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ROBERT SURCOUF

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Le corsaire Robert Surcouf

Robert Surcouf (1773-1827) est un corsaire, né à Saint-Malo.

Il s'immortalise durant les guerres que la France livre à l'Angleterre pendant la 1ère République et l'Empire.

Ses principales croisières furent celles de l'Emilie, la Clarisse, la Confiance et le Revenant.

Ses deux prises les plus brillantes sont celles du Triton et du Kent.

Ayant abandonné la mer, il se fit armateur et mourut à Saint-Servan, dans sa propriété de Riancourt.

Les corsaires de l'île de France. — Surcouf négrier. — Ses premières courses. — Ses démêlés avec le gouverneur de l'île de France. — Garneray. — Portrait de Surcouf. — Expédition de la Confiance. — Revue de départ. — Au large !. — Navire sous le vent ! — Le Kent. - Les Anglaises sur le pont.— La part du diable. — L'abordage. — Un crampon auxiliaire. — Les Français sur le gaillard d'avant. — Mort du capitaine Rivington. — Prise du gaillard d'arrière. — Prise du Kent. — Retour à Port-Maurice. — Surcouf revient en France ; son mariage. — Sa dernière expédition dans la mer des Indes. — Un jeune fanfaron. — Fin de Surcouf. 

La République ne pouvait envoyer que de faibles secours à ses colonies de la mer des Indes. Nos possessions dans l'Hindoustan étaient tombées au pouvoir de l'ennemi. Seules, les îles de France et de Bourbon (cette dernière devenue la Réunion) avaient, par des prodiges d'héroïsme, repoussé toutes les attaques et fait respecter le pavillon national au milieu de l'abandon général. 

L'île de France avait fait mieux. Armant de nombreux corsaires, elle jeta la terreur dans la mer des Indes. C'est en vain que le gouvernement britannique envoya une forte escadre bloquer cette île. Les habitants supportèrent la famine sans donner les moindres marques de découragement. Ils armèrent 2 frégates et 1 brick pour débloquer leurs ports. C'est avec cette faible escadre que le brave commandant Renaud attaque 2 vaisseaux ennemis. Il les désempare complètement et les force de quitter la croisière pour se réparer. 

Sa victoire permet aux corsaires de recommencer leurs déprédations. Des centaines de navires marchands tombent entre nos mains. Les négociants de Londres poussent des cris de désespoir. Pitt cherche à apaiser ses compatriotes en leur disant, du haut de la tribune, que l'Angleterre sera toujours assez riche si la France est ruinée. 

Le capitaine Lebrun, l'intrépide Malrousse et surtout le fameux Surcouf jetaient dans le plus grand trouble le commerce des ennemis. Nous regrettons que l'espace nous manque pour raconter tous leurs exploits ; mais nous ne pouvons passer sous silence ceux de Robert Surcouf, le Jean Bart de la Révolution. 

Ce célèbre corsaire naquit, le 12 décembre 1773, à Saint-Malo où il mourut le 8 juillet 1827. Il appartenait par sa mère à la famille de Duguay-Trouin. D'un caractère fougueux et indiscipliné, il se sauva du collège à l'âge de treize ans. On l'embarqua pour les Indes. Il fit preuve de tant d'intrépidité et de sang-froid pendant le naufrage du navire qu'il montait que son capitaine le prit pour lieutenant (1791). Après plusieurs voyages à Madagascar et à l'île de France, il fit clandestinement la traite des noirs, abolie par la Convention. 

Pris en flagrant délit, il évite les poursuites dont il allait être l'objet, en menaçant les commissaires chargés de visiter son navire de les conduire au milieu des nègres s'ils ne certifient, par acte en bonne forme, qu'on l'a accusé à faux. Les commissaires, effrayés, lui donnent le certificat demandé. 

Peu après, il obtint le commandement de l'Emilie, de 4 canons et de 30 hommes d'équipage. Il demanda inutilement au gouverneur de l'île de France des lettres de marque. Il partit alors sous le fallacieux prétexte d'aller aux Séchelles chercher des approvisionnements de grains pour la colonie (1795). Mais quand il revint à Port-Maurice, en mars 1796, il ramena avec lui 5 vaisseaux qu'il avait pris en route. L'un d'eux ne portait pas moins de 26 canons et de 150 hommes.

