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SAINTE-AVOYE ET SAINT-AVE |
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Saint‑Avé est une paroisse et chef-lieu de commune comprise dans le canton Est de Vannes, à cinq kilomètres de cette ville, dans la direction du N.-E.
Sainte-Avoye est une chapelle qui s'élève sur les rives accidentées de la rivière de Sale, dans la presqu'ile de Kerisper, et dépendant de la paroisse et commune de Pluneret. La ville d'Auray en est distante de cinq kilomètres à peu près, vers le N.-0.
En dépit de l'orthographe officielle qui donne le genre masculin au nom de la paroisse voisine de Vannes, la langue du pays applique aux deux églises la même dénomination féminine, constatant ainsi que leur vocable dénote une commune patronne, Santez Ave, SAINTE AVOYE.
D'accord avec la langue bretonne, la tradition liturgique du diocèse de Vannes place cette paroisse sous l'invocation d'une sainte vierge et martyre dont le nom latin est Avia, et dont la fête est marquée par le propre de Vannes au 2ème jour de mai.
Sainte Avoye ou Avée est regardée, dit D. Lobineau, comme une compagne de sainte Ursule. La légende de sainte Avoye est racontée avec détails par un pieux auteur peu connu de nos jours. Suivant le R. P. Giry, religieux minime, dans ses Additions aux Vies des Saints pour tous les jours de l'année, du R. P. Simon Martin, son confrère [Note : Tome 1, col. 1541, Vie de sainte Avoye, 6 mai], Avoye, née en Sicile de race royale et compagne de sainte Ursule, fut martyrisée dans le pays de Boulogne, au Vème siècle. « Au diocèse de Vannes, ajoute le P. Giry, en Basse-Bretagne, on tient par tradition que sainte Avoye y est apparue, dans la paroisse de Plumelec (c'est Pluneret), près de la ville d'Auray, et qu'elle y a sanctifié par son attouchement et sa bénédiction une pierre et une fontaine qui sont sur le bord du canal de la mer.
En effet, on a l'expérience que les enfants que l'on met sur cette pierre qui est creusée par le milieu, ou que l'on plonge dans cette fontaine, y obtiennent le pouvoir de marcher, ce qui a fait que les habitans et les pèlerins y ont fait bâtir un fort bel oratoire qui porte le nom de cette illustre vierge ».
Patronne de la ville de Meulan (Seine-et-Oise), à huit lieues de Versailles, cette sainte avait encore des chapelles sous son invocation à Imbleville, diocèse de Rouen ; à Belleville, diocèse de Reims ; enfin, à Paris, l'église Sainte-Avoye (dont une rue a conservé le nom), consacrée du temps de Philippe-Auguste, appartenait, au XVIIIème siècle, aux Ursulines. Dans tous ces lieux on célébrait la fête de la sainte le 6 mai.
Comment le culte de sainte Avoye a été importé en Bretagne et à quelle date en remonte l'introduction, c'est une question qui me parait difficile à élucider et dont la solution m'entraînerait trop loin. Ce qui est certain, c'est que les Bretons du pays de Vannes ont, de temps immémorial, une grande confiance dans la protection de cette illustre martyre. La preuve en est dans l'érection de deux monuments religieux en son honneur, dans un territoire assez circonscrit. Tout en décrivant ces édifices, j'indiquerai les traces encore existantes sur les lieux mêmes des traditions rapportées par le P. Giry, comme propres à la Bretagne.
Pour commencer par la plus ancienne des deux églises, je décrirai d'abord la chapelle du bourg d'en bas, à Saint-Avé car il y a deux églises dans ce bourg assez important. L'église du bourg d'en haut n'offre rien de remarquable. En revanche, la chapelle dite du bourg d'en bas, et située sur le bord de la grande route de Vannes à Josselin, est digne d'attirer l'attention de l'artiste et de l'archéologue.
