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VIE DE SAINTE ODILE

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Sainte Odile naquit vers l'an 660, à Obernai, l'ancienne Ehenheim ou Ober-Ehenheim.

Adalric, son père, — connu aussi sous les noms de Cadalric, Athalric, Ethelric, Atticus, Etichon, — était duc d'Al­sace sous le règne de Childéric II, roi de France [Note : Le premier duc d'Alsace fut Gondoin, sous Sigebert II, roi d'Austrasie ; le second fut Boniface et le troisième, Adalric. Le roi Childéric II ayant épousé en 667 une soeur de Béreswinde, femme d'Adalric, celui-ci reçut de lui le duché d'Alsace qu'il avait seulement administré jusqu'alors pour le compte des Mérovingiens. Adalbert, fils d'Adalric, lui succède ; il a lui-même pour successeur son fils Liutfried, le dernier duc d'Alsace issu de la famille d'Adalric. Hugues, fils de Lothaire II, clôt définitivement la liste très courte des ducs d'Alsace. Désormais le pays, tout en conservant son rang de duché, n'est plus administré que par des comtes (Welschinger)]. Chrétien par le baptême, il appartenait par ses origines à cette fougueuse race des Francs, chez qui la barbarie expirante se débattait encore, dans une crise suprême, contre le christianisme vainqueur ; c'était un rude chef, à l'âme ardente et impétueuse, capable des plus généreux mouvements, mais aussi des pires excès, si Dieu n'eût placé auprès de lui une épouse assez douce pour captiver cette nature farouche, assez forte pour en modérer les emportements : cette nouvelle Clotilde fut Béreswinde, nièce, par sa mère, de l'illustre évêque d'Autun, saint Léger [Note : D'après une autre version, Béreswinde aurait été soeur de sainte Sigrade, mère du saint évêque d'Autun. Quoi qu'il en soit, la parenté entre sainte Odile et saint Léger est attestée par la stèle historique du grand cloître].

Sainte Odile

Le duc et son épouse avaient attendu avec impatience la naissance de leur premier enfant ; Adalric surtout espérait un fils à qui il pût transmettre son nom, sa fortune et, plus tard, sa dignité. Aussi fut-il doublement déçu en apprenant que son enfant était une fille, et une fille aveugle. A cette époque, la naissance d'un enfant infirme, surtout dans une famille noble, était regardée comme une honte ; le duc y vit sans doute aussi une punition du ciel pour des cruautés passées ; mais, au lieu de s'incliner sous la main de Dieu qui le frappait, il laissa la rage s'exhaler de son âme en amères récriminations, en violents blasphèmes et ordonna que l'enfant fût égorgée sur l'heure, ou tout au moins reléguée pour toujours dans une retraite lointaine, où personne ne pourrait soupçonner son origine.

Ni les supplications, ni les larmes de Béreswinde ne purent fléchir l'inexorable père ; après de mortelles angoisses et des luttes inutiles, la pieuse duchesse dut enfin céder ; elle se souvint dans sa détresse d'une de ses anciennes suivantes, qui habitait alors à Schervillé ([Note : D'après un vieux manuscrit en vers latins (1044), attribué à Humbert, abbé de Moyenmoutier, puis cardinal (Richer, Chronicon Senonense, lib. II, cap. 18)], près de Sélestat ; elle la fit venir et lui confia sa fille. L'humble femme, flattée de tant de confiance, entoura la petite aveugle d'une tendresse et d'une sollicitude telles, que bientôt, dans son entourage, s'élevèrent des soupçons sur l'origine de la mystérieuse enfant. Il fallut songer à lui trouver une retraite plus sûre et la nourrice reçut l'ordre de l'emmener au monastère de Palma (aujourd'hui Baume-les-Dames), dont l'abbesse était une tante de Béreswinde. Plusieurs années s'écoulèrent ; tandis que l'enfant grandissait, les pieuses leçons et les exemples édifiants des Religieuses développaient en elle les plus belles qualités du coeur et de l'esprit, et disposaient merveilleusement son âme aux grandes choses que Dieu allait y opérer.

Pour des raisons que la tradition ne nous a pas transmises, la pauvre disgraciée n'avait pas encore reçu le saint baptême : Dieu l'avait permis pour manifester en elle ses oeuvres d'une façon plus éclatante.

