Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Pierre-Jean-Baptiste BESNARD, prêtre guillotiné à Rennes
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.
 

  Retour page d'accueil       Retour page "Ville de Sens-de-Bretagne"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

38. — Pierre-Jean-Baptiste BESNARD naquit à Sens, dans l’ancien diocèse de Rennes, le 11 janvier 1754, du mariage d’honorable homme Pierre Besnard et de demoiselle Renée-Mathurine Bertrand, tous deux très considérés en cette paroisse.

L’abbé Guy Carron, qui l’avait personnellement connu, a rendu sur sa jeunesse le plus précieux témoignage. « Longtemps avant d’être élevé au sacerdoce, il témoignait un zèle actif et soutenu pour le salut des âmes. Plusieurs ordinands réunissaient, dans une chapelle à une demi-lieue de Rennes, un certain nombre de familles indigentes, auxquelles ils distribuaient du pain et d’autres secours, après leur avoir fait une instruction touchante et familière. Le jeune Besnard se distingua dans cette espèce d’association par une charité expansive et pour l’âme et pour les besoins corporels de ces infortunés.

Aimé et estimé de tous ses confrères, il offrait une physionomie ouverte et riante, un caractère prévenant, une humeur aimable et un empressement toujours également vif à obliger et à servir les autres ». Tonsuré à Saint-Malo par dimissoire en date du 16 septembre 1772, à l’âge de 18 ans, M. Besnard reçut la prêtrise à Rennes, le 16 septembre 1778. Il avait alors 24 ans.

« Jouissant près de ses supérieurs d’une considération méritée », l’abbé Besnard fut presque aussitôt son ordination placé vicaire à Melesse, où il demeura jusqu’au commencement de 1784. Il fut alors transféré à Pléchâtel, où il séjourna jusqu’en janvier 1790. Dans l’une et l’autre de ces paroisses, il fut généralement goûté et les fidèles témoignaient pour ses avis autant de confiance que de docilité.

39. — Nommé, au mois de décembre 1790, l’un des chapelains de l’Hôpital général de Rennes, il y refusa l'année suivante de s'assermenter, malgré l’exemple du supérieur ecclésiastique de cet établissement. Bien plus, il s’efforça de mettre en garde les pensionnaires de cette maison contre la situation fausse dans laquelle s’était placé au point de vue catholique le directeur religieux de cet hospice, du fait de son adhésion à une constitution éminemment schismatique. Aussi celui-ci, le rendant responsable de l’attachement inviolable de ses pensionnaires aux bons principes, le dénonça-t-il aux autorités, et M. Besnard dut quitter cette maison au bout d’un mois et dix jours seulement de présence.

Devenu libre, raconte encore M. Carron, l’abbé Besnard, de concert avec quelques autres ecclésiastiques qui partageaient son zèle, s’occupa dès lors « de parcourir la banlieue rennaise, pour catéchiser, soit en secret, soit publiquement, les fidèles des paroisses gouvernées soit par des intrus, soit par des prêtres jureurs, et leur faire toucher du doigt les dangers que la Constitution civile du clergé faisait courir à l’Eglise de France ». L’abbé Besnard fut comme l'âme de ces périlleuses missions que l’on étendait jusqu’à deux lieues de la ville. Cet apostolat mit en fureur les révolutionnaires rennais.

Après avoir quitté l’Hôpital général aux débuts de février 1791, à la suite de sa non-prestation de serment, M. Besnard résidait à Rennes, rue Saint-Guillaume, avant l’arrêté pris par le Conseil général d’Ille-et-Vilaine, le 14 avril 1792. Il ne s’y soumit pas et ne fit pas inscrire son domicile à la municipalité, ainsi que le prescrivaient les administrateurs de ce département ; aussi flgure-t-il, le 15 juin suivant, parmi les ecclésiastiques pour lesquels les révolutionnaires rennais réclamaient au district « la déportation, ou tout au moins la réclusion provisoire », tant et si bien qu’à partir du mois de juillet, ce prêtre dut se soumettre chaque jour à l’appel nominal et ne put plus s’écarter de la ville de Rennes.

40. — Arrêté à son domicile le 14 du mois d’août 1792, M. Besnard fut incarcéré à Saint-Melaine, puis déporté d’office à Jersey, par Saint-Malo, le 14 septembre suivant.

