant la guerre des Deux-Roses, et son cousin le duc de Bretagne lui avait offert l’hospitalité dans ses Etats. Le chapitre de Tréguier, prévenu de son arrivée, alla au devant de lui et le reçut avec tous les honneurs dus à son rang et à ses malheurs. Il fut conduit sur le tombeau du saint où il pria longtemps.

Anne, la nouvelle duchesse, qui avait remplacé son frère sur le trône de Bretagne, renouvela envers saint Yves la dévotion héréditaire dans sa famille. Elevée par Françoise de Dinan, veuve de l’infortuné Gilles de Bretagne, Anne reçut une éducation toute bretonne, et jusque sur le trône de France elle ne rêvait qu’à son pays et ne priait que les saints de sa chère Bretagne. Eprouvant peut-être, comme les vrais bretons, le mal du pays, elle désira le revoir et visiter les sanctuaires les plus célèbres de son duché. La reine vint donc, en 1506, à Notre-Dame de Bon-Secours de Guingamp où elle donna une cloche qui porte encore son nom, puis à Morlaix pour se rendre à Notre-Dame du Folgoët et à Saint-Jean-du-Doigt, où elle laissa, comme marque de sa reconnaissance, un magnifique calice qu’on y admire encore et des burettes qui ont disparu depuis peu. Anne réserva, en dernier lieu, son pèlerinage au tombeau de saint Yves. Elle fut reçue à Tréguier avec toutes sortes de magnificences, et les fêtes données à cette occasion durèrent plusieurs jours. L’évêque nommé, Antoine de Grignaux, n’ayant pas encore pris possession de son siège, ce fut le chapitre qui la conduisit dans la chapelle du Duc son aïeul, et sur le tombeau de saint Yves, à l’intercession duquel elle devait peut-être d’avoir terminé ses démêlés avec le vicomte de Rohan qui l’avait poursuivie, pour une liquidation de succession, jusque sur le trône de France. Nous ne voyons pas que la reine, ou plutôt la bonne duchesse, comme on se plaisait à l’appeler, ait laissé aucun souvenir de son passage à Tréguier. On peut croire cependant, qu’après ses libéralités aux premiers sanctuaires qu’elle a visités, elle n’a pas dû non plus oublier le tombeau de saint Yves [Note : C’est peut-être elle qui a donné un calice en argent doré, aux armes de France et de Bretagne, dont parle M. de Barthélémy dans la description du trésor de la cathédrale de Tréguier].

Un célèbre missionnaire, qui a remué, par sa parole ardente, une foule de paroisses bretonnes, le P. Julien Maunoir, est venu, l’an 1656, donner une première mission à Tréguier. C’est sur le tombeau de saint Yves qu’il a commencé ses exercices spirituels qui ont duré plusieurs semaines. Nul doute qu’il n’ait puisé, dans sa prière à saint Yves, plus de zèle et de ferveur encore pour évangéliser les campagnes où le saint prêtre avait prêché si souvent. Le grand évêque qui, comme un simple prêtre, accompagnait le P. Maunoir dans ses missions, Monseigneur Balthazar Grangier, avait lui-même une dévotion particulière pour l’humble curé qui reposait dans sa cathédrale. Il puisa dans l’exemple de sa vie, ce zèle apostolique, cette charité ardente et cette sainteté, dont le souvenir couronne sa mémoire toujours vénérée au pays de Tréguier. C’est lui qui a fondé tous les hôpitaux de son diocèse et appelé les ordres religieux dont les maisons existent encore, bien que veuves, en grand nombre, des saintes âmes qui y ont, pendant longtemps, chanté les louanges de Dieu, et accompli tant d’œuvres de charité.

Quelques-uns croient que l’illustre contemporain de Monseigneur Grangier, saint Vincent de Paul, serait venu lui-même, à Tréguier, installer les religieux de sa congrégation que cet évêque y avait appelés. Avec quelle ferveur l’apôtre de la charité aura prié sur la tombe de saint Yves, l’humble prêtre qui, trois siècles auparavant, porta si loin l’amour des pauvres et le zèle du salut des âmes !

Les autres évêques de Tréguier et les nombreux abbés de ce diocèse, aujourd’hui supprimé, se sont, tour à tour, agenouillés sur ces dalles, qui recouvrent les restes du bienheureux Yves de Kermartin ; et Monseigneur l’Evêque de Saint-Brieuc et Tréguier (Mgr Bouché entr'autre), en interrompant chaque année ses visites pastorales, pour venir en personne célébrer sa fête à Tréguier, montre autant, et plus peut-être, que tous ceux qui l’ont précédé sur le siège de saint Tugdual, combien est grand son amour pour l’humble curé qui jette, sur la plus belle partie de son diocèse, les reflets de sa sainteté et de ses éclatantes vertus.

