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Le pèlerinage, les oeuvres, les chapelains et la confrérie de la Salette de Morlaix. |
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SALETTE DE MORLAIX : LE PÈLERINAGE - LES ŒUVRES - LES CHAPELAINS - LA CONFRÉRIE.
Après avoir fait rapidement l'historique de la Salette de Grenoble, revenons à la Salette de Morlaix.
La chapelle érigée par M. de Kermenguy est donc terminée et consacrée le 21 juin 1860.
Désormais la dévotion pourra prendre plus d'extension ; il y a maintenant un sanctuaire vraiment noble et digne pour recevoir les pèlerins, et son caractère monumental est de nature à favoriser et à exciter leur piété. Journellement ils viendront, soit isolément, soit par groupes ; d'autres se feront une règle d'y venir périodiquement, et l'on nous a cité une bonne mère de famille de Morlaix qui a eu le bonheur d'avoir deux fils prêtres, et qui faisait chaque semaine son pèlerinage à la Salette.
Mais c'est à certaines époques spéciales, à certaines dates, que ces concours sont plus nombreux.
Pendant le mois de mai, consacré à la Sainte Vierge, les fidèles de la ville et des campagnes voisines aiment à y venir pour adresser leurs hommages et leurs supplications à la Vierge Réparatrice.
Le 19 septembre, anniversaire de l'Apparition, est chaque année célébré avec une piété toute particulière, et cela d'une façon absolument différente des fêtes patronales ou pardons du pays. Dès la veille au soir, les morlaisiens et les gens des paroisses d'alentour commencent à arriver à la Salette ; toute la nuit, 10 ou 12 prêtres, se relevant de deux en deux heures, entendent les confessions. Dès 2 ou 3 heures du matin, les messes commencent, pour se succéder sans interruption jusqu'à la grand'messe célébrée à 10 heures. Lorsque les premiers venus ont assisté à la messe et communié, ils retournent à la maison pour céder la place à d'autres. Toute la nuit et toute la matinée la chapelle est remplie de pèlerins priant avec une ferveur et une foi extraordinaires. Des milliers de communions sont distribuées, et Dieu seul et ses Anges peuvent supputer les grâces et les faveurs accordées à ces actes de foi, d'adoration et de réparation.
Chaque année cette fête anniversaire se renouvelle et chaque année on peut constater un progrès dans l'affluence des fidèles et dans leur piété.
LES GRANDS PÈLERINAGES.
En 1870, l'année terrible et néfaste de la guerre franco-allemande, la dévotion à Notre-Dame de la Salette se manifesta d'une manière plus sensible. Dès que nos prompts revers eurent faits cesser l'enthousiasme si bruyant et si déplacé des premiers jours, les parents des pauvres soldats partis pour cette guerre désastreuse, pensèrent à les recommander à la Sainte Vierge, comme à une puissante protectrice. On les vit alors arriver en grand nombre à la chapelle de la Salette et faire leur pèlerinage avec la plus grande dévotion, mais aussi avec la plus profonde tristesse. Ce fut une longue période de désolation et d'accablement.
Le grand pardon du 19 septembre se ressentit de cet état des esprits. Il s'inaugura dès la veille par le chant des vêpres solennelles. M. Cloarec, curé-archiprêtre de Morlaix, prononça un sermon tout d'actualité, et qui produisit une vive impression sur les auditeurs. Dans la soirée, les confessions furent très nombreuses. Le chiffre des communions fut le double de celui des années précédentes, puisque de 800 ou 900 il monta à 1,700.
Les soldats de la garde mobile, qui en ce moment étaient casernés ou cantonnés à Morlaix pour être exercés avant d'entrer en Campagne, vinrent en cette circonstance se recommander à la Vierge de la Salette.
Le 19, jour de l'anniversaire, 35 messes furent célébrées dans la chapelle. Après les vêpres chantées à 2 heures, le sermon fut fait par M. Bayec, professeur au petit séminaire de Pont-Croix ; puis, après la bénédiction du Saint-Sacrement, M. de Kermenguy monta en chaire pour faire ses recommandations et exhorter les fidèles à prier ardemment Dieu et la Sainte Vierge de venir en aide à notre pauvre pays, déjà si ravagé par le terrible fléau et menacé d'autres revers dont on ne pouvait prévoir la fin.
***
Pèlerinage du 2 Octobre 1870. Le Dimanche du Rosaire.