Le corsaire Robert Surcouf

Le gouverneur Malartic confisque ses prises et traite Surcouf de pirate. Le marin revient en France ; il en appelle au Directoire et au conseil des Cinq-Cents qui lui donnent gain de cause. Le hardi Malouin se voit adjuger une somme de 1.700.000 francs. Il se contente de réclamer 660.000 francs au gouverneur colonial. 

En 1798, il reprend la mer sur la Clarisse, portant 14 canons. Sept riches prises établissent sa réputation et sa fortune. 

La Clarisse, fort endommagée, refusant tout service, il arme en guerre un excellent bâtiment, la Confiance, et se dispose à reprendre le cours de ses audacieuses entreprises. 

Parmi les volontaires qui accourent se placer sous les ordres d'un si redoutable corsaire, il s'en trouve un qui devait devenir bien célèbre, lui aussi, non comme marin, mais comme peintre de marine. 

Après mille mésaventures, Garneray, dont on admire aujourd'hui les tableaux dans nos musées, cherchait à s'engager à bord d'un bâtiment corsaire, lorsqu'il fut présenté, dans un salon de Port-Maurice, à un jeune homme de vingt-quatre à vingt-cinq ans, simplement mis, mais d'un air fier et hardi, d'un regard perçant, qui lui promit sa protection et commença, sans l'avoir jamais vu, par le tutoyer comme s'ils eussent été amis depuis dix ans. 

Le corsaire Robert Surcouf

« Quoique d'une taille élevée, — environ cinq pieds six pouces, — il était replet et de forte corpulence, nous apprend Garneray dans ses Mémoires. Cependant on devinait sans peine à la charpente vigoureuse de son corps qu'il devait posséder une force et une agilité musculaires vraiment extraordinaires. 

Ses yeux, un peu fauves, petits et brillants, se fixaient sur vous comme s'il eût voulu lire au plus profond de votre cœur. Son visage, couvert de taches de rousseur, était un peu bronzé par le soleil ; il avait le nez légèrement aplati et ses lèvres, minces et pincées, s'agitaient sans cesse.

Au total, il semblait un bon vivant, un joyeux convive, un solide marin, et il éveilla toute ma sympathie. Seulement le tutoiement dont il s'était servi vis-à-vis de moi ne me plaisait que médiocrement, et je me permis de lui faire sentir cette inconvenance. 

L'inconnu avala d'un seul trait son grog brûlant et reprit : — Voilà qui est convenu, Garneray ; à partir d'aujourd'hui, tu m'appartiens. Je t'attache à ma personne en qualité d'aide de camp. — Je te remercie beaucoup, lui répondis-je ; mais je voudrais bien savoir d'abord quel est ton nom. — Mon nom ! s'écria l'inconnu en éclatant de rire. Ah ! tu ne sais pas mon nom ?... Je suis capitaine de corsaires et je me nomme Robert Surcouf. Ce nom, auquel je ne m'attendais pas, produisit sur moi une impression profonde et me fit battre le cœur. Quoi ! ce gros et grand garçon, si jeune, si rond, si jovial, disons-le, si vulgaire, n'était autre que ce célèbre corsaire, l'honneur de la France et l'effroi des Anglais, dont j'avais souvent entendu parler par les meilleurs marins avec admiration et respect ! ».

Laissons Garneray, l'écrivain auquel nous avons emprunté les lignes qui précèdent, nous raconter l'expédition de la Confiance dans la mer des Indes. Nul ne peut mieux que lui se faire l'historien de la prise du Kent, qui est l'épisode le plus étonnant, le plus merveilleux, de la vie extraordinaire de Surcouf.

« Deux jours avant l'appareillage de la Confiance, dit-il, eut lieu ce que l'on appelle la revue de départ, c'est-à-dire que les matelots se rendirent au bureau des classes pour se faire inscrire, reconnaître, et surtout pour toucher des avances. 

