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RELIQUES DE SAINTE ODILE - SON CULTE

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« Ce qui prouve l'intention divine d'attirer à sainte Odile la dévotion populaire, dit M. Welschinger, c'est la conservation de ses reliques, fait que M. Pfister lui-même constate en ces termes : " Il n'est pas douteux que les reliques, exposées aujourd'hui à la vénération des fidèles, sont les restes mêmes de la fondatrice du monastère de Hohenbourg ". Or, quand on verra par quelles terribles vicissitudes passa ce monastère jusqu'au siècle dernier, quels assauts, quelles violences et quels incendies il eut à  souffrir, il sera permis de dire que la conservation des reliques de la Sainte est un fait au moins extraordinaire ».

Dans les pages de ce chapitre, nous ne ferons que relater les évènements qui se déroulèrent à Hohenbourg au cours des siècles. Il suffira au lecteur de considérer froidement le fait de la préservation des restes de notre Sainte à travers ces évènements, trop souvent tragiques, pour arriver de lui-même à cette conclusion : la préservation des reliques de sainte Odile confine au miracle ; elle constitue peut-être à elle seule le plus grand et le plus beau, parmi « moult très beaux miracles » qu'opéra sainte Odile.

Odile, nous l'avons vu, fut inhumée dans la Chapelle Saint-Jean-Baptiste, qui peu à peu prit aussi le nom de Chapelle Sainte-Odile, nom sous lequel on la désigne presque exclusivement de nos jours. Son corps fut déposé à la droite de l'autel, à la place où l'on voit encore aujourd'hui son tombeau. C'est là que vinrent reposer aussi, quinze ans plus tard, les restes mortels de sainte Eugénie, sa nièce et seconde abbesse de Hohenbourg. Dès lors, les deux tombeaux restèrent exposés dans cette chapelle, de chaque côté de l'autel : celui-ci fut dédié à sainte Odile.

« Le culte de sainte Odile, continue M. Welschinger, remonte presque à sa mort, car le manuscrit de Saint-Gall [Note : Conservé à la bibliothèque de l'ancien Chapitre de Saint-Gall, ce manuscrit contient, parmi quelques vies de Saints, une Vita sanctæ Odiliæ Virginis, que M. Pfister a publiée dans les Analecta Bollandiana (Bruxelles, 1894) et qu'il déclare avoir été, écrite entre l'an 900 et l'an 950, par un moine qui aurait habité le Hohwald] lui donne déjà le titre de Bienheureuse et le manuscrit de Berne [Note : Ce manuscrit de la Bibliothèque de la Ville de Berne provient de la bibliothèque du Chapitre de Strasbourg ; c'est un livre liturgique du IXème siècle] fixe sa fête au 13 décembre. Ce culte, né spontanément de la reconnaissance et de la dévotion des fidèles, a été reconnu et sanctionné par les bulles des Papes et les mandements des Evêques. Le nom de sainte Odile se trouve mentionné dans un calendrier du Psautier de Reims, conservé dans la bibliothèque de Saint-Remi ».

Telle avait été en effet la réputation de piété de la sainte abbesse durant sa vie, sa personnalité avait été si séduisante et son ascendant, si puissant, que la mort ne pouvait que lui donner une auréole de plus. Couchée dans la tombe, Odile continuait à exercer la même merveilleuse attirance, sur les grands de la terre comme sur les humbles ; c'est un besoin chez tous de gravir les pentes abruptes de Hohenbourg et d'aller s'agenouiller auprès du tombeau de la Sainte.

A peine un demi-siècle s'est-il écoulé, que déjà le cortège s'organise ; il ira se déroulant tout au long des siècles, en dépit des guerres, des incendies et des pillages, princes et prélats entraînant vers la cime « la foule pieuse qui égrène son chapelet en montant ».

Voici d'abord, en 773, le prestigieux empereur Charlemagne qui s'en vient, en fastueux arroi, par l'étroite chaussée romaine, vers le tombeau à peine fermé de la fille d'Adalric. Puis, en 831, c'est Louis le Débonnaire, fils et successeur de Charlemagne. Un peu plus tard, en 887, à leur exemple et devant le même tombeau, l'impératrice sainte Richarde viendra chercher conseils et consolations pour son coeur désabusé : c'est en effet auprès du tombeau vénéré de sainte Odile que germa la première idée de cette abbaye d'Andlau, dont l'histoire primitive est si étroitement liée à celle de Hohenbourg.

