|
Bienvenue ! |
Trégastel pendant la Révolution et l'Empire. |
Retour page d'accueil Retour " Ville de Trégastel "
Presque à l'extrémité occidental du département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), proche du Finistère, la petite commune de Trégastel offre ses entassements de rochers en bordure de la Manche. Sa superficie n'est que de 700 hectares ; sa population, qui ne comptait que 638 habitants en 1790 (D. Tempier. Rapport de l'archiviste départemental au préfet des Côtes-du-Nord, août 1891), ne dépasse guère aujourd'hui 1.200. Elle appartenait alors au canton de Perros-Guirec et au district de Lannion ; elle appartient aujourd'hui au canton agrandi du même Perros, et à l'arrondissement du même Lannion.
Pendant longtemps, Trégastel ne fut le séjour que de quelques écrivains, de quelques artistes, avides de repos, qui aimaient sa sauvagerie et son silence. Aujourd'hui, ce suprême refuge est violé : de nombreux baigneurs en font leur séjour de prédilection. Mais que de temps cette commune est restée ignorée, les yeux tournés vers la mer où se récolte le goëmon, indifférente à toutes les convulsions humaines !.
Et pourtant Trégastel possède ses archives, ramassées dans une boîte poussiéreuse, trois registres, dont le dernier sert encore aux délibérations du Conseil municipal, et qui ne sollicitent guère la curiosité des chercheurs. D'ailleurs qu'y pourraient-ils trouver ? Rien, sans doute ; et c'est justement là que réside l'intérêt de ces registres. A les lire, il semble que rien ne se soit passé depuis que le premier d'entre eux a été ouvert c'est inattendu et plein d'enseignements !
Nous avons dépouillé avec soin le premier de ces registres, le plus poussiéreux, le plus délabré. Il se rapporte à la période qui s'étend du mois de septembre 1790 au mois de novembre 1837, et nous voudrions suivre, pour ainsi dire, au jour le jour, la vie chétive de cette petite commune lointaine pendant la Révolution et l'Empire.
I.
Le 20 septembre 1790, le Conseil municipal, exclusivement composé de paysans, ayant Yves Le Tensorer pour maire, et Yves Ropers pour procureur de la commune, décide d'accorder 66 livres à Pierre-Yves Guillou, administrateur du district de Lannion et ménager de la paroisse de Pleumeur-Bodou [Note : Petite commune du même canton de Perros-Guirec, joignant Trégastel à l'est], pour le paiement de ses frais pendant les vingt-deux jours qu'il a employés comme électeur à la nomination des corps administratifs du district et du département.
En novembre, sur une lettre de Nayrod [Note : Alexandre-Marie Nayrod, né à Plufur, le 6 septembre 1756, procureur, notaire et officier municipal à Lannion. Sous la Révolution, il exerce la profession d'avoué. Elu le 22 germinal an V (11 avril 1797), membre du Conseil des Anciens, son élection fut annulée au 18 fructidor, comme entachée de royalisme], procureur-syndic du district de Lannion, la municipalité demande le maintien du district, tel qu'il est constitué, sans donner, au reste, aucune raison de son attitude [Note : Il s'agit évidemment de la réunion des paroisses de Trézélan, Botlézan, Guénézan, des trêves de Lanneven et de Saint-Norvez pour former une commune nouvelle autour de l'abbaye de Bégard. Ces paroisses et ces trêves étaient répartis dans les trois districts de Guingamp, Lannion et Pontrieux. Le district de Lannion possédait Botlézan et Lanneven. La commune de Bégard fut érigée par un décret de la Convention du 26 mai 1793 et affectée au district de Guingamp].
Le 26 décembre 1790 est publié le règlement qui fixe la coupe du goëmon du 3 février suivant au 19 mai et les conditions dans lesquelles elle peut s'effectuer. Chaque année, le registre reproduira à peu près la même délibération.
Pierre-Jérôme Guiomar, recteur de Trégaslel et son curé François Kergoat, le 13 février 1791, refusent le serment civique.
Le 10 juillet, l'on décide d'envoyer deux gardes nationaux [Note : L'on n'a aucun renseignement sur la création de la garde nationale] à Lannion, pour le renouvellement du pacte fédératif.