Son passage aux îles anglo-normandes fut marqué par la plus effroyable tempête : « Placé près de lui sur le même bâtiment, où pendant une nuit entière, nous nous voyions souvent à l’instant de périr, raconte M. Carron, son compagnon d’infortune, nous étions en présence de ce juste et nous eûmes occasion d’admirer sa paix, sa sérénité, son sang-froid, au milieu d’un tumulte et de cris occasionnés par la frayeur, par l’entassement des passagers dans un espace étroit et nous l’étudiâmes durant ces heures si longues de ténèbres et d’effroi : jamais une seule parole de plainte ne sortit de sa bouche. Il ne se permettait de rompre le silence que pour nous préparer à tous les événements, pour nous animer à la confiance en Dieu, pour nous montrer cette aimable Providence, notre ineffable ressource, sans la permission de laquelle nous ne perdrons jamais un cheveu de nos têtes ».

41. — Ce bon prêtre ne put se résoudre à demeurer inactif sur la terre étrangère, alors que tant de catholiques fidèles manquaient de ministres pour leur administrer les secours de la religion. Deux mois environ après son arrivée à Jersey, vers la fin de novembre 1792, M. Besnard affronta de nouveau, sur une barque fragile les rigueurs de la traversée. Il mit pied à terre sur le déclin du jour aux environs de Cancale, ne s'arrêta pas et gagna l’intérieur du pays. Il séjourna entre autres à l’Hermitage-Mordelles, où il se faisait passer pour ouvrier agricole, travaillant le jour, à l’instar de saint Paul, pour s'assurer son pain, et la nuit accomplissant son saint ministère auprès des âmes. Afin de lui permettre de circuler plus librement, il prit même un passeport, le 16 mars 1793, auprès de la municipalité de l’Hermitage. On y relève son signalement suivant : « Taille 5 pieds 1 pouce, cheveux, sourcils et barbe châtains, yeux bleus, nez aquilin, bouche moyenne, menton court et fourché, front carré, visage ovale et plein, marqué de petite vérole ».

42. — S’étant mis en route pour revenir dans son pays natal, M. Besnard fut arrêté le 26 mars 1793, vers les 8 heures du soir par une patrouille, alors qu’il cheminait aux environs de Combourg, puis après un interrogatoire sommaire, dirigé sur Dol, puis de là sur Rennes.

Aux termes de l’article XVI de la loi du 26 août 1792, la peine qu’encourait M. Besnard en rentrant à cette époque sur le territoire français était celle de dix ans de détention. Il était justiciable, à cette occasion, du tribunal criminel et plusieurs prêtres dans son cas, ne furent jugés et condamnés qu’à cette peine. Cependant l’on tint vis-à-vis de M. Besnard une conduite toute différente. — L’apostolat que cet ecclésiastique zélé exerça auprès de ses compagnons de captivité, ayant irrité au plus haut point les révolutionnaires rennais et les ayant déterminés à chercher par tous les moyens l’occasion de le perdre.

L’abbé Carron nous a conservé la teneur d’un billet, rédigé à Rennes par M. Besnard dans la prison de la Porte-Marat où on l’avait incarcéré le 1er mai 1793. On y voit combien sont édifiants les sentiments qui l’animaient : « Ne m’envoyez rien, ni personne, jusqu’à ce que je vous écrive moi-même. Ne venez point voir vos amis ici ; dans ce moment, qui est de fureur, ne vous compromettez pas, ménagez-vous pour le strict nécessaire. La prudence l’est aussi. Faites-en usage, mais ne devançons point les moments marqués par la Providence. Que ces trois vertus marchent de front. Je suis condamné pour quinze jours au secret le plus inviolable, pour avoir épargné un sacrilège à un (prêtre) intrus.

On a, dit-on, opiné pour le « bloc ». Dieu m’a épargné cette épreuve. Je lui rends grâces, car on assure que M. Picot a eu les doigts des mains et les talons rongés par des rats pendant qu’il était au « bloc ». Le Seigneur connaît ce qui nous est le plus utile ; il ne me l’est pas sans doute d’être mutilé par les rats avant ma mort. La maladie fait des progrès rapides. Beaucoup meurent là où il ne peut pénétrer de prêtres ». Adorons les desseins de notre Maître et faisons ce que nous pouvons pour le salut de nos frères, en le priant que, par sa grâce, il supplée à celle des sacrements dont ils sont privés ».

43. — Le 2 mai 1793, après avoir décidé que le cas de M. Besnard ne pouvait tomber sous l’application de la loi du 18 mars précédent, laquelle n’avait été promulguée à Rennes que le 1er avril suivant, le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine renvoya cet ecclésiastique devant l’un des juges de paix rennais, magistrats dont la compétence était alors beaucoup plus étendue qu’aujourd’hui. Ce dernier laissa passer presque six mois entiers avant d’interroger le prisonnier. Seule l’annonce de la loi fatale des 20-21 octobre 1793 le fit sortir de sa passivité.