Il est bien vrai que dès le siècle suivant, moins de deux cents ans après la mort de sainte Odile, ses ossements coururent les plus grands dangers : trois fois en vingt ans. — 917, 926 et 937 — les Bulgares et les Hongrois mirent à sac le monastère de Hohenbourg ; mais, les trois fois, la chapelle des reliques fut épargnée. Et le pèlerinage reprit aussitôt avec une étonnante vitalité.

C'est au Pape saint Léon IX, issu de la famille des comtes d'Eguisheim-Dabo et descendant du duc Adalric, qu'était réservé l'honneur d'inaugurer officiellement le culte de sainte Odile, son illustre parente. Après une première visite à Hohenbourg en 1045, alors qu'il était encore évêque de Toul, il gravit à nouveau la sainte montagne en 1049, le bâton de pèlerin à la main, pour y faire lui-même, en qualité de Souverain Pontife, la dédicace solennelle de l'église, récemment relevée de ses cendres.

Il nous est facile d'imaginer l'éclat de ces fêtes, ordonnées et présidées par le Pontife romain en personne, de nous faire une idée exacte de leur splendeur. « Les fêtes de la consécration, le nom de l'évêque de Toul, sympathique à toute l'Alsace, sa dignité nouvelle de Chef de la chrétienté, voilà de quoi entraîner les foules. L'impulsion est donnée. Par où passe le plus grand dignitaire de l'Eglise, peuvent aussi passer les masses » (Sainte-Odile, par Léontine Zanta, 1931). De fait, le retentissement de ces solennités fut immense ; la renommée s'en répandit au loin et il en rejaillit plus de gloire encore pour sainte Odile et un essor nouveau pour le pèlerinage.

En dépit des graves difficultés que souleva au siècle suivant, vers 1140, Frédéric le Borgne, duc de Souabe, et qui faillirent provoquer la ruine définitive de Hohenbourg, le culte de sainte Odile connut bientôt une nouvelle période de floraison : en 1152, le fils de Frédéric le Borgne, devint empereur d'Allemagne sous le nom de Frédéric Barberousse ; à peine couronné, il tint à monter à Hohenbourg avec une brillante escorte de princes et d'évêques, pour y réparer royalement les injustices commises par son père ; dans une grandiose manifestation qu'il revêtit à dessein du plus grand éclat, il renouvela à l'adresse de la sainte fille d'Adalric le geste d'hommage et de vénération des empereurs Charlemagne et Louis le Débonnaire. C'était le 27 janvier 1153.

Voici donc, un siècle à peine après la consécration officielle du culte de sainte Odile par le Pontife romain, voici ce même culte également « reconnu par celui qui représente l'Empire, c'est-à-dire la force régulatrice de l'Occident, la force sur laquelle va s'appuyer Rome » (Sainte-Odile, par Léontine Zanta, 1931). Vraiment, peu de sanctuaires furent aussi éprouvés que Hohenbourg ; mais peu de pèlerinages ont eu pour eux, comme notre Mont Sainte Odile, une telle unanimité de suffrages.

A l'occasion de sa visite à Hohenbourg, et pour couronner les fêtes de la consécration, Léon IX avait lancé en janvier 1050 la bulle Parentum nostrorum, qui peut être considérée comme le règlement officiel et sacré du culte de sainte Odile. Le Pape ordonnait « qu'aux deux autels du monastère, celui de la chapelle et celui de la grande église, nuls autres que l'évêque du diocèse et les prêtres habituels n'y célébreront la messe. Pour l'autel de sainte Odile, un prêtre devra y célébrer chaque jour les saints offices et s'acquitter dignement de ses fonctions de chapelain ».

Ces dernières prescriptions ne devaient s'exécuter qu'un siècle plus tard, lorsqu'en 1178 l'abbesse Herrade de Landsberg fonda, précisément dans ce but, un prieuré de Prémontrés à Saint-Gorgon [Note : L'ordre de Prémontré, récemment fondé par saint Norbert (1120), était alors en pleine floraison et les Chanoines de l'abbaye d'Etival, dans les Vosges, venaient d'en adopter la règle. Par l'entremise d'Hedwige, abbesse d'Andlau, dont Etival dépendait au temporel, Herrade appela ces religieux à Saint-Gorgon et leur abandonna le prieuré avec ses dépendances, à charge d'assurer le service divin de Hohenbourg par deux d'entre eux, l'un comme Prêtre hebdomadaire dans l'église du monastère, l'autre à titre de Chapelain de l'Autel de sainte Odile, avec obligation de dire tous les jours la messe à cet autel. Ainsi s'établissait entre Hohenbourg et Etival une communauté spirituelle en vertu de laquelle l'abbé d'Etival était tenu de venir tous les ans dire la messe solennelle à Hohenbourg les jours de la fête de sainte Odile, de la Dédicace de sa Chapelle et de la Nativité de la Vierge. Il devait en outre assister aux obsèques de chaque abbesse ; enfin, à la mort d'un membre de l'une ou de l'autre abbaye, on devait célébrer dans chacune d'elles un service solennel. Cette fondation de Saint-Gorgon fut confirmée le 12 octobre 1178 par l'empereur Frédéric Barberousse, de passage à Obernai, en 1181 par le Pape Lucius III et en 1183 par Henri, évêque de Strasbourg]. A la même époque, 1181, le Pape Lucius III rend hommage aux vertus de sainte Odile, par une bulle restée célèbre dans les annales de Hohenbourg. Plus tard, le culte de la patronne de l'Alsace est confirmé par les bulles d'Innocent IV (1250) et de Grégoire X (1274) et par de nombreuses chartes épiscopales.