Le 20 novembre, la municipalité subit certaines modifications : François Thomas est nommé maire de la commune et François Nicol, procureur ; et l'année se termine (26 décembre) par le fameux règlement relatif la coupe du goëmon : il y est désormais spécifié que toute infraction à ses stipulations, comme de couper le goëmon la nuit, le dimanche ou les jours de fête, etc., entraînera une amende de 4 francs, qui seront employés « aux urgentes nécessités de la commune ». De fait la municipalité prononce une amende le 19 février 1792. Le procureur de la commune a déclaré qu'un certain Le Cren est allé avec sa femme et ses enfants, conduisant une charrette attelée de trois chevaux, au port de Trégastel, le dimanche 5, couper et charroyer du goëmon. Quand quelqu'un s'est approché pour « observer et prendre connoissance et pour connoître les contrevenents, le même Le Cren s'estant aperçu s'est ellancés avec furie et violence à courir après les observateurs lesquels furent obligés de s'enfuir et d'abandonner leur sabots, de courir avec précipitation pour se sauver la vie sans quoi le même Le Cren les auroit maltraités par (au moyen de ..) une crocq à sier qui tenoit (qu'il tenait) pour cet effet, profèrent le saint nom de Dieu les menacents par jurements et blasfemme, etc. ». Et après avoir rappelé l'ordonnance de 1681, la municipalité, tenant compte que Le Cren est un blasphémateur le condamne à 12 francs d'amende « laquelle somme sera versée aux mains de la mère de charité pour en tenir compte.. ».
Les municipaux de Trégastel sont, on le voit, fort catholiques, et pour que tous les habitants de la commune aient des facilités d'assister à la messe, ils ont demandé, le 22 janvier précédent, à ce qu'elle soit dite une fois par mois dans la chapelle Sainte-Anne-des-Roches et la chapelle Saint-Golgon.
Le 25 mars, ils ordonnent le paiement de 60 francs au marchand lannionnais Pierre-Emmanuel Le Noir qui a remis en état la croix d'argent de l'église et « l'a garantie cinq ans ».
Le 17 juin, ils nomment docilement en qualité de commissaires, maître Yves Guillou et l'ancien maire Yves Le Tensorer, pour se joindre aux commissaires du département et du district chargés de la « circonspection » (circonscription) de leur succursale, mais le 12 juillet, ils protestent « contre la nouvelle de la suppression de leur paroisse » et son annexion à Perros-Guirec. Que tout au moins l'annexion ait lieu à Pleumeur-Bodou.
Jusqu'ici, les anciens prêtres, quoique réfractaires, avaient continué à exercer leur culte, mais le 16 septembre, le recteur Pierre-François Guiomar se présenta à la municipalité, et déclara, en application de l'article 2 de la loi du 26 août, « se retirer par dever le district de Lannion pour se présenter au Directoire afin de se conformer à l'article 8 de la loi susdattée ». Il remettait 46 registres de sépultures (de 1747 à 1792), 92 registres de baptêmes et de mariages (de 1700 à 1792) et quelques autres registres non spécifiés [Note : Nous n'avons pu savoir ce que ces registres étaient devenus]. Le 29 octobre, l'on procédait à l'inventaire des objets mobiliers servant au culte. Dans l'église, on nota une croix d'argent pesant « 17 livres ou environ », « l'encensouaire » avec sa chaîne, 2 livres 1/2, « la boit de l'encens et sa cullaire » 1/2 livre ; dans les chapelles, rien. Le 8 décembre enfin Louis Lagain était élu officier de l'état civil.
Mais cette municipalité, attachée à son clergé et à son culte, n'éprouve pas les mêmes sentiments pour les nobles, et, le 21 octobre, elle donne procuration à François Prigent pour faire en sorte de recouvrer « 300 livres de droits féodaux payés en trop par le corps politique de la paroisse au cy-devant signeur de Trogoff ».
La fin de l'année voit le renouvellement de la municipalité. Yves Le Tensorer redevient maire et le secrétaire de la commune, François Le Bivic, est élu procureur. Le 2 avril 1793, Joseph Le Tensorer allait le remplacer au secrétariat.