La guerre bat son plein et les désastres se multiplient. Partout l'on adresse à Dieu des prières publiques, pour qu'il daigne mettre fin à nos malheurs. A Morlaix, un groupe de chrétiens pleins de foi s'adresse à M. Cloarec, Curé de Saint-Mathieu, pour le prier d'organiser une procession solennelle à N.-D.-de-la-Salette et d'y porter triomphalement la Statue vénérée de Notre-Dame-du-Mur, en vue d'obtenir de Dieu, par l'intercession de sa Sainte Mère, la fin de cette guerre homicide, en donnant la victoire à nos drapeaux. M. Cloarec félicita chaudement l'initiative de ces hommes de foi et promit d'accéder au plus tôt à leur demande. Il s'entendit avec le clergé des deux autres paroisses de Morlaix, et la fête du Rosaire fut désignée pour cette manifestation.
Trois cent vingt jeunes filles, de tout rang et de toutes conditions, furent choisies pour porter l'image de Notre-Dame-du-Mur, vénérée depuis plus de cinq siècles comme la puissante et miséricordieuse Patronne de Morlaix. Divisées en 40 groupes de 8, elles recevaient sur leurs épaules le précieux fardeau ; toutes étaient habillées de blanc, et chacune accompagnée d'une petite fille également vêtue de blanc, pour tenir les rubans du brancard.
La procession quitta l'église de Saint-Mathieu à 2 heures et s'avança au chant des hymnes, du Miserere et des Litanies. Après deux heures de marche à pas très lents, on arrive à la chapelle de la Salette, insuffisante pour recevoir une foule si considérable. Un autel provisoire fut construit sur l'esplanade, au devant du portail. Dans l'allée de Pennélé, on édifia un reposoir, pour recevoir la statue de N.-D.-du-Mur, faisant face à la chapelle.
Il y eut deux instructions : l'une par M. Cloarec, Curé-Archiprêtre de Saint-Mathieu, en langue bretonne ; l'autre en français, par M. Guéguennou, Recteur de Saint-Martin. Ils prêchèrent simultanément et sans se gêner mutuellement, l'un dans l'allée de Pennélé, devant la statue de N.-D.-du-Mur, l'autre près de la chapelle de la Salette. La foule fut admirable de recueillement et de piété ; les larmes coulaient en abondance. La Bénédiction du Saint-Sacrement clôtura ce pèlerinage ; et l'on évalue à 10 ou 12 mille le nombre des fidèles qui y prirent part.
Vers 5 heures la procession se remet en marche pour le retour, avec le même ordre, et à 7 heures 1/4 on atteignait l'église de Saint-Mathieu.
Voici la prière bretonne que les Morlaisiens adressaient à Notre-Dame-du-Mur :
« Itron-Varia venniget, ar Brussianet a zo, en em daolet var hor bro ; lacaat a reont ar Frans e tan hag e goad ; n'ho deuz respet evit netra ; laza a reont hon tud-coz, hon tadou, hor mammou, hor bugale, ar re vianna zoken, koulz hag hor zoudardet kalonec ; guelit ar c'horvou maro skignet e peb leac'h var zouar Frans ; chom a reont hep beza sebeliet, dont a reont da veza mezur an anevaled gouez hag al laboused sôvach ; eur mor a c'hoad a red e Frans e tu ar zaoheol ; pegeït e pado c'hoas ar goalheuriou kouezet varnomp ? Itron-Varia-ar-Vur, her gouzout a reomp, re alies, siouas ! hon euz » offanset ho Mab ; goulennit pardon evidomp, pedit ganeomp, evit ma sioulo kounnar an Aotrou Doue, evit ma plijo gantan digass deomp euz an env eur zicour gallouduz da bellaat ar Brussianed euz hor bro, da drec'hi varno, ha rei ar peoc'h d'ar bed en eur rei ar peoc'h d'ar Frans ».
En voici la traduction française :
« Notre-Dame bénie, les Prussiens se sont jetés sur notre pays ; ils mettent la France à feu et à sang ; ils ne respectent rien ; ils mettent à mort nos vieux parents, nos pères, nos mères, nos enfants, même les plus petits, aussi bien que nos courageux soldats ; voyez les cadavres semés de toutes parts sur le sol français. Ils restent sans sépulture et sont dévorés par les animaux sauvages et les oiseaux de proie. C'est une mer de sang qui coule dans nos provinces de l'Est ; combien de temps encore dureront les malheurs qui se sont abattus sur nous ?
O Notre-Dame-du-Mur, nous le savons, trop souvent, hélas ! nous avons offensé votre Fils ; demandez pardon pour nous, priez avec nous, pour que la colère de Dieu s'apaise, pour qu'il Lui plaise de nous envoyer du Ciel son puissant secours qui nous aide à chasser les Prussiens de notre pays, à les vaincre ; qu'Il veuille donner la paix au monde en l'accordant à la France ».
Une telle prière, adressée à Marie par tous les Morlaisiens en cette circonstance douloureuse, montre combien leur confiance est grande en Notre-Dame-du-Mur et en Notre-Dame-de-la-Salette.