Rien n'est plus original ni plus amusant pour un observateur que d'assister à ce spectacle : ici, c'est une femme éplorée qui, au milieu des larmes que lui arrache le départ de celui qu'elle aime, trouve moyen de ne pas perdre de vue la somme qu'on lui avance et finit par s'en emparer presque en entier. 

Plus loin, c'est une épouse acariâtre et franchement rapace, que son malheureux mari comble de prévenances inusitées, pour tâcher de soustraire une partie des piastres qu'il vient de toucher.

Enfin, ce sont des créanciers qui, après avoir profité de la tentation irrésistible que produit toujours le crédit sur le marin, se jettent, oiseaux de proie affamés, sur le prix de ses travaux et de ses dangers futurs.

Ici la lutte prend un caractère d'acharnement féroce réellement curieux : le matelot furieux et le créancier implacable se livrent à des assauts de discours dignes, certes, des héros d'Homère.

Le dénouement est que le premier finit par être forcé de donner plus qu'il ne voudrait ; le second, par recevoir infiniment moins qu'il ne demande, et tous les deux se séparent en s'accablant de malédictions réciproques.

Trois heures après la revue sonne l'heure du départ. Avant de se séparer, on s'embrasse .... 

Au large !... les rames s'agitent, et l'on s'éloigne. Toute la population de la ville a envahi les quais pour voir appareiller la Confiance. Bientôt l'équipage est sur le pont ; les voiles sont déployées ; on entend comme un éclat de tonnerre : c'est le dernier coup de partance. Au commandement de Surcouf, le navire tourne sur sa quille, les voiles s'orientent au bruit des sifflets des maîtres, des hourras et des chants tumultueux de l'équipage.

La Confiance s'élance en creusant un sillon qui montre qu'elle saura franchir cent lieues par jour.

Adieu, délicieuse île de France ! Qui sait si nous te reverrons jamais, paradis enchanté du marin ? A présent, nous appartenons au hasard.

Le lendemain de notre départ, nous capturâmes un trois-mâts américain que l'on expédia à l'île de France. Puis nous établîmes une croisière de la côte malaise à la côte de Coromandel, en remontant le golfe du Bengale.

En moins d'un mois, nous capturâmes 6 magnifiques navires, tous richement chargés.

Une fois nos prises expédiées, notre équipage se composait encore de 130 Frères de la Côte déterminés. De temps en temps nous étions chassés par des croiseurs anglais de haut bord, et il nous fallait prendre chasse devant eux, ce qui humiliait un peu notre amour-propre national ; mais nous nous consolions facilement en songeant que notre métier était de combattre pour la fortune, mais non pour la gloire. 

Le 7 août 1800, nous cinglions vers le Gange, lorsqu'on entendit la vigie du mât de misaine crier : " — Navire sous le vent ! — Est-il gros ? demande le contre-maître. — Très-gros ! — Eh bien ! tant mieux ! dirent les hommes de l'équipage ; les parts de prise seront plus fortes ".

Surcouf s'élança sur les barres du petit perroquet. Une fois rendu à son poste d'observation, il braqua sa longue-vue sur l'horizon. " — Laisse arriver ! " s'écria-t-il. 

Un charivari infernal suit cet ordre : la moitié de l'équipage qui, repose en ce moment dans l'entrepont, se réveille en sursaut, s'habille à la hâte, sans trop tenir compte de la décence, et envahit précipitamment les panneaux Dour satisfaire sa curiosité ; en un clin d'œil, le pont du navire se couvre de monde ; on s'interroge, on se bouscule, on se presse en montant au gréement ; chacun veut voir !. 

Surcouf réunit son état-major ; tout le monde est du même avis : le navire en vue est un vaisseau de guerre de la Compagnie des Indes, qui se rend de Londres au Bengale et qui, en ce moment, serre le vent pour nous accoster sous toutes voiles possibles. Ce navire doit-il nous faire monter à l'apogée de la fortune ou nous jeter, cadavres vivants, sur un affreux ponton ? On risquera la captivité pour acquérir de l'or ! L'or est une si belle chose, quand on sait, comme nous, le dépenser follement !.