Le 13 janvier, l'on avait résolu de s'entendre avec les communes voisines pour commencer la coupe du goëmon le 25, mais cet accord ne se renouvela pas.
Au mois de mai, la crainte de la guerre s'étant fait sentir, le Conseil décide de faire une pétition pour obtenir des armes de manière à protéger Trégastel, « la paroisse la plus avancée dans la Manche britannique ».
Vers ce moment, nous trouvons mention de Jean-Corentin Roux ou Le Roux comme curé ou vicaire constitutionnel. Il est probable qu'il avait été élu au mois de juin 1791, mais qu'il avait parfaitement supporté la concurrence de l'insermenté. Il devait au reste faire parler de lui à la fin de l'année.
Sur ces entrefaites, un décret du 10 juin 1793, ordonnait d'appeler tous les citoyens à délibérer sur le partage des communaux. La municipalité les convoqua pour le 1er septembre ; mais presque personne ne s'étant présenté, la réunion fut remise au 15. L'assemblée décida « d'en jouir en commun ».
Le 9 novembre est fait mention, sur le registre, du mariage de Marie-Jeanne Geffroy, fille mineure, avec Joseph-Jean Lissillour.
Et alors se produit l'événement singulier dont le curé Le Roux fut le héros. Le 24 décembre, il ne célébra pas la messe de minuit, ni pareillement l'office du lendemain. Cependant les paroissiens, réunis dans l'église et le cimetière, attendaient en vain. Le maire, accompagné de plusieurs officiers municipaux, se rendit auprès du « citoyen » Le Roux qui les reçut fort mal et déclara que les fidèles pouvaient aller chercher « leurs prières » où ils voudraient. Ils revinrent néanmoins dans la soirée, et Le Roux, calmé, s'excusa sur ce qu'il était ivre.
On ne devait pas lui en tenir rancune. Le décret du 14 frimaire an II (3 novembre 1793) ayant supprimé la charge de procureur de la commune et l'ayant remplacée par celle d'agent national, bien que la nécessité d'une assemblée ne se fit pas sentir, l'on en convoqua une dans l'église, le 6 janvier 1794, qui désigna François Le Bivic, procureur en exercice. Or, cette assemblée fut présidée par le curé constitutionnel Le Roux.
Une nouvelle assemblée se tint le 24 nivôse [Note : C'est à cette date que l'on fait usage du calendrier républicain, répandu dans le département depuis la fin de vendémiaire] (13 janvier 1794) à l'effet de nommer un « Comilé de surveillance et révolutionnaire », suivant une lettre du district de Lannion du 9 nivôse (29 décembre) relative à la loi du 21 mars 1793. Les douze membres qui furent désignés étaient François Thomas, Yves Le Penhuel, Pierre Le Cren, Yves Le Bivic le jeune, Jean Corentin Le Roux, Jean Platinec, Mathieu Toudic, François Nicol, François Le Bivic (de Golgon), Jacques Lasbleiz le vieux, Yves Le Guern, François Le Bras. Le secrétaire en était Jean Le Guillouzer. C'est à Le Roux qu'échut la présidence pour le premier mois.
Le 3 floréal an II (22 avril), François Ropers était nommé commissaire pour la confection du salpêtre.
Le 28 (17 mai), sur arrêté [Note : Arrêté du 14 ventôse (4 mars 1794)] du représentant Le Carpentier [Note : Jean-Baptiste Le Carpentier, aucien huissier à Valognes, député de la Manche. Il était arrivé à Saint-Malo au début de nivôse et exerçait sa mission sur la Manche, l'Orne et les départements bretons moins la Loire-Inférieure], Le Roux déposa ses lettres de prêtrise, datées du 23 septembre 1769. « Le même déclare qu'ayant toujours cherché de tout son pouvoir l'affermissement de la République française et l'anéantissement de tous ses ennemis, abdique absolument ses fonctions sacerdotales, persuadé que la tranquillité et le bien public le demandent ».
Le culte fut donc suspendu officiellement jusqu'au 25 messidor an III (13 juillet 1795). Cependant les cérémonies extérieures furent maintenues, et le 20 vendémiaire an III (11 octobre 1794), en donnant un successeur au « sacriste » démissionnaire, il est stipulé qu'il sonnera la cloche « au temps nécessaire et l'angelus ».
