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CHAPITRE DE LA CATHEDRALE DE TREGUIER : Coutumes, Usages, Revenus, Charges et Privilèges des Chanoines.

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Tréguier est une petite ville en la coste septentrionale de la Basse-Bretagne, et donne son nom à tout le diocèse qui est borné d´Orient de l'Evesché de Saint-Brieuc, d'Occident de celuy de Léon, du Midy de celui de Cornouailles, et du Septentrion de l'Océan britannique. Le Chapitre de ce diocèse était composé de cinq dignités, à savoir du Trésorier, du Chantre, de l'Archidiacre de Tréguier, de celui de Plougastel, du Scholastique ; — de quatorze chanoines, six vicaires, un maître de psalette, les musiciens et le bas-chœur. (ALB. LE GRAND, Catalogue des Evesques de Tréguier).

Dans les archives de la paroisse de Louannec, j'ai eu la bonne fortune de découvrir deux cahiers de notes, écrites sans suite, « par un chanoine de Tréguier » avec cette suscription qu'on a tenté d'effacer, sur la couverture du parchemin de l'un de ces inventaires « Mémoire des actes qui sont dans les archives du Chapitre de Tréguier, par M. Burlot, pour son utilité ».

A quelle date remonte cet écrit ? A 1759 environ, d'après un reçu signé de l'auteur, d'une somme de 120 livres due pour la ferme et la dîme de Tonquédec au chapitre de Tréguier. Comment ce Mémoire s'est-il trouvé mêlé aux papiers de l'église de Louannec ? Je présume qu'il y a été déposé par M. Philibert-François-Joseph de Parthenay, gouverneur de la chapelle de Saint-Fiacre, de la cathédrale de Tréguier en 1731, puis recteur de Louannec, en 1764, et années suivantes.

La cure de Tréguier ne possède guère de documents sur le temps passé ; l'incendie de 1632 avait détruit la sacristie et les archives de la bibliothèque y attenant. La Révolution a disséminé presque tout ce qui en était resté. C'est par un heureux hasard que ce mémoire a été sauvé. Il relate des faits qui me paraissent intéressants pour l'histoire de la vieille ville épiscopale.

Les noms des seigneurs, des terres, des rues dont il est fait mention dans ce mémoire me sont assez familiers. J'ai essayé de mettre un certain ordre à ces notes, tout en exprimant ici le grand regret de n'être pas compétent pour offrir un travail complet ou satisfaisant sur une matière aussi riche en souvenirs. Du moins j'emploierai ma bonne volonté à mettre au jour ce qui regarde le culte de saint Yves dans l'église où reposait son corps, les honneurs rendus à sa mémoire, la dévotion des fidèles au glorieux thaumaturge, les fondations pieuses faites dans la cathédrale et à Kermartin par les évêques, les chanoines, les ducs de Bretagne, et les seigneurs du pays de Tréguier.

Je diviserai ce travail en deux parties. La première traitera du Chapitre de Tréguier, des coutumes et usages, des revenus, charges, privilèges des chanoines.

La seconde partie est consacrée aux fondations, confréries établies à Tréguier et à Kermartin ; puis sont mentionnés les avantages spirituels et indulgeuces accordés par les papes, les privilèges concédés par les ducs de Bretagne et les rois de France à la cathédrale et au Chapitre de Tréguier.

Il m'a semblé que le seul moyen de coordonner toutes ces matières diverses c'était de les présenter dans l'ordre chronologique, autant que possible.

CHAPITRE DE TRÉGUIER
Coutumes, Usages, Revenus, Charges et Privilèges des Chanoines.

1° – COUTUMES ET REVENUS.
Tréguier était divisé en deux archidiaconés celui de Tréguier, et celui de Plougastel. Ce qui les séparait, c'était la rivière de Lannion tout ce qui est au delà de cette rivière est de Plougastel, qui relève pour la plupart de ses paroisses du présidial de Quimper, savoir ce qui ressort des Cours royales de Morlaix et de Lanmeur. « Plou-Hastel, ou Plougastel, pays du château, de la forteresse, paraît dès le VIème, ou VIIème siècle, dans la plus ancienne Vie de Saint Tugdual, et a persisté jusqu'en 1789 pour désigner un archidiaconé compris entre la rivière de Lannion, la rivière de Morlaix, la Cornouaille et la mer ». (De la Borderie, Hist. de Bretagne Ier v. p. 124).

