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CROISIERE DE LA " CONFIANCE " ET PRISE DU " KENT "

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CROISIÈRE DE LA « CONFIANCE ». LA PRISE DU « KENT ».

Le corsaire Robert Surcouf (1773-1827)

La Clarisse avait beaucoup souffert dans les dernières rencontres et rentra à Port-Louis. Le capitaine Surcouf la remplaça par un corsaire bordelais, la Confiance, dont chacun vantait les merveilleuses qualités nautiques ; c'était un véritable chef-d'oeuvre de construction navale. Ses consignataires furent heureux de pouvoir le confier au meilleur des marins de la mer des Indes, qui s'occupa d'en recruter l'équipage. Or, Dutertre complétait au même temps celui du Malartic, et Surcouf apprit un matin que son ancien ami, pour avoir les meilleurs frères de la Côte, venait d'annoncer que, pendant la campagne qu'il se proposait d'entreprendre, l'équipage aurait le même régime que le capitaine. Une promesse aussi alléchante ne pouvait manquer de produire son effet sur l'esprit de gens point ennemis de la bonne chère.

« Cet hypocrite de Dutertre me payera cela, » dit Surcouf. Ayant assemblé quelque 60 garnements du port, il donna à chacun deux piastres et, après boire, les envoya se faire inscrire sur les rôles de la Confiance et sous le nom des frères de la Côte les mieux réputés. Quelques jours plus tard, ces derniers furent appelés au bureau du commissaire, et très surpris d'apprendre qu'on se proposait de les embarquer de force. Déjà le commissaire menaçait de les enfermer tous dans ce qu'il appelait sa maison de campagne, lorsque parut Surcouf, qui entreprit de les amener à ses vues. Il n'y éprouva pas grande peine. En quelques minutes et avec une promesse de 50 piastres de plus que n'en promettait Dutertre, il obtint une quarantaine d'adhésions.

Dutertre ne se tint pas pour battu : il fit publier qu'à bord du Malartic, officiers et matelots auraient part égale des prises. « Part égale ! vive Dutertre ! » crièrent les marins. « Parbleu, fit alors Surcouf, un peu dépité, nous avons choisi, Dutertre et moi, un mauvais procédé pour terminer nos différends. Un tête-à-tête de cinq minutes au Champ de Mars décidera bien mieux de l'affaire ». Il fut convenu que l'on se battrait.

Avec des hommes de ce caractère, il fallait s'attendre à ce que l'un d'eux restât sur le carreau. Ce soir-là, vers minuit, le gouverneur les fit appeler, leur dit qu'ils étaient des fous, des mauvaises têtes et termina ses remontrances en leur ordonnant de s'embrasser. Et ils s'embrassèrent ; toute haine disparut entre ces grands enfants terribles et il fut décidé que l'on tirerait au sort les frères de la Côte disponibles. Lorsque tous deux parurent en public, on les porta en triomphe.

La campagne de la Confiance commença au mois d'avril et fut pour Surcouf la plus fructueuse et la plus glorieuse de sa carrière. Il avait sous son commandement un superbe bâtiment, bon marcheur, léger, armé de 18 canons, avec un équipage de 160 marins et de 25 volontaires de Bourbon.

Quelques jours après son départ, la Confiance faisait sa première prise, un bâtiment américain, puis trois navires marchands anglais, puis d'autres et d'autres encore, au point qu'une alarme constante régnait dans les ports de l'Inde. Une forte prime était offerte à qui se rendrait maître du terrible corsaire ; des vaisseaux de guerre ne cessaient de croiser dans les parages où il était signalé. La Sybille avait été particulièrement chargée de lui donner la chasse, après qu'on lui eût fait subir un véritable déguisement pour dissimuler son armement. Les deux bâtiments se trouvèrent en face l'un de l'autre par le travers de Sadras.

Se méprenant sur l'espèce de ce navire, le Malouin s'en approche à deux lieues, mais on s'aperçoit de la Confiance que des batteries semblent masquées par des rangées de ballots et de futailles. Surcouf, intrigué, bientôt perplexe, avance toujours. Soudain, il devine la vérité ; alors, interpellant vivement ses officiers : « Messieurs, dit-il, j'ai commis une grave maladresse. C'est une leçon, j'en profiterai. Vous êtes des officiers de corsaires et non des enfants : je ne dois pas vous cacher que j'ai fait une fâcheuse découverte. Ce navire est la frégate la Sybille, déguisée. Elle a reçu la mission expresse de capturer la Confiance. Dieu merci, elle ne nous tient pas encore ».