La moisson approchant, le 30 prairial an II (18 juin 1794), l'on procède à la fixation du prix de la journée de travail pendant la récolte. La journée est comprise du soleil levant au soleil couchant.
Hommes de 1ère qualité : 15 sols.
Hommes de 2ème qualité : 12 sols.
Hommes de 3ème qualité : 10 sols.
Filles de 1ère qualité : 12 sols.
Filles de 2ème qualité : 10 sols.
Filles de 3ème qualité : 7 sols.
Domestiques pour la récolte (entre le 25 messidor [13 juillet] et le 11 brumaire (1er novembre).
Hommes de 1ère qualité : 36 livres, 1 paire de sabots, 1 chemise.
Hommes de 2ème qualité : 33 livres, 1 paire de sabots, 1 chemise.
Hommes de 3ème qualité : 27 livres, 1 paire de sabots, 1 chemise.
Femmes et Filles de 1ère qualité : 33 livres, 1 paire de sabots, 1 chemise.
Femmes et Filles de 2ème qualité : 24 livres, 1 paire de sabots, 1 chemise.
Le « journal de charoi » : par voiture, à 8 livres.
La fin de l'an II ne fut plus désormais marquée que par quelques réquisitions de grains et d'objets relatifs à la fabrication du salpêtre.
Le 21 vendémiaire an III (12 octobre 1794), Yves Ropers se présentait « pour l'instruction et l'enseignement des élèves qui se proposeront pour être par lui instruits conformément au décret de la Convention du 29ème jour de frimaire an 2 » (19 décembre 1793).
Aujourd'hui 10 brumaire l'an 3 (31 octobre 1794) de la République françoise une et indivisible, nous, maire, municipaux et notables de la commune de Trégastel s'étant assemblés au lieu ordinaire de nos séances pour des affaires commune et particulières, et en l'endroit il s'est présenté Mari Janne Le Merrer fille légitime de Gilles Le Merrer et du deffunct Corentine Salaün, ses pères et mères, icelle âgé de vingt et deux ans, laquelle nous a déclaré devant la municipalité qu'elle était grosse et enceinte hors du mariages environ six mois laquelle nous a aussi déclaré qui a été l'auteur du mal fait la personne de Hiaceinthe Le Floch, domicillié sur notre commune et non originaire, et en quonséquences nous chargeons ladite Marijeanne Le Merrer et son père présent de prendre toute les soins et précaution pour la conservation et nourriture de son fruits. Fait et arretté ce jour et an que devant...
Le 13 frimaire (3 décembre 1794), la municipalité déclare ne pouvoir faire face aux réquisitions, faute d'avoine.
Le 21 pluviôse (9 février 1795), en exécution d'un arrêté pris à Rennes par les représentants Bollet, Boursault, Guezno, Guermeur et Brue (Cf. Guiffrey. Les Conventionnels), elle nomme trois gardes territoriales [Note : Ces gardes territoriales devaient surtout convaincre les habitants des campagnes des avantages de la République. Ils ne devaient faire usage de leurs armes que pour défendre la sûreté des personnes et les propriétés].
Le 25 messidor (13 juillet), le culte reprend officiellement. L'on nomme Christophe Le Lannou en qualité de curé constitutionnel. Le Lannou accepte, moyennant l'adhésion de l'évêque Jacob [Note : Jean-Marie Jacob, recteur de Lannebert, élu évêque constitutionael des Côtes-du-Nord. Il fut incarcéré au château de Quintin pendant la Terreur pour avoir refusé d'abdiquer].
Le 19 vendémiaire an IV (11 octobre), le prêtre Yves-Marie Le Bonniec déclare vouloir exercer le ministère du culte dans l'étendue de la commune.
II.
La constitution de l'an III créait des municipalités cantonales. Chaque commune devait désigner pour y siéger un agent et un adjoint.
La vie politique de Trégastel va donc à peu près disparaître pour être portée au chef-lieu de canton, Perros-Guirec. - Dans certains cas cependant l'agent et l'adjoint réunissaient les principaux habitants : mais il ne s'agit guère que de la coupe du goëmon, de la reconstitution de la garde nationale et de la nomination de ses chefs.