Le revenu de l'archidiacre de Plougastel consistait en sa maison qui vaut 150 livres, plus les dîmes de Plouigneau, et des droits seigneuriaux près de Morlaix, par exemple la coutume de la Foire-Haute, et d'autres droits comme celui de visite qui est de 3 liv. 12 sols par paroisse. Dans le faubourg de la Madeleine, près de Morlaix, il y avait deux rangées de maisons pour lesquelles il relève du roi, et qui sont tenues par des particuliers sans payer aucunes charges, rentes, rachats ni ventes à qui que ce soit, sinon qu'il est dû pour un droit de prémices à l'archidiacre six sols par an pour chaque ménage, le tout avec la Foire-Haute, parce qu'il les tiendra à titre de prières et de fondation. (Arrêt du Parlement du 27 avril 1610).

L'archidiaconé de Tréguier avait, comme revenus, les dîmes et prémices de Plouisy et de Trévé, et la maison archidiaconale. De plus, l'archidiacre avait droit à sa part des obits et fondations, et le droit de visite qui était, comme nous l'avons dit, de 3 livres six sols par paroisse. Il ne pouvait avoir de maison prébendale s'il y avait déjà une prébende avec l'archidiaconé, d'après un arrêt donné en 1701 contre messire des Landes. L'archidiaconé de Tréguier n'était que la troisième dignité du Chapitre Nous en parlerons à l'article préséance.

Dès 1493, il y a des preuves certaines que le Chapitre de Tréguier, sous l'épiscopat du seigneur Robert Guibé [Note : D'argent à 3 gemelles de gueules : accompagnées de 6 coquilles d'azur 3. 2. 1. au chef d'or] percevait le droit de coutume sur les étaux et boutiques qui se levaient pendant la foire du grand pardon, aux environs de la Cathédrale. Ces boutiques s'étalaient depuis le ruisseau de la rue Cornuest (aujourd'hui rue Colvestre) à la maison de Crec'hanguez, laquelle était près de la porte ouest de l'église. Le fermier du temporel de l'Evêché s'étant permis d'exiger des marchands un sol par boutique, fut condamné à restituer au Chapitre, par sentence du 7 juin 1493, et signée I. Loz.

La métairie du Porzou, en Tonquédec, rapportait au Chapitre annuellement 30 boisseaux de froment, mesure de Lannion. Le fermier, Yves Richart, se permit de détériorer la ferme et d'abattre des arbres. Une sentence rendue en la Cour royale de Tréguier, le 16 août 1574, signée Guillemot, le condamna à en laisser la jouissance aux seigneurs du Chapitre, et pour réparer le tort causé par la destruction des bois, il dut payer 300 liv. d'amende et les dépens, tant au civil qu'au criminel (Nic. de Trogoff, chan. et Ol. de Cadlen, chan. scholastique).

La Prévôté, la Fougeraye-rouge et la Ville-Blanche appartenaient à l'Evêché. La Prévôté était la maison dans laquelle résidait le Prévôt, à Tréguier, près de la cohue ; elle dépendait en 1750 de la chapelle de Saint-André, avec le moulin du Traou-Meur, dans Trédarzec. La Fougeraye était en Prat La Ville-Blanche en Rospez.

Lorsque mourut en 1479 et non en 1491, (comme l'écrit Albert le Grand), Messire Christophe du Châtel, le duc François II adressa aux Sénéchal et procureur de la Roche-Derrien mandat de voir les titres des chanoines et Chapitre justifiant leurs droits de disposer des revenus de la Prévôté, Fougeraye-rouge et Ville-Blanche durant la vacance du Siège. Une enquête est dressée, et information prise à l'instance des seigneurs du Chapitre devant F de Rosmar, sénéchal, et Merien Cozic, procureur de Tréguier, commis à cet effet par le conseil du duc. Ce dernier s'adjugea ces revenus, et chargea de les percevoir Laurent Drouillart, qui, sentant tout l'odieux du procédé, écrit au Chapitre une lettre dans laquelle il s'excuse de se permettre cette levée, le siège vacant. Il reconnaît lui-même qu'il blesse les droits des chanoines, parce qu'ils jouissaient de ces biens, en pareilles occurrences. L'original de cette lettre fut déposé à la Cour des Comptes, à Rennes, et la copie dans les archives du Chapitre L'acte est du dernier jour de février 1479, et signé Math. de Gloéquen.