***
Après la conclusion de la paix et surtout le retour à la maison des soldats qui avaient échappé aux balles prussiennes, aux misères des campagnes d'un hiver si rigoureux, aux maladies meurtrières du camp de Conlie, et aux privations de la captivité en Allemagne, les parents et les pauvres soldats préservés s'en vinrent témoigner leur reconnaissance à la bonne Mère qui les avaient protégés. On les voyait venir nombreux, pieds nus, en corps de chemise, un cierge à la main, montant le sentier de la Salette en faisant le Chemin de la Croix, s'agenouillant à chacune des stations, puis entrant dans la chapelle pour faire une longue prière d'action de grâces. Rien n'était plus touchant que cette piété reconnaissante de ces pauvres épaves de nos armées.
Ils s'en venaient du Léon, du Tréguier, de la Haute-Cornouaille, et c'est de ce moment surtout que la dévotion à Notre-Dame-de-la-Salette prit plus d'extension, car tous comprirent que cette guerre meurtrière et ruineuse était l'un des fléaux prédits par la Sainte Vierge en son Apparition, comme punition de nos blasphèmes, du travail du dimanche et de la violation des lois de l'abstinence.
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Le Pardon de 1871.
Ce pardon fut moins fréquenté que celui de 1870, mais on put cependant remarquer qu'il l'emportait sur ceux des années précédentes et qu'il marquait un réel progrès dans la dévotion à Notre-Dame-de-la-Salette puisqu'on put y compter 1,100 communions et que 24 messes y furent célébrées. Après les vêpres, le sermon fut fait par M. Arhan, vicaire à Saint-Martin de Morlaix. Ensuite M. de Kermenguy fit prier la foule pour la conversion des pécheurs, le salut de la France, la délivrance du Saint-Père, pour obtenir un évêque selon le cœur de Dieu. (Le siège de Quimper était vacant par la mort de Mgr Sergent).
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Pèlerinage du 7 Septembre 1873.
En ce moment le souvenir de notre guerre désastreuse de 1870 était encore vif et douloureux dans les âmes ; on vivait entre la crainte de nouveaux malheurs et l'espoir d'un relèvement providentiel. Le vieux souffle des pèlerinages s'étendait sur toute la France, et dans notre Bretagne particulièrement on courait en foule à tous les sanctuaires vénérés pour implorer le secours du Ciel. La Salette était bien désignée pour une de ces grandes manifestations de la foi et de la supplication. Un grand pèlerinage fut organisé pour le 7 septembre, qui tombait cette année un dimanche ; ce fût M. Cloarec, le curé-archiprêtre, qui en prit l'initiative, et il fut puissamment secondé par ses zélés vicaires.
Les archives du couvent de Saint-François ont conservé une relation assez détaillée de cette fête ; elle a été également racontée, dans le journal breton « Feiz-ha-Breiz », par M. le chanoine Alexandre, alors au Chapitre de Quimper, mais précédemment recteur de Saint-Melaine de Morlaix, puis par M. Kersalé, chapelain de la Salette. Je puis en parler aussi personnellement, en connaissance de cause, car j'avais le bonheur d'y assister avec 300 ou 400 fidèles de ma paroisse natale.
De toute la région du Tréguier, de toute la région du haut-Léon, sur un rayon de 6, 7 et 8 lieues, du canton d'Huelgoat, on accourut. De très nombreux pèlerins firent la route à pied, marchant toute la nuit et une partie de la matinée ; d'autres vinrent en groupes compacts, soit par les trains spéciaux du chemin de fer, soit dans leurs voitures, charrettes et chars-à-bancs. Cinquante-six paroisses y furent représentées, plusieurs apportant leurs croix et leurs bannières qu'on déploya pour traverser les rues de Morlaix et faire le long trajet au bord de la rivière ; des processions sans nombre, se suivant à la file, arrivaient à la sainte colline de la Salette dont elles montaient avec émotion le sentier abrupt bordé par les édicules du Chemin de la Croix, qui donnent si bien au sanctuaire son caractère d'expiation et de réparation.
Entre ces processions, ne convient-il pas de signaler tout spécialement celle de Morlaix et celle de Brest ?
Ce jour encore, ainsi qu'au g octobre 1870, la statue miraculeuse de la grande Protectrice de Morlaix, Notre-Dame-du-Mur, sortit de son sanctuaire pour aller faire visite à Notre-Dame-de-la-Salette. Portée triomphalement par un cortège de jeunes filles vêtues de blanc, elle était entourée par tout le peuple morlaisien qui se pressait respectueux et fervent autour de sa gracieuse Souveraine.