Du 12 floréal an V (1er mai 1797) au 10 germinal an VII (30 mars 1799), le registre ne mentionne absolument rien.
Les actes les plus importants sont les élections. Le 24 brumaire an IV (15 novembre 1795), François Thomas est élu agent par 31 voix sur 86 votants, et Jean Daniel, adjoint, par 29 voix. Celui-ci est remplacé le 13 germinal an V (2 avril 1797) par François Le Bivic le jeune.
Au renouvellement du 10 germinal an VII (30 mars 1799), Yves Le Tensorer est élu agent et Nicolas Le Goff, adjoint.
Durant cette période, nous n'avons guère noté, à la date du 2 floréal an VII (21 avril 1799), que la déclaration de grossesse d'une orpheline, Francine Le Luron. L'agent Le Tensorer lui ordonne de veiller « pour que sa fruité veint à croître pour être bon chrétien ».
III.
Puis c'est le Consulat. François Thomas et François Le Bivic, nommés, l'un maire, l'autre adjoint, sont installés le 20 fructidor an VIII (7 septembre 1800) et font la promesse de fidélité à la Constitution de l'an VIII.
Le 8 nivôse an IX (29 décembre), une modification est apportée dans le règlement relatif à la coupe du goëmon. Toute infraction entraînera 50 francs d'amende et la confiscation du harnois.
Le 15 pluviôse (4 février 1801), la municipalité nomme Joseph Lissillour à la fonction de secrétaire-greffier à charge de faire l'école. Il recevra 60 francs par an et se déclarera catholique et attaché à la République.
Les mois passent, et le 18 pluviôse an X (7 février 1802), résolution est prise d'adresser une requête au Conseil de Préfecture contre Louis Salaün, Louis Allain et Gilles Allain qui ont enclos certaines terres vagues contre tout droit.
On constate, le 26 floréal an XI (16 mai 1803) que les oblations rapportent 36 francs, que le presbytère est en mauvais état de réparations, et qu'il manque pour environ 150 francs d'objets nécessaires au culte.
Le 12 pluviôse an XII (2 février 1803), l'on installe en qualité de marguilliers nommés par le Préfet [Note : Jean-Pierre Boullé, ancien député de la sénéchaussée de Pontivy aux Etats généraux, ancien commissaire du Directoire Exécutif auprès de l'administration centrale du département du Morbihan ; préfet jusqu'à la Restauration à Saint-Brieuc. Il y mourut à la fin de l'année 1814] François Le Bivic le jeune, François Keraudren et Jean Thomas. Ils élisent caissier Le Bivic.
Un an après environ, le 21 pluviôse an XIII (10 février 1805), le Conseil municipal complété prête le serment d'obéissance aux constitutions de l'Empire et de fidélité à l'Empereur.
Le 19 prairial (8 juin), il prend connaissance d'une lettre du sous-préfet [Note : Le Grontec, avocat à Guingamp, membre des directoires du District, nommé en l'an VIII sous-préfet de Lannion], relative au droit d'octroi. La barrique de vin paiera 6 francs, l'eau-de-vie paiera 12 francs par barrique ou 5 centimes par bouteille.
Le 5 janvier 1807, devant Malécot, géomètre et Guiomar, contrôleur des contributions, avis favorable est donné à une pétition des habitants des villages de Kerjanneganbian, Kerjanneganbras, Kerguntuil et Prenguiler qui demandent à être détachés de Pleumeur-Bodou, pour être rattachés à Trégastel, d'où ils sont beaucoup plus près.
Dans le courant de 1808, l'on donne également un avis favorable aux diverses poursuites à engager contre certains tenanciers de convenants, débiteurs de rentes à l'église, pour être payées depuis l'an XI.
Le 11 juillet, l'on installe deux nouveaux marguilliers désignés par le préfet : François Thomas et Jean Bernable, dont l'un, en remplacement du maire Jean Thomas, décédé. L'adjoint François Le Bivic devient maire et François Stéphany est nommé adjoint.