Saint Erhard, évêque de Ratisbonne, évangélisait alors la Bavière. Il eut une vision, au cours de laquelle Dieu lui donna l'ordre de se rendre au monastère de Palma, où il trouverait une jeune fille, aveugle de naissance. « Tu la baptiseras, lui dit le Seigneur ; tu lui imposeras le nom d'Odile et, aussitôt baptisée, elle recouvrera la vue ». Erhard se met en route et visite sur son passage son frère saint Hydulphe, qui venait de renoncer à son évê­ché de Trèves et de fonder dans les Vosges l'abbaye de Moyenmoutier ; les deux frères se rendent ensemble à Palma, où saint Erhard remplit fidèlement les ordres de Dieu. Après avoir administré le saint baptême à la noble enfant devant les Religieuses assemblées, il lui donne le nom d'Odile [Note : Ce nom d'Odile aurait signifié : soleil de Dieu, fille de lumière], puis lui fait sur les yeux les onctions du Saint-Chrême et à l'instant même, ces yeux, jusque-là éteints, s'ouvrent à la lumière du jour, tandis que l'admiration, la joie et surtout la reconnaissance débordent de l'âme émue d'Odile. N'est-ce pas à ce moment peut-être qu'elle forma le voeu de consacrer sa vie à Celui qui venait d'opérer en sa faveur une si grande merveille ?... Saint Erhard bénit ensuite un voile qu'il lui imposa, comme pour la consacrer irrévocablement à Dieu.

Instruits, par l'abbesse, de l'illustre origine d'Odile et des incidents qui avaient marqué sa naissance, les deux frères quittèrent Palma en songeant aux moyens de faire cesser un si douloureux exil. Il fut décidé qu'Hydulphe irait trouver le duc qui, sans doute, ne renierait plus une enfant si visiblement privilégiée de Dieu. Adalric reçut le saint avec les témoignages du plus grand respect, mais la naissance de quatre fils et d'une fille [Note : Adalbert, Batachon, Hugues et Etichon ou Etton, leur soeur se nommait Roswinde. — Le premier fut le père de sainte Eugénie, qui succéda à sainte Odile comme abbesse de Hohenbourg, de sainte Gundelinde, première abbesse de Niedermünster, et de sainte Attale, qui, d'abord « moniale » à Hohenbourg, fut ensuite la première abbesse de Saint-Etienne de Strasbourg. — Hugues, dont il sera bientôt question, épousa Hermentrude, dont il eut trois fils : Remigius, qui devint évêque de Strasbourg et fonda l'abbaye d'Eschau, à 2 lieues de Strasbourg, Bléon, fondateur du village de Blienschwiller, près de Sélestat, et Bodalus, fondateur de Blodelsheim (Haut-Rhin). — Quant à Roswinde, elle prit le voile à Hohenbourg, où elle resta simple moniale ou peut-être coadjutrice de sa soeur Odile ; comme sa soeur et leurs trois nièces, elle est invoquée dans les anciennes litanies du diocèse de Strasbourg. D'Adalbert et de son frère Batachon, serait sortie la descendante la plus illustre de l'Europe, comprenant les plus anciennes maisons souveraines, impériales ou royales : en ligne masculine, les maisons de Habsbourg, de Lorraine, de Bade (Zähringen) et, en ligne féminine, la maison de Bourbon, par Adélaïde d'Alsace, femme de Robert le Fort, comte d'Anjou (L. Levrault)] avait chassé de son coeur le souvenir d'Odile et il ne voulut pas consentir à la revoir auprès de lui.

La déception fut cruelle pour la jeune exilée. Que de fois, en de doux entretiens avec la fidèle servante qui, de Schervillé, l'avait suivie à Palma, n'avait-elle pas entendu parler du bouillant Adalric, de la pieuse Béreswinde sa mère, d'Ehenheim sa patrie, des circonstances qui avaient suivi sa naissance, de sa fuite précipitée à Schervillé d'abord, à Palma ensuite ! Elle savait combien il en avait coûté à Béreswinde de se voir arracher sa fille bien-aimée, combien il lui pesait de vivre séparée d'elle par l'impitoyable volonté d'Adalric.

La douce enfant avait peine à comprendre la persistance des rigueurs paternelles, après un miracle qui était tout à la gloire de l'orgueilleux prince et de sa maison. Aucune amertume cependant ne lui vint au coeur et, au fort de sa douleur, elle trouvait dans son âme héroïque assez de force pour aimer ce père, dont la seule obstination la tenait éloignée de sa famille.

Souvent aussi, elle rêvait à ce beau pays d'Alsace qui était le sien et à mesure que les semaines et les mois s'écoulaient, l'exil lui devenait plus insupportable, son désir de voir les auteurs de ses jours se faisait plus pressant : elle ne songeait plus qu'aux moyens de réaliser son rêve.