Le tombeau de sainte Odile fut ouvert pour la première fois le 4 mai 1354, sur ordre et en présence de l'empereur Charles IV, par l'évêque de Strasbourg, Jean de Lichtenberg, assisté du chancelier impérial, Jean, évêque d'Olmutz. Le corps fut trouvé entier et intact. L'empereur exigea que lui fût remis l'avant-bras droit [Note : « L'aventure, si l'on peut qualifier ainsi ce rapt audacieux, tourna à la gloire d'Odile. Ce voleur de reliques avait une conscience d'honnête historien. Il fit dresser, au monastère d'Erstein, quelques jours après, acte de son geste, ajoutant que sainte Odile fut retrouvée dans son tombeau comme elle y avait été inhumée, intacte et bien conservée. Elle avait donc été épargnée par les incendies et les pillages ; elle le sera toujours et, chose curieuse, ce rapt de l'avant-bras, historiquement constaté, servira de témoignage en faveur de l'authenticité des reliques ». A plusieurs reprises, au cours des siècles, on a procédé à l'examen des Reliques ; elles furent toujours reconnues authentiques. En 1836 notamment, le Dr. Sultzer, de Barr, autorisé à ouvrir le sarcophage, pourra certifier que les ossements qu'il vient d'examiner sont bien ceux d'un squelette de femme auquel manque l'avant-bras (Léontine Zanta)], pour en doter l'église métropolitaine de Saint-Vit, à Prague, où cette relique est encore l'objet de la vénération des fidèles. Il y eut en outre, dit Hugues Peltre, le chroniqueur Prémontré de Hohenbourg, « quelques articles des doigts de la main droite distribués entre les assistants ». Le tombeau fut aussitôt refermé et scellé, sous les yeux de l'empereur et des évêques.

Ainsi s'ouvrait pour les précieuses Reliques, la période tourmentée. Menacées tour à tour par les « Grandes Compagnies » en 1375, par les Armagnacs en 1444 et par les Bourguignons de Charles le Téméraire en 1474, elles échappent, comme par miracle, aux divers incendies qui successivement, en 1400, 1473, 1546 et 1572, réduisent en cendres les édifices de Hohenbourg.

L'incendie de 1546, plus désastreux que les précédents, détruit le Monastère de fond en comble et disperse pour toujours les Religieuses. La ruine fut si complète que, au témoignage de H. Peltre, quarante-sept jours plus tard, le Religieux chargé de l'autel de sainte Odile, trouvait partout encore du feu sous les cendres. Les flammes cependant avaient respecté, dans la Chapelle de Saint-Jean-Baptiste, les deux tombeaux — de sainte Odile et de sainte Eugénie — qui furent retrouvés intacts sous les ruines fumantes. Ils furent dès lors confiés par l'évêque de Strasbourg à la garde des Prémontrés de Saint-Gorgon, qui vont guetter le moment où ils pourront faire surgir les anciens sanctuaires. Il leur faudra attendre plus d'un demi siècle !

Cependant la dévotion à la patronne de l'Alsace ne se refroidissait pas ; malgré le désolant spectacle qu'offrait le Monastère, dont il ne restait plus pierre sur pierre, les pèlerins affluaient en grand nombre, comme par le passé, se contentant, faute d'offices religieux, faute de messes, de prier sur le tombeau de sainte Odile. Ce que voyant, les Prémontrés permettent à deux des leurs de dresser leur tente sur les ruines. Tout en réorganisant de leur mieux le service religieux, ils essaient de relever église et chapelles ; ils réussissent même à reconstruire le monastère, grâce aux souscriptions des pèlerins qui affluent et avec l'aide d'Adam Peetz, coadjuteur de l'évêque de Strasbourg, qui, en 1608, devra leur adjoindre un troisième prêtre, un séculier, pour les seconder, tant leur ministère est déjà chargé.