La forme de la nef est rectangulaire, sans collatéraux. Sa construction date de la fin du XVème siècle, et l'édification du chanceau a précédé de plusieurs années celle de la nef : double fait constaté par deux inscriptions en minuscules gothiques tracées sur les poutres de la filière sculptée et curieusement ornementée qui couronne les murs latéraux. Ainsi, dans le choeur on lit sous la corniche du lambris : « Mestre. O. de Peillac chanoyne (de) Guerande et rectour de ceans fist ceste ouvre lan mil : CCCC : LX : XV. ».
A l'intérieur de la nef, vers la porte d'entrée, l'inscription suivante commençant au côté Nord, divisée en deux moitiés, finit au côté méridional. Elle est ainsi conçue : « Ou temps de maistre Olivier de Peilac chanoine de Guerande maistre André de Coetlagat rectour de Saint Ave fit achevez ceste chapelle en lan mil CCCC. IIIIxx et XIIII ».
La nef est séparée du transept par une clôture ou barrière en bois surmontée d'un crucifix gothique avec pinacles ajourés et d'un travail excessivement curieux. Sur la croix on lit l'inscription suivante : « Mestre André de Coetlagat, rectour de Saint-Avé, fist faire ceste eupvre, l'an mil Vc ».
En dedans du cancel, on trouve quatre autels latéraux, sans compter le maître-autel. Celui-ci, adossé au mur droit du chevet, est placé au-dessous de la grande fenêtre absidale à meneaux flamboyants, et encore blasonnée des écussons de Malestroit et de Rieux Rochefort.
Derrière le maître-autel, j'ai remarqué les statues assez bien exécutées de la Vierge, de saint Isidore et de saint Corneille, pape, dont le culte est très-répandu dans le Morbihan.
Le transept méridional renferme un autel qui mérite une description à part : il est décoré d'un retable en albâtre sculpté avec dais à jour, dans le style de XVème siècle ; au centre on voit le Père Eternel, tenant entre ses bras son divin Fils crucifié, saint Jean-Baptiste et sainte Lucie, martyre ; les apôtres saint Pierre, saint Paul et saint André l'environnent ; puis viennent, disposés en groupes de chaque côté, une série de statuettes représentant des rois, princes, princesses, cardinaux, évêques, clercs, moines, religieuses, formant cortège aux figures principales.
L'autel de saint François, dans le transept opposé, garde aussi un retable en pierre, mais dont le travail grossier brille peu auprès du petit chef-d'oeuvre que je viens de décrire. Une fenêtre latérale de médiocre dimension, à meneaux en fleurs de lys, éclaire cet autel.
Devant le portail occidental de cette chapelle, portail à voussure en ogives munies de tores redoublés sans colonnettes, et compris dans l'enceinte du cimetière dont il joint la clôture extérieure, s'élève un Calvaire en pierres, tout près d'une fontaine qu'il a été sans doute destiné à sanctifier.
Maintenant, quittant les environs de Vannes, que le lecteur veuille bien me suivre vers Auray, et descendre sur les rives pittoresques et boisées de la Sale, une demi-lieue à peu près avant sa jonction à la rivière d'Auray, sous les bois de Kerisper et du Rocher ; là est assise sur le roc une gracieuse petite chapelle dédiée encore à sainte Avoye, et qui mérite d’être visitée.
La façade de l'Ouest semble n'avoir pas été terminée : le sommet de la tour est remplacé par une charpente qui abrite les cloches. Une petite tourelle cylindrique appliquée à l'un des contre-forts contient l'escalier conduisant à cette galerie peu élégante.
Entre les deux contre-forts saillants en éperon qui encadrent le portail, il semble qu'il a dû exister (au moins en projet) un porche, mais disposé d'une façon très-originale. Les arrachements qui subsistent indiquent la direction de la voussure qui n'ouvrait pas parallèlement au mur de l'église, mais formait une diagonale allant de l'angle extérieur du contre-fort septentrional à l'angle interne du contre-fort méridional. J'avoue que je ne comprends pas bien le motif qui avait fait adopter à l'architecte ce plan bizarre.
La chapelle à nef quadrangulaire se termine à l'Est par une abside à pans munie de contre-forts, s'amortissant en clochetons cylindriques. L'appareil de la maçonnerie est très-soigné.