Le Chapitre proteste contre les prétentions du duc. Sur la remontrance faite par Mre Roland de Troguindy, chanoine, que le Chapitre disposait des revenus de la Prévôté, Fougeraye et Ville-Blanche, au décès des évêques de Tréguier, François II revient à des sentiments d'équité. Il déclare maintenir les chanoines dans leurs droits, les autorise à y mettre et instituer des officiers tant de juridiction que de recettes et enjoint à ses receveurs de restituer ce qu'ils avaient touché. Donné à Nantes, le 10 mars 1479. L'original signé Richart et scellé la copie collationnée par le soussignant secrétaire du Roy Coryolles.

Jean de Lézernant (Plougrescant) avait été chargé de percevoir ces rentes, le siège vacant, et rendit ses comptes à Mre Pierre Lesné, chanoine et vicaire général du seigneur cardinal de Saint-Georges, déjà nommé à l'évêché de Tréguier en 1480. Ce compte, daté du 4 mai 1480 et signé R. de Troguindy, P. Lesné, P. de Trolong, chanoines.

A la mort du seigneur Jean Calloet [Note : D'or à la fasce d'azur surmontée d'une merlette de même] en 1505 pareille difficulté se renouvelle entre le receveur du Regaire et le Chapitre, au sujet du passage de Scaff-ar-Vilin et du moulin du Traou-Meur. Les habitants de Tréguier qui demeuraient depuis le bout souzain de la cohue jusqu'au quai étaient obligés d'y moudre leur blé. L'enquête présidée par Mre Guillaume Guiscanou de Kerphéliple [Note : D'argent fretté d'azur de six pièces] chanoine et receveur de la Prévôté, fut faite devant Mre Geffroy de Kermaguer ; l'acte est du 19 janvier 1505 signé de Kernec'h. La sentence fut favorable au Chapitre.

La recette de la Fougeraye était confiée en 1543 à P. Cadier qui rendit ses comptes à noble Barth Venturino, vicaire général du seigneur Hippolythe, cardinal de Ferrare, évêque de Tréguier. Le compte rendu est signé Venturino, P. Cadier, du Mousterou et Chouant.

Le Chapitre institua en exercice de la juridiction de la Prévôté, noble Yves des Mousterou, seigneur de Kerguyomar, pendant la vacance survenue par la mort du seigneur du Hallégoët, comme il avait déjà possédé cette charge au décès de l’évêque le Gras en 1585.

A cette époque encore on voulut contester aux chanoines leurs droits aux revenus de la Prévôté, car nous trouvons à la date du 30 avril 1603, sommation faite par-devant notaire aux greffiers exerçant sous les juges royaux de délivrer au seigneur de Kerguyomar-Mousterou les extraits des oppositions par lui faites aux juges royaux sur sa juridiction à la Prévôté.

Quand mourut le seigneur évêque Guy Champion, le Chapitre interjeta appel des ordonnances et expéditions rendues par le sénéchal et les juges de la juridiction de Lannion au préjudice des chanoines de Tréguier. Leurs droits furent définitivement maintenus ; depuis cette époque, en effet, il n'en est plus question. Cet acte est du 16 octobre 1635, signé MONNERAYE.

 

LES DÉCIMES.

Sous le roi Henri II, les bénéfices du diocèse de Tréguier, chanoines et recteurs, furent imposés pour 6 ans mais cet impôt dura davantage, comme nous allons le voir. Jacques Dupont et Gme de Bot loy furent chargés de recueillir les décimes en 1561 Quatre-vingt mille livres tournois devaient être levées sur les manants et les habitants des gros bourgs de la province de Bretagne. Le diocèse de Tréguier est taxé à la somme de sept mille livres. Actes datés des mois de juillet et août 1569.