Brest aussi était magnifiquement représenté, non pas seulement par un concours nombreux de fidèles, mais par quantité d'officiers de la Marine et de l'Armée, étalant sur leurs nobles poitrines la croix rouge, insigne du pèlerinage, et marchant à la suite de la bannière du Sacré-Cœur portée par un Capitaine de Frégate.
Ce fut une journée merveilleuse, ce fut un coup d'œil féérique que l'arrivée successive de toutes ces processions avec leurs riches croix bretonnes, chefs-d'œuvre d'orfèvrerie, et leurs vieilles bannières brodées du XVIIème siècle ; le vieux monastère de Saint-François pavoisé et enguirlandé, le sentier de la Salette décoré d'un arc de triomphe, de drapeaux et d'oriflammes, la façade de la chapelle rehaussée de brillants décors, puis l'immense allée de Pennélé envahie par une foule, une multitude dont on n'a pas l'idée, refluant en masses profondes dans les allées latérales et formant une vraie mer de têtes humaines.
Au fond de cette allée s'élève une haute et riche estrade, au sommet de laquelle est dressé l'autel où la grand'messe est célébrée par M. Ollivier, Curé-Archiprêtre de Saint-Pol-de-Léon, escorté aux quatre angles par quatre gendarmes à cheval, immobiles, le sabre au clair.
Au prône, trois sermons sont prononcés à la fois devant cette immense assemblée : l'un en français, du haut de l'estrade, par l'Evêque diocésain, Mgr Nouvel, qui préside la fête, les autres en breton, sur deux autres points éloignés, par M. Prigent, Curé de Crozon, et M. Hameury, Curé de Plogastel-Saint-Germain.
De l'estrade on dominait cette assistance sans pareille, on pouvait la supputer approximativement, et des calculs qui ne sont pas exagérés l'ont estimée au chiffre de 40,000. — Cent cinquante prêtres accompagnaient ces fidèles.
Dans l'après-midi, au chant des vêpres solennelles, ce fut le même spectacle grandiose ; le sermon français fût donné du haut de l'estrade, par M. Sévézen, Recteur de Saint-Melaine de Morlaix ; M. Le Bars, Curé de Guipavas et M. Pouliquen, Curé de Ploaré, firent les sermons bretons.
Au départ, ce fût le même défilé majestueux des processions, les mêmes chants de piété et de supplication, et dans tous les cœurs, un sentiment ineffable de joie chrétienne.
Celle fête est, sans contredit, la plus triomphale qui ait été célébrée à la Salette. Il n'y a pas de doute qu'elle n'ait été la source de grâces sans nombre et de faveurs immenses pour notre pays. De telles journées ne peuvent se renouveler qu'à des intervalles très lointains ; mais en dehors de circonstances aussi solennelles, la piété peut toujours avoir son libre cours, et la dévotion à Notre-Dame-de-la Salette continuera à se manifester sous des formes diverses et à s'accroître dans le cours des années.
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Pèlerinage annuel des trois Paroisses de Morlaix.
Le premier pèlerinage à la Salette de Morlaix est celui de la paroisse de Saint-Martin, et qui avait lieu à l'occasion de la clôture du mois de Marie. Il remonte au rectorat de M. Le Moal, par conséquent au temps du premier sanctuaire, ou aux années de la construction de la chapelle actuelle. M. Guéguennou, son successeur, continua la même tradition. Il faut cependant observer que ce grand pèlerinage, où les trois paroisses se groupaient, n'allait pas régulièrement tous les ans à la Salette ; il se faisait aussi au Carmel et à Notre-Dame-du-Mur.
L'objet des plaintes et des avertissements de la Vierge de la Salette était le blasphème et le travail du dimanche : « Je vous ai donné six jours pour travailler ; je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l'accorder. — Ceux qui conduisent les charrettes ne savent pas jurer sans y mettre le nom de mon Fils ».
Ce sont ces plaintes de Marie à la Salette qui furent la cause déterminante de l'établissement du pèlerinage annuel des trois paroisses de Morlaix.
M. Billant, précédemment recteur de Ploaré, devint en
1890 Recteur de Saint-Melaine. Inspiré par la campagne de M. l'abbé Garnier en
faveur du repos dominical, il voulut combattre dans sa paroisse cette plaie du
travail du dimanche et jugea que le remède le plus efficace et le plus
saisissant était un pèlerinage à la Salette. Son premier vicaire, M. l'abbé St.
Le Bihan, composa un cantique spécial pour la circonstance :
« Le Dimanche, ô
Marie,
Est sacré pour nos cœurs. »
et qui était comme une paraphrase des
paroles de l'Apparition.
La paroisse de Saint-Melaine fut d'abord seule à prendre part à cette cérémonie de réparation.