L'intérieur offre encore plus d'intérêt que l'extérieur. Au haut de la nef, une grille ou un cancel en bois, à colonnettes légères, forme la clôture du chœur ; ce cancel est protégé et recouvert par un jubé en vieux chêne sculpté, auquel on accède par un escalier en vis, de pierre, contenu dans une petite tourelle formant saillie sur le mur méridional de la chapelle.
A l'intérieur du choeur, la galerie du jubé porte sur ses panneaux douze statuettes exécutées par un ciseau délicat. Ce sont, en commençant par la gauche : saint Fiacre, saint Laurent, la Foi, la Charité, l'Espérance, les quatre Vertus Cardinales, le peuple personnifié dans une figure en costume de paysan, le clergé par un prêtre, la noblesse par un seigneur, trois curieuses figurines à cause des costumes du temps dont elles sont revêtues.
L'autre face du jubé, vers la nef, est décorée des statuettes des douze apôtres, reconnaissables à leurs attributs respectifs. Le bord inférieur de la galerie, au-dessous de ces panneaux sculptés, est découpé en festons fermant pendentifs, sur chacun desquels était figuré un ange portant une banderole chargée d'une inscription où l'artiste avait inscrit son nom, qui a heureusement échappé à l'outrage du temps. Il reste encore trois de ces petits anges, et sur leurs philactères on peut très-distinctement lire FVT… PAR… O. BIZEUL.
La date de ce petit monument dans son ensemble, est précisée par deux inscriptions contemporaines en majuscules romaines, que j'ai relevées sur les libères et les poutres de l'église.
1° Autour du choeur, sur la filière sculptée, on lit : « Le jour de la Croix, en septembre 1554, fut asise la premiere pierre de ceste chapelle Madame Ste Avoye et fut asise la premiere piecze de boays le 10e jour de juin 1557.... ». Il y a ici une lacune dans l'inscription, trois ou quatre mots sont recouverts par un bout de planche du lambris. — De l'autre côté du choeur vient la suite : « Et fut misseur misire Yves Le Thominec curé de ceste paroisse, Pierre Blanchart fut maistre maczon et Henri Le Meilleur fut maistre charpentier ».
Sur la troisième poutre de la nef : « Au mois de janvier 1560 fust fait par Jhn. Le Meilleur charpentier. Dom Yves Le Thominec fut misseur ».
La charpente à vue se compose de fermes en ogives moulurées, d'un travail très-soigné et d'une élégance notable.
A un autel latéral, j'ai remarqué une statue en bois de saint Barthélemy, écorché et portant sa peau entre ses bras : cela rappelle la fresque du Vatican où Michel Ange, dans son Jugement dernier, a représenté saint Barthélemy portant ainsi sa peau comme un trophée.
Il me reste à dire un mot des deux pierres de Sainte-Avoye et de sa fontaine. La fontaine est un édicule en granit fort simple, à quelques mètres de distance de la chapelle, et dans les eaux de laquelle les Bretons ont toujours la même confiance qu'an temps où écrivait, au XVIIIème siècle, le P. Giry. — Des deux pierres, l'une est reléguée à la porte extérieure de la chapelle, l'autre est posée dans l'intérieur de l'édifice sacré. Ce sont deux blocs de quartz légèrement creusés à leur partie supérieure. La dernière, outre la cavité semi-circulaire pratiquée à sa surface, est marquée de trois signes gravés en creux ; l'un affecte la forme d'une croix, l'autre d'un T, et le troisième d'un L retourné. C'est sur cette pierre que l'on place les enfants infirmes et maladifs, pour leur obtenir, par l'intercession de sainte Avoye, la force le marcher. Sainte Avoye, disent les Bretons, poursuivie par les soldats païens, traversa la rivière de Sale, et posa pour aider son passage, ses pieds sur ces deux pierres. Les cavités qu'on remarque à leur sommet sont les traces des pieds de la sainte. Voilà comment la tradition populaire locale s'est appropriée la légende rapportée par le digne religieux Minime. (P. D. V.).
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