—Toutes voiles dehors ! hèle Surcouf.... Du café, du rhum, du bischop ! Faites rafraîchir l'équipage !.... Branle-bas général de combat !.

Branle-bas ! répète en chœur l'équipage avec un enthousiasme indescriptible.

Les préparatifs terminés, on déjeune. Les rafraîchissements accordés par Surcouf font merveille.

Cependant le vaisseau ennemi grandit à vue d'œil ; à dix heures, ses batteries sont parfaitement distinctes ; elles forment deux ceintures de fer parallèles, de 38 canons ! 26 sont en batterie, i2 sur son pont ; c'est à faire frémir les plus braves !.

Un insolent et brutal boulet part du bord de l'ennemi pour assurer ses couleurs anglaises. A cette sommation d'avoir à montrer notre nationalité, un silence profond s'établit sur la Confiance. Irrité de notre lenteur à obéir à ses ordres, l'anglais nous envoie toute sa bordée.

Après les trois solennels coups de sifflet de rigueur, le maître d'équipage commande : " Chacun à son poste ! " et le silence s'établit.

Une chose qui nous surprit au dernier point et nous intrigua vivement fut d'apercevoir sur le pont du vaisseau ennemi un gracieux état-major de charmantes jeunes femmes qui, vêtues avec beaucoup d'élégance, nous regardaient, tranquillement abritées sous leurs ombrelles, comme si nous n'étions pour elles qu'un simple objet de curiosité.

Surcouf promet aux matelots la part du diable (le pillage) pendant deux heures pour tout ce qui ne sera pas de la cargaison.

A cette promesse magnifique, l'équipage, ne pouvant plus modérer sa joie, poussa une clameur qui dut retentir jusqu'au bout de l'horizon.

— Savez-vous bien, capitaine, dit un jeune enseigne nommé Fontenay, que tous ces cotillons juchés sur la dunette du navire ennemi ont l'air de se moquer de nous ? Regardez ! Elles nous adressent des saluts ironiques, et nous font de petits signes avec la main qui peuvent se traduire par : " Bon voyage, messieurs ! on va vous couler ! Tâchez de vous amuser au fond de la met ! Oh ! que nous allons nous divertir ! ".

— Voilà aussi des messieurs habillés de rouge, semblables à des écrevisses bouillies, dit à son tour l'enseigne Vieillard ; ils nous tournent le dos en haussant les épaules.

" — A plat ventre tout le monde ! " crie le capitaine.

Dans ce moment, l'ennemi nous envoie sa bordée de tribord à demi-portée. Un heureux hasard nous protégeait, — sans doute la chance de Surcouf, — car cette trombe de feu ne nous toucha même pas.

Nous recevons une troisième volée tirée à petite portée de mousquet. L'orage de fer inonde, notre pont et nous enlève notre petit mât de perroquet.

La Confiance s'élance alors sur l'ennemi avec la rapidité provocante d'un oiseau de proie. Ombragée par les voiles du Kent, elle rase sa poupe majestueuse, se place contre sa muraille de tribord et se cramponne après lui avec ses griffes de fer.

Ici se passe un fait singulier, et qui montre mieux que ne pourrait le faire un long discours combien l'audace de Surcouf dépassait de toute la hauteur du génie les calculs ordinaires de la médiocrité.

Son agression a été tellement hardie que les Anglais ne l'ont pas même comprise : en effet, nous croyant hors de combat par suite de leur dernière bordée, et ne pouvant soupçonner que nous songeons sérieusement à l'abordage, ils se portent en masse et précipitamment sur le couronnement de leur navire, pour choisir leurs places et pouvoir jouir, tout à leur aise, de notre défaite et de nos malheurs.

Que l'on juge donc quelle dut être la stupéfaction de l'équipage du Kent lorsque, au lieu d'apercevoir des ennemis écrasés, abattus, tendant leurs mains suppliantes et invoquant humblement des secours qu'on se propose de leur faire acheter par le mépris et par l'injure, il voit des marins pleins d'enthousiasme qui, les lèpres crispées par la colère, les yeux injectés de sang, les narines gonflées, s'apprêtent, semblables à des tigres, à se jeter sur eux. 