Un édit du roi Henri III autorise les ecclésiastiques du royaume à racquitter le temporel de leurs bénéfices mal vendus, à en jouir comme auparavant, ou bien à les faire de nouveau proclamer en vente au plus offrant, en payant la taxe à laquelle ils étaient tenus. Cette autorisation fut donnée à Paris au mois de février 1586. En cette même année un contrat de décimes fut signé, à Paris, entre le roi et les députés de l'assemblée générale du Clergé de France, pour dix ans ; cet acte est du 3 juin 1586, et porte les signatures : LENOIR et LUSSON.

Henri IV, par lettres patentes données à Paris, au mois de décembre 1606, permet aux ecclésiastiques du royaume de France de racquitter et réunir à leurs bénéfices les domaines et biens aliénés depuis 1561. La copie de ces lettres est collationnée aux autres copies, déférées et signées : CORYOLLES.

DIMES ET PREMICES.

Les notes de M. Burlot mentionnent sept arrêtés et sentences tant du présidial de Rennes que de Quimper en faveur des bénéfices des ecclésiastiques et recteurs des évêchés et diocèses de Dol, Saint-Brieuc, Quimper-Corentin, Léon et Tréguier, ainsi que les paroisses qui en dépendent.

D'après ces arrêts, le droit de dîmes leur aurait été reconnu et adjugé sur les lins, chanvres, foin, blé noir, fèves, pois et autres légumes. Tous ces actes ont été produits devant le Parlement de Bretagne, parce qu'il y eut réclamations à propos de la somme que devait rapporter la dîme.

Plestin, Ploumiliau, Ploezal, Plouguiel entrèrent en procès avec le Chapitre de Tréguier. La première assignation au siège présidial de Rennes est de 1636. Les lettres de relieff prises par le Chapitre sur la sentence rendue portent la date du 11 juillet même année. En 1637 les demandeurs sont reçus à articuler les faits, et à informer devant les juges des lieux. En 1638, il est dressé procès-verbal de jurée de témoins, et une enquête se poursuit devant le seigneur de Guervel, alloué à Lannion. Le procès-verbal est signé : du Bourblanc et Jaquier. Puis les notaires Gaultier et Pigeon accompagnent le seigneur de Kerflaqua (Plouguiel), chargé de priser et estimer les gaigneries des paroisses de Plouguiel et Ploezal. De nombreuses pièces sont fournies par les parties respectives, la cause est renvoyée avec les documents présentés par les membres du Chapitre et les seigneurs de Leshildry, Keralio, Kerousy (Plouguiel) et autres gentilhommes qui interviennent au procès. L'instance provoquée par le Chapitre reste pendant à Paris plusieurs années. Enfin le Parlement de Rennes prononce une sentence contre les habitants de Plouguiel le 21 septembre 1658, et contre ceux de Ploëzal le 8 avril 1659. Les présidiaux étaient seuls en province en droit de connaître des matières de dîmes ecclésiastiques.

La paroisse de Plouguiel devait au Chapitre de Tréguier non seulement la dîme des terres sujettes à la douzième gerbe ; mais elle devait une autre dîme qu'on appelait de la trente-sixième gerbe, sur plusieures pièces de terre et même des terres entières. Cette redevance se partageait entre le Chapitre, le chapelain de Lesguiel et le prieuré de Saint-Jean, de la Roche-Derrien. Disons en passant que Lesguiel avait droit de basse, moyenne et haute justice on croit que c'est de là que vient le nom de Plouguiel. De ce manoir, dont j'ai vu quelques pans de murs, il ne reste aujourd'hui rien. Plus loin nous verrons que le prieuré de la Roche Derrien fut annexé au séminaire de Tréguier : c'est ce qui explique ce qui suit :

Le fermier du Chapitre, celui du chapelain de Lesguiel et celui du séminaire s'assemblent tous les ans avant la moisson, pour partager les dîmes des terres de l'Armor, du Milieu et du Launay, sujettes à la douzième gerbe. On en fait trois lots le plus également possible ; c'est ce qu'on appelle faire le dépois. Le fermier du séminaire est chargé de ce soin ; ceux du chapelain et du Chapitre choisissent les premiers ; le troisième lot est au séminaire. Cette division s'est pratiquée de tout temps, de sorte que chaque fermier reçoit son lot à la douzième gerbe, pour éviter l'embarras de trois décimateurs, qui, sans cette répartition, seraient obligés de courir toute la paroisse pour percevoir concurremment le tiers de la dîme à la douzième gerbe.

