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LA SALETTE DE GRENOBLE. |
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SALETTE DE GRENOBLE - DÉVELOPPEMENTS ET CONTRADICTIONS - DÉCISION DOCTRINALE.
Pendant que le premier sanctuaire se construisait à Morlaix et que la dévotion populaire y prenait un développement vraiment merveilleux, les événements se déroulaient de leur côté à la Salette de Grenoble, et l'Apparition de la divine Messagère s'y affirmait davantage de jour en jour, de manière à s'imposer comme un fait indéniable, comme une vérité indiscutable. Les miracles se multiplient, des pèlerinages sur le lieu de l'Apparition s'organisent spontanément ; les deux Commissions instituées par Mgr de Bruillard avaient conclu, dans un premier rapport, que pour un fait de cette importance il ne fallait rien précipiter, et que la marche des événements arriverait à produire plus de lumière et à donner plus de sécurité à un jugement ultérieur.
L'opinion publique s'occupait de plus en plus de cette question passionnante. Les uns niaient, les autres affirmaient et demandaient une décision de la part de l'autorité diocésaine. Mgr de Bruillard, à la date du 14 juillet 1847, désigna deux de ses prêtres les plus distingués, pour faire une enquête sérieuse et détaillée et prendre des informations juridiques ; c'étaient M. l'abbé Rousselot, professeur de théologie au grand séminaire, chanoine de la cathédrale et vicaire-général honoraire, puis M. l'abbé Orsel, chanoine aux honneurs et supérieur du séminaire.
Tous deux se mirent en route et visitèrent successivement neuf diocèses du Midi de la France, pour s'enquérir des faits miraculeux signalés. Le rapport qu'ils dressèrent fut lu à la grande Commission, présidée par l'Evêque et chargée désormais de l'examen de l'affaire. Il fut publié en 1848, avec l'autorisation du prélat.
Autour des deux enfants, l'empressement et la curiosité se continuaient avec la même persistance : pèlerins croyants, adversaires incrédules et libres-penseurs, publicistes et hommes de lettres, gens de loi et de police, prêtres, religieux, prélats, c'est par milliers qu'ils vinrent dans le cours de quelques années les interroger, et c'est des milliers de fois que ces deux voyants, si différents de caractère, si incultes et si ignorants, consentirent à refaire ce même récit, sans se contredire jamais, sans jamais varier dans l'emploi de termes et d'expressions qu'ils ne comprenaient même pas entièrement.
Et quand on en venait au Secret qui avait été confié à chacun d'eux, lorsqu'on voulait en avoir communication, ce fut toujours, de la part de l'un et de l'autre, la même fermeté, la même persistance à refuser la moindre parcelle de ce dépôt sacré. — Que d'assauts ils ont eu à subir, que d'obsessions à vaincre, que de ruses et d'habiletés à déjouer, et toujours ils sont sortis victorieux de ces luttes, toujours ils sont restés fidèles à leur devoir, ayant pour toute réponse : « Je ne puis pas ; la Belle Dame me l'a défendu ».
Le Souverain Pontife Pie IX, saisi de cette question par le cardinal Gousset, dans un voyage ad limina, manifesta le désir d'avoir communication de ces secrets, pour être plus à même de juger de la vérité et de l'authenticité de l'Apparition. Du 23 au 27 mars 1851, l'abbé Auvergne, sécrétaire général de l'évêché, et l'abbé Rousselot, commis à cet effet par Mgr de Bruillard, virent, chacun à part et successivement, Maximin et Mélanie, pour leur exposer doctrinalement le droit qu'avait l'autorité ecclésiastique d'être renseignée sur tous les détails de l'événement et sur le secret à eux confié. Après avoir écouté un exposé clair et théologique de cette thèse, chacun des enfants consentit, mais avec des précautions extrêmes et des réserves extraordinaires, à livrer son secret au Pape, c'est-à-dire à le mettre par écrit, sous pli cacheté et scellé, avec la condition expresse que ce message serait porté à Rome par Mgr de Bruillard ou par M. Rousselot, ne voulant absolument le confier à aucun autre.
Dans les premiers jours de juillet, le prélat fit prévenir Mélanie et Maximin de ce que le Pape exigeait d'eux et les manda à l'évêché, pour écrire leurs secrets en présence de quatre témoins désignés par lui. Ces témoins étaient : deux vicaires généraux, puis M. le chanoine Taxis et M. Dausse, ingénieur civil.
Les enfants furent placés aux deux extrémités de la salle, chacun devant une table sur laquelle se trouvaient de l'encre, des plumes et du papier. Les témoins s'assirent au fond de la pièce.
Mélanie et Maximin se mirent à écrire sans manifester la moindre hésitation. Ce secret, qu'ils avaient gardé pendant cinq ans, était toujours présent à leur mémoire.
La copie de Maximin fut écrite si rapidement qu'on la jugea peu lisible et qu'on l'obligea à recommencer.
Sa lettre était moins longue que celle de Mélanie. Les témoins remarquèrent qu'il l'avait divisée en sept paragraphes exactement numérotés. Ajoutons qu'il demanda l'orthographe du mot Pontife.
Mélanie questionna les témoins. Elle voulut connaître la signification du mot infailliblement et l'orthographe d'Antéchrist, ce fut tout.
Lorsque les enfants eurent fini d'écrire, Mgr de Bruillard entra dans la salle et leur adressa quelques mots qui se terminaient par cette recommandation : « Prenez bien garde de n'avoir écrit que votre secret ; n'y ajoutez rien de vous-mêmes, et n'allez pas mentir au Pape ».
L'un et l'autre affirmèrent qu'ils n'avaient rien changé aux paroles de la Belle Dame. L'Evêque les bénit et se retira.