Presque aussitôt — en 1622 — les bandes pillardes de Mansfeld brûlent à leur tour le couvent, ne laissant à Hohenbourg, comme souvenir de leur passage, qu'un monceau de cendres. Les Prémontrés avaient dû fuir à leur approche, car la fureur de ces forcenés se déchaînait surtout contre les ministres de Dieu. Le calme revenu, le curé d'Obernai, François Bornius, justement inquiet sur le sort des saintes Reliques, s'empresse de faire reconnaître l'état des lieux par son vicaire, assistée de plusieurs bourgeois délégués à cet effet par le Magistrat de la Ville. D'après le rapport qui fut dressé par l'un d'eux, le bourgmestre François Pistorius, ils ne trouvèrent d'abord « que ruines, que cendres, que pavés et pierres encore toutes brûlantes » ; mais ce leur fut une grande consolation de découvrir sous les cendres le tombeau de sainte Odile entier et portant seulement la trace des coups des profanateurs ; par contre, le tombeau de sainte Eugénie avait été brisé, mais les ossements de la Sainte avaient été laissés intacts, ainsi que le parchemin qui en attestait l'authenticité [Note : Les profanateurs auraient été, selon une tradition, frappés d'une frayeur subite et inexplicable, qui les aurait arrêtés dans leur oeuvre sacrilège. Peut-être aussi avaient-ils été déçus dans leur espoir de trouver dans ces tombeaux des richesses à emporter... Ces tentatives sacrilèges des soudards de Mansfeld sont consignées dans une lettre adressée le 24 février 1632 par Messire Paul, comte d'Aldringen, coadjuteur et vicaire général de Strasbourg, à l'archiduc Léopold, évêque du diocèse, pour lui demander son appui auprès de l'Infante d'Espagne, Eugénie-Isabelle, régente des Pays-Bas, en vue de la restauration du tombeau de sainte Eugénie, sa patronne. Après le passage de Mansfeld, les reliques de sainte Eugénie furent transportées à Obernai et mises en dépôt chez le curé, François Bornuis. Le 6 août 1624, elles furent rapportées processionnellement à Hohenbourg par le Coadjuteur de Strasbourg, Adam Peetz, assisté du clergé des environs et de l'abbé d'Etival. Elles disparurent neuf ans après, pendant la guerre des Suédois, « quelqu'un, dit Peltre, ayant apparemment caché la châsse et étant mort sans avoir déclaré à personne où il l'avait mise ». Par reconnaissance, Adam Peetz avait cédé à la paroisse d'Obernai un ossement considérable de sainte Eugénie, un tibia, que, la ville fit enchâsser dans une statue de la Sainte, en argent massif, haute de trois pieds. Cette statue, confisquée à la Révolution, fut envoyée avec divers autres objets précieux, au siège du district, à Barr, tandis que la relique elle-même avait pu être sauvée par des mains pieuses. En 1856, Obernai consentit au partage de sa précieuse relique en faveur du Couvent de Sainte-Odile. La partie laissée à Obernai est encore exposée sur l'autel de Sainte-Odile, dans le transept de l'église paroissiale. L'autre partie, cédée au Couvent, fut placée dans une petite cassette vitrée, sur l'autel de Sainte-Eugènie (Chapelle des Larmes) où on la voit encore exposée].

Les Prémontrés reviennent, déblaient les tombeaux et reconstruisent en 1630, mais cette fois encore, pour bien peu de temps. Dès 1632, en effet, les Suédois envahissent l'Alsace et, se signalant eux aussi par leurs exploits sacrilèges, réduisent Hohenbourg à l'état de désert ; les Religieux fuyent une nouvelle fois et pendant seize ans, le tombeau de sainte Odile reste abandonné, seul debout au milieu des ruines et visité seulement de temps à autre par le curé d'Ottrott et Saint Nabor, Jérémie Geeb, qui a pris à tâche d'entretenir le pèlerinage, en attendant le retour des Prémontrés ; ceux ci ne reparaîtront qu'en 1649, après le traité de Westphalie.

L'année 1655 marque un redoublement de ferveur à l'égard de sainte Odile, non seulement dans le peuple, dit H. Peltre, mais aussi chez les grands : à la procession solennelle du Jubilé, présidée le 10 août par le prince François de Lorraine, qui était, en même temps qu'évêque de Verdun, doyen du chapitre de Strasbourg et administrateur du diocèse, on vit le prince François-Bernard de Nassau, les comtes de Kréhange, de Blankenheim et de Furstenberg, le coadjuteur Gabriel Haug, les abbés d'Altdorf et de Marmoutier, ainsi que la noblesse catholique d'alentour.