Les prémices ne devaient être levées que sur un champ contenant un journal (48 ares) de chaque convenant. Ce champ était par là même exempt de dîme, parce qu'il est de principe que la prémice ne fait que représenter la dîme à laquelle elle est substituée. Le décimateur ne peut prétendra à la prémice que sur un journal de terre de 80 cordes seulement et le tenancier ne saurait étendre au-delà de ce champ le privilège à lui accordé de ne point payer la dîme. A Langoat, le Chapitre ne levait que la dime de blé noir, mais l'usage introduit dans une paroisse ne fait pas loi pour une autre. Aussi la dîme des pois et autres légumes n'est pas abolie dans les paroisses voisines, sous prétexte que Langoat en est déchargé. Il n'y a pas de prescriptions à alléguer contre le droit de dîmes. Pour s'en exempter il faudrait que ceux qui prétendent ne le devoir pas, ou du moins ne devoir que la prémice, présentassent un traité fait avec les anciens évêques d'après lequel ils seraient affranchis de ce droit. Mantallot, Lanmérin, Brélevenez, Trébeurden possédaient des fermes à dîme appartenant au Chapitre, d'après des baux sous les dates de 1641 à 1641 dûment garantis.

DROIT D'ANNATE.

C'est un revenu que percevait le Chapitre sur des cures ou rectorats par suite de la résignation ou de décès du titulaire.

Les Chapitres de Dol, Nantes, Saint-Malo, Quimper et Léon jouissaient aussi du droit d'annate mais pas Saint-Brieuc et Rennes.

Le Chapitre de Tréguier touche ces ravenus « en considération « de l'état de son église, qui, étant située aux bords de la mer, est « sujette à beaucoup de réparations à cause des dégàts produits à sa toiture par les vents et les orages. La Fabrique n'a pas 400 livres de rente, et il faut dépenser cette somme et au-delà pour vin et luminaire ; il faut de plus payer la musique, entretenir et renouveler le linge, réparer le pavé, la couverture, les vitres, etc., en sorte que, si on enlevait au Chapitre les annates, l'église tomberait bientôt en une ruine irréparable ».

D'après un inventaire fait en 1632, après l'incendie qui détruisit le trésor de la cathédrale en grande partie, au mois de septembre, il n'y avait à la sacristie qu'une « chaise peinte qui se plie, pour servir au chanoine officiant ».

Les annates variaient puisqu'elles consistaient dans les fruits rectoriaux, tantôt en froment, tantôt en livres tournois ou livres monnaie. La paroisse de Quemper-Guézennec, par exemple, en 1586, paie 458 livres 5 sols monnaie, au décès de P. Gallou, son recteur.

Il est fait mention d'une lettre de ferme faite par les chanoines et le Chapitre à Jean Le Bervet, seigneur de Kermoal, de tous les fruits rectoriaux de la paroisse de Ploubezre, pour l'annate acquise par le décès de messire Briand Merrien, recteur, et montant à la somme de huit vingt quatorze livres tournoi. Une sentence du 14 avril 1604 condamne ledit Bervet à payer, outre le contenu de sa ferme, trente-trois sommes et demie de froment dues au Chapitre de Tréguier sur les fruits de cette paroisse Des sentences semblables furent rendues au siège présidial de Rennes en faveur du Chapitre, à propos de Bourbriac et Plougasnou 1534, Ploujean 1612, Goudelin 1635.

Pour ce revenu, les chanoines devaient pourvoir au service paroissial par un prêtre à portion congrue, jusqu'à la nomination du curé ou recteur.

PORTION CONGRUE.