Ce spectacle est pour eux une chose tellement inattendue que, pendant quelques secondes, les Anglais ne peuvent en croire leurs yeux. Bientôt, cependant, l'instinct de la conservation les rappelle à la réalité, et ils abandonnent le couronnement du Kent avec plus de précipitation qu'ils n'en ont mis à l'envahir.

Les deux navires sont bord à bord et accrochée par les grappins ; nos vergues amenées presque sur le bastingage du Kent présentent à nos combattants un pont qui les conduit sur son gaillard d'avant. 

— A l'abordage ! s'écrie Surcouf d'une voix qui ressemble à un rugissement et n'a plus rien d'humain.

" — A l'abordage! " répète l'équipage.

En ce moment, les flancs des deux navires, poussés l'un contre l'autre par la puissante dérive du Kent, se froissent en grinçant avec une telle violence qu'ils menacent de s'ouvrir ou de se séparer. Notre bonne chance ne nous abandonne pas : au même moment, une des lourdes ancres du vaisseau anglais s'accroche dans un sabord de la Confiance et rompt une partie de ses pavois qui craquent et se déchirent en lambeaux.

" — C'est un fameux crampon auxiliaire ! " s'écrie Surcouf.

Drieux, officier aussi intrépide que capable, conduit l'escouade d'abordage avec autant de valeur que de présence d'esprit. Les officiers anglais, trahis par leurs brillants uniformes, commencent alors à tomber sous les balles infaillibles de nos chasseurs de Bourbon.

Un simple nègre, nommé Bambou, avait parié ses parts de prise qu'il serait le premier à bord du Kent. Il gagna sa gageure. Armé d'une hache et d'un pistolet, il s'est affalé du haut de la grande vergue au beau milieu des Anglais qui, stupéfaits de son audace, le laissent se frayer un sanglant passage à travers leur foule et rejoindre sur l'avant l'escouade de Drieux, qu'il va seconder dans ses efforts.

La vergue de misaine de la Confiance, toujours posée sur le bord ennemi, et l'ancre de ce vaisseau qui n'a pas quitté notre sabord, sont continuellement couvertes par nos matelots qui passent sur le Kent. Les Anglais ont beau foudroyer ce dangereux passage, quelques-uns de nos hommes tombent, mais pas un ne recule.

Bientôt, grâce à l'adresse de nos chasseurs bourbonniens, au talent de nos bâtonnistes, à l'enthousiasme de tout le monde, nous sommes maîtres du gaillard d'avant du Kent. Mais ce point important ne représente que le tiers du champ de bataille. La foule des Anglais entassés sur les passavants n'en devient que plus compacte et plus impénétrable. 

Enfin le capitaine du Kent, nommé Rivington, homme de cœur et de résolution, comprend qu'il est temps de combattre sérieusement les malheureux aventuriers qu'il a si fort dédaignés d'abord. Il se met donc à la tête de son équipage qu'il dirige avec beaucoup d'habileté.

Malheureusement pour lui, Surcouf est maintenant à son bord, Surcouf que la mort seule peut en faire sortir ! L'intrépide Breton, planant du haut des pavois du Kent, agit et parle en même temps. Son bras frappe et sa bouche commande.

Les soldats anglais, juchés sur leur drôme et derrière le fronton de leur dunette, abattent quelques-uns de nos plus intrépides marins. Nous devons alors envahir la drôme et l'emporter d'assaut ; quelques minutes nous suffisent pour cela. 

Deux pièces de canon, que nos marins sont parvenus à charger en cachette de l'ennemi et à rouler sur l'arrière, se démasquent rapidement et vomissent leur mitraille, jonchant à la fois de cadavres et de débris humains les passavants, les deux bords du gaillard d'arrière et ceux de la dunette.

Ce désastre affreux ne fait pas perdre courage aux Anglais et — prodige qui commence à nous déconcerter — les vides de leurs rangs se remplissent comme par enchantement.