Le 17 décembre, en réponse à une circulaire préfectorale du 14 octobre, la municipalité refuse de s'abonner à l'octroi, pour la raison que, dans la commune, trois propriétaires seulement déclarent posséder chacun une barrique de cidre. - L'on reviendra sur cette décision le 8 décembre 1809 et l'on proposera de fixer l'abonnement pour 1810 à 96 francs.
C'est encore en 1808, le 28 décembre, que l'on assigne, sur leur demande, des maisons aux agents des douanes.
Désormais, il ne sera plus guère question que des comptes des marguilliers, de la coupe du goëmon, de la réparation des chemins vicinaux qui sont et sont restés souvent impraticables.
En 1810, on constate qu'il n'existe que deux aubergistes à Trégastel. On en trouverait aujourd'hui un bien plus grand nombre.
Le 15 décembre de la même année, François Stéphany est nommé maire, et Jean Bernable adjoint.
Le 6 avril 1811, l'on procède à l'installation du conseil de fabrique qui est formé de François Thomas et Yves Guillou, nommés par le Préfet, de François Keraudren, Nicolas Quemper et Yves Le Couls, nommés par l'Evêque [Note : Depuis le Concordat, l'évêque était Caffarelli] « faisant tous profession de la religion catholique ». Les fabriciens désignent François Thomas comme caissier.
Enfin la commune crée sa bibliothèque - bibliothèque composée d'un unique volume. Mais cet événement paraît capital au secrétaire-greffier, qui en mentionne l'acquêt en ces termes sur le folio 70 du registre, qui ne contiendra pas d'autre indication [Note : Par exception, nous reproduisons les bizarreries graphiques de l'original].
Ordonnance de Louis quatorze Roi de France est de Navarre, donnée à Fontainebleau au mois d'aout mil six cents quatre vingt une touchant la marine.
Table des livres est titres contenus en cette ordonnance.
Livre premier des officiers de l'amirauté est de leur jurisdiction,
Ceu Livre apartien à la commune de Trégastel asthé (acheté) de sieur maître Herves Le Dret pour le pris de neuf franc une fois payer. Faites à Trégastel ce jour vingt octobre milhuit cents onze.
Puis la commune se nomme un garde champêtre, le 22 mai 1812 : c'est « Modest Nesnout, époux de Marie Le Dû ».
Le 5 août 1813, en présence des employés des droits réunis, l'on procède au renouvellement de l'abonnement de l'octroi. Des considérants, nous extrayons ce court passage : Considérant que l'hydromel, dont il se fait heureusement peu de consommation dans la commune, est une boisson pernicieuse à la santé, que par ce motif elle doit payer une plus ford droit que le cidre et la bière est d'avis d'aptober (adopter) le règlement et tarif suivants.
Le règlement, en 35 articles, suit effectivement, mais le tarif manque. Il est finalement décidé que l'abonnement s'élèvera en 1814, pour Trégastel, qui compte alors 709 âmes, à 130 francs. La délibération est signée de Louis Lagain, Yves Le Guern, Pierre Le Goff, Nicolas Quemper, Noël Keraudren, Rolant Thomas.
Le 26 septembre 1814, les membres de la municipalité prêtaient le serment à la monarchie « Je jure et je promets à Dieu de garder aubéissance et fidélité au Roi, etc. » [Note : Les mêmes devaient le 26 avril 1815 prêter le serment de fidélité à l'Empereur].
IV.
Telle fut la vie de la commune de Trégastel pendant ces années troublées de 1790 à 1815. Les officiers municipaux se bornent au strict minimum dont ils étaient obligés de tenir compte. Pour tout le reste, ils restent figés dans un particularisme étroit. Un gouvernement ou l'autre, qu'importe ! Ils ne frémissent ni d'enthousiasme, ni d'angoisse. Les événements extérieurs n'émeuvent pas ces hommes rudes comme leurs rochers. Leur église, leur goëmon, leurs chemins vicinaux ces questions suffisent à emplir leur vie.
Et combien y a-t-il de communes de France sur lesquelles la Révolution et l'Empire n'exercèrent pas une plus grande influence que sur la commune bretonne de Trégastel ? (Léon Dubreuil).
© Copyright - Tous droits réservés.