Il y avait des cures et des rectorats dont les bénéficiaires jouissaient de ce qu'on appelait les gros fruits : c'était un revenu en nature, quelquefois en espèces, attaché à un bénéfice. Les gros fruits de Tonquédec se montraient, pour chaque canonicat, à 14 boisseaux de froment, en 1754, pas davantage. A Tréguier, le chanoine chantre, première dignité, touchait cette même année 28 livres, 8 sols, 6 deniers ; le chapelain le plus assidu, 19 livres, 2 sols, 6 deniers. Il faut y ajouter les manuatims et le casuel des enterrements et services.

D'autres cures et rectorats étaient à portion congrue. D'après une déclaration du roi Louis XIV, en 1686, la portion congrue devait être de 300 livres. Mais quand il y avait d'autres rentes, comme une maison et un pourpris valant 150 livres, je suppose, il y avait une réduction de moitié. Il y eut de longues procédures à ce sujet pour la cure de Plestin, en 1722. D'après une consultation de Garnier, la somme de 300 livres serait due au bénéficier, quelle que soit par ailleurs la valeur du presbytère, parce que, « par dessus tout, les paroissiens sont tenus à fournir logement à leur pasteur. Il n'y aurait à valoir à la portion congrue tout au plus que les terres labourables et prairies qui s'y trouvent jointes, de sorte qu'une possession constante doit toujours faire la règle, ce qui tranche la difficulté ».

La portion congrue était payable d'avance, et cela se conçoit, puisqu'elle était pour aliments. Mais si les curés, recteurs ou vicaires jouissaient précédemment des gros fruits ou dîmes, on comptait ces revenus au prorata du temps à courir depuis le premier de l'an jusqu'à l'époque de la déclaration faite par eux d'opter pour la portion congrue. Le casuel et les offrandes n'entraient pas en ligne de comptes les paroissiens n'étaient obligés de payer la portion congrue que subsidiairement, dans les paroisses où il n'existait pas de dîme ou des revenus équivalents.

DROIT DE CHAPE.

Le droit de chape est une contribution de 24 livres environ à verser au procureur de la Fabrique pour frais de réception au nombre des chanoines de Tréguier. A Rennes ce droit était de 80 livres La Fabrique touchait aussi les fruits des prébendes, en cas de non résidence ou par défection des chanoines. Dame Marguerite Cousinet, héritière de feu Adrien d'Amboise, en son vivant chanoine de Tréguier, fut déboutée de ses prétentions, et dut laisser à la cathédrale la somme due pour droit de chape depuis la prise de possession, et ce qui était dû, d'autre part pour défaut de résidence du même chanoine. Arrêt de la Cour du Parlement, Paris, 4 juillet 1623.

RÉSIDENCE.

Sur ce point les chanoines de Tréguier étaient tellement stricts que le trésorier Henry, chanoine en 1668, prétend qu'on ne peut sortir du chœur pendant l'office, sous prétexte de dire la messe ou de confesser. Les plus anciens et les plus habiles docteurs de Sorbonne sont d'avis que ceux qui s'absentent de l'office pour dire leurs messes peuvent le faire les uns après les autres, s'il est nécessaire pour le peuple, et non pour leur commodité personnelle. On peut aussi quitter le chœur pour confesser, s'il y a défaut de confesseur dans la ville, et non autrement. C'est à l'évêque à régler cette question.

En 1631 il avait été ordonné au pointeur de marquer les absents, à chacune des trois principales heures de l'office. Le chanoine absent serait privé de la distribution, et sa part accroîtrait les portions des présents. Cet arrêt avait été lu par le procureur du roi à Lannion, en présence du Chapitre. Les chanoines répondirent qu'on en délibérerait après sa sortie. Le trésorier seul déclare se soumettre. Sur la réponse du Chapitre, les juges de Lannion portent une sentence d'ajournement contre tous ceux qui étaient présents, excepté contre le trésorier, bien entendu. Mais plus tard, le Chapitre eut gain de cause, et le 30 mai 1666, un arrêt définitif casse le jugement de Lannion, comme incompétent et nul, et il y eut, contre les juges de ce tribunal, exécutoire de 570 livres dix sols.