L'anglais est maintenant presque à portée de canon. Un éclair brille dans les yeux de Surcouf. « Mes amis, habillons-nous en Anglais et faisons-nous passer quelque temps pour des goddem ». Aussitôt, il vire pavillon anglais, fait enlever par les charpentiers des morceaux de bordages, crever des embarcations, comme si son bâtiment avait soutenu un combat ; il fait équiper plusieurs de ses hommes avec un bandeau à la tête et des écharpes au bras. Lui-même s'habille en matelot et fait endosser un costume de commandant britannique à un marin anglais de son équipage, puis, s'adressant à un de ses enseignes, Bléas :

« Vous allez prendre la yole avec quatre hommes et le patron Kerenvragne et vous rendre à bord de la Sybille.

—    Bien, capitaine, dans dix minutes vous me verrez sur le pont.

—    Du tout, dans cinq minutes, je veux voir votre yole s’emplir, vous étant dedans avec les canotiers.

—    Je veux bien couler, capitaine, mais du diable si je vous comprends.

—    Soyez tranquille, Bléas. Voici 100 doublons d’or pour vous et 25 pour chacun de vos hommes. C'est pour charmer les loisirs de votre captivité, qui ne sera pas longue, j'en prends Dieu à témoin et je vous en donne ma parole d'honneur, dussé-je rendre 50 Anglais … Surtout, n'allez pas vous jeter à la nage.

—    Comment, dois-je me laisser noyer ?

—    Non, farceur, fait Surcouf en riant. Quand l'embarcation sera convenablement pleine, vous appellerez au secours en bon anglais. La Sybille mettra un canot à la mer. Comprenez-vous ?

—    Pardieu, capitaine, j'ai compris et je pars ».

Surcouf se tourne vers le patron Kerenvragne : « Prends ce gros épissoir et quand tu seras à moitié route de la frégate, flanque-moi deux ou trois bons coups dans le fond de la yole, puis, tu boiras un coup à ma santé. Et il lui glisse dans la main un rouleau d'or.

—     C'était pas la peine, dit le Breton, mais ça n'y fait rien.

—    Tu ne m'embrasses pas en partant ?

—     Comment donc, mais avec beaucoup d'agrément, » répond le brave, très troublé et renfonçant sa chique.

La yole part, pendant que la Sybille, peu confiante, démasque une partie de ses canons et vient marcher parallèlement au corsaire.

Surcouf dicte aussitôt à l'interprète improvisé commandant :

« Le capitaine du Hunter salue le commandant de la Sybille et lui offre ses respects ».

Sur une question de l'officier anglais, il explique que s'il n'a pas répondu aux signaux de la Sybille, c'est que les siens sont incomplets ; il ajoute qu'au départ de Londres, il a appris la nomination du commandant britannique à un poste supérieur.

Une si bonne nouvelle déride un peu l'Anglais. Il dit encore, cependant :

« Votre navire ressemble singulièrement à un corsaire français.

—    Effectivement, fait répondre Surcouf. Dans le golfe de Gascogne, nous avons soutenu un long combat contre un corsaire de Bordeaux, que nous avons enlevé à l'abordage. Or, le navire de Sa Gracieuse Majesté ayant souffert dans ses oeuvres vives, nous l'avons renvoyé en Angleterre avec nos prisonniers et nous avons continué notre traversée sur notre prise. J'ai trouvé à Ceylan des paquets pour vous ; je vous les envoie par cette embarcation. Je me suis permis de joindre à cet envoi deux caisses d'un rhum exquis, provenant du corsaire. — All right ! ».

Soudain, des cris s'élèvent de la yole à moitié pleine d'eau.

« By God ! dit Surcouf, voilà nos hommes en péril et je n'ai plus une embarcation capable de tenir la mer. Voulez-vous, je vous prie, envoyer à leur secours ? Salivez nos marins, nous allons courir un bord et les reprendre en revenant ».