En 1696, l'année même de la consécration de l'église actuelle, sur la généreuse initiative de trois chanoines du Grand Chapitre de Strasbourg (deux frères, comtes de Manderscheid-Blankenheim et un comte de Recke), le tombeau primitif de sainte Odile, fortement endommagé à la suite de tant d'incendies et de pillages, fit place à un sarcophage plus somptueux et plus digne de son précieux dépôt ; c'est celui-là même qui se trouve encore dans la Chapelle Sainte-Odile. Il portait alors sur sa face antérieure un bas relief d'albâtre, oeuvre du sculpteur F. Fransin, représentant la première reconnaissance des Reliques par les évêques et l'empereur Charles IV, en 1354 ; de plus, il était surmonté d'un somptueux baldaquin blanc et or, soutenu par de riches colonnes de marbre.

Il était réservé à la Révolution de profaner ce tombeau de sainte Odile que onze siècles avaient respecté, qui avait défié tous les cataclysmes. Le 14 août 1794, l'agent national du district de Barr, Daniel Stamm, beau frère, dit-on, et digne émule du trop fameux Euloge Schneider, de sinistre mémoire, se transporta à Hohenbourg, accompagné des commissaires de Rosheim et de Saint-Nabor — Georges Lehn et Michel Rapp — et de trois bourgeois d'Ottrott. Après avoir fracturé les portes de l'église et des chapelles, il fit ouvrir le sarcophage en brisant le bas-relief de Fransin [Note : Dont quelques fragments très intéressants, retrouvés en 1898, sont conservés au Musée du Couvent], mais n'y trouva aucune trace d'ossements : des mains pieuses avaient en effet soustrait les saintes Reliques au zèle destructeur des sans-culottes alsaciens et les avaient déposées en lieu sûr en attendant la fin de la Terreur.

Huit mois après, pour parer à toute nouvelle tentative de profanation, un courageux enfant d'Obernai, le Chanoine Rumpler, à peine sorti du cachot où il avait dû expier, pendant près de deux ans, son attachement à la foi catholique, venait reprendre en secret les précieux restes (23 avril 1795) et, assisté du maire d'Ottrott-le-Haut et de quelques conseillers municipaux, les emportait à Ottrott, où ils resteront cachés pendant plus de cinq ans, déposés d'abord à la sacristie dans un coffre de fer scellé et muni de trois serrures, transportés ensuite — le 3 novembre 1798, à onze heures du soir — dans une maison voisine, où ils sont habilement dissimulés dans le mur de la cave.

Entre temps, l'infatigable Rumpler était parvenu à se rendre acquéreur de Hohenbourg (1796). Aussitôt il avait fait remettre en état le sarcophage très endommagé, pour le rendre digne du précieux dépôt qu'il comptait pouvoir sous peu lui confier à nouveau. Le bas-relief de Fransin, brisé par les Jacobins, fut alors remplacé par le revêtement plus modeste qui se voit encore de nos jours à la face antérieure du sarcophage et dont l'arcature de style ogival cadre bien avec le choeur de la chapelle ; entre les colonnettes, on lit ces mots rangés dans l'ordre suivant :

S. O.   L. R. - BEATAE ODILIAE VIRGINIS OSSA – A. 1793 MOTU CIVILI VIOLATA – A. 1799 HEIC ITERUM CONDITA - IN FIDEM PUBLICAM SCRIPTO FIRMATA [Note : C'est-à-dire : Sanctae Odiliae Ludovicus Rumpler (A Sainte-Odile, Louis Rumpler) - Ossements de sainte Odile, Vierge. — profanés l'an 1793 pendant les troubles civils, — replacés ici l'an 1799, — ce dont fait foi un acte authentique. Cet acte authentique est le procès-verbal dressé séance tenante et revêtu de vingt-trois signatures, dont celles du Chanoine Rumpler, des curés d'Ottrott, de Klingental, d'Obernai et de Barr, du maire d'Ottrott, etc … Cette pièce est déposée aux archives de l'Evêché de Strasbourg].

Ce ne fut en réalité qu'en l'année 1800 — et non en 1799, comme l'indique à faux cette inscription trop pressée et visiblement faite d'avance — que les saintes Reliques purent être réintégrées dans leur ancien tombeau, et le 6 octobre de cette même année 1800, sur l'ordre du cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg et résidant alors à Ettenheim (Bade), une cérémonie tout intime en célébra le retour. A la mort de Rumpler, en mai 1806, ses héritiers appelèrent à Sainte-Odile un prêtre lorrain, du nom de Mounier, qui desservit le pèlerinage pendant plusieurs années, mais ne fut pas remplacé.