Maintes fois elle avait entendu vanter les nobles qualités de son jeune frère Hugues ; voyant en lui son sauveur, elle le fit prier secrètement d'intervenir en sa faveur et « moyenner envers son farouche père licence de le venir trouver » : celui-ci resta inflexible. Hugues prit alors sur lui de faire revenir sa soeur, persuadé que sa seule présence saurait, mieux que tous les discours, lui ramener les faveurs paternelles ; « signifia doncques à sa soeur, dit une vieille chronique, de venir avec toute seureté et qu'elle seroit la mieux que bien venue. Ce qu'estant parvenu à la cognoissance de ce père à coeur de lion et maupiteux, tout embrasé de courroux et maltalent », il se laissa aller à un fol accès de fureur et même à des violences sur la personne de Hugues. Toutefois, l'affection paternelle reprenant bientôt le dessus, le duc « sans autre délay manda venir sa fille à Hoenburch » [Note : Ou Hohenbourg. C'était alors le nom de notre actuel Mont Sainte-Odile ; sur l'éperon le plus avancé vers la plaine, Adalric avait relevé de ses ruines un ancien castel romain ; d'abord simple rendez-vous de chasse, Hohenbourg devint peu à peu le séjour de prédilection du duc, qui abandonna presque entièrement sa résidence d'Obernai] et l'accueillit avec bonté ; Odile, par la tendresse dont elle sut entourer son père, fit bientôt oublier à celui-ci ses rigueurs passées : en peu de temps elle devint l'enfant de prédilection d'Adalric, en même temps que la joie de sa mère et l'ornement de la cour ducale.

Odile cependant était loin d'avoir épuisé la série des épreuves qui devaient, dans les vues de Dieu, la préparer à sa grande mission. La pieuse enfant était peu faite pour la vie bruyante d'une cour. Ayant longtemps soupiré après le bonheur de voir et d'embrasser les siens, elle n'avait plus d'autre désir, maintenant que son rêve était réalisé, que de retourner à son cher monastère de Palma. Elle dut y renoncer devant la volonté énergique du duc et devant les instances, pleines de tendresse, de Béreswinde : leur ambition à tous deux ne s'accommodait pas d'une destinée aussi obscure pour leur fille. Revenue à Hohenbourg contre le gré de son père, Odile dut y rester malgré elle.

Le duc Adalric rêvait pour elle un brillant avenir. Il projetait de la marier à un jeune prince de Germanie, de haut lignage ; mais à son tour Odile, qui avait juré de n'avoir d'autre époux que Dieu, opposa aux prières comme aux menaces de son père, le refus le plus formel. Apprenant que des mesures étaient prises pour contraindre sa liberté, la courageuse princesse résolut de chercher son salut dans la fuite : revêtue de haillons pour n'être pas reconnue, elle s'échappe furtivement du château paternel et, se confiant en la Providence, elle se dirige vers le Rhin. Cependant, à Hohenbourg on a bientôt remarqué sa fuite. Le duc Adalric, à la tête d'une troupe de cavaliers, se met à sa poursuite et apprenant qu'une mendiante, après avoir traversé le Rhin, a pris le chemin de Fribourg en Brisgau, il s'élance dans cette direction, persuadé que la prétendue mendiante n'est autre que sa fille. Il allait l'atteindre en effet près de cette ville, lorsque Odile, reconnaissant elle-même son père et les officiers de sa maison, implora le secours d'en haut. Au même moment, Dieu permit qu'un rocher s'entr'ouvrit devant la fugitive et se refermât sur elle [Note : On montre encore de nos jours l'Odilienstein, sur le Schlossberg, pris de Fribourg. Tout à côté, on a élevé une chapelle et un ermitage. Pèlerinage très fréquenté, surtout le 23 octobre et le 13 décembre de chaque année].

Dieu attendrit du même coup cet autre rocher qui était le coeur du duc Adalric. Celui-ci, témoin de ce nouveau miracle, comprit que le ciel se déclarait pour sa fille. Rentré dans la forteresse, il fit publier dans toute l'étendue de son duché, un édit, par lequel il s'engageait à respecter la vocation d'Odile, si elle-même consentait à revenir à Hohenbourg. La jeune sainte s'empressa de mettre à profit de si heureuses dispositions ; elle quitta sa retraite, vint se jeter dans les bras de son père et lui renouvela son ardent désir de se consacrer à Dieu dans la vie monastique. Adalric avait engagé sa parole de prince ; il tenait à faire les choses princièrement : pour réparer ses torts passés, il voulut que sa forteresse de Hohenbourg cédât la place à une superbe abbaye et devînt le premier monastère de femmes en Alsace.