En 1891, M. Le Duc fut transféré de la Cure de Douarnenez à l'Archiprêtré de Saint-Mathieu de Morlaix. Il trouva excellente l'initiative de M. Billant, avec lequel il se mit en rapport pour adjoindre ses paroissiens à ceux de Saint-Melaine ; Saint-Martin suivit la même impulsion, puis ce fut le tour de Ploujean.
En 1893, M. Le Duc prenait la direction de l'œuvre, fixait le jour du pèlerinage et en traçait le programme. Le voici tel que nous le trouvons imprimé à cette époque :
PÈLERINAGE DE MORLAIX
A NOTRE-DAME-DE-LA-SALETTE
Le 10 Septembre 1893.
ORDRE DES EXERCICES :
A 2 heures précises, Exposition du T. S. Sacrement. — Récitation du Rosaire, exhortation après chaque dizaine, et chant d'un couplet du cantique : Mère chérie, — Cesse tes pleurs, — Le Dimanche, ô Marie, — Est sacré pour nos cœurs.
— Après chaque chapelet, invocations ou oraisons jaculatoires faites par le directeur du Pèlerinage, et répétées par les fidèles.
Après le 2ème chapelet, Amende honorable en réparation des nombreuses profanations du Dimanche.
— Après le 3ème chapelet, acte de Consécration.
— A 3 heures, tous les fidèles sont priés de sortir de la Chapelle, pour assister aux Vêpres qui seront chantées à l'extérieur ; pendant la sortie, chant du cantique : Mère chérie.
Après les Vêpres, Sermon, puis Bénédiction du T. S Sacrement.
Pour clore le Pèlerinage, chant du cantique : Sainte Religion.
LE DUC, Curé-Archiprêtre,
Directeur du Pèlerinage.
Dans le début, ce Pèlerinage avait lieu le dimanche qui suivait le 8 septembre. C'est sur la demande du chapelain de la Salette qu'il a été fixé au dimanche précédant le pardon.
Depuis ce temps, le programme n'a guère varié. C'est le dimanche précédant le pardon du 19 septembre qui est choisi pour ce Pèlerinage, auquel tous les Morlaisiens prennent part. Il n'y a pas de procession, mais tôt après midi on se met en route par groupes, en famille, en longeant la rivière. A 2 heures précises, la cérémonie commence. Elle consiste à faire une heure d'adoration devant le Saint Sacrement, comme expiation et réparation pour les blasphèmes et la profanation du Dimanche. Le S. Sacrement est exposé sur l'autel construit sur l'esplanade. Tout se passe en plein air. — D'abord, récitation du Rosaire en entier, avec exhortations au commencement de chaque chapelet ; puis sermon sur la Sanctification du Dimanche. — Vêpres et Bénédiction. Le Saint Sacrement est conduit processionnellement au Tabernacle, au chant du Te Deum.
Ce Pèlerinage est cher au coeur des Morlaisiens et très édifiant pour leurs âmes.
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Pèlerinage après la Communion des Enfants.
Depuis plusieurs années, les pasteurs zélés des paroisses voisines de la Salette ont adopté la pieuse coutume d'y mener leurs enfants en pèlerinage le lendemain du jour de la Communion : Saint-Mathieu, Saint-Martin, Saint-Melaine, le Collège, Sainte-Sève, Ploujean, Henvic, Taulé et Locquénolé. Locquénolé a commencé il y a plus de 20 ans ; Taulé, depuis 1900 : ces deux paroisses viennent en procession, avec croix et bannières, au chant des cantiques. Une messe basse est dite à 9 heures et suivie d'un sermon de Persévérance et de la Bénédiction. Après un déjeuner champêtre et une récréation dans les bois de Pennélé, la procession se reforme pour le retour.
Les trois paroisses de Morlaix viennent séparément après la Communion pascale des enfants pour se consacrer à Notre-Dame-de-la-Salette et lui demander la grâce de la persévérance.
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Pendant l'été, parfois le dimanche, souvent sur la semaine, les Congrégations d'Enfants de Marie, les ouvriers, les Patronages, les Pensionnats conduits par leurs directeurs et directrices, se font un devoir de venir présenter leurs hommages à leur bonne Mère.
LES RETRAITES.
Quand on jette les fondements d'une œuvre, il est difficile de prévoir tout le développement qu'elle peut prendre dans la suite. Depuis longtemps, M. de Kermenguy, dont l'esprit plein de zèle ne restait jamais en repos, avait eu l'idée d'établir à la Salette un centre de retraites, analogue à ce que l'on possédait à Quimper, Quimperlé, Lesneven et Lannion. Il en parla à différentes reprises à M. Le Duc, archiprêtre ; mais il semblait que le moment n'était pas encore venu ; Dieu ne lui donna pas de voir cette œuvre fondée ; il mourut avant d'avoir pu réaliser son projet.