En 1836, l'abbé J. L'Huillier, alors propriétaire du domaine de Sainte-Odile, fut autorisé par l'évêque de Strasbourg, Mgr. Le Pappe de Trevern, à ouvrir le tombeau, afin de constater la présence et l'état des Reliques. La reconnaissance eut lieu le 4 mai en présence du curé d'Obernai, M. Oberlé, délégué à cet effet par l'autorité ecclésiastique et assisté des curés de Rosheim et d'Ottrott, MM. J.-B. Raess et Rebmeister, et des vicaires d'Obernai et de Rosheim [Note : A cette occasion, M. Oberlé obtint pour Obernai, la ville natale de sainte Odile, une relique considérable de la Sainte — l'humérus correspondant à l'avant-bras emporté à Prague en 1354 — qui fut pour la première fois solennellement exposée à la vénération des fidèles, en cette, même année 1836, le jour de la fête de sainte Odile, et qui l'est encore tous les ans à pareille date. — Une autre relique fut accordée à l'église de Schervillé, également dédiée à sainte Odile]. Le médecin cantonal de Barr, Dr. Sultzer, ancien élève du célèbre Dupuytren et ex-prosecteur à l'Ecole de médecine de Strasbourg, avait été également convoqué ; il certifia que « les ossements étaient ceux d'un seul et même corps féminin, auquel il ne manquait que l'avant-bras droit ». Toutefois, l'humidité du tombeau avait mis le coffre de chêne contenant les reliques, dans un état de putréfaction assez avancée ; aussi, pour les préserver elles-mêmes, on leur assigna, dans le couvent même, une retraite plus sûre, d'où elles sortirent solennellement cinq ans plus tard, le 7 juillet 1841, alors que les frères Baillard, trois prêtres bien connus en Lorraine, étaient propriétaires du couvent.

Ce fut l'occasion d'une fête sans précédent ; la cérémonie fut présidée par le vénérable curé Oberlé, représentant l'évêque de Strasbourg et entouré d'un nombreux clergé. Les Reliques furent exposées à la vénération d'une foule innombrable de fidèles accourus de toute l'Alsace, de la Lorraine et du pays de Bade. La châsse, surmontée de la statue couchée de sainte Odile en costume d'abbesse, fut portée processionnellement par les prêtres en dalmatique, tout autour des grands rochers qui supportent le couvent.

Les saintes Reliques restèrent dès lors exposées dans la Chapelle Sainte-Odile et ce n'est que le 24 décembre 1854, après le retour définitif du domaine à l'Evêché de Strasbourg, qu'elles furent déposées sur l'autel, dans la châsse dorée et vitrée où on les voit encore, aujourd'hui. Pie IX, par un bref en date du 16 mars 1858, voulut bien enrichir le pèlerinage de nombreuses faveurs spirituelles, renouvelées et confirmées en mars 1909 par Pie X et en 1927 par Pie XI, glorieusement régnant.

Tous les ans, au début de juillet, on célèbre l'anniversaire de la translation de 1841. En 1892, les fêtes du cinquantenaire, qui n'avaient pu avoir lieu l'année précédente en raison de la vacance du siège épiscopal de Strasbourg, furent présidées par le nouvel évêque, Mgr. Fritzen, assisté de son coadjuteur, Mgr. Marbach.

Enfin en 1920, le douzième centenaire de la mort de sainte Odile, préparé de longue main, attendu avec impatience, dans les angoisses de la guerre, fut célébré avec d'autant plus de ferveur et d'enthousiasme, qu'il coïncidait avec le retour, à la France, d'une Alsace miraculeusement épargnée par une guerre dont elle était pourtant le principal enjeu. Par une heureuse disposition de la Providence, Mgr. Ruch, transféré, au lendemain de l'armistice, du siège épiscopal de Nancy sur celui de Strasbourg, était appelé à inaugurer son épiscopat en Alsace par la glorification de la patronne séculaire de l'Alsace. Fils d'Alsace lui-même, il se devait de donner à l'évènement l'éclat le plus extraordinaire, d'en faire une apothéose de sainte Odile.

Ces fêtes furent un triomphe : pendant les huit jours qu'elles durèrent, du 4 au 11 juillet, l'Alsace monta à Sainte-Odile en rangs pressés, l'Alsace défila sans trève devant les précieux ossements de sa sainte patronne, solennellement exhumés, au soir du 3 juillet, du tombeau où une sage prudence les avait abrités dès 1914 et tenus soigneusement cachés depuis.

Un tel empressement de l'Alsace à répondre à l'appel de son nouvel Evêque fut pour celui-ci une indication précieuse. Le branle était donné ; il s'agissait d'assurer au mouvement la continuité ; il fallait rallumer, entretenir et intensifier, autour des Reliques d'une Patronne si tendrement aimée, un foyer de vie surnaturelle.