C'était vers l'an 680. On mit dix ans à opérer cette transformation ; non content d'en faire tous les frais, le duc voulut assurer l'existence de la nouvelle fondation et lui abandonna tout le vaste domaine dépendant de Hohenbourg.

La réputation d'Odile groupa bientôt autour d'elle une foule de jeunes filles, « desquelles la mère ou abbesse première fut sainte Odile, pour les rares et grandes vertus que Dieu avait mises en elle ». Règle vivante de ses Religieuses, elle les fortifiait par ses exemples en même temps qu'elle les instruisait par ses discours. Ses biographes nous la représentent sans cesse en prières, assidue à la lecture des Saints Livres, réservée dans son langage et surtout adonnée à la mortification, à tel point que, les jours de fête exceptés, « n'avoit pour ses plus friands morceaux que pain d'orge, encore beaucoup moins que son saoûl ; pour tout lict, couche et couverture, n'avoit qu'une peau d'un ours et pour son traversin et coussin une très dure pierre. Par ces moyens domptoit son corps et l'affranchissoit des assauts voluptueux de la chair, les combattant par ce qui leur estoit le plus contraire ».

La sainte abbesse, si dure pour elle même, était pleine d'une compatissante bonté pour les pauvres et les malades, que sa bienfaisance attirait en foule à Hohenbourg. Elle-même se réservait l'honneur de les servir et de les consoler, et Dieu récompensa plus d'une fois par des miracles les bonnes oeuvres de sa servante. Un jour, un lépreux était tombé, mourant de faim, à la porte du monastère. Ses plaies étaient si repoussantes que nul n'osait l'approcher. Odile accourut, fit préparer des aliments et les apporta elle même au malheureux ; non contente de le restaurer de ses propres mains, elle l'embrassa en suppliant le Seigneur de guérir sa lèpre, et le malade fut immédiatement guéri.

Dans ces temps de foi, où l'on ne voyait, dans les malades et les nécessiteux, que des membres souffrants de Jésus-Christ, il y avait ordinairement près de chaque monastère un hospice ou hostellerie, sorte d'annexe indispensable, où les Religieuses s'exerçaient aux soins des malheureux. A Hohenbourg, pareille fondation n'était pas facile : les malades et les infirmes, « pour se ressentir de la charitable bénéficence dudit monastère, étoient contraints monter en iceluy à grande difficulté par l'aspreté de la montagne ».

Bien des fois la pieuse abbesse avait souffert à la vue de ces malheureux, épuisés par la fatigue d'une rude montée : beaucoup d'entre eux, même, ne pouvant atteindre le sommet, étaient privés de tout secours. C'est ce qui la détermina à construire, au fond d'un gracieux vallon, sur le flanc méridional de la montagne, un petit hôpital « pour les pauvres affligez et recrues de malheur », avec une chapelle dédiée à saint Nicolas. Chaque jour, malgré les difficultés de la descente et la fatigue de l'ascension, elle allait elle même visiter ses pauvres et leur distribuer avec le réconfort de ses consolations d'abondantes aumônes : cette fille de prince fut bien la première Soeur de Charité de notre pays d'Alsace, et elle le fut dans toute la rigueur des termes.

Un jour que la bienfaisante abbesse remontait à Hohenbourg, après sa  visite quotidienne, elle trouva sur son chemin un pauvre vieillard épuisé de fatigue et de soif : ses forces l'avaient trahi à mi-côte et il allait tendre le dernier soupir. Odile fut touchée de compassion et, le temps lui manquant pour chercher de quoi réconforter le moribond, elle eut recours à Dieu ; obéissant à cette vive foi qui inspire les saints, elle frappe de son bâton le rocher voisin et aussitôt il en jaillit une source abondante et limpide, qui désaltère le moribond et lui rend la vie.

Sainte Odile

Béreswinde aida sa fille dans sa pieuse entreprise, en assurant à l'hôpital des revenus pour l'entretien des malades. Sur les instances des Religieuses, qui voulaient avoir leur part dans ses bonnes oeuvres, Odile fonda près de l'hôpital un second monastère qui, en raison de sa situation, fut appelé Niedermünster, c'est-à-dire Bas-Moutier, Monastère d'en bas ; elle y envoya des Religieuses de Hohenbourg, qui, heureuses de se dévouer au soin des malades, consentirent bien « à changer d'habitation, mais à condition de ne pas changer, de moeurs ni d'abbesse ». Odile resta donc, jusqu'à sa mort, à la tête des deux abbayes soeurs.