Des milliers de pèlerins viennent tous les ans, à la suite de l'Evêque de saint Yves, prier notre saint national et le remercier des faveurs signalées obtenues par son intercession. C’est une grande et pieuse manifestation, à laquelle personne ne veut rester étranger ; et ceux qui ne peuvent assister à cette belle fête, y sont au moins présents par la pensée et le cœur ! Le marin qui voit de loin le clocher de son église, se découvre et le prie ; l’humble bâtelier qui descend ou remonte le large estuaire du Jaudy, commence à réciter, tout haut, la prière du soir ou du matin, dès qu’il entend l’Angelus de saint Yves, et ses compagnons lui répondent avec une touchante piété et un entrain admirable ! Honneur à M. le vicomte de Roquefeuil, le maire bien-aimé de la commune, qui restaure cette église et son clocher de ses propres deniers et avec une élégance qui rendra ce sanctuaire, déjà vénérable à tous les points de vue, un des plus beaux sanctuaires de la Bretagne : saint Yves mérite bien ce zèle et ce dévouement qu’il récompensera au centuple.

Parmi les ordres religieux qui se sont montrés particulièrement dévots à saint Yves, il faut citer surtout les religieux de saint François. On sait combien notre saint leur était attaché. Ils furent partout ses directeurs et ses maîtres. On a cru même, et les leçons de notre bréviaire le donnent à entendre, on a cru que saint Yves s’était fait inscrire, dès le commencement, parmi les Tertiaires de cet ordre, et qu’il y conforma exactement sa vie : jampridem ordini tertiariorum Bti Francisci nomen dederat, etc.

Les Franciscains, de leur côté, à partir du XVIIème siècle, ont inséré sa fête dans leur calendrier et célébré son double office dans leur bréviaire et leur missel. C’est une forte présomption, nous n’en disconvenons pas, mais c’est tout. Nous nous garderons bien cependant d’y contredire, aussi bien que de produire les raisons de ceux qui ont fait admettre une opinion contraire, quelque pieuse qu’elle soit, ne voulant pas introduire de discussions dans ce travail où nous avons voulu présenter tout d’un trait la vie de saint Yves.

L’insertion de sa vie dans un ouvrage récent qui donne l’histoire abrégée des plus zélés serviteurs de saint François, n’a pas détruit la conviction de ceux qui n’ont vu dans notre saint, qu’un humble et saint prêtre, modèle du clergé paroissial, qui n’a cherché d’autre couronne que celle de son sacerdoce !

Après les ordres religieux, on pourrait signaler quelques paroisses, qui ont montré et montrent encore, chaque année, une dévotion extraordinaire à saint Yves. Ici, je n’aurais sans doute que l’embarras du choix, surtout au pays de Tréguier. Je prendrai pour exemple celle de Kerfot, en Goëllo, dont nous avons déjà dit un mot. Les habitants prétendent posséder le bâton de saint Yves, dont on a fait un pied pour la croix de procession. Cette croix est le palladium de cette paroisse. Elle passe pour avoir conservé quelque chose de la puissance du saint prêtre. Dans les années de sécheresse, quand l’atmosphère est de feu et le ciel d’airain, la procession de Notre-Dame de Kerfot est requise, par toutes les paroisses voisines, de se mettre en marche pour le Minihy. Elle prend la croix vénérée et à sa suite tous se mettent en branle pour se rendre au tombeau de saint Yves, distant de cinq grandes lieues. On doit plonger le pied de la croix dans la fontaine du saint, et au retour de la procession le ciel se laisse désarmer et donne de la pluie. La croix est ramenée dans sa chapelle, aujourd’hui église, et la confiance des fidèles, bien que soumise quelquefois à une dure épreuve, n’a jamais faibli et fait défaut à cette précieuse relique. Que de fois n’avons-nous pas rencontré ces pieux habitants, s’en retournant, après avoir salué une dernière fois la croix de saint Yves, ou Croaz ar salut, sur la lande de Pleumeur ! Partis le matin avec un morceau de pain sec en poche, la gaule de saule épluché dans une main, et le chapelet dans l’autre, ils ont bu de l’eau de la fontaine de saint Yves, fait à genoux le tour de son sanctuaire vénéré et baisé ses reliques ; et ils s’en retournent harassés de fatigue, mais remplis d’une sainte joie et pleins de confiance. Il faudrait que le Ciel fût bien dur, s’il n’exauçait pas leur prière ! Jamais on n’a vu, en Israël, une foi plus vive !

(France).

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