Mgr. Ruch envisagea sans tarder un vaste plan de restauration spirituelle ; ce ne peut et doit être, selon lui, qu'un retour, après douze siècles, aux traditions odiliennes les plus pures ; il ne veut que prendre à son compte l'idée maîtresse de sainte Odile, celle qui lui inspira la fondation de son monastère, celle qui guida le pape saint Léon IX et Herrade de Landsberg dans l'organisation du pèlerinage de Hohenbourg, celle qui, après les désastres du XVIème siècle, soutint dans leur merveilleuse ténacité les Prémontrés, restaurateurs obstinés du culte de sainte Odile, inlassables reconstructeurs de ses sanctuaires.

De ce plan immense, qui va dès lors se poursuivre et s'exécuter avec méthode, grâce à la collaboration intelligente et dévouée des prêtres du pèlerinage, Directeurs et Chapelains, procèderont les initiatives les plus variées. C'est pour répondre à cette préoccupation de l'Evêque de Strasbourg que les Soeurs de la Croix, pieuses gardiennes du tombeau de sainte Odile et des traditions de Hohenbourg, vont ressusciter autour de ce même tombeau la récitation de l'office canonial quotidien, dont s'acquittèrent pendant huit siècles, sur ce sommet, les Moniales de Hohenbourg. Les retraites fermées, inaugurées en 1926, ne seront elles-même qu'un anneau de plus de cette même chaîne.

Une nouvelle étape dans cette voie de restauration surnaturelle vient d'être réalisée, cette année même (5 juillet 1931), par l'établissement de l'Adoration perpétuelle — diurne et nocturne — qui, dans la pensée de l'Evêque, doit faire de la sainte Montagne comme un fanal qui invite jour et nuit la plaine à la prière et à l'expiation, un grandiose ostensoir où la piété alsacienne trouve son centre d'attraction et de rayonnement tout à la fois [Note : Dans le même ordre d'idées, signalons quelques autres initiatives récentes ou en voie de réalisation, qui intéressent la piété des pèlerins ; à côté d'un riche Ostensoir et d'une nouvelle et splendide Croix de procession, qui est la reproduction fidèle de la fameuse Croix de Niedermunster, — deux œuvres remarquables du même artiste, — nous verrons bientôt, comme dans nos campagnes alsaciennes, une croix se dresser à la jonction des routes, près de la Fontaine Saint-Jean. Bientôt aussi, Sainte-Odile s'enrichira d'un Chemin de croix, dont les stations s'échelonneront le long d'un des sentiers, aux abords du Couvent ; elles rappelleront les sept croix — sieben Fussfälle — qui, du temps des Prémontrés et selon une coutume de l'époque, étaient « plantées d'espace en espace, d'Ottrott à Hohenbourg, en mémoire des sept stations de la Passion de notre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ » (Hugues Peltre)]. Le Mont Sainte-Odile devient un second Montmartre — Montmartre alsacien — où la continuité de l'Adoration est assurée par tout le pays ; les équipes d'adorateurs sont fournies, en effet, chaque semaine et à tour de rôle, par les divers cantons des deux départements ou, pendant la période des vacances, par divers groupements professionnels.

Depuis la mort de sainte Odile, douze siècles se sont écoulés, au cours desquels ses glorieux restes, manifestement sauvegardés par la force divine, ont bravé les pillages des barbares et des émeutiers, la flamme des incendies et les violences des révolutions. Toute l'Alsace, depuis ces douze siècles, est venue s'agenouiller devant le tombeau de l'illustre vierge, dont elle a fait, par un hommage spontané et ininterrompu, sa patronne vénérée. « Quelque chose a donc survécu aux ruines, quelque chose qui ne se voit, ni ne se touche : cette force mystique, latente mais non moins efficace, qui émane des reliques d'Odile restées intactes là-haut » (Léontine Zanta).

De nos jours, le culte de sainte Odile est plus vivant que jamais ; sa mémoire, comme son corps, semble défier la destruction. « S'il est un nom cher à l'Alsace, dit le savant abbé Gyss, c'est assurément celui de sainte Odile : emblème de la candeur virginale et de la charité compatissante, ce nom — le plus beau de l'Alsace — resplendit en même temps du prestige qui s'attache au souvenir d'une race illustre, qui présida aux premières destinées de notre province et la combla d'innombrables bienfaits ».