A peine avait-il passé à une vie meilleure que l'idée qu'il avait si longtemps poursuivie fut reprise par un prêtre, morlaisien d'origine, M. Livinec, alors professeur au Grand Séminaire de Quimper et chargé des œuvres militaires. Avec le consentement et l'appui très dévoué de son supérieur, M. Ollivier, il entama des négociations avec M. Le Duc. Celui-ci ne put que lui faire un excellent accueil. Depuis longtemps il déplorait que les retraites des jeunes conscrits, établies sur trois autres points du diocèse, ne fussent pas encore organisées dans le rayon de Morlaix. Aucun centre n'y était mieux approprié que la Salette et le couvent de Saint-François ; impossible de trouver un site plus beau et une meilleure solitude.
De concert avec les Religieuses Augustines, M. le Curé organisa, en 1898, la première retraite de Soldats.
Les débuts furent extrêmement pénibles, faute de locaux suffisants. On logea les jeunes gens chez les deux aumôniers, M. Castel et M. Fagot, et dans les combles de l'Hôtel-Dieu de Saint-François. Ce fût l'âge héroïque et on en conserve encore un doux souvenir.
Le succès obtenu par les premières retraites détermina la construction d'un corps de bâtiment assez vaste pour loger 175 retraitants, et aujourd'hui, si l'on veut favoriser le développement de l'œuvre, il faudrait se décider à agrandir encore.
M. Le Duc a été réellement le fondateur et l'organisateur de cette œuvre des Conscrits. Chaque année il les appelait aux exercices de la retraite, par une lettre toute vibrante de foi et de patriotisme, excitant au plus haut point la bonne volonté des jeunes gens et le zèle des prêtres. L'excellent Curé-Archiprêtre a gardé la direction de ces retraites jusqu'en 1904 ; à cette date il la confia à M. Colin, Curé-Doyen de Saint-Thégonnec, qui y consacre aussi tout son dévouement.
***
Les retraites de Conscrits furent un acheminement vers les Retraites Fermées. Mgr Dubillard, considérant que les fidèles de l'arrondissement de Morlaix étaient éloignés des maisons de retraite du diocèse, établit au sanctuaire de la Salette un nouveau centre pour ces exercices si profitables aux âmes. Par une lettre pastorale du 19 mars 1902, recommandant l’œuvre des Retraites Bretonnes Fermées, il fixa l'époque des retraites d'hommes et de femmes pour l'année courante et désigna, comme directeur, M. le Chanoine Quéinnec, Curé-Doyen de Taulé.
La première réunion eut lieu le 8 juin 1902, et depuis, chaque année, un bon nombre de fidèles de l'un et de l'autre sexe recourent à ces exercices spirituels et y trouvent de puissants secours pour se retremper dans la piété et raviver leurs sentiments de foi et d'amour envers Dieu. A la fin de ces jours de sanctification, on les voit quittant la chapelle à regret, priant devant la statue de Notre-Dame-de-la-Salette, avec une ferveur inconnue jusque-là, et versant d'abondantes larmes en quittant cette solitude si paisible et si douce pour leurs cœurs.
On peut donc conclure que, par ces retraites diverses, la Salette est encore une source de grâces et de faveurs célestes pour tout le pays environnant.
LES CHAPELAINS.
Dans un sanctuaire si fréquenté, et qui est devenu le centre important d'œuvres d'apostolat, il faut un prêtre ayant pour office d'être à la disposition des pèlerins, pour desservir les messes qu'ils demandent, écouter leurs confessions, recevoir leurs aumônes, inscrire leurs prières ou leurs recommandations, organiser les fêtes, régler les pèlerinages et les nombreuses cérémonies qui peuvent avoir lieu pendant l'année, et, surtout maintenant, réglementer, surveiller les retraites, tout conduire tant pour le matériel que pour le spirituel.
Dans les 10 premières années le fondateur lui-même, M. de Kermenguy, en dehors de ses obligations d'aumônier des Dames Augustines de N.-D.-de-la-Victoire au couvent de Saint-François, s'occupa activement du pèlerinage de Notre-Dame-de-la-Salette et il recourait aux prêtres libres de Morlaix et au clergé des paroisses environnantes pour desservir les nombreuses messes recommandées. Mais en 1857 il demanda qu'on lui adjoignît un Chapelain en titre, et l'administration diocésaine nomma à ce poste M. Kersalé, qui remplit pendant 35 ans les fonctions de gardien de la chapelle. Jusqu'en 1865 il vécut au Bonnou, n'ayant pas de logement auprès de la chapelle ni dans le couvent de St-François. En cette année, M. de Kermenguy lui fit construire un presbytère où il prit désormais son gîte et qui sert à ses successeurs.