C’est le 24 octobre 1793 que M. Besnard comparut devant le juge de paix Lesné. Son interrogatoire, qui a été reproduit intégralement ailleurs, est à lire d’un bout à l’autre. Le confesseur de la Foi y affirme hautement sa qualité de prêtre catholique romain, son droit à jouir de la liberté de conscience garantie par la Constitution et refuse de répondre, au nom de cette même liberté de conscience, à toute question qui pouvait intéresser le ministère qu’il avait exercé depuis sa rentrée en France. Il se garda également de tout ce qui aurait pu, dans ses paroles, compromettre des tiers, et son interrogateur, n’en pouvant tirer aucun renseignement qui pût lui servir, prit le parti de le faire reconduire à son cachot ; puis il dressa son rapport et le fit parvenir au directeur du jury d’accusation du district de Rennes, — on dirait aujourd’hui le président de la chambre de mise en accusation.

Celui-ci fit subir le 25 novembre un nouvel interrogatoire à l’abbé Besnard, lequel ne nous apprend rien de nouveau concernant cet ecclésiastique ; enfin le 10 décembre, le jury d’accusation, réuni au complet, décida de renvoyer ce prêtre devant le tribunal criminel. Sans doute, les textes n’étaient pas très clairs à son égard, mais les juges révolutionnaires étaient hommes de ressources, et donner à une loi un effet rétroactif n’était pas pour les effrayer, quand il s’agissait de se débarrasser d’un « prêtre fanatique ».

44. — Après avoir subi pour la forme un nouvel interrogatoire d’identité, fort bref du reste, M. Besnard, dont le mauvais état de santé avait retardé la comparution devant le tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, M. Besnard, disons-nous, se présenta enfin devant ces juges de sang. On lui reprocha, rapporte l’abbé Carron, d’avoir porté sur lui des « signes de rébellion et de fanatisme prohibés par la Loi », qui consistaient en l’image du Cœur de Jésus et l’image du Cœur de Marie dont on l’avait trouvé revêtu lors de son arrestation : « Je rends grâces à Dieu, répondit-il à ses juges, de mourir pour avoir porté ces signes de ma foi et de ma confiance ».

M. Besnard fut condamné à mort comme convaincu d’avoir été légalement déporté sans espoir de retour en qualité d’insermenté, et d’être rentré depuis sur le territoire de la République. On eut l’audace de lui faire l'application rétroactive des articles V et VI de la loi des 29 et 30 vendémiaire an II (20-21 octobre 1791) pour justifier la peine capitale qu’on voulait lui faire subir. « Il avoit encore les jambes enveloppées de vésicatoires lorsqu’on l’entraîna au supplice ; et son extérieur calme et recueilli recélait, à son insu, écrit M. Carron, l’ineffable paix dont jouissait sa sainte âme. Jusqu’à son dernier moment, il s’entretint du ciel avec une digne fille de Saint-Vincent-de-Paul, et elle nous a montré, dit l'auteur précité, le crucifix qu’il portait souvent à ses lèvres, en exprimant les sentimens d’amour dont son cœur étoit consumé pour Jésus-Christ. Comme il avançait vers le théâtre de ses dernières souffrances, il rencontra deux habitants de la paroisse de Pléchâtel ; il leur dit (mais avec un sentiment difficile à rendre), qu’il allait mourir pour la foi de Jésus-Christ ».

On n’a pu retrouver l’acte de décès de cet admirable confesseur de la Foi, qui ne figure pas sur les registres de l’état civil de Rennes, mais il suffit, pour justifier sa mort, de reproduire ici l’inscription qui figure en marge de son registre d’écrou, mentionnant sa sortie de prison. La voici : « J.-B. Besnard, exécuté le 17 pluviôse an II républicain, ou le 5 février 1794 ».

Bibliographie. — L’abbé Carron. Les Confesseurs de la Foi de l'Eglise gallicane, 4 in-8°, Paris, 1820, t. III, p. 191-201. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, 2 in-8°, Paris, 1815, t. I, p. 521-522, — G. de Corson, Les Confesseurs de la Foi sur le territoire de l’Archidiocèse de Rennes, in-8°, Rennes, 1900, p. 10-13. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l'archidiocèse de Rennes, guillotinés en 1794, publiés d'après les documents originaux. Rennes, in-8°, 1927, aux bureaux du secrétariat de l’archevêché, p. 16-35. Toutes les pièces officielles des procès des prêtres martyrs sont reproduits in extenso dans ce recueil.

(Dossier n° 188 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement, aux archives d’Ille-et-Vilaine).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

© Copyright - Tous droits réservés.