La Montagne elle-même a voulu, ce semble, payer à la sainte patronne de l'Alsace, son tribut d'hommage : peu à peu elle a abdiqué en sa faveur ce nom de Hohenbourg si fameux aux siècles passés ; aujourd'hui elle n'est plus connue que sous le nom de la douce fille du farouche Adalric. Et n'est-ce pas justice ?... Si « le Sainte-Odile », comme on dit dans le pays, est le lieu sacré et comme l'Acropole de l'Alsace, la montagne sainte dont le sommet, « au milieu de nos pays de l'Est, brille comme un buisson ardent », à qui le doit-il, sinon à l'aveugle-née guérie au baptême, à la fondatrice, au VIIème siècle, sur ce sommet tranquille, d'un monastère qui devint pour toute la région un foyer intense de vie intellectuelle et religieuse, à la bienfaisante abbesse qui l'illustra par une vie admirable et par une sainte mort ? L'Alsace en retour garde avec un soin jaloux le glorieux tombeau de « sa » Sainte ; sa constante dévotion autant que sa générosité en ont fait un sanctuaire historique et vraiment « national ».

Et ce n'est plus seulement aux oreilles alsaciennes que le nom de sainte Odile est doux et harmonieux ; avec la gracieuse légende qu'il incarne, il a franchi les limites de notre petit territoire. Nombreux sans doute sont les touristes qui gravissent chaque année la sainte montagne de l'Alsace, attirés seulement par la beauté du paysage ou séduits par les captivantes descriptions qui en ont été faites, surtout en ces derniers temps [Note : René Bazin et Maurice Barrès, tous deux de l'Académie française, dans Les Oberlé et Au Service de l'Allemagne. — Bien que partant de points de vue absolument différents, pour soutenir deux thèses tout opposées, ils ont tenu l'un et l'autre à placer leur récit dans le cadre de l'Odilienberg ; et ceci encore montre bien quelle place tient dans la vie alsacienne le souvenir de sainte Odile — Citons aussi « Pierre l'Ermite » dans son roman La Grande Amie et le livre de Léontine Zanta, « Sainte-Odile » (1931). Au siècle dernier, Goethe a relaté dans ses Mémoires (Wahrheit und Dichtung) une visite qu'il fit à l'Odilienberg, à la Pentecôte 1771. Son âme de poète sut pénétrer le sens mystique du lieu et l'exprimer en des pages enthousiastes. Il donna même le nom d'Odile à la dernière de ses filles. — Taine lui aussi vint à Sainte-Odile ; il fut ravi de l'admirable paysage qui s'offrait à ses regards ; mais, ce sceptique, ignorant de nos traditions alsaciennes et « répugnant, de parti-pris et par dogme, au surnaturel », ne pouvait comprendre ce qu'est pour nous la glorieuse patronne de l'Alsace : muet sur sainte Odile, dont il ne prononce même pas une fois le nom, il évoque et exalte sur ce sommet sacré... l'Iphigénie de Goethe ! — (Essais de Critique et d'Histoire, 1868)] ; non moins nombreux cependant sont les pèlerins qui, journellement, viennent s'agenouiller dans la chapelle de sainte Odile et demander à son intercession les secours spirituels et matériels, la santé de l'âme et du corps. Il faut avoir rencontré sur les pentes de l'Odilienberg ces groupes de pieux pèlerins — aux pittoresques costumes, si gracieux dans leur variété — accourus de Wissembourg ou de la vallée de Munster ou partis seulement des villages environnants ; il faut avoir été témoin de la touchante fidélité de ces paysans du pays de Bade, qui, bravant la fatigue d'un long voyage et les cahots de leurs lourds chariots, venaient tous les ans, à date fixe, vénérer sur place les Reliques de sainte Odile ; il faut avoir vu enfin ces rudes montagnards de nos vallées de langue française qui, chaque année, choisissant à dessein le 25 août, fête de saint Louis, roi de France apportent à la patronne de l'Alsace leurs hommages et leurs supplications... Ce sont là autant de touchantes manifestations, qui attestent bien la persistance du culte de sainte Odile dans notre cher et beau pays d'Alsace [Note : Pendant la belle saison, toutes les fêtes de l'Eglise et tous les dimanches amènent à Sainte-Odile un nombre plus ou moins considérable de pèlerins ; mais il y a surtout affluence aux jours spécialement consacrés par la tradition : Lundi de la Pentecôte, Fêtes de l'Octave anniversaire de la Translation des Reliques et Fête de sainte Odile (14 décembre)].

Daigne la Sainte, qui a su épargner à sa petite patrie les horreurs de la guerre, étendre désormais sa protection à la grande patrie française tout entière ! Sainte Odile, patronne de l'Alsace, protégez la France !.

(texte de l'abbé Ch. Umbricht).

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