PRÉSÉANCE.

La préséance est un droit d'honneur attaché à une dignité, ou qui peut l'être.

A Tréguier, la première dignité était celle du chanoine chantre qui avait le pas sur tous les autres. Un arrêt du Parlement du 26 mars 1687, maintient le chanoine chantre « à faire le service et toutes les fonctions et cérémonies aux fêtes solennelles de l'année, en l’absence de l'évêque, sans qu'il ait besoin d’être nommé ou députe ad hoc par le Chapitre ». Il y est ordonné que « les chanoines ne mettront aucune affaire en délibération lorsque le chantre sera dans la ville, sinon en cas d'absence volontaire ou de maladie, et encore sera-t-il averti auparavant par ses confrères ». Le même arrêt leur défend de tenir chapitre extraordinaire et de rien délibérer aux affaires où il sera intéressé contre le Chapitre. Dans ce cas les chanoines devront se pourvoir devant l'évêque pour les questions purement ecclésiastiques, et devant le présidial de Rennes pour les questions de temporel. Il y est déclaré que le chantre est maintenu à exercer toutes les fonctions curiales sur les dignites, Chapitre, bénéficiers, chapelains et autres officiers élèves de la cathédrale ; à leur administrer les sacrements de pénitence, de communion et extrême-onction ; après leur décès, c'est lui qui doit lever le corps et l'enterrer en terre sainte. Si le chantre est absent, un autre dignitaire remplirait ces divers offices.

Un arrêt du 10 juillet 1687 donne le rang au chanoine trésorier sur le premier archidiacre, en l'église et en toutes les cétémonies. Cependant l'archidiacre a la troisième place au chœur, parce que du côté droit est la chaire de l’évêque, de l'autre côté celle du chantre, auprès duquel le trésorier a la sienne.

Dans l'assemblée de synode, sur une estrade est un fauteuil pour l'évêque, la chaire à droite est celle du chantre, celle à gauche pour l'archidiacre ; et le trésorier, comme les autres dignitaires et chanoines n'a rang qu'au-dessous, in plano, sur des bancs ou des chaises placés dans la salle simplement au-dessus des recteurs ; les deux archidiacres précèdent le scolastique.

Il y avait des chanoines élèves qui n'étaient pas admis à prendre part aux délibérations capitulaires. C'est un point de discipline qui sert à engager les chanoines à entrer dans les ordres, afin qu'ils puissent plus tard devenir plus utiles à l'Eglise. Cet état serait plus conforme à leur titre, lequel, quoique n'exigeant pas les ordres sacrés, suppose cependant quelque intention de les recevoir. L'admission d'une simple présence au chapitre, sans voix délibérante, ne donne aucune atteinte à cette règle. Du reste les chanoines élèves n'ont jamais prétendu aux honneurs de délibérante.

NOBLE CHAPITRE.

En 1681, le procureur du Chapitre à la Cour des Comptes ayant mis dans l'aveu des chanoines la qualité de « Noble Chapitre » ils ne furent pas contents de cette dénomination. Le gouverneur s'excusa par une lettre dans laquelle il marquait que les chanoines de Tréguier méritaient ce titre infiniment mieux que beaucoup d'autres qui le prenaient d'eux-mêmes. Les chanoines de la collégiale de Nantes, à la suite du chapitre de la cathédrale Saint-Pierre de la même ville, l'ont adopté.

Le Chapitre de Strasbourg avait réellement le droit de porter cette qualité, parce qu'il fallait prouver sa noblesse avant d'y entrer. Mais Tréguier n'était pas dans le même cas, puisqu'il n'était pas nécessaire d'établir cette preuve pour faire partie du Chapitre de la cathédrale de Saint-Tugdual d'où ce refus désintéressé.

MAISONS DES CHANOINES.