Cependant, Adalric et Béreswinde étaient arrivés à un grand âge. Désireux de finir leur vie « en la compagnie de leur bienheureuse fille », dit un chroniqueur, ils vinrent se placer sous sa direction à Hohenbourg. C'est là qu'ils moururent, à neuf jours d'intervalle, vers l'an 700 : Odile leur ferma les yeux et leur rendit les derniers devoirs.

Tout entière désormais aux obligations de sa pieuse charge, Odile ne songeait plus qu'à l'édification de ses Religieuses et à sa sanctification personnelle : sur les sommets de Hohenbourg « elle oubliait la terre en s'approchant de son Dieu ; elle montait de vertu en vertu ; elle s'élevait bien haut comme les sapins de la montagne ». Elle vécut longtemps encore, toujours bienfaisante, toujours active, favorisant par tous les moyens la piété de ses sœurs : pour leur permettre de se recueillir dans la solitude et la prière, elle fit élever des oratoires sur différents points de la montagne. « Il semblait, dit Hugues Peltre, que la Bienheureuse Odile voulût changer tout Hohenbourg en chapelles ou en stations ».

Les fatigues et les travaux avaient épuisé les forces de la sainte abbesse ; avertie par Dieu que son heure dernière allait sonner, elle se fit transporter dans la chapelle de saint Jean-Baptiste (la Chapelle Sainte-Odile actuelle), qu'elle avait fait élever à la demande du Saint et selon les plans tracés par lui. C'était son oratoire de prédilection ; c'est là que bien des fois elle avait épanché son âme dans une douce méditation, c'est là qu'elle voulut mourir. Elle convoqua une dernière fois ses compagnes et après leur avoir fait ses recommandations suprêmes, elle leur demanda avec instance de prier pour elle et pour les siens. Elle se fit ensuite apporter le calice, où étaient conservés le Corps et le Sang précieux de Jésus-Christ [Note : D'après une ancienne tradition, ce calice aurait été apporté à la Sainte par un ange ; c'est ce fait qui a inspiré un tableau situé dans la Chapelle Sainte-Odile. — Ce calice, fait d'un métal inconnu, fut conservé à Hohenbourg jusqu'à l'incendie de 1546 ; à cette époque on le plaça dans le trésor épiscopal de Saverne, d'où il disparut pendant la Guerre de Trente ans. Le dernier tableau de la Chapelle représente l'Apothéose de la Sainte et son entrée dans le Ciel], prit de sa propre main le Saint-Viatique et s'endormit paisiblement dans la paix du Seigneur. C'était le 13 décembre de l'année 720.

Les Religieuses rendirent les derniers devoirs à leur Mère avec toute la solennité possible. Son corps fut confié à cette chapelle Saint-Jean-Baptiste qu'elle avait tant aimée et où elle avait voulu rendre son âme à Dieu ; là, à l'endroit même où l'on voit encore son tombeau, elle dormit, dans l'attente de la résurrection, le bon et doux sommeil du pèlerin fatigué, laissant après elle, dans une longue traînée de gloire, le souvenir de la plus pure création du VIIème siècle, de la plus radieuse figure qu'ait produite l'Alsace pourtant si féconde en grandes âmes. Cependant sa bienfaisante influence allait se perpétuer à travers les âges et provoquer cette superbe éclosion de foi, qui devait faire de notre Alsace un des pays les plus chers à l'Eglise et les plus dévoués à la cause catholique.

« Telle est la pieuse cantilène que chante encore, en ce siècle de doute, la tradition de l'Alsace... Je vous en conjure, ne la discutez pas. Pourquoi vouloir bannir de l'âme humaine, au nom d'une science qui n'est que fragilité, toute aspiration vers le mystère de l'au delà ? La trouvez-vous donc si belle, notre existence terrestre, pour lui interdire tout pieux idéal ? Reconnaissez du moins le grand enseignement que laisse après elle la sainte fille d'Adalric : même dans une époque de brutalité, il y a place pour de douces existences. On peut vivre dans la mémoire du peuple autrement que par la puissance et la grandeur ; le prestige bienfaisant de la pieuse abbesse, l'auréole de respect qui plane sur son front, en sont le réconfortant témoignage : l'immortalité la plus enviable reste celle que peut donner la vertu » (de M. Henri Degand, avocat à Strasbourg).

(texte de l'abbé Ch. Umbricht).

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