Il ordonne les modifications de voilure nécessaires pour cette manoeuvre, qui le dégage du champ de tir des canons anglais et … la Confiance fuit à toutes voiles, pendant que l'on ramène ses marins sur la frégate. Le rire revient enfin sur le français, et c'est l'esprit délivré d'un grand poids que Surcouf s'écrie :

« Ces bons Anglais ! voyez comme ils accueillent Bléas ».

Le commandant de la Sybille s'aperçut vite qu'il s'était laissé berner et, sous le coup d'une colère bien explicable, il donna la chasse pendant toute la journée au rapide corsaire ; il ne put l'atteindre.

La navigation dans ces parages devenait dangereuse pour la Confiance. Elle prit la route des passes du Bengale, où Surcouf avait déjà pris le Triton.

Le 7 octobre, à la pointe du jour, la vigie signale une voile. « Laissez arriver, mettez le cap dessus, » commande Surcouf. Le navire semble bien gros, ce doit être quelque vaisseau de guerre de la Compagnie des Indes, mais, cette fois, le capitaine malouin peut prendre ses dispositions et n'être pas contraint de fuir comme devant la Sybille.

« Tout le monde sur le pont, toutes les voiles dehors. Branle-bas de combat ». Il fait distribuer à son équipage, heureux de se battre enfin, du café, du rhum, du bishop, et, s'adressant à ses corsaires :

« Enfants, voilà un anglais que le ciel nous envoie pour nous dédommager de la chasse que nous a donnée la Sybille. Je ne vous dissimule pas que l'affaire sera chaude, son équipage est plus nombreux, son artillerie plus puissante, aussi ne m'amuserai-je pas à le combattre au canon. Aussitôt que nous l'aurons approché, je le range à l'honneur et je l'aborde. Chacun de vous vaut mieux qu'un Anglais, je pense.

—    Oui, oui, capitaine, crient les hommes.

—    Pour prix de l'assaut terrible que vous allez livrer, je vous accorde une heure de pillage ».

Toutes les dispositions sont prises, au milieu d'un enthousiasme indescriptible. Le navire vers lequel se dirige audacieusement la Confiance est pourtant un gros vaisseau de 1.200 tonneaux de la Compagnie, le Kent. Ses sabords sont garnis de 38 canons. Il revient du Brésil et en ramène des soldats. Il porte donc 437 combattants, dont le général Saint-John. Plusieurs femmes d'officiers accompagnent leurs maris.

Apercevant la Confiance, le commandant anglais Rivington se dirige vers elle dans l'idée de l'accoster ; il est bientôt tout étonné de reconnaître que le vaillant petit navire est français. Sa force lui donnant une absolue confiance, il ne lui vint à l'esprit aucun doute sur l'issue possible d'un combat avec un si faible adversaire. Il fit même prier l'état-major et les dames de monter sur le pont pour assister à la prise d'un corsaire français ou à sa submersion.

Les deux bâtiments ne sont plus éloignés que d'une demi-lieue. La Confiance s'avance sans montrer ses couleurs.

« Diable, s'écrie soudain Surcouf, voilà que le pont est chargé de monde. Je crois y voir des soldats et des officiers de marine de guerre. Serait-ce un vaisseau trompeur ? ».

A ce moment, l'anglais tire un coup de canon de semonce ; le boulet passe par-dessus la Confiance qui marche toujours sans hisser son pavillon. Le Kent envoie toute sa bordée sans meilleur résultat. Surcouf fait coucher ses hommes sur le pont, pour les préserver de la mitraille. La Confiance a quelques avaries dans sa voilure ; elle continue d'évoluer sans répondre. Le Kent ne cesse plus le feu de ses canons. La Confiance gagne enfin la hanche de tribord. Surcouf laisse arriver, en même temps qu'il hisse le pavillon à tête de mort des corsaires malouins. Il essuie encore une nouvelle bordée. Le petit mât de perroquet tombe à la mer : « Tout le monde debout ! » commande le capitaine d'une voix de stentor : l'équipage se lève d'un bond, avec une clameur formidable. L'artillerie de la Confiance commence enfin à envoyer des boulets et de la mitraille, et bientôt, les deux bâtiments se heurtent en une terrible étreinte.