D'après une consulte du sieur Hervoel, en 1695, les Chanoines, et dignitaires doivent entretenir les maisons dépendant de leurs bénéfices, non seulement de réparations locatives, mais encore de réparations d'entretien, hormis les quatre gros murs, les poutres et couvertures entières. Un tiers de leur revenu y est destiné, et le Chapitre a devoir d'y veiller et de forcer chaque dignitaire et chanoine, par saisie de ses honoraires, à faire faire les réparations nécessaires. Lorsque le bénéficier meurt sans biens si le Chapitre a négligé de tenir la main aux réparations utiles à la maison du défunt, il est obligé solidairement d'en répondre au successeur, et même d'exécuter les gros travaux de réparations, s'il y a nécessité absolue. On peut dire, d'une manière à peu près générale, que les maisons anciennes de Tréguier, qui ont cour devant et jardin derrière, étaient jadis occupées par les dignitaires du Chapitre.

1° La maison du chanoine chantre, dans la rue Chanterie, est aujourd'hui habitée par Mme de Lorgueil.

2° Un chanoine aussi occupait l’hôtel occupé actuellement par M. Charles de Kerguézec, m'a t'on affirmé.

3° L'archidiacre de Tréguier demeurait dans une maison prébendale située près de la chapelle Saint-André dans la rue de ce nom. Ce manoir avait été démoli avant 1839. On voit dans une niche le glorieux martyr avec sa croix, à coté du magasin élevé sur l’emplacement de sa chapelle.

4° La maison du chanoine théologal, — en 1630 messire Julien Blandin, religieux Jacobin — était situé au haut de la rue Colvestre. En 1643 les bourgeois et habitants de la ville lui permirent d'annexer à la maison théologale la venelle qui la séparait de celle du trésorier — à cette époque messire Lhostis — et qui conduisait de la rue des Perdrix à la rue de la Mer, bouchée et rendue inutile trente ans auparavant, c'est-à-dire eu 1613. Tout porte à croire que la maison du chanoine théologal était en face de l'ancien évêché, la maison de Saint-Père comme on l'appelle, du nom du propriétaire actuel, en haut de la rue Colvestre.

5° La maison du chanoine scolastique était en face de l'entrée principale du petit séminaire actuel.

6° La psalette était dans la Rue Neuve, appelée aussi rue Saint-Yves, parce qu'elle conduit à Kermartin, près de l'ancienne chapelle de saint Ruellin [Note : Saint Ruellin était disciple de saint Tugdual et son premier successeur à l'épiscopat de Tréguier] dont il n'est plus trace.

La maison du trésorier devait, d'après les indications ci-dessus, se trouver du côté de l'ancien évêché, où est aujourd'hui l'hôtel de la famille de la Tour.

Ces données, je les dois à l'obligeance du vénérable chanoine Richard, ancien doyen de Perros Guirec, dont les premières années se sont passées à Tréguier.

Le palais épiscopal, fondé par l'évêque P. Piédou en 1432, occupait le terrain en face de la rue du Petit-Séminaire. Il fut détruit pendant les guerres de la Ligue. Le portail en est bien conservé. C'est Msr Adrien d'Amboise qui construisit l'évêché actuel, au commencement du XVIIème siècle.

EGALITÉ DES PRÉBENDES.

Le seigneur évêque de Hallégoët et messire Mathurin Lhostis, chanoine, demandèrent que les gros fruits et revenus des simples prébendes de la cathédrale fussent partagés également entre les membres du Chapitre. Naturellement quelques uns réclament, entre autres messires Nicolas de Trogoff, curé de Bourbriac, et chanoine, O. Coadelan et René Fleuriot, chanoines. La cause est portée devant le présidial de Rennes. Il fut écrit des mémoires très développés, il y eut des consultes, des plaidoyers de part et d'autre. Une sentence du 20 juillet 1602, signée Regnaux, donna raison à l'évêque. Les chanoines en appellent ; ils sont de nouveau condamnés aux dépens avec amende. Dans ses conclusions, le procureur général requiert que Fleuriot se fasse ordonner à la prêtrise dans six mois, sous peine d'être privé des fruits de son canonicat.

PRIVILÈGES DU CHAPITRE DE TRÉGUIER.

Les privilèges du Chapitre de Tréguier paraissent exorbitants ; mais leurs droits sont fondés et reposent de plus sur une tradition de plusieurs années, de plus d'un siècle. Ajoutons qu'il les a défendus avec une persévérance inffexible.

(Abbé Allain).

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