Depuis que nous avons abordé, nous avons presque tous mis, terme moyen, un homme hors de combat. Nous devrions donc être maîtres du Kent. Eh bien ! nous ne sommes cependant pas plus avancés qu'au premier moment, et l'équipage que nous avons devant nous reste toujours aussi nombreux.

A chaque sillon que notre fureur trace dans les rangs ennemis, de nouveaux combattants roulent du haut de la dunette et viennent remplacer leurs amis inanimés. C'est à perdre la raison.

Le capitaine Rivington, atteint par un éclat de grenade, rend le dernier soupir. Surcouf s'empare du gaillard d'arrière et de la dunette. Les Anglais lâchent pied et se précipitent dans les écoutilles, hors du bord, dans les panneaux, sous les porte-haubans et surtout dans la dunette.

Surcouf fait fermer les panneaux sur nos ennemis ; nous sommes vainqueurs ! Pas encore. Le second du Kent, ayant sous la main toutes les munitions en abondance, fait pointer dans la batterie, en contre-bas, des canons de 18 pour défoncer le tillac du gaillard et nous ensevelir sous ses décombres. 

Surcouf devine cette intention ; il se précipite dans la batterie ; il fait un horrible carnage.

Enfin les Anglais se rendent ; notre victoire est complète : tout combat cesse. Seulement nos matelots réclament la part du diable, qui leur a été promise. Surcouf est forcé, esclave de sa parole, de leur accorder deux heures de pillage, mais il met les Anglaises à l'abri de toute insulte. Parmi elles se trouvait une princesse allemande, la fille du margrave d'Anspach, qui suivait dans l'Inde son mari, le général Saint-John.

En juillet 1800, les deux vaisseaux de la Compagnie anglaise des Indes The Kent et The Queen, tous deux de 1.500 tonneaux et portant chacun 38 canons, transportaient plusieurs compagnies d'infanterie et différents officiers et passagers à Calcutta, lorsque, se trouvant dans la baie de San-Salvador, au Brésil, le feu se déclara à bord du The Queen, qu'il consuma entièrement. Son compagnon de route, The Kent, recueillit alors à son bord 250 marins et soldats du vaisseau incendié, ce qui porta son équipage à 437 combattants, sans compter le général Saint-John et son état-major.

— Parbleu ! mes amis ! s'écria Surcouf, nous pouvons nous vanter d'avoir assez bien employé notre journée. Il nous a fallu escalader, sous une grêle de balles, une forteresse trois fois plus haute que notre navire et combattre chacun trois Anglais et demi. Je savais à quel formidable équipage nous allions avoir affaire ; mais pas si bête de le dire, pour décourager l'équipage !.

Le second du Kent nous avoua ensuite que le capitaine Rivington, avant le commencement de l'action, avait eu la galanterie de faire avertir ses passagères que, si elles voulaient assister au spectacle d'un corsaire français coulé à fond avec son équipage, elles n'avaient qu'à se rendre sur la dunette. 

" — Le fait est, ajouta le second, que je ne puis me rendre encore compte comment il peut se faire que je me trouve en ce moment votre prisonnier et que le pavillon du Kent soit retourné sens dessus dessous en signe de défaite ".

Le lendemain de l'amarinage de notre prise, la Confiance rencontra un trois-mâts more qu'elle fit mettre en panne et sur lequel elle transborda ses prisonniers.

Les avaries des deux navires réparées, M. Drieux passa avec 60 hommes à bord du Kent, dont il prit le commandement, et nous nous dirigeâmes, naviguant bord à bord, vers l'île de France.

Jamais je n'oublierai l'enthousiasme et les transports que causèrent notre apparition et celle de notre magnifique prise parmi les habitants de Port-Maurice.

Les créoles nous assassinaient de délicieux sourires et d'œillades provoquantes. Nous ne savions plus où donner de la tête.

— Eh bien ! Garneray, me dit un jour Surcouf, je mets sous peu à la voile pour Bordeaux, où je dois conduire une riche cargaison. Tout viveur et rond que tu me vois, j'ai un sentiment dans le cœur qui m'obsède et me harcèle sans cesse. Je vais en France pour me marier ! ».