Ils scellèrent ensuite leurs écrits en présence des témoins qui en attestèrent l'authenticité sur les enveloppes. Mgr de Bruillard y joignit ses lettres testimoniales, apposa sur le tout le sceau de ses armes et chargea MM. Gérin et Rousselot, ses vicaires généraux honoraires, de se rendre à Rome et d'en faire la remise au Souverain Pontife.
A partir de ce moment, Mélanie et Maximin ne songèrent plus à leur secret ; et dans toutes leurs démarches on pouvait remarquer que tous deux se sentaient soulagés d'un grand fardeau.
MM. Rousselot et Gérin partirent le 6 juillet pour la Ville éternelle. Le 18, ils étaient reçus au Vatican.
Les deux délégués de l'Evêque ont raconté, chacun de son côté, les détails de l'audience ; nous donnons ici un passage du rapport de M. Rousselot, qui concorde du reste parfaitement avec celui de son confrère.
« Sa Sainteté, écrit-il, décacheta en notre présence les trois lettres, les lut, et, commençant par celle de Maximin, Elle dit : Il y a ici la candeur et la simplicité d'un enfant. Nous répondîmes : Ces enfants sont des petits montagnards qui, depuis quelque temps, sont entrés dans des maisons d'éducation.
Pour mieux lire les deux lettres, Sa Sainteté se leva et s'approcha d'une fenêtre dont Elle ouvrit le volet. Nous la suivîmes. Après la lecture de la lettre de Mélanie, Sa Sainteté nous dit : Il faut que je lise ces lettres à tête reposée.
Pendant la lecture de cette dernière lettre, une certaine émotion se manifesta sur le visage du Saint Père. Ses lèvres se contractèrent et ses joues se gonflèrent. Lecture faite, le Saint Père nous dit : « Ce sont des fléaux dont la France est menacée ; elle n'est pas seule coupable ; l'Allemagne, l'Italie, toute l'Europe est coupable et mérite des châtiments. J'ai moins à craindre de l'impiété ouverte que de l'indifférence et du respect humain ...... Ce n'est pas sans raison que l'Eglise est appelée militante, et vous en voyez ici le capitaine (et il porta sa main droite sur sa poitrine). J'ai fait examiner votre livre par Mgr Frattini, promoteur de la foi ; il m'a dit qu'il en était content, que ce livre est bon, qu'il respire la vérité ».
Pendant leur séjour clans la Ville éternelle, nos deux envoyés virent un certain nombre de cardinaux et de prélats membres des Congrégations romaines, qui avaient étudié la question de la Salette et qui y étaient favorables. Ils partirent le 24 août, emportant une bénédiction spéciale du Souverain Pontife pour les deux Enfants.
***
Maintenant que Rome connaissait le Secret des deux Bergers et n'hésitait pas à autoriser la construction d'une église sur la montagne, il fallait que l'Evêque rompit le silence et portât un jugement que le monde-religieux attendait avec anxiété. Mgr de Bruillard écrivit un mandement qui portait la date du 19 septembre 1851, mais qu'il crut devoir soumettre au Saint-Siège, avant de le publier.
Ce document fut soigneusement examiné et revisé sur quelques points de détail et, lorsqu'enfin il fut retourné, il fut lu à Grenoble le 10 novembre et le 16 dans le reste du diocèse.
L'Evêque rappelle brièvement les faits, note les démarches qu'il a faites pour connaître la vérité, énumère les contradictions qu'il a rencontrées dans l'enquête à laquelle il s'est livré de 1846 à 1851.
Puis, il déclare que l'Apparition de la Sainte Vierge à deux bergers, sur une montagne de la chaîne des Alpes, dans la paroisse de la Salette, porte en elle-même tous les caractères de la vérité.
En conséquence, le prélat autorise le culte de Notre-Dame-de-la-Salette et permet de le prêcher dans ce diocèse. Il défend de s'élever publiquement, de vive voix ou par écrit, contre le fait qu'il vient de proclamer ; il invite les fidèles à observer les commandements de Dieu et de l'Eglise, et à faire pénitence de leurs péchés ; il fait appel à la générosité de ses diocésains et du monde catholique pour l'aider à construire sur le lieu de l'Apparition une église et une hôtellerie.
Dès la publication de ce mandement, les adhésions arrivèrent de tous côtés à Mgr de Bruillard. Un grand nombre d'Evêques et d'Archevêques, non seulement de France, mais de Belgique, d'Angleterre, d'Italie, d'Afrique et d'Amérique, lui écrivirent pour le féliciter, et bientôt les aumônes et les offrandes affluèrent, si bien que, le 25 mai 1852, le vénérable prélat, alors âgé de 85 ans, accompagné de Mgr Chatrousse, Evêque de Valence, put faire la bénédiction de la première pierre du nouveau sanctuaire, au milieu d'un concours de plusieurs centaines de prêtres et de 20,000 fidèles.
Peu après il donnait sa démission, pour finir sa vie dans la retraite, mais pendant l'été de 1856 il vint encore faire un dernier pèlerinage sur la sainte Montagne et put voir achevée la magnifique église qu'il avait commencée, avec les vastes bâtiments servant d'habitation aux Missionnaires et d'hôtellerie aux pèlerins qui ne cessent d'y affluer.
Le 20 août 1879, eut lieu la consécration de l'église et son érection en Basilique mineure ; et le lendemain, 21 août, fut fait le Couronnement solennel de la statue de Notre-Dame-de-la-Salette, privilèges concédés par Sa Sainteté Léon XIII.
A ces fêtes magnifiques assistèrent dix Archevêques et Evêques, et d'innombrables prêtres et fidèles.
J.-M. Abgrall.
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