M. Kersalé était une personnalité, c'était un prêtre d'une physionomie à part, vrai Breton ou vrai Celte, aux idées bien fermes et indéracinables, très dévoué à ses devoirs de chapelain, très dévot à Notre-Dame-de-la-Salette, s'occupant d'une manière toute particulière de linguistique et d'étymologie bretonne. Littérateur à ses heures, il publia dans le vieux journal « Feiz-ha-Breiz » bon nombre de relations des pèlerinages et des fêtes dont il avait été l'heureux témoin.
Lorsqu'il mourut, le 13 septembre 1892, à l'âge de 74 ans, on lui donna comme successeur M. Fagot, précédemment vicaire à Ploujean, et actuellement recteur de Lennon.
M. Fagot avait vécu 10 ans dans le voisinage immédiat de la Salette, il avait pris part à toutes les fêtes qui s'y étaient célébrées, à toutes les manifestations de foi qui y avaient eu lieu ; il était donc au courant de la grande dévotion du pays pour ce sanctuaire vénéré ; c'est dire qu'il employa tout son zèle à l'entretenir et à l'augmenter pendant tout son séjour à ce poste de piété et de dévouement.
A la fin de mai 1902, il fut nommé recteur à la Forêt-Landerneau, et fut remplacé par M. Blouet, vicaire à Pleyben, qui arriva à la Salette pour commencer la première Retraite Fermée, 8 juin 1902.
M. Blouet hérita du zèle de ses prédécesseurs et se consacra surtout aux oeuvres du pèlerinage et des retraites.
Pour alimenter la foi et la dévotion des pèlerins , pour leur faire mieux connaître l'esprit de la Salette, il pensa que rien ne serait plus utile que de composer l'histoire de la Salette de Morlaix, de publier un petit livre accessible à toutes les bourses, et qui servirait à la diffusion des paroles, des plaintes et des menaces de la Vierge apparue aux pauvres Bergers.
Il se mit donc à l'œuvre pour recueillir tous les documents et renseignements relatifs à la chapelle dont il est le gardien. Il en trouva une partie dans les archives de la Communauté des Religieuses Augustines de N.-D.-de-la-Victoire ; pour le reste il dut faire des recherches assez longues et assez laborieuses. C'est lui donc qu'il faut considérer comme le véritable auteur de ce petit opuscule, et pour ce qui est de moi, qui l'ai signé, je ne puis me qualifier que de simple metteur en page ; mais c'est une contribution qu'il m'a demandée et que j'ai fournie de bon cœur, par bonne et franche affection pour lui et par profonde dévotion pour Notre-Dame-de-la-Salette.
Une autre initiative due à ce même Chapelain consiste à tenir compte, sur un registre à part, des grâces et faveurs spirituelles et temporelles qui ont été obtenues par l'invocation de Notre-Dame-de-la-Salette et que l'on peut attribuer à sa bonté et à sa compassion. Si dès le commencement on avait eu l'idée d'inscrire tous les bienfaits accordés par cette Mère de Miséricorde, le nombre en eut été, incalculable et toutes ces grâces auraient proclamé d'une manière triomphale sa puissance et sa tendresse pour ses enfants.
Il est donc souhaitable que désormais ceux qui ont été l'objet de pareilles faveurs en fassent part, et d'une manière détaillée, à M. le Chapelain de la Salette, soit verbalement, soit par lettre signée. La reconnaissance leur fait un devoir de publier tout ce qui peut contribuer à la gloire de leur céleste Bienfaitrice. Egalement ceux qui dans le passé ont été favorisés de grâces spéciales et qui n'ont pas été consignées, feraient bien d'en faire leur rapport, car rien ne doit se perdre des marques de bonté et de pitié que nous témoigne notre très Sainte Mère.
CONFRÉRIE.
Moins de deux ans après l'Apparition merveilleuse, M. l'abbé Perrin, Curé de la Salette, eut la pensée d'établir dans sa paroisse une association de prières en l'honneur de la Sainte Vierge, qui répondit aussi bien que possible aux désirs manifestés par la divine Messagère. La conversion des pécheurs, tel fut le but qu'il se proposait dans l'établissement de la Confrérie de Notre-Dame-de-la-Salette, qu'il inaugura le 1er mai 1848, avec l'autorisation de Mgr de Bruillard.
Deux conditions seulement étaient requises pour en faire partie : l'inscription nominative sur le registre de la Confrérie et la récitation quotidienne d'un Pater et d'un Ave auxquels on conseillait d'ajouter cette invocation : Notre-Dame-de-la-Salette Réconciliatrice des pécheurs, priez sans cesse pour nous qui avons recours à vous.