Le corsaire Robert Surcouf

En effet, le 29 janvier 1801, Surcouf, commandant la Confiance, mettait à la voile pour Bordeaux ; après une traversée accidentée au possible et que je regrette vivement de ne pas avoir faite, il trouva, en arrivant, les passes de la Gironde bloquées et parvint à débarquer la riche cargaison de la Confiance à la Rochelle, où il mouilla le 13 avril suivant.

Quant à son mariage avec celle qu'il aimait, Mlle. Marie-Catherine Blaize, il eut lieu à Saint-Malo le 8 prairial de l'an IX, ou, si l'on aime mieux, le 28 mai 1801. On voit que Surcouf menait aussi rondement les affaires de sentiment que celles de sa profession. Le corsaire breton avait alors vingt-sept ans.

Possesseur d'une grande fortune, Surcouf se tint tranquille jusqu'à la rupture de la paix d'Amiens. Bonaparte lui offrit alors le commandement de deux frégates avec un grade supérieur ; il refusa, pour conserver son indépendance. Malgré ce refus, il fut décoré. Il devint armateur et lança plusieurs corsaires qui firent une guerre acharnée aux Anglais.

En 1807, las de son long repos, il prit le commandement du Revenant, de 18 canons, et se mit en route pour l'Inde. Chemin faisant, il rencontra un négrier et s'en empara après un combat qui donna lieu à une scène assez plaisante. En quittant Saint-Malo, il avait embarqué, comme volontaire, un jeune homme qui lui avait dit d'un ton bien décidé : 

— Je vous préviens, capitaine, que tant que je serai sur le corsaire nous n'irons pas sur les pontons, car, s'il faut amener, je me charge de mettre le feu aux poudres.

En face du danger, le jeune fanfaron sentit son courage l'abandonner ; son fusil devint, entre ses mains, une arme inutile. Surcouf, qui le surveillait, s'écria : 

— Le premier lâche qui quitte son poste, je lui brûle la cervelle !.

Ces paroles maintiennent le volontaire qui parvient à maîtriser sa frayeur ; mais lors de l'arrivée à l'île de France on le débarqua.

— L'exemple d'un poltron pourrait être contagieux, lui dit Surcouf.

Apprenant son retour, la Compagnie des Indes promit un sac de roupies (250.000 francs) à qui s'emparerait du terrible Malouin. Un journaliste de Calcutta ne craignit pas d'écrire :

« Nous espérons voir bientôt ce trop célèbre pirate enfermé dans une cage de fer ; on le montrera aux habitants de Calcutta comme une bête féroce ».

Surcouf, en lisant ces injures grossières, sourit de mépris.

— Ils ne me tiennent pas ! dit-il.

Puis il partit pour le golfe du Bengale ; il y prit, coula ou brûla une grande quantité de navires anglais.

Archi-millionnaire, il revint à Saint-Malo jouir dans sa patrie du fruit de ses travaux. Jusqu'à sa mort, il s'occupa d'armements. Il éprouvait un grand plaisir à étendre les relations de la France en occupant beaucoup de marins. 

Jules Trousset

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Le corsaire Robert Surcouf

Nous avons suivi, pour l'étude qui suit, la biographie du corsaire, par M. ROBERT SURCOUF, ancien sous-préfet, son cousin.

1. - L'ENFANCE DE ROBERT SURCOUF. (cliquez sur le lien)

2. - ROBERT SURCOUF DEVIENT CORSAIRE. (cliquez sur le lien)

3. - CROISIERE DE ROBERT SURCOUF SUR LA " CLARISSE ". (cliquez sur le lien)

4. - PRISE DU " KENT" PAR ROBERT SURCOUF SUR SON BATEAU LA " CONFIANCE ". (cliquez sur le lien)

5. - ROBERT SURCOUF ET BONAPARTE - CROISIERE SUR LE " REVENANT ". (cliquez sur le lien)

6. - ROBERT SURCOUF DEVIENT ARMATEUR. (cliquez sur le lien)

7. - LA FAMILLE SURCOUF. (cliquez sur le lien)

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