Les grappins d'abordage sont lancés, et, pourtant, les Anglais ne se sont pas encore bien rendu compte du danger qui les menace. La réalité leur apparaît terrifiante, lorsqu'ils voient les corsaires français bondissant comme des fauves par-dessus les bastingages. Les dames s'enfuient épouvantées. « A l'abordage ! A l'abordage ! » rugit Surcouf. A ses côtés, deux tambours battent la charge. Les Anglais se défendent avec un courage héroïque, mais, du haut des vergues de Confiance, tombe une pluie de grenades, tandis que les chasseurs de Bourbon font un feu continu sur le groupe des officiers anglais.

Cependant, les corsaires ne cessent de passer sur le Kent, en se servant de leur vergue de misaine comme d'un pont que les soldats anglais criblent de balles. Les matelots de Surcouf ? occupent maintenant le gaillard d'avant et le pont ; les Anglais se sont concentrés sur les passavants. Tout à coup, ils s'aperçoivent que c'est maintenant sur leur propre bord que retentit la charge diabolique. Surcouf est, en effet, passé sur le Kent ; les deux pelotons d'abordage sont réunis et se ruent sur les Anglais : c'est un corps à corps effroyable. Derrière le rideau formé par ses hommes, Surcouf fait retourner et charger à mitraille deux des canons du gaillard d'avant du Kent ; il crie : « Ouvrez les rangs sur les passavants ! ». La ligne des Français se sépare au milieu et des pièces partent deux jets de flammes. Le pont est jonché de cadavres.

La prise du Kent par le corsaire Robert Surcouf (1773-1827)

Le capitaine Rivington tombe en brave.

« Mes amis, s'écrie Surcouf, le capitaine anglais est tué, la victoire est à nous. A la hache ! maintenant. Rien qu'à la hache le premier rang ! En serre-file les officiers avec vos piques ! ».

Son sabre sanglant à la main, il se jette en avant. L'on entend les terribles coups de ces bûcherons de la mort : le sang coule de toutes parts, éclabousse tous les visages, c'est un carnage affreux. Le pont est conquis ; le pavillon d'Angleterre amené.

Cependant, le second du Kent organise la défense de la batterie : il fait pointer deux canons à défoncer le gaillard d'arrière. Surcouf s'aperçoit à temps de son intention ; il se précipite dans l'intérieur du navire. C'est un nouveau corps à corps dans l'obscurité. Les Anglais se défendent encore dans l'entrepont, mais leur résistance est devenue inutile ; il leur faut s'avouer vaincus.

Surcouf est remonté sur le pont ; il crie : « Bas les armes ! Plus de mort, plus de sang. Le Kent est à nous. Vive la France ! ».

On cesse de tuer, mais pour commencer le pillage. Il vient au corsaire un regret d'avoir fait cette promesse à ses marins, car le pillage a toujours été le côté honteux de la guerre. Il s'efforce d'en atténuer les conséquences, entoure de sa protection les malheureuses dames que l'on a retrouvées blotties dans une cabine et arrête au bout d'un instant la terrible curée.

Les prisonniers furent embarqués sur un trois-mâts arabe et renvoyés à terre, après qu'ils eurent donné leur parole d'honneur que serait libéré des pontons anglais pareil nombre de Français, dont ceux qu'avait gardés la Sybille.

La prise du Kent fit du corsaire malouin la terreur des Anglais dans les Indes. On a affirmé que, pendant de nombreuses années, dans la colonie, des mères menaçaient leurs enfants du terrible corsaire, comme les femmes de Syrie lu nom du roi Richard.

Le retour à Port-Louis de Surcouf fut un nouveau triomphe. Mais, encore une fois, il s'éleva un différend avec l'administration de la marine qui exigeait la moitié d'une considérable quantité d'or en barres et en poudre, capturée sur le Kent. A ces prétentions, Surcouf opposa un refus catégorique et trancha la difficulté avec une énergie de décision qui fait que rien ne peut étonner d'un tel homme. Le jour où l'on vint apposer les scellés à bord de son navire, il donna l'ordre de transporter barils et caisses sur le pont et, sous les yeux des commissaires, les fit jeter à la mer en une véritable pluie d'or. Il y en avait pour près d'un million de francs (Philippe Descoux).

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