Dans la pensée de M. Perrin, cette pieuse Association était uniquement destinée à ses paroissiens ; or, non seulement ceux-ci y entrèrent en grand nombre, mais dès que l'existence en fût connue, de tous les environs et de tous les coins de la France et de l'Etranger, on désira en être membre ; de sorte que, à la fin de l'année, la Confrérie comptait cinq mille cinq cent quarante-cinq associés ; dix-sept mille six cent cinquante-deux en 1850 et, en 1852, près de cinquante mille.
Dès que les missionnaires de la Salette furent institués par l'Evêque de Grenoble et qu'ils eurent pris possession de la Sainte Montagne, en mai 1852, leur premier soin fût de continuer l'œuvre du pasteur de la paroisse. Le R. P. Burnond, supérieur de la nouvelle Communauté, sollicita de Sa Grandeur l'érection canonique de la Confrérie. Le vénéré Prélat fit davantage ; en même temps qu'il érigea canoniquement cette Association de prières en l'honneur de Notre-Dame Réconciliatrice de la Salette, il obtint à son profit, du Souverain-Pontife, et la concession de précieuses Indulgences, et l'érection en Archiconfrérie, avec privilège d'affilier d'autres Confréries qui, par le seul fait, participeraient aux mêmes faveurs spirituelles.
Dès ce moment, l'Association prit un développement vraiment prodigieux, et on ne peut plus estimer, même approximativement, le nombre des personnes qui se sont fait inscrire, soit à la Sainte Montagne, soit dans les Confréries affiliées à l'Archiconfrérie dont le siège est le Sanctuaire de l'Apparition.
On comprend que, à Morlaix, M. de Kermenguy, si jaloux de promouvoir la dévotion à Notre-Dame-de-la-Salette, ne tarda pas à recourir à ce moyen si puissant pour attirer les âmes. Nous en trouvons une preuve dans cette lettre de l'Evêque de Quimper, Mgr Graveran, en réponse à la demande qu'il lui avait adressée :
ÉVÊCHÉ DE QUIMPER « Quimper, le 31 mars 1853.
MON CHER MONSIEUR DE
KERMENGUY,
Puisque Rome approuve l'érection d'une Confrérie sous le
vocable de Notre-Dame-de-la-Salette et accorde des Indulgences plus ou
moins étendues, je ne ferai aucune opposition à ce que vous établissiez une
Confrérie semblable par agrégation à la Société Mère ou Archiconfrérie, et
le moment venu je donnerai l'approbation voulue. Votre
bien affectionné. + J. M., Evêque de Quimper ».
Peu de temps après cette autorisation, le zélé aumônier érigeait la Confrérie dans son petit sanctuaire, et voici la copie de l'acte authentique qu'il en dressa :
ACTE D'ÉRECTION DE
LA CONFRÉRIE
de N.-D. Réparatrice et Réconciliatrice de la Salette
Dans la Chapelle Expiatoire de la Salette de Morlaix.
Ce jour 1er mai de l'an de grâce, mil huit cent cinquante-trois, à 1 heure et demie de l'après-midi, muni de l'autorisation de Mgr Graveran, Evêque de Quimper, datée du 31 mars (1853) de la même année, du diplôme d'agrégation à nous délivré par M. Brumond, Directeur de l'Archiconfrérie de N.-D. Réconciliatrice de la Salette, canoniquement établie par bulle du S. Pontife Pie IX sur la Montagne (de la Salette) de ce nom au diocèse de Grenoble, nous avons canoniquement érigé la Confrérie de N.-D. Réparatrice et Réconciliatrice de la Salette dans la Chapelle Expiatoire dite de la Salette, attenant au couvent de Notre-Dame-de-la-Victoire, paroisse de Saint-Martin-des-Champs, diocèse de Quimper, en présence des Religieuses Hospitalières de la Miséricorde de Jésus, des pauvres et des jeunes élèves du dit couvent-hôpital et de plusieurs fidèles, pendant l'exercice du mois de Marie.
En foi de quoi nous avons dressé le présent acte procès-verbal et l'avons signé ces mêmes jour, mois et an que dessus.
A. DE KERMENGUY, Aumônier de N.-D.-de-la-Victoire, Directeur de la Confrérie.
Le registre de la Confrérie de N.-D.-de-la- Salette ne tarda pas à se couvrir de noms et bientôt ou atteignit un chiffre respectable d'associés. Prêtres, religieux et laïcs demandent à s'inscrire ; des Communautés, des familles entières tiennent à honneur de faire partie de la pieuse Association. En juin 1907, le nombre des inscrits est de 19.120.
J.-